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Où situez-vous vos limites sur scène ? Nous avons Paul McCartney, qui lui, a quoi, 76 ans ?
Soixante-quatorze.
Soixante-quatorze. Vous restez informé ! Il joue des concerts de trois heures. Comment voyez-vous l'avenir ?
A mon âge, on vit au jour le jour. Selon votre santé, vous pouvez être à différents stades de votre vie à l'âge que j'ai. C'est la façon dont vous vous sentez et la forme que vous avez, et la façon dont vous vous sentez émotionnellement et spirituellement, et ce que vous avez envie de faire et quel genre d'effort et d'engagement vous voulez encore apporter à ce que vous accomplissez. Je suis toujours en pleine forme. Je suis absolument dévoué comme quand j'avais 16 ou 21 ans. Je peux encore le faire aujourd'hui sans problème. Quand vous prenez de l'âge, la vie, c'est, "Quelle belle journée aujourd'hui ! Et laissez-moi réfléchir, qu'est-ce que je vais faire ? Qu'est-ce que je vais faire dans les six prochains mois ou l'année prochaine ?" Mais il n'y a pas de véritable réponse à cette question-là, parce que c'est juste là où vous êtes à ce moment précis. Vous comprenez qu'il existe une fin. Donc ça modifie votre perception du concert. Vous pouvez regarder devant vous et dire, "Ok, j'ai 67 ans. Dans dix ans, j'en aurai 77. Peut-être que j'ai encore le temps de faire quatre ou cinq tournées". Vous pouvez dire ça et faire, "Wow". Vous pouvez spéculer, mais c'est tout.
Vous avez dit sur scène que plus vous prenez de l'âge, plus ces tournées sont importantes. C'est cette notion de fin ?
C'est cette notion de fin. L'intensité que le public apporte au concert, maintenant - ils se rendent compte aussi de cette notion de fin. Vous pouvez l'apprécier un peu plus. Et cette expérience gagne alors en intensité.
Les prochaines années et au-delà : est-ce que l'idée est de vous déplacer entre les différents modes que vous avez adopté - E Street Band, solo, rééditions ?
Oui. Tout ce que vous avez dit, vous savez. A ce stade, mon idée est de faire tout ce que je fais et à intervalles réguliers. J'aimerais de nouveau faire une tournée solo. J'attends avec impatience de rejouer avec le groupe, également. Nous allons jouer en Australie cet hiver. Et tout ce qui vient à moi, quels que soient les projets qui viennent à ma rencontre. Je n'ai pas de plan à cinq ou six ans, en dehors de celui de jouer la musique que je joue maintenant et de sortir et de poursuivre ma vie professionnelle, tout simplement.
Vous avez dit avoir terminé un album qui est influencé par les collaborations de Glen Campbell et de Jimmy Webb.
Je ne veux pas trop donner de l'importance aux influences, parce que les gens peuvent écouter et se dire, "Quel est le rapport avec ces noms?" Mais il s'agit d'un endroit où j'y ai puisé un peu d'inspiration.
Est-ce un album différent de celui que vous aviez presque terminé avec Wrecking Ball ?
C'est le disque que j'ai composé avant Wrecking Ball mais que je n'ai pas réussi à terminer, et en cherchant à le terminer, j'ai écrit Wrecking Ball. Par conséquent, les racines de l'album remontent à assez loin. Parfois, vous devez attendre que les pièces du puzzle se mettent en place d'elles-mêmes, et le processus peut prendre des années. J'ai un album sur lequel je travaille depuis vingt ans. C'est la façon dont je travaille à l'heure actuelle.
A quel rythme écrivez-vous vos chansons aujourd'hui, par rapport aux années 2000, où vous étiez extrêmement prolifique ?
Wrecking Ball est venu, je dirais, facilement. Les albums et les chansons ont mis un bon moment à se révéler. Mais je n'ai pas écrit depuis un bon moment maintenant, en dehors de l'album qui est déjà prêt.
Qu'auriez-vous dit à Elvis (Presley, ndt) lorsque vous avez sauté la clôture de Graceland dans les années 1970, s'il avait été là ?
J'avais une chanson que j'aurais probablement essayé de lui vendre, Fire. En dehors de ça, je n'en ai vraiment aucune idée. Je ne suis pas sûr de ce que je cherchais.
Est-ce que le Elvis gros vous a hanté - peut-être comme une inspiration physique et comme un exemple de ce que que vous ne vouliez pas devenir ?
Je ne sais pas. J'ai vu Elvis peu avant sa mort et je me souviens avoir énormément apprécié le spectacle. Tout le monde est maître de son destin, et les gens regarderont ce que j'ai écrit et il y aura des choses qu'ils voudront suivre et d'autres qu'ils ne voudront pas suivre. Elvis a été une telle inspiration pour moi, et j'admire profondément cette voix si juste qu'il a conservée jusqu'à la fin. Et chacun a ses problèmes.
En même temps, votre genre de philosophie, c'est "reste solide, reste affamé, reste en vie" (09).
Il y a beaucoup de distractions le long du chemin et beaucoup d'endroits où vous pouvez vous perdre. J'en étais très conscient, grâce aux gens que j'ai rencontrés. Et j'ai travaillé très dur pour éviter certains de ces pièges, et je continue de le faire.
Vous écrivez que le E Street Band a atteint son apogée en studio avec l'album The River. Mais après un album de plus avec eux, vous avez attendu dix-huit ans pour le suivant. Dans l'absolu, n'est-ce pas étrange ?
C'est juste la façon dont c'est arrivé. Je pense que nous avons enfin compris comment enregistrer avec The River, même si c'était chaotique. Mais nous avons crée le son que nous voulions, et ça s'est poursuivi avec Born In The U.S.A. Mais Born In The U.S.A. a été un évènement si significatif qu'après je ne savais pas vraiment où aller avec le groupe. Alors, j'ai pris un autre chemin. J'ai voulu, aussi, immédiatement, réduire la voile, parce que je ne voulais pas jouer le jeu du, "il faut faire encore mieux et battre ces records de ventes". Je ne voulais être pas ce type d'artiste.
Soixante-quatorze.
Soixante-quatorze. Vous restez informé ! Il joue des concerts de trois heures. Comment voyez-vous l'avenir ?
A mon âge, on vit au jour le jour. Selon votre santé, vous pouvez être à différents stades de votre vie à l'âge que j'ai. C'est la façon dont vous vous sentez et la forme que vous avez, et la façon dont vous vous sentez émotionnellement et spirituellement, et ce que vous avez envie de faire et quel genre d'effort et d'engagement vous voulez encore apporter à ce que vous accomplissez. Je suis toujours en pleine forme. Je suis absolument dévoué comme quand j'avais 16 ou 21 ans. Je peux encore le faire aujourd'hui sans problème. Quand vous prenez de l'âge, la vie, c'est, "Quelle belle journée aujourd'hui ! Et laissez-moi réfléchir, qu'est-ce que je vais faire ? Qu'est-ce que je vais faire dans les six prochains mois ou l'année prochaine ?" Mais il n'y a pas de véritable réponse à cette question-là, parce que c'est juste là où vous êtes à ce moment précis. Vous comprenez qu'il existe une fin. Donc ça modifie votre perception du concert. Vous pouvez regarder devant vous et dire, "Ok, j'ai 67 ans. Dans dix ans, j'en aurai 77. Peut-être que j'ai encore le temps de faire quatre ou cinq tournées". Vous pouvez dire ça et faire, "Wow". Vous pouvez spéculer, mais c'est tout.
Vous avez dit sur scène que plus vous prenez de l'âge, plus ces tournées sont importantes. C'est cette notion de fin ?
C'est cette notion de fin. L'intensité que le public apporte au concert, maintenant - ils se rendent compte aussi de cette notion de fin. Vous pouvez l'apprécier un peu plus. Et cette expérience gagne alors en intensité.
Les prochaines années et au-delà : est-ce que l'idée est de vous déplacer entre les différents modes que vous avez adopté - E Street Band, solo, rééditions ?
Oui. Tout ce que vous avez dit, vous savez. A ce stade, mon idée est de faire tout ce que je fais et à intervalles réguliers. J'aimerais de nouveau faire une tournée solo. J'attends avec impatience de rejouer avec le groupe, également. Nous allons jouer en Australie cet hiver. Et tout ce qui vient à moi, quels que soient les projets qui viennent à ma rencontre. Je n'ai pas de plan à cinq ou six ans, en dehors de celui de jouer la musique que je joue maintenant et de sortir et de poursuivre ma vie professionnelle, tout simplement.
Vous avez dit avoir terminé un album qui est influencé par les collaborations de Glen Campbell et de Jimmy Webb.
Je ne veux pas trop donner de l'importance aux influences, parce que les gens peuvent écouter et se dire, "Quel est le rapport avec ces noms?" Mais il s'agit d'un endroit où j'y ai puisé un peu d'inspiration.
Est-ce un album différent de celui que vous aviez presque terminé avec Wrecking Ball ?
C'est le disque que j'ai composé avant Wrecking Ball mais que je n'ai pas réussi à terminer, et en cherchant à le terminer, j'ai écrit Wrecking Ball. Par conséquent, les racines de l'album remontent à assez loin. Parfois, vous devez attendre que les pièces du puzzle se mettent en place d'elles-mêmes, et le processus peut prendre des années. J'ai un album sur lequel je travaille depuis vingt ans. C'est la façon dont je travaille à l'heure actuelle.
A quel rythme écrivez-vous vos chansons aujourd'hui, par rapport aux années 2000, où vous étiez extrêmement prolifique ?
Wrecking Ball est venu, je dirais, facilement. Les albums et les chansons ont mis un bon moment à se révéler. Mais je n'ai pas écrit depuis un bon moment maintenant, en dehors de l'album qui est déjà prêt.
Qu'auriez-vous dit à Elvis (Presley, ndt) lorsque vous avez sauté la clôture de Graceland dans les années 1970, s'il avait été là ?
J'avais une chanson que j'aurais probablement essayé de lui vendre, Fire. En dehors de ça, je n'en ai vraiment aucune idée. Je ne suis pas sûr de ce que je cherchais.
Est-ce que le Elvis gros vous a hanté - peut-être comme une inspiration physique et comme un exemple de ce que que vous ne vouliez pas devenir ?
Je ne sais pas. J'ai vu Elvis peu avant sa mort et je me souviens avoir énormément apprécié le spectacle. Tout le monde est maître de son destin, et les gens regarderont ce que j'ai écrit et il y aura des choses qu'ils voudront suivre et d'autres qu'ils ne voudront pas suivre. Elvis a été une telle inspiration pour moi, et j'admire profondément cette voix si juste qu'il a conservée jusqu'à la fin. Et chacun a ses problèmes.
En même temps, votre genre de philosophie, c'est "reste solide, reste affamé, reste en vie" (09).
Il y a beaucoup de distractions le long du chemin et beaucoup d'endroits où vous pouvez vous perdre. J'en étais très conscient, grâce aux gens que j'ai rencontrés. Et j'ai travaillé très dur pour éviter certains de ces pièges, et je continue de le faire.
Vous écrivez que le E Street Band a atteint son apogée en studio avec l'album The River. Mais après un album de plus avec eux, vous avez attendu dix-huit ans pour le suivant. Dans l'absolu, n'est-ce pas étrange ?
C'est juste la façon dont c'est arrivé. Je pense que nous avons enfin compris comment enregistrer avec The River, même si c'était chaotique. Mais nous avons crée le son que nous voulions, et ça s'est poursuivi avec Born In The U.S.A. Mais Born In The U.S.A. a été un évènement si significatif qu'après je ne savais pas vraiment où aller avec le groupe. Alors, j'ai pris un autre chemin. J'ai voulu, aussi, immédiatement, réduire la voile, parce que je ne voulais pas jouer le jeu du, "il faut faire encore mieux et battre ces records de ventes". Je ne voulais être pas ce type d'artiste.
Ceci dit, comment avez-vous vécu la contre-performance commerciale des albums Human Touch et Lucky Town en 1992 - à une époque où le grunge arrivait à son apogée ?
Je crois que Nirvana a explosé au moment où ces albums sont sortis. Je me souviens que Jon (Landau), à l'époque, était tendu que ces disques n'aient pas eu le succès qu'il ou que nous avions espéré. Nous avons eu une conversation : "Jon, ce n'est pas notre moment. Nous aurons d'autres occasions". Et si vous avez une longue vie et une longue carrière, vous passez par ces moments-là. Parfois, ce n'est tout simplement pas votre tour. C'était celui de quelqu'un d'autre.
Comment voyez-vous Human Touch et Lucky Town aujourd'hui ?
J'aime ces albums, moi. Il y a de grandes chansons sur ces disques. Évidemment, le commentaire de Steve à cette époque-là a été de me dire qu'il fallait les ré-enregistrer avec le E Street Band. Vous comprenez ? Je venais juste de finir le disque ! La première chose qu'il m'a dit, c'est "Tu devrais le refaire". Ce qui résume notre relation en un mot, en ayant ce genre d'interaction immédiate. Et puis quand je lui ai joué l'album Lucky Town, il m'a dit, "Voilà qui est mieux". Il y avait quelque chose de juste dans ce qu'il me disait, de bien des manières. Je crois que même si j'ai aimé cette expérience de jouer avec les musiciens présents sur ce disque et j'ai beaucoup appris en jouant à leurs côtés, c'est peut-être ce qui aurait pu faire obstacle au public qui a écouté ces deux disques. Et il y encore plein de chansons sur ces albums que nous jouons. Nous avons joué Better Days et nous avons joué Living Proof. J'aime Living Proof.
Moi aussi.
Et Lucky Town. Ce sont des chansons que nous devrions jouer plus souvent.
Il semble que le rock épuré de Living Proof et de Lucky Town est encore une direction que vous pourriez explorer à un moment.
Peut-être.
Au moins pour une chanson, Real World, vous avez admis que la production n'était pas bonne ou que l'approche n'était pas bonne. Un certain clinquant s'est glissé dedans.
Vous savez, en y repensant, j'aurais du enregistrer ces chansons quelque peu différemment et avec un son différent. C'est la raison pour laquelle après avoir terminé l'album Human Touch, j'ai immédiatement écrit et enregistré un autre album, en entier, avant même que Human Touch puisse même sortir ! Je crois que je cherchais une sorte d'antidote ou une sorte d'équilibre auquel je pensais, concernant la production de cet album peut-être sommes-nous allés trop loin dans cette direction. Votre argument est juste.
Vous écrivez à propos de l'album The Ghost Of Tom Joad de 1995, qu'il est comme un pivot qui vous amène à écrire sur le monde - comment expliquez-vous avoir éviter de traiter l'actualité dans vos chansons pendant tant d'années ?
Vous êtes toujours dans une boite, et vous êtes un roi de l'évasion si vous faites ce que je fais - où si vous êtes une personne créative, en fait. Vous construisez votre boite et puis vous vous en échappez. Vous en construisez une autre et vous vous en échappez. C'est perpétuel. Et, à un moment donné, vous pouvez peut-être vous échapper d'assez de boites pour vous retrouver dans la première, une nouvelle fois. Et vous dire, "Oh, je ne pensais pas avoir encore des choses à dire sur ces thèmes-là. Attendez une minute, oui, je peux. J'ai encore beaucoup à dire sur ces choses-là !"
Ce qui est marrant avec The Ghost Of Tom Joad, c'est qu'il s'agit du seul disque que les audiophiles adorent – ils l'utilisent pour les démonstrations de stéréos haut de gamme.
C'est très marrant. Ce disque n'a jamais vraiment été masterisé, et nous avons utilisé les mixages bruts faits le jour des enregistrements. C'était un album dont le son était simple. Mais c'est la raison pour laquelle les histoires sonnent vraies. Je ne voulais pas du tout les habiller, tout comme Nebraska, vous voyez. Il s'agissait d'albums qui ont été fait au moment même où la musique était créée.
Il y a des moments sur ce disque où on a l'impression que vous allez au-delà du format musical d'une chanson, là où il n'y a quasiment plus de musique.
Presque comme des récitations, oui.
A l'époque, je me suis demandé si vous alliez commencer à écrire de histoires courtes.
Non. Je suis très heureux en tant qu'auteur-compositeur, et une nouvelle fois, c'est un talent différent. Mais j'ai été très proche de ce style d'écriture narrative avec ce disque. Sur Devils & Dust, également. C'est un style d'écriture qui m'a donné une grande, grande source de plaisir.
C'est très dur d'accorder ce style à une chanson rock.
Oui. La musique rock. Premièrement, elle est beaucoup plus forte et bruyante. Donc, quand j'ai essayé une écriture narrative au sein d'une forme musicale rock, le mélange ne s'est pas très bien fait. Vous savez, vous voulez ce couplet, ce refrain, vous voulez que ce refrain émerge et vous emmène quelque part. Même si, avec la musique moderne, ça a changé. La musique moderne trouve, en grande partie, son accroche dans beaucoup d'endroits si différents. Dans la basse, dans le rythme. Aujourd'hui, il y a plein de manières différentes de créer du contenu et de la narration, ce que vous entendez à la radio.
Dans le sillage de Tom Joad, vous sembliez réfléchir à une semi-retraite loin du monde des grands disques et des grandes tournées.
C'est ce que j'ai fait pendant un moment, parce que j'ai aimé, avec passion, l'expérience Tom Joad. Je me suis dit que je pourrais continuer ainsi, à faire ce genre d'albums, ce que j'ai fait juste après avec l'album Devils & Dust. Mais quand je l'ai enregistré, je me suis dit, "Deux à la suite de ce style ? Je ne sais pas. Peut-être que ce n'est pas pour moi, vous voyez". En gros, nous nous sommes tournés vers le groupe à nouveau. Donc, vous savez, vous suivez vos instincts et votre élan et quand j'ai fini cet album et que j'étais sur le point d'en faire un autre, je me suis dit, "Et bien, pour le faire, je devrais ignorer en grande partie mes autres compétences". Et j'ai pris trop de plaisir et j'ai eu trop de joie avec la réalité physique de cette autre musique que je joue, avec les talents que j'ai rassemblé pour jouer cette musique, pour juste me limiter à un seul genre en particulier, tout simplement.
Comment conciliez-vous la magie qui opère avec le E Street Band avec les réalités de la vie quotidienne d'être le patron de ce groupe ?
Vous devez accepter le fait que, avec le temps, ça devient un business - si vous ne l'acceptez pas, tout partira en vrille, très fortement. Donc vous rendez un fier service à tout le monde en reconnaissant que c'est un aspect de votre relation et que dans cette relation, vous tracez votre route en tant qu'amis et en tant qu'adultes.
Vous écrivez que, au début, vous aviez besoin de disciples plutôt que d'employés. Est-ce qu'il s'agissait d'un dévouement total ?
Oui, tout à fait. J'ai fait des demandes déraisonnables et puis, peut-être qu'on a exigé de moi en retour des choses déraisonnables aussi [rires] Mais c'est ce que nous étions à l'époque. J'étais un jeune homme peu assuré. Donc, mon besoin d'avoir le dévouement total de la part de ceux avec qui je travaillais était très fort. Ces choses-là ont été atténuées au fil du temps. Il y a encore énormément de dévouement, mais nous avons de saines limites aujourd'hui que nous n'avions pas lorsque nous étions plus jeunes.
En studio, vous avez délibérément monté Steve Van Zandt contre Jon. D'où vient cet instinct de faire quelque chose d'aussi...
D'aussi sournois ? [rires]
J'allais dire de façon plus sophistiquée, machiavélique, mais disons sournois.
C'est venu très naturellement de cette partie de moi qui est impitoyable quand je cherche des chansons. Et ils se sont joints à une équipe, ils sont montés dans le train pour toute la durée du trajet, et nous sommes tous de grands garçons.
Je crois que Nirvana a explosé au moment où ces albums sont sortis. Je me souviens que Jon (Landau), à l'époque, était tendu que ces disques n'aient pas eu le succès qu'il ou que nous avions espéré. Nous avons eu une conversation : "Jon, ce n'est pas notre moment. Nous aurons d'autres occasions". Et si vous avez une longue vie et une longue carrière, vous passez par ces moments-là. Parfois, ce n'est tout simplement pas votre tour. C'était celui de quelqu'un d'autre.
Comment voyez-vous Human Touch et Lucky Town aujourd'hui ?
J'aime ces albums, moi. Il y a de grandes chansons sur ces disques. Évidemment, le commentaire de Steve à cette époque-là a été de me dire qu'il fallait les ré-enregistrer avec le E Street Band. Vous comprenez ? Je venais juste de finir le disque ! La première chose qu'il m'a dit, c'est "Tu devrais le refaire". Ce qui résume notre relation en un mot, en ayant ce genre d'interaction immédiate. Et puis quand je lui ai joué l'album Lucky Town, il m'a dit, "Voilà qui est mieux". Il y avait quelque chose de juste dans ce qu'il me disait, de bien des manières. Je crois que même si j'ai aimé cette expérience de jouer avec les musiciens présents sur ce disque et j'ai beaucoup appris en jouant à leurs côtés, c'est peut-être ce qui aurait pu faire obstacle au public qui a écouté ces deux disques. Et il y encore plein de chansons sur ces albums que nous jouons. Nous avons joué Better Days et nous avons joué Living Proof. J'aime Living Proof.
Moi aussi.
Et Lucky Town. Ce sont des chansons que nous devrions jouer plus souvent.
Il semble que le rock épuré de Living Proof et de Lucky Town est encore une direction que vous pourriez explorer à un moment.
Peut-être.
Au moins pour une chanson, Real World, vous avez admis que la production n'était pas bonne ou que l'approche n'était pas bonne. Un certain clinquant s'est glissé dedans.
Vous savez, en y repensant, j'aurais du enregistrer ces chansons quelque peu différemment et avec un son différent. C'est la raison pour laquelle après avoir terminé l'album Human Touch, j'ai immédiatement écrit et enregistré un autre album, en entier, avant même que Human Touch puisse même sortir ! Je crois que je cherchais une sorte d'antidote ou une sorte d'équilibre auquel je pensais, concernant la production de cet album peut-être sommes-nous allés trop loin dans cette direction. Votre argument est juste.
Vous écrivez à propos de l'album The Ghost Of Tom Joad de 1995, qu'il est comme un pivot qui vous amène à écrire sur le monde - comment expliquez-vous avoir éviter de traiter l'actualité dans vos chansons pendant tant d'années ?
Vous êtes toujours dans une boite, et vous êtes un roi de l'évasion si vous faites ce que je fais - où si vous êtes une personne créative, en fait. Vous construisez votre boite et puis vous vous en échappez. Vous en construisez une autre et vous vous en échappez. C'est perpétuel. Et, à un moment donné, vous pouvez peut-être vous échapper d'assez de boites pour vous retrouver dans la première, une nouvelle fois. Et vous dire, "Oh, je ne pensais pas avoir encore des choses à dire sur ces thèmes-là. Attendez une minute, oui, je peux. J'ai encore beaucoup à dire sur ces choses-là !"
Ce qui est marrant avec The Ghost Of Tom Joad, c'est qu'il s'agit du seul disque que les audiophiles adorent – ils l'utilisent pour les démonstrations de stéréos haut de gamme.
C'est très marrant. Ce disque n'a jamais vraiment été masterisé, et nous avons utilisé les mixages bruts faits le jour des enregistrements. C'était un album dont le son était simple. Mais c'est la raison pour laquelle les histoires sonnent vraies. Je ne voulais pas du tout les habiller, tout comme Nebraska, vous voyez. Il s'agissait d'albums qui ont été fait au moment même où la musique était créée.
Il y a des moments sur ce disque où on a l'impression que vous allez au-delà du format musical d'une chanson, là où il n'y a quasiment plus de musique.
Presque comme des récitations, oui.
A l'époque, je me suis demandé si vous alliez commencer à écrire de histoires courtes.
Non. Je suis très heureux en tant qu'auteur-compositeur, et une nouvelle fois, c'est un talent différent. Mais j'ai été très proche de ce style d'écriture narrative avec ce disque. Sur Devils & Dust, également. C'est un style d'écriture qui m'a donné une grande, grande source de plaisir.
C'est très dur d'accorder ce style à une chanson rock.
Oui. La musique rock. Premièrement, elle est beaucoup plus forte et bruyante. Donc, quand j'ai essayé une écriture narrative au sein d'une forme musicale rock, le mélange ne s'est pas très bien fait. Vous savez, vous voulez ce couplet, ce refrain, vous voulez que ce refrain émerge et vous emmène quelque part. Même si, avec la musique moderne, ça a changé. La musique moderne trouve, en grande partie, son accroche dans beaucoup d'endroits si différents. Dans la basse, dans le rythme. Aujourd'hui, il y a plein de manières différentes de créer du contenu et de la narration, ce que vous entendez à la radio.
Dans le sillage de Tom Joad, vous sembliez réfléchir à une semi-retraite loin du monde des grands disques et des grandes tournées.
C'est ce que j'ai fait pendant un moment, parce que j'ai aimé, avec passion, l'expérience Tom Joad. Je me suis dit que je pourrais continuer ainsi, à faire ce genre d'albums, ce que j'ai fait juste après avec l'album Devils & Dust. Mais quand je l'ai enregistré, je me suis dit, "Deux à la suite de ce style ? Je ne sais pas. Peut-être que ce n'est pas pour moi, vous voyez". En gros, nous nous sommes tournés vers le groupe à nouveau. Donc, vous savez, vous suivez vos instincts et votre élan et quand j'ai fini cet album et que j'étais sur le point d'en faire un autre, je me suis dit, "Et bien, pour le faire, je devrais ignorer en grande partie mes autres compétences". Et j'ai pris trop de plaisir et j'ai eu trop de joie avec la réalité physique de cette autre musique que je joue, avec les talents que j'ai rassemblé pour jouer cette musique, pour juste me limiter à un seul genre en particulier, tout simplement.
Comment conciliez-vous la magie qui opère avec le E Street Band avec les réalités de la vie quotidienne d'être le patron de ce groupe ?
Vous devez accepter le fait que, avec le temps, ça devient un business - si vous ne l'acceptez pas, tout partira en vrille, très fortement. Donc vous rendez un fier service à tout le monde en reconnaissant que c'est un aspect de votre relation et que dans cette relation, vous tracez votre route en tant qu'amis et en tant qu'adultes.
Vous écrivez que, au début, vous aviez besoin de disciples plutôt que d'employés. Est-ce qu'il s'agissait d'un dévouement total ?
Oui, tout à fait. J'ai fait des demandes déraisonnables et puis, peut-être qu'on a exigé de moi en retour des choses déraisonnables aussi [rires] Mais c'est ce que nous étions à l'époque. J'étais un jeune homme peu assuré. Donc, mon besoin d'avoir le dévouement total de la part de ceux avec qui je travaillais était très fort. Ces choses-là ont été atténuées au fil du temps. Il y a encore énormément de dévouement, mais nous avons de saines limites aujourd'hui que nous n'avions pas lorsque nous étions plus jeunes.
En studio, vous avez délibérément monté Steve Van Zandt contre Jon. D'où vient cet instinct de faire quelque chose d'aussi...
D'aussi sournois ? [rires]
J'allais dire de façon plus sophistiquée, machiavélique, mais disons sournois.
C'est venu très naturellement de cette partie de moi qui est impitoyable quand je cherche des chansons. Et ils se sont joints à une équipe, ils sont montés dans le train pour toute la durée du trajet, et nous sommes tous de grands garçons.
Vous écrivez que vous et Clarence ne pouviez pas trainer ensemble parce que ça aurait détruit votre vie.
Clarence profitait de la vie à fond, et c'était fabuleux. Mais n'allez pas croire que vous pouvez faire n'importe quoi chez moi, les enfants. Il avait une grande âme.
Vous avez donc des amitiés profondes avec des personnes que vous ne voyez pas souvent ?
Bien sûr. J'en ai beaucoup. Quand vous prenez de l'âge, vous vous consacrez à votre famille. C'est une grande joie d'être avec, disons, Steve. Nous ne nous voyons pas beaucoup. C'est donc une immense joie quand je suis avec lui. C'était aussi une grande joie d'être avec Clarence. Il était hilarant. L'un des gars les plus drôles sur la planète, et quelqu'un qui vous éclairait quand vous étiez à ses côtés. Et puis ce que nous faisions ensemble était si profond. C'est pourquoi vous ne remettez jamais en cause votre amitié ou votre fidélité à l'autre. Ce qui ne signifie pas qu'on doive diner ensemble chaque jour.
Vous écrivez que l'avis de Steve pouvait être déstabilisant pour le groupe. De quelle façon ?
C'est un homme puissant, son opinion compte grandement. Il est aussi plus protéiforme que moi. Si vous êtes à la tête d'une organisation à laquelle vous essayez de donner une continuité et un pouvoir collectif, une forte personnalité peut devenir un élément perturbateur. Mais c'est une partie de notre relation depuis toujours. Je crois que j'ai joué le même rôle dans sa vie, et j'ai besoin de quelqu'un qui le joue pour moi.
Clarence profitait de la vie à fond, et c'était fabuleux. Mais n'allez pas croire que vous pouvez faire n'importe quoi chez moi, les enfants. Il avait une grande âme.
Vous avez donc des amitiés profondes avec des personnes que vous ne voyez pas souvent ?
Bien sûr. J'en ai beaucoup. Quand vous prenez de l'âge, vous vous consacrez à votre famille. C'est une grande joie d'être avec, disons, Steve. Nous ne nous voyons pas beaucoup. C'est donc une immense joie quand je suis avec lui. C'était aussi une grande joie d'être avec Clarence. Il était hilarant. L'un des gars les plus drôles sur la planète, et quelqu'un qui vous éclairait quand vous étiez à ses côtés. Et puis ce que nous faisions ensemble était si profond. C'est pourquoi vous ne remettez jamais en cause votre amitié ou votre fidélité à l'autre. Ce qui ne signifie pas qu'on doive diner ensemble chaque jour.
Vous écrivez que l'avis de Steve pouvait être déstabilisant pour le groupe. De quelle façon ?
C'est un homme puissant, son opinion compte grandement. Il est aussi plus protéiforme que moi. Si vous êtes à la tête d'une organisation à laquelle vous essayez de donner une continuité et un pouvoir collectif, une forte personnalité peut devenir un élément perturbateur. Mais c'est une partie de notre relation depuis toujours. Je crois que j'ai joué le même rôle dans sa vie, et j'ai besoin de quelqu'un qui le joue pour moi.