Bruce Springsteen
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Episode 8 - Se tourner vers le renouveau Américain

Renegades : Born In The U.S.A.



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POTUS BARACK OBAMA: Et tu sais, il y a une question que tout le monde veut que je te pose : Dis-moi ce que tu avais en tête quand tu écrivais Born In The U.S.A.

[Bruce Springsteen - Born In The USA s'estompe]

BRUCE SPRINGSTEEN: D'accord. Donc, Paul Schrader (5), qui a...

ENSEMBLE: ...réalisé Blue Collar...

POTUS BARACK OBAMA: D'accord.

BRUCE SPRINGSTEEN: ...m'envoie un scénario intitulé Born in the U.S.A.

POTUS BARACK OBAMA: D'accord.

BRUCE SPRINGSTEEN: Je le pose sur ma table. On est en 198...2. Je suis en train d'écrire une chanson sur le Vietnam, parce que j'avais rencontré un ancien combattant, Ron Kovic, qui avait écrit un livre intitulé Born on the Fourth of July (6). J'avais aussi fait la connaissance d'un autre vétéran, qui s'appelait Bobby Muller. Ils avaient été tous les deux blessés par balles, et s'étaient retrouvés en chaise roulante, des vétérans activistes. Je les ai rencontrés d'une étrange façon. Je traversais le désert en voiture et je me suis arrêté dans un petit magasin, et j'ai acheté un exemplaire de Born on the Fourth of July. J'ai conduit jusqu'à... jusqu'à Los Angeles. Je prends une chambre dans un petit motel, et il y a un type en fauteuil roulant près de la piscine. Au bout de deux jours, il s'approche finalement de moi et me dit, « Salut, je m'appelle Ron Kovic ». Je lui dis... Je commence à réfléchir, « Attends, Ron... Ce nom me dit quelque chose ». Il me dit, « J'ai écrit Born On The Fourth of July ».

Je me dis, « Mon Dieu, je viens juste de terminer ce livre, il y a deux semaines à peine ». Il m'a donc invité à une réunion des Anciens Combattants à Venice, j'ai passé l'après-midi là-bas, j'ai écouté, et j'ai appris. Ce qui a déclenché mon envie d'écrire quelque chose sur eux. J'avais le scénario sur la table. J'avais quelques couplets, et puis j'ai regardé le scénario, et il y avait écrit, Born in the U.S.A., et je me suis dit simplement, Born in the U.S.A. [rires] Je suis né aux U.S.A., et je me suis dit, « Oui ! Oui ! C'est ça ! C'est ça ! ».

[Bruce Springsteen - Born In The USA est jouée en fond : “Il avait une femme qu'il aimait à Saïgon... Tout ce que j'ai maintenant, c'est une photo de lui dans ses bras”]

BRUCE SPRINGSTEEN: C'est une chanson qui parle de douleur, de gloire, de la honte d'être celui que l'on est, de venir d'où l'on vient. C'est un tableau complexe du pays. Notre protagoniste a été trahi par son pays et cependant il se sent profondément attaché au pays dans lequel il a grandi.

[Bruce Springsteen - Born In The USA est jouée en fond : “Né aux U.S.A... Je ne suis qu'un vieux, depuis longtemps oublié aux U.S.A... ”]

POTUS BARACK OBAMA: La chanson a fini également par être récupérée, comme une chanson iconique, patriotique. Même si ce n'était pas nécessairement tes intentions.

BRUCE SPRINGSTEEN: Mais je pense que si la chanson a été récupérée... Premièrement, elle était puissante, et deuxièmement, l'image qu'elle développait était si fondamentalement Américaine. Mais elle obligeait le public à garder en tête deux idées contradictoires en même temps : tu peux être à la fois très critique envers ton pays et très fier de ton pays, simultanément. Et c'est un sujet sur lequel on revient beaucoup encore aujourd'hui.

[Bruce Springsteen - Born In The USA est jouée en fond, puis s'estompe]

POTUS BARACK OBAMA: Lorsque tu joues à l'étranger, quelle est la différence ? Est-ce que tu es soucieux de te dire, « Mec, j'ai besoin de montrer que je suis un chanteur de rock Américain » Ou, tu te dis juste, « C'est un public différent, et je vais être moi et... »

BRUCE SPRINGSTEEN: Oui.

POTUS BARACK OBAMA: « Et j'espère qu'ils seront réceptifs, mais peut-être pas »

BRUCE SPRINGSTEEN: Un peu de tout ça, tu vois. Nous sommes dans une situation amusante où les 2/3 de notre public se trouve en Europe. Nous avons peut-être 1/3 de notre public aux États-Unis, nous avons donc un public beaucoup plus important à l'étranger. Et je ne sais pas exactement pourquoi, mais je sais que le public a été fasciné pendant longtemps par l'histoire américaine, nos films, notre musique.

Il continue d'y avoir une profonde fascination. Le E Street Band fait passer cette dramaturgie, cette puissance émotionnelle, cette pointe de liberté, symbole d'égalité, de communauté, de camaraderie, l'envie de passer des bons moments. Nous avons essayé de créer un son aussi grand que le pays en lui-même. Nous célébrons ce qu'il y a de meilleur dans notre pays et nous critiquons ses échecs. Et je pense qu'à l'étranger, le public respecte ça, tu vois.

L'Europe a été une part importante de ma vie - raconter mes histoires là-bas et l'accueil que nous avons eu - même dans nos pires périodes. Nous avons joué devant cinquante mille personnes en France, peu après l'invasion de l'Irak. Il y a quelque chose dans la culture américaine - et le rêve de l'Amérique que tu symbolises et que nous avons essayé de symboliser avec mon groupe - qui exerce une influence culturelle énorme, où que tu sois. J'ai pas mal voyagé, nous avons joué en Afrique, en Amérique Centrale, en Inde, et à chaque fois, il se passe quelque chose. Le voyage a été extraordinaire.

POTUS BARACK OBAMA: C'est la chose qui m'a frappé la première fois que je suis entré en fonction comme Président, ce degré avec lequel... Lorsque je suis entré en fonction, le rang que l'Amérique avait occupé auparavant dans le monde s'était affaissé de manière précipitée.

BRUCE SPRINGSTEEN: Oui.

POTUS BARACK OBAMA: En grande partie suite à l'Irak (7), et l'ouragan Katrina avait écorné notre image (8), et puis nous avons été reconnus responsables de la crise financière internationale et de la grave crise qui a suivi... Les gens n'étaient donc pas forcément satisfaits de la politique américaine et du gouvernement. Mais ce que les gens savaient autour du monde, c'est que l'Amérique n'est pas parfaite. Il y a une discrimination raciale chronique. Elle est violente. Socialement, le filet de sécurité, comparé aux...

BRUCE SPRINGSTEEN: Exactement.

POTUS BARACK OBAMA: ...aux autres pays avancés, est défectueux. Parfois l'Amérique est ignorante [rires] du reste du monde. Tu entendras toutes ces critiques sur les États-Unis. Mais ce que tout le monde sait également, c'est que nous sommes la seule nation sur terre à être constitués d'une population originaire de tous les coins de la planète, de toutes les confessions, de toutes les races, de toutes les éducations, de tous les milieux économiques. Et ce qui fascine le monde, c'est de se dire, « Est-ce que ça peut marcher ? »

BRUCE SPRINGSTEEN: Mmmm.

POTUS BARACK OBAMA: Est-ce que ce creuset...

BRUCE SPRINGSTEEN: Oui.

POTUS BARACK OBAMA: ...où tout ce petit monde se retrouve, et où on met en place une démocratie où chacun est supposé détenir un vote, au moins après la Guerre de Sécession, et les amendements d'après-guerre, où on proclame que tous les hommes naissent égaux... Et si cette expérience-là marche, est-ce qu'elle pourrait être notre salut à tous ?

BRUCE SPRINGSTEEN: J'aime cette idée.

POTUS BARACK OBAMA: Et parfois, nous pouvons être sceptiques sur notre réussite, mais dans un coin de leur tête, les gens se disent aussi, « Mon Dieu, si seulement ils pouvaient réussir...

BRUCE SPRINGSTEEN: [rires]

POTUS BARACK OBAMA: « Ce serait une bonne chose ». La reconnaissance et la dignité de tout un peuple, où chacun a sa chance, et où chaque enfant peut devenir Président, et où chacun peut réussir s'il essaye.

BRUCE SPRINGSTEEN: Oui.

POTUS BARACK OBAMA: « Et si c'était vrai... Mon Dieu, ce serait grand » Tu sais, de temps à autre, nous devenons effectivement ce que nous prétendons être et quand ça arrive, le monde se sent un petit peu plus optimiste. Et à l'inverse, c'est lorsque nous ne sommes pas...

BRUCE SPRINGSTEEN: Oui. Lorsque c'est sombre. Lorsqu'on devient sombre.

POTUS BARACK OBAMA: Là les gens peuvent se dire, « Oui, tu sais quoi ? Le monde est ce qu'il est » Et... « L'Amérique se comporte comme la Chine » ou « Elle se comporte comme la Russie » ou « Elle se comporte comme les anciens empires d'Europe » ou « Nous sommes encore pris dans cette logique de la loi du plus fort, et c'est toujours le plus fort qui exploite le plus faible ».

BRUCE SPRINGSTEEN: Oui.

POTUS BARACK OBAMA: Et puis, tout à coup les gens finissent par penser, « Je présume... Je présume que je ne peux pas espérer beaucoup plus de mon pays non plus » Et...

BRUCE SPRINGSTEEN: Je pense que tu as raison, oui.

POTUS BARACK OBAMA: Mais lorsque c'est juste, c'est juste. C'est juste. Et c'est la raison pour laquelle à chaque fois que nous avons fait des erreurs, nous avons toujours été capable de retomber sur nos pattes. Et finalement, c'est pour ça que notre culture est vivante, même lorsque l'époque est sombre. C'est pourquoi les Français peuvent désapprouver à 80% l'invasion de l'Irak, et pourtant...

BRUCE SPRINGSTEEN: Et 50,000 d'entre eux...

ENSEMBLE: [rires]

POTUS BARACK OBAMA: ...assister à un concert de Bruce Springsteen...

BRUCE SPRINGSTEEN: ...poser leurs fesses sur les sièges le lendemain...

POTUS BARACK OBAMA: ...et chanter Born In The U.S.A.

BRUCE SPRINGSTEEN: [rires]

[Bruce Springsteen - Born In The USA est jouée, puis s'estompe]

BRUCE SPRINGSTEEN: Je pense que même avec quelque chose d'aussi modeste et insignifiant qu'un groupe de rock'n'roll, lorsque nous débarquons en ville, nous représentons ces idéaux-là, nous représentons cette promesse. Et nous construisons une œuvre qui reflète ça. Et nous n'oublions jamais nos défauts. Comme je l'ai déjà dit, nous sommes des patriotes critiques. C'est ce qui fait notre honnêteté. Mais nous apportons toujours de la transcendance, la promesse du pays. Et cette idée - l'idée sacrée, du style « Et si ça marchait ? » - cette possibilité-là n'est pas encore morte, elle est encore vivante et elle résonne dans le cœur du public, partout dans le monde.

J'ai consacré une partie de ma vie à m'inviter dans cette discussion, pour que nous nous rapprochions des idéaux affichés de notre pays en utilisant comme médium ma musique et mon œuvre. Nous avons constamment échoué à atteindre cet objectif pendant trop d'années, pour de trop nombreux citoyens, et cette inégalité sociale, économique, entache notre contrat social. Il revient à chaque citoyen et à notre gouvernement de faire son possible pour nous rapprocher des idéaux que nous affichons.

POTUS BARACK OBAMA: Et comment penses-tu qu'on puisse combler ce fossé ?

BRUCE SPRINGSTEEN: Il y a des choses pratiques qui semblent relever du bon sens : établir des liens politiques au-delà des frontières des partis, redécouvrir l'expérience commune, l'amour du pays, forger une nouvelle identité nationale, incluant une image multiculturelle des États-Unis, qui est une réalité aujourd'hui, ancrée dans des idéaux communs, et simplement voir à nouveau l'autre comme un Américain, qu'il soit bleu, rouge, noir, blanc. Ce sont des choses difficiles, très difficiles à accomplir, et quelle que soit la manière dont on s'y prendra, la route sera longue pour y parvenir.

[PAUSE]


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