Bruce Springsteen
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Episode 8 - Se tourner vers le renouveau Américain

Renegades : Born In The U.S.A.



****

[Le synthétiseur joue]

POTUS BARACK OBAMA: Plus tôt, nous avons parlé du sentiment qui s'impose, à l'issue de la Seconde Guerre Mondiale, d'une classe moyenne émergente, d'un monde unifié, où tu sais ce que veut dire être Américain. Et puis, il y a ces ruptures majeures, et une de ces ruptures, c'est le Watergate (9), un sujet que nous n'avons pas abordé, dont tu sais...

BRUCE SPRINGSTEEN: Énorme.

POTUS BARACK OBAMA: Tu as décris la façon dont cette doctrine, chère à Nixon, sur la Majorité Silencieuse (10) - ce qui été dénommé en interne « La Stratégie du Sud (11) » - la manière dont cette doctrine-là, pour toi et pour la première fois, t'a fait voir un Président essayer de méthodiquement, explicitement, délibérément, diviser l'Amérique.

BRUCE SPRINGSTEEN: Nous avons immédiatement perçu cette division, tu comprends. Immédiatement. La ville s'est coupée en deux, comme je le décrivais ce matin. Il y avait les hommes et les femmes des années 50, et il y avait ceux des années 60. Mon adorable beau-frère, qui a épousé ma charmante sœur en 1968 - une des années les plus agitées du Mouvement pour les droits civiques - a toujours été un homme des années 50. Il aurait fait partie de ces silencieux, ce que Nixon appelait la Majorité Silencieuse, et, évidemment, moi je me suis retrouvé de l'autre côté.

Mais c'était la première fois que ces divisions strictes étaient profondément visibles dans la société et pleinement liées au Mouvement pour les droits civiques, liées à la race, au rôle croissant des voix noires dans la société.

POTUS BARACK OBAMA: Oui... Écoute, tu as la race, et dans une certaine mesure, tu as juste des relations entre hommes et femmes qui changent, non ?

BRUCE SPRINGSTEEN: Absolument.

POTUS BARACK OBAMA: Et, dans une certaine mesure, ce type des années 50, cette Majorité Silencieuse, elle se solidifie. Elle s’endurcit. Et elle continue de caractériser le paysage politique actuel. Nixon a posé les bases.

BRUCE SPRINGSTEEN: Tout à fait.

POTUS BARACK OBAMA: Même si Nixon lui-même a puisé ces bases-là de Goldwater (12)

BRUCE SPRINGSTEEN: Mais il en a repoussé les limites.

POTUS BARACK OBAMA: Mais Nixon...

BRUCE SPRINGSTEEN: La Stratégie du Sud, Lee Atwater (13), ils en ont fait une vérité absolue, comme une manière de s'accrocher au pouvoir.

POTUS BARACK OBAMA: Exactement.

BRUCE SPRINGSTEEN: Et retourner le pays à leur avantage.

POTUS BARACK OBAMA: Une des raisons pour laquelle la stratégie a marché - quand je parlais de la signification d'être un Américain - c'est qu'il existe une culture américaine, que nous partageons tous.

BRUCE SPRINGSTEEN: Oui.

POTUS BARACK OBAMA: La monoculture... elle a rassemblé la population, sauf qu'elle excluait une grande partie du pays. Une grande partie du pays restait invisible.

BRUCE SPRINGSTEEN: Point barre.

POTUS BARACK OBAMA: Et puis, ce qui est arrivé, c'est que cette partie du pays qui était jusqu'alors invisible - limitée aux serveurs, aux bagagistes - s'est dit tout à coup, « Tu sais quoi... Nous sommes là. Nous voulons être au cœur de l'histoire ».

Et c'est là que l'enfer se déchaîne [rires] C'est lorsque la Majorité Silencieuse répond, « Attendez une seconde. Elle nous allait très bien cette histoire américaine que nous avions en commun. Nous avons compris ce que ça signifiait...

BRUCE SPRINGSTEEN: Juste.

POTUS BARACK OBAMA: ...de se définir nous-mêmes comme Américains. Mais vous êtes en train de dire que vous voulez faire partie de l'histoire. Mais c'est déroutant pour nous ». La raison pour laquelle il est primordial de reconnaître l'importance de cet élément culturel, c'est qu'il se reflète aussi dans les informations. S'il y avait eu Fox News (14) à l'époque du Watergate, il n'est pas certain que Richard Nixon finisse par démissionner...

BRUCE SPRINGSTEEN: Destitué...

POTUS BARACK OBAMA: Ah il aurait été destitué, mais il n'aurait peut-être pas...

BRUCE SPRINGSTEEN: Exactement. Il n'aurait pas quitté le pouvoir. Oui.

POTUS BARACK OBAMA: ...quitté le pouvoir. Une de mes histoires préférées remonte à assez tard au cours de mon mandat, à l'époque où cette polarisation était déjà très présente.

Nous nous rendons dans un des États du Dakota pour une cérémonie de remise des diplômes, dans une université qui fait un travail remarquable en matière de formation professionnelle des jeunes, en vue d'une insertion directe dans le monde du travail. C'est une petite ville, clairement pas acquise à ma cause. Manifestement, pas un comté m'est favorable, et un comté m'est franchement hostile. Il n'empêche que c'est toujours un évènement un Président qui se déplace, alors tout le monde se presse le long de la route pour observer le cortège. Puis, nous entrons dans la grande salle qui est pleine.

Habituellement, les correspondants de la Maison-Blanche se contentent de rester avec moi, au lieu d'aller explorer la communauté à laquelle nous rendons visite. Mais, cette fois-ci, un journaliste prend l'initiative de se rendre dans un bar local pour voir quelle sera la réaction, dans cette ville, à mon intervention lors de la remise des diplômes. Il est assis là, au milieu de quelques types en chemises de bucherons et casquettes, qui boivent leur bière. Fox News retransmet l'évènement en direct, parce que je suis sur leur fief. Ces types regardent la télévision, ils sont assis tranquillement, puis se tournent vers le journaliste et lui demandent, « C'est comme ça qu'il parle habituellement Obama ? » Et le journaliste répond, « Oui, c'est du Obama relativement classique » . Ils disent, « Ha, pas vraiment ce à quoi je m'attendais ! » J'étais président depuis cinq ou six ans. La cloison était si épaisse que, en tant que Président des États-Unis, je ne pouvais atteindre ces types qu'en me rendant physiquement dans leur ville, pour que les médias locaux couvrent l'évènement. Et ça, c'est nouveau.

Et je pense que c'est difficile de se dire, « Comment reconstituons-nous cette idée de chaîne commune ? » Celle dont tu parlais. Cette idée que ce n'est pas bleu ou rouge, ce n'est pas noir ou blanc, c'est l'Amérique. Comment fais-tu pour la recréer, si tu as une culture scindée en deux ? Si, à un moment donné, quelqu'un dit au sujet des Beatles, « Les Beatles sont plus grands que Dieu, ou plus grands que Jésus... »

BRUCE SPRINGSTEEN: Oui.

POTUS BARACK OBAMA: Et bien, la raison, c'est qu'on les a vu passer au Ed Sullivan Show (15).

BRUCE SPRINGSTEEN: [rires]

POTUS BARACK OBAMA: Non ? Elvis passe au Ed Sullivan Show. Et il faisait partie de cette culture commune.

BRUCE SPRINGSTEEN: Absolument. Et je sais que récemment il y a eu un débat sur Elvis, sur l'appropriation culturelle. Mais...

POTUS BARACK OBAMA: Vas-y, donne-moi ton point de vue sur Elvis maintenant. Et je signale, au passage...

BRUCE SPRINGSTEEN: Oui.

POTUS BARACK OBAMA: ...je suis un grand fan d'Elvis.

BRUCE SPRINGSTEEN: Ok ! Et bien Elvis, tu sais, Elvis faisait partie de mon enfance, il ne faisait pas partie de mon adolescence, il faisait partie de mon enfance, j'avais 9 ans. C'est à l'âge où je l'ai vu au Ed Sullivan Show.

[Archive d'Elvis parlant au The Ed Sullivan Show : (applaudissements) “Mesdames et Messieurs ah... Pourrais-je avoir votre attention s'il vous plaît ? Ah, J'aimerais vous dire que nous allons jouer une chanson triste pour vous...”]

BRUCE SPRINGSTEEN: On a tendance à oublier qu'au départ Elvis a été présenté comme une nouveauté. On pouvait se méprendre sur lui. En partie parce que c'était une nouveauté, tu vois. Il a ébranlé les images de la masculinité. Il se teignait les cheveux, il se maquillait, il bougeait, certains disaient, « comme une strip-teaseuse, comme une femme ». Et donc dans les yeux d'un enfant, il ressemblait à un personnage de cartoon. Il marquait ton imagination.

[Archive d'Elvis jouant au The Ed Sullivan Show : (applaudissements) “You ain't nothin' but a hound dog... Cryin' all the time... You ain't nothin' but a hound dog... Cryin' all the time... (applaudissements)]

BRUCE SPRINGSTEEN: Et donc, je suis allé immédiatement devant le glace et j'ai commencé à me trémousser.

POTUS BARACK OBAMA: [rires]

BRUCE SPRINGSTEEN: Et j'ai attrapé le balai, et j'ai commencé à gratter ce balai comme une guitare et, « Maman, je veux cette guitare ». Et j'ai eu une guitare pendant deux semaines, et j'ai réalisé qu'elle était vraie et qu'il fallait apprendre à en jouer. Et j'en suis resté là  jusqu'à ce que les Beatles débarquent sur nos côtes.

Et j'ai appris que toute cette musique que j'écoutais, particulièrement les premières chansons des Beatles et des Stones, provenaient de musiciens noirs. Chuck Berry, Arthur Alexander... il y en trop pour les citer tous. C'est de cette façon-là que j'ai remonté le temps jusqu'aux racines Afro-Américaines de la musique rock [rires]

POTUS BARACK OBAMA: Écoute, toute cette histoire... Je ne veux pas être lourd, et nous pouvons y revenir, mais cette histoire d'appropriation culturelle...

BRUCE SPRINGSTEEN: Oui.

POTUS BARACK OBAMA: Je dois dire que je ne crois pas en une définition étroite qui dicterait qui a le droit de faire quoi.

BRUCE SPRINGSTEEN: Je suis d'accord. Je suis d'accord avec toi sur ça.

POTUS BARACK OBAMA: Je pense que nous volons...

ENSEMBLE: Tout le monde, partout.

POTUS BARACK OBAMA: C'est la nature de l'humanité. C'est la nature de la culture. C'est ainsi que les idées migrent.

BRUCE SPRINGSTEEN: Oui.

POTUS BARACK OBAMA: C'est ainsi que la musique est créée. C'est ainsi que les spécialités culinaires sont créées. Je ne veux pas que nous pensions que telle personne doit obligatoirement procéder de cette manière-là...

BRUCE SPRINGSTEEN: Oui.

POTUS BARACK OBAMA: ...et telle autre personne de cette manière-ci.

BRUCE SPRINGSTEEN: Je suis d'accord.

POTUS BARACK OBAMA: Je pense que ce qui a toujours été pertinent concernant cette appropriation culturelle, c'est quand le compositeur noir qui écrit la chanson et qui joue mieux la chanson sur scène, ne peut pas signer de contrat discographique, alors là est le problème. Le problème n'est pas... Je n'ai aucun problème avec les artistes blancs qui jouent de la musique noire, car je ne pense pas qu'il existe aussi simplement, exclusivement, une musique noire ou une musique blanche...

BRUCE SPRINGSTEEN: Exactement.

POTUS BARACK OBAMA: ...ou une musique Hispanique. Ce sont des réalités économiques et des dynamiques de pouvoir qui sont sous-jacentes, et dont Elvis, de toute évidence, était partie prenante. Il ne l'a pas inventé. Mais la réalité, c'était qu'il y avait des chansons composées par des artistes noirs, et dont les musiciens noirs ne pouvaient pas tirer profit.

BRUCE SPRINGSTEEN: La seule chose qui pourrait me faire changer d'avis, c'est Pat Boone reprenant Little Richard.

POTUS BARACK OBAMA: C'est un problème.

BRUCE SPRINGSTEEN: C'est brutal [rires]

POTUS BARACK OBAMA: C'est mauvais.

BRUCE SPRINGSTEEN: J'ai encore quelques questions. Je peux ?

POTUS BARACK OBAMA: Tu es autorisé !

BRUCE SPRINGSTEEN: [rires]

POTUS BARACK OBAMA: Vas-y... Quoi d'autre... Qu'est-ce que tu as d'autre ?

BRUCE SPRINGSTEEN: D'accord. Juste une... encore quelques trucs sympas : la première chose, tes héros Américains.

POTUS BARACK OBAMA: Oh mec ! Oui, nous allons parler d'eux.

[La guitare acoustique joue en fond]

BRUCE SPRINGSTEEN: Ok, tu veux que je commence ?

POTUS BARACK OBAMA: Oui, vas-y. Qui as-tu ?

BRUCE SPRINGSTEEN: Mohammed Ali.

POTUS BARACK OBAMA: Ali est... C'est du solide.

BRUCE SPRINGSTEEN: Il est tout en haut, au sommet.

POTUS BARACK OBAMA: [rires] Si nous commençons par le sport, tu dois mentionner Jackie Robinson (16).

BRUCE SPRINGSTEEN: Absolument.

POTUS BARACK OBAMA: Jackie Robinson est non seulement la fierté de l'Amérique noire, qui le voit se battre et exceller face aux menaces et traitements des plus brutaux, mais il a également changé les cœurs et les esprits de l'Amérique blanche tout au long de sa carrière.

[La guitare acoustique joue en fond]

Le nombre de blancs d'une certaine génération qui m'ont dit la manière dont ils ont été transformés, eux ou leurs pères...

BRUCE SPRINGSTEEN: Oui.

POTUS BARACK OBAMA: Ce qu'il représentait pour un gamin de 8 ans... Un gamin blanc dans les tribunes qui supporte un noir.

BRUCE SPRINGSTEEN: Oui.

[La guitare acoustique joue]

[Archive audio de la dernière apparition publique de Jackie Robinson : “Je suis extrêmement fier et heureux d'être là cet après-midi, mais je dois avouer que je vais être beaucoup plus heureux et beaucoup plus fier lorsque je regarderai l’entraîneur de cette troisième base un jour et que je verrai un visage noir entraînant l'équipe. Merci beaucoup” (applaudissements)]

BRUCE SPRINGSTEEN: Musique. Prêt ?

POTUS BARACK OBAMA: Qu'est-ce que tu as ?

BRUCE SPRINGSTEEN: D'accord. Je choisis Bob Dylan.

POTUS BARACK OBAMA: Mec, tu ne peux pas te disputer à propos de Dylan.

BRUCE SPRINGSTEEN: Non ! [rires]

POTUS BARACK OBAMA: Et il continue d'avancer !

BRUCE SPRINGSTEEN: Oui !

POTUS BARACK OBAMA: Il est un peu comme Picasso, dans le sens où il enchaine différentes périodes.

BRUCE SPRINGSTEEN: Géant, tout simplement.

POTUS BARACK OBAMA: Et il continue de rester novateur.

BRUCE SPRINGSTEEN: Oui.

POTUS BARACK OBAMA: Et il semble le faire pour lui-même...

BRUCE SPRINGSTEEN: Oui.

POTUS BARACK OBAMA: ...tout autant que pour les autres. Il ne peut s'empêcher, mais...

BRUCE SPRINGSTEEN: C'est un artiste. Il fait ce qu'il a à faire. C'est tout.

POTUS BARACK OBAMA: C'est une source de créativité.

BRUCE SPRINGSTEEN: Je pense à James Brown.

POTUS BARACK OBAMA: [rires]

BRUCE SPRINGSTEEN: Pas de hip-hop sans James Brown.

POTUS BARACK OBAMA: [rires]

BRUCE SPRINGSTEEN: Musicalement, qui as-tu ?

POTUS BARACK OBAMA: Ray Charles.

BRUCE SPRINGSTEEN: Sans aucun doute.

[Ray Charles jouant ‘America the Beautiful’ : “Oh, now wait a minute, I'm talking about America, sweet America...”]

POTUS BARACK OBAMA: America (The Beautiful) est notre véritable hymne national en fait (17).

BRUCE SPRINGSTEEN: Je pense que tu as raison.

POTUS BARACK OBAMA: Sans vouloir offenser l'autre !

BRUCE SPRINGSTEEN: Non, non, non. Tu as raison.

POTUS BARACK OBAMA: Je ne veux pas, tu sais, recevoir soudainement une avalanche de messages...

[Ray Charles jouant ‘America the Beautiful’ : “Yes he did, in brotherhoooood....From sea to shining sea...you know I wish I had some help...”]

POTUS BARACK OBAMA: Aretha Franklin.

BRUCE SPRINGSTEEN: Boom. Énorme héroïne.

[Aretha Franklin - Respect en fond]

POTUS BARACK OBAMA: Tu sais, si je pense à la musique Américaine qui ne pourrait venir de nulle part ailleurs... Lorsque j'écoute n'importe quelle chanson que chante Aretha Franklin, je ressens l'Amérique.

[Aretha Franklin jouant Rock Steady : “Let's call this song exactly what it is (what it is, what it is, what it is) It's a funky and lowdown feeling (what it is) In the hips from left to right (what it is) What it is I might be doin' (what it is)....This funky dance all night...Ahhhhhhhhhhhh (Let me hear ya gotta feeling in the air)...]

POTUS BARACK OBAMA: Tu sais qui j'adore, juste parce qu'il est la quintessence de l'artiste américain ? Frank Sinatra.

BRUCE SPRINGSTEEN: Il a sa place au sommet. Il incarne toute une époque.

POTUS BARACK OBAMA: Cet espèce de décontraction, mais avec précision, l'espèce de décontraction étudiée qu'il projette. C'est un style américain très spécifique pour moi.

BRUCE SPRINGSTEEN: Les années 40, le cynisme romantique.

POTUS BARACK OBAMA: Exactement. C'est comme Bogart. Dans le fond, tu es un grand romantique.

BRUCE SPRINGSTEEN: Bien dit ! La vie est belle, la vie est merdique, tout en un.

POTUS BARACK OBAMA: Stevie Wonder.

BRUCE SPRINGSTEEN: Il fait des disques historiques pendant la décennie 70.

POTUS BARACK OBAMA: Cinq albums de suite, qui n'ont rien à envier à cinq albums de quiconque dans l'histoire.

BRUCE SPRINGSTEEN: Qui sont les autres Américains qui t'inspirent ?

POTUS BARACK OBAMA: Sans surprise, ceux qui me viennent en tête en premier, c'est Dr [Martin Luther] King et Malcom X, une sorte de yin et yang du mouvement de libération dans ce pays, et qui m'ont tant aidé à me façonner.

Mais ces personnalités-là ont parfois semblé plus grands que nature, et souvent celles qui m’ont le plus inspirées étaient celles qui étaient moins connues. Ah, pas seulement John Lewis, mais Dianne Nash et Bob Moses et Ella Baker, Fannie Lou Hamer, Joseph Lowery, C. T. Vivian, Fred Shuttlesworth. Tu vois, des personnalités qui n’ont jamais atteint ce même niveau de célébrité, qui n’ont pas bénéficié de ces extraordinaires dons, et qui, pourtant, grâce à leur obstination et à leur courage, ont accompli des choses extraordinaires. Ce sont des héros à taille humaine.

BRUCE SPRINGSTEEN: C’était, j’imagine... Le début des années 60 était... Celle que je voulais mentionner, c’était Ruby Bridges (18).

POTUS BARACK OBAMA: Oui.

BRUCE SPRINGSTEEN: 6 ans. Le premier enfant noir à fréquenter l’école élémentaire William Frantz en Louisiane, dans le cadre de la politique de déségrégation. Elle se rend à l’école. La police fédérale l’escorte seule jusqu’à l’école.

POTUS BARACK OBAMA: Nous avons eu l’opportunité d’accrocher la peinture de Ruby par Norman Rockwell, le tableau a fait partie de la collection de la Maison-Blanche.

[Le piano joue en fond]

BRUCE SPRINGSTEEN: Oui.

POTUS BARACK OBAMA: Juste à la sortie du Bureau Ovale. Je pouvais donc le voir tous les jours.

[Images des informations du premier jour d’école de Ruby Bridges : (sirène) “La police fédérale des États-Unis protège de la foule Ruby Nell Bridges, 6 ans...”]

POTUS BARACK OBAMA: Et ce tableau dépeint Ruby, cette minuscule petite chose avec ses nattes et ses socquettes blanches et, tout ce que tu vois, ce sont les corps imposants de ces policiers, et à l’arrière, tu peux vaguement apercevoir ce graffiti gribouillé avec le mot nègre sur le mur.

[Le piano joue en fond]

Ruby est venue à la Maison-Blanche. Elle a mon âge aujourd'hui. Nous étions debout devant le tableau et...

BRUCE SPRINGSTEEN: Vraiment ?

POTUS BARACK OBAMA: ...elle m'a plus ou moins décrit la scène...

BRUCE SPRINGSTEEN: Oui.

POTUS BARACK OBAMA: ...et ce qu'elle avait ressenti. Et tu sais, elle était la grandiose représentante de cet héroïsme paisible, si commun à cette époque-là.

BRUCE SPRINGSTEEN: Oui.

POTUS BARACK OBAMA: La grâce absolue, tu pouvais encore le percevoir des décennies plus tard.

BRUCE SPRINGSTEEN: C'est incroyable ! A 6 ans.

POTUS BARACK OBAMA: A 6 ans.

[Le piano joue en fond, puis s'estompe]

POTUS BARACK OBAMA: Si nous élargissons, Lincoln (19) reste... Il est au centre de ce que je pense être l'Amérique.

BRUCE SPRINGSTEEN: Mhmm.

POTUS BARACK OBAMA: La cabane en rondins de bois, ce n'est pas un mythe. C'est un gamin fauché... [rires]

BRUCE SPRINGSTEEN: Exact.

POTUS BARACK OBAMA: Tu sais, il grandit dans conditions très misérables, limitées, sans raffinement, sans une scolarité complète, il s'instruit tout seul en lisant la Bible de King James et Shakespeare, et devient un des plus grands auteurs Américains de tous les temps.

BRUCE SPRINGSTEEN: Mhmm.

POTUS BARACK OBAMA: Il fait carrière avant... Avant que tout le monde le connaisse. Il prépare seul l'examen pour devenir avocat. Il devient juriste itinérant à cheval dans l'Illinois, faisant des blagues et racontant des histoires. Il fait des affaires et gagne de l'argent. Et cependant, quelque part, il ne se départit jamais d'un vigoureux sens moral, de cette mélancolie, de cette profondeur.

BRUCE SPRINGSTEEN: Exact.

POTUS BARACK OBAMA: Et il... Finalement, il se trouve être au cœur de cette question centrale sur l'Amérique, qui est, tu le sais bien, « Allons-nous devenir une nation véritablement libre ou pas ? »

BRUCE SPRINGSTEEN: Mmm.

POTUS BARACK OBAMA: Et il se confronte à cette question-là, avec autant de sérieux que possible. Et son espoir n'a jamais vacillé, il n'a jamais détourné l’œil de la vérité, y compris sur lui-même, y compris lorsqu'il est plongé dans l'amertume de la guerre et des incertitudes et des doutes. Et ce qui me frappe toujours, c'est le fait qu'il n'a jamais plié sous cette pression.

BRUCE SPRINGSTEEN: Non.

POTUS BARACK OBAMA: Et la pression était colossale. Et la vénération que j'éprouve à son égard ne signifie pas pour autant que j'ignore... Il n'a pas nécessairement pensé que les Noirs et les Blancs étaient égaux. Il pensait juste, « Je ne devrais pas enlever ce pain de la bouche de l'homme Noir qui fait tout le travail. Je devrais travailler moi-même et être responsable et gagner mon propre pain ». Je n'ai donc pas une vision trop romantique de Lincoln...

BRUCE SPRINGSTEEN: Oui.

POTUS BARACK OBAMA: Et je suppose que c'est ce qu'il y a de plus difficile à concevoir, que ce soit individuellement comme adulte ou comme nation... S'imaginer qu'il est possible de voir les torts chez quelqu'un sans le discréditer complètement.

BRUCE SPRINGSTEEN: Mhmm.

POTUS BARACK OBAMA: Il est possible de regarder nos Pères Fondateurs et de se dire, « Oui, ils étaient propriétaires d'esclaves », et puis se dire également, « Mais cette Déclaration d'Indépendance, c'est quelque chose ». Je ne partage pas l'idée selon laquelle le fait d'avoir été propriétaire d'esclaves diminuerait le mérite de George Washington, en tant que père de ce pays, et figue historique extraordinaire. Je considère que les gens appartiennent à leur époque, et souvent les torts de leur temps sont incarnés en eux. Un pays avec à sa tête quelqu'un au caractère moins trempé que George Washington n'aurait peut-être pas tenu, n'aurait peut-être pas remporté la guerre d'Indépendance, et aurait aussi bien pu échouer.

BRUCE SPRINGSTEEN: Mhmm.

POTUS BARACK OBAMA: Parce que de la même façon, je veux être capable de m'approprier n'importe quelle type de musique, ou n'importe quelle tradition, ou n'importe quelle type de cuisine... Si c'est bon, je le veux.

BRUCE SPRINGSTEEN: Oui.

POTUS BARACK OBAMA: Je veux aussi être capable de m'approprier et de revendiquer l'exemple des bonnes choses que d'autres ont accompli, même s'ils n'étaient pas parfaits.

BRUCE SPRINGSTEEN: J'aime cette idée.

POTUS BARACK OBAMA: Je veux être capable de lire le second discours d'inauguration de Lincoln et juste savourer sa majesté.

[Bruce Springsteen joue doucement de la guitare et de l'harmonica en fond]

POTUS BARACK OBAMA: « Tendrement nous espérons, ardemment nous prions, pour que ce fléau terrible de la guerre puisse bientôt disparaître. Cependant, si Dieu veut qu’elle continue, jusqu’à ce que toute la richesse amassée en deux cents cinquante ans de travail de l'esclave soit détruite... et jusqu’à ce que chaque goutte de sang versée par le fouet, soit payée par une autre versée par l’épée, comme, parait-il, il y a 3000 ans. Alors, c'est que « les jugements du Seigneur, sont complètement bons et justes »

Sans haine contre personne, avec charité envers tous, avec une ferme confiance dans le droit, alors que Dieu nous permet de voir où est le bien, finissons le travail que nous avons commencé; pansons les blessures de la nation, occupons-nous de celui qui a lutté dans la bataille, de sa veuve et de son orphelin, faisons tout notre possible pour réaliser et chérir une paix juste et durable entre nous, et avec toutes les nations »

[Bruce Springsteen joue de la guitare et de l'harmonica en fond]

[PAUSE]


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