De son traumatisme d'enfance au futur du E Street Band, le rocker se confie sur sa vie, s'épanchant sur des révélations dans une autobiographie sincère, Born To Run.
par Brian Hiatt
par Brian Hiatt
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Bruce Springsteen entre, en sifflant. Il tient dans ses bras deux blousons de cuir pour une séance photos et a l'air un peu fatigué, probablement parce qu'il était sur la scène d'un stade, près de Boston, il y a 36 heures à peine, concluant le dernier d'une série de concerts de plus de quatre heures avec le E Street Band. Une semaine avant son 67ème anniversaire, Springsteen est de retour dans sa ferme, dans le comté de Monmouth, dans le New Jersey, en cet après-midi sans nuage de la mi-septembre, assez agréable pour jurer fidélité à son État de naissance, souvent décrié. Il porte une barbichette grisonnante, et il est habillé comme on s'y attend : tee-shirt noir, un peu tendu au niveau du cou; jean foncé; bottes.
De sa maison actuelle, il arrive à son home studio, logé dans un bâtiment, ressemblant à un garage, en bois blond immaculé. C'est, au final, un long chemin parcouru depuis ce magnétophone quatre-pistes qu'il a utilisé pour enregistrer l'album Nebraska.
Le salon principal est plein de souvenirs, la plupart consacrés à Elvis Presley ou à Springsteen lui-même (un coussin Greetings From Asbury Park est sur le canapé, et il y a, sur le mur, des images inédites de Bruce-et-Clarence tirées de la séance de photos prises pour l'album Born To Run). La pièce est remplie de livres, dont beaucoup sont consacrés à la musique, de l'autobiographie de Chuck Berry à Nowhere To Run, l'histoire de la soul écrite par Gerri Hirshey jusqu'à When We Were Good, une étude sur le revival folk des années 1960.
Springsteen vient juste d'écrire la parfaite addition à cette collection : Born To Run, son autobiographie lucide, terre-à-terre, pleine d'anecdotes. Avec ses petites histoires sur le rock'n'roll (pas de drogues, un peu de sexe, une seule guitare fracassée), elle offre une recette psychologique à la création d'une superstar qui aime à s'auto-flageller : une grand-mère excessivement dévote; un père tout en retenue qui s'avère avoir plus souffert de maladie mentale plutôt que d'avoir été un simple ouvrier intransigeant; une mère increvable qui croit fermement à la philosophie que "ce n'est pas un péché d'être heureux de vivre". (1)
Dans un salon ensoleillé où les fenêtres donnent sur la verte étendue de sa propriété, Springsteen parle de la genèse du livre, son combat contre la dépression, l'avenir de sa carrière et de bien d'autres choses, restant silencieux sur un seul sujet. Quand je mentionne mon horreur à la vue du gouverneur du New Jersey, Chris Christie, qui a apporté son soutien à Donald Trump, brandir son poing et chanter en chœur ces paroles, "le pauvre veut devenir riche, le riche veut devenir roi" (1) lors d'un récent concert à Brooklyn, Springsteen éclate de rire jusqu'à en devenir rouge. Quand il retrouve son souffle, il dit, "Je n'ai pas de commentaire à faire".
De sa maison actuelle, il arrive à son home studio, logé dans un bâtiment, ressemblant à un garage, en bois blond immaculé. C'est, au final, un long chemin parcouru depuis ce magnétophone quatre-pistes qu'il a utilisé pour enregistrer l'album Nebraska.
Le salon principal est plein de souvenirs, la plupart consacrés à Elvis Presley ou à Springsteen lui-même (un coussin Greetings From Asbury Park est sur le canapé, et il y a, sur le mur, des images inédites de Bruce-et-Clarence tirées de la séance de photos prises pour l'album Born To Run). La pièce est remplie de livres, dont beaucoup sont consacrés à la musique, de l'autobiographie de Chuck Berry à Nowhere To Run, l'histoire de la soul écrite par Gerri Hirshey jusqu'à When We Were Good, une étude sur le revival folk des années 1960.
Springsteen vient juste d'écrire la parfaite addition à cette collection : Born To Run, son autobiographie lucide, terre-à-terre, pleine d'anecdotes. Avec ses petites histoires sur le rock'n'roll (pas de drogues, un peu de sexe, une seule guitare fracassée), elle offre une recette psychologique à la création d'une superstar qui aime à s'auto-flageller : une grand-mère excessivement dévote; un père tout en retenue qui s'avère avoir plus souffert de maladie mentale plutôt que d'avoir été un simple ouvrier intransigeant; une mère increvable qui croit fermement à la philosophie que "ce n'est pas un péché d'être heureux de vivre". (1)
Dans un salon ensoleillé où les fenêtres donnent sur la verte étendue de sa propriété, Springsteen parle de la genèse du livre, son combat contre la dépression, l'avenir de sa carrière et de bien d'autres choses, restant silencieux sur un seul sujet. Quand je mentionne mon horreur à la vue du gouverneur du New Jersey, Chris Christie, qui a apporté son soutien à Donald Trump, brandir son poing et chanter en chœur ces paroles, "le pauvre veut devenir riche, le riche veut devenir roi" (1) lors d'un récent concert à Brooklyn, Springsteen éclate de rire jusqu'à en devenir rouge. Quand il retrouve son souffle, il dit, "Je n'ai pas de commentaire à faire".
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Alors, pourquoi une autobiographie ?
C'est arrivé un peu par accident. A l'origine, je ne l'ai pas pensé comme un livre. J'écrivais pour passer le temps, et je me disais que si jamais je n'en faisais rien, peut-être que mes enfants aimeraient le lire. J'ai pas mal écrit pendant environ deux ou trois semaines. Quand je suis revenu dessus et que je me suis relu, je me suis dit, "C'est pas mal". J'écrivais de longues tirades sur des blocs-notes, et puis je le mettais de côté pendant des mois. Je le dictais à Mary Mac, mon assistante, et puis je le réécrivais jusqu'à ce que le texte me semble agréable et concis. C'est devenu un projet sur lequel je travaillais. Lorsque nous étions en tournée, je le mettais complètement de côté, pendant un an et demi, jusqu'à la fin de la tournée. Quand j'ai terminé ce qui est devenu la première des trois sections, je me suis dit, "Et bien, il y a ici une histoire qui pourrait être intéressante pour le public".
Donc, vous l'avez écrite dans l'ordre chronologique ?
Oui. J'ai laissé la troisième section de côté pendant un bon moment. C'est la partie la plus difficile, car vous écrivez sur votre vie actuelle et sur les gens qui composent actuellement votre entourage. Il y a beaucoup de jugements différents à donner.
Vous n'avez pas hésité à raconter des évènements sur votre vie qui ternissent votre image. Vouliez-vous briser un peu votre aura de sainteté ?
Oui, cette image m'a toujours ennuyée. C'est beaucoup trop, vous savez. Donc, quelque soit l'entaille que je peux faire à cette image-là, je suis heureux de le faire. Ce n'était pas quelque chose que je voulais faire intentionnellement. Il s'agissait juste d'écrire sur une vie, et sur tous ses nombreux aspects. Mais j'ai aussi décidé que ce serait, en premier lieu, un livre sur ma musique, et puis sur ma vie, de façon secondaire. Si je ne voulais pas écrire sur un sujet précis, je ne le faisais pas. Je n'avais pas fixé de règles, mis à part que je voulais que ce qui se trouve dans le livre se rattache à ma musique. Donc, j'ai estimé que les révélations que j'ai faites sur ma famille ou sur mon fonctionnement intérieur étaient essentielles pour comprendre l'origine de ma musique. Je n'ai pas tout écrit sur moi. Beaucoup de choses n'ont pas été racontées.
En 1990, pendant un concert, un homme a crié, "Nous t'aimons !" Et vous avez répondu, "Mais vous ne me connaissez pas vraiment !" Est-ce que ce livre nous permet vraiment de vous connaitre ?
Je dirais que oui. Mais encore une fois, c'est une création. C'est une histoire que j'ai tirée de mon histoire. C'est une des histoires que j'ai tirées de mon histoire.
Vous utilisez le terme "misogynie" pour décrire votre attitude à l'égard des femmes lorsque vous étiez jeune. C'est une auto-évaluation saisissante.
Vous devez porter les chaussures qui sont à votre taille. J'étais un enragé à l'intérieur. J'ai donc été obligé de me remémorer certaines de mes attitudes de jeunesse, et c'est la seule façon dont je peux les décrire.
Que savez-vous sur les femmes aujourd'hui que vous n'aviez pas compris à l'époque ?
[Rires] Qu'est-ce que je sais sur les femmes que je ne comprenais pas lorsque j'étais jeune ? Oh, Jésus [rires, pause]. Quand Maman est heureuse, tout le monde est heureux. Quand Maman n'est pas heureuse, personne n'est heureux.
C'est arrivé un peu par accident. A l'origine, je ne l'ai pas pensé comme un livre. J'écrivais pour passer le temps, et je me disais que si jamais je n'en faisais rien, peut-être que mes enfants aimeraient le lire. J'ai pas mal écrit pendant environ deux ou trois semaines. Quand je suis revenu dessus et que je me suis relu, je me suis dit, "C'est pas mal". J'écrivais de longues tirades sur des blocs-notes, et puis je le mettais de côté pendant des mois. Je le dictais à Mary Mac, mon assistante, et puis je le réécrivais jusqu'à ce que le texte me semble agréable et concis. C'est devenu un projet sur lequel je travaillais. Lorsque nous étions en tournée, je le mettais complètement de côté, pendant un an et demi, jusqu'à la fin de la tournée. Quand j'ai terminé ce qui est devenu la première des trois sections, je me suis dit, "Et bien, il y a ici une histoire qui pourrait être intéressante pour le public".
Donc, vous l'avez écrite dans l'ordre chronologique ?
Oui. J'ai laissé la troisième section de côté pendant un bon moment. C'est la partie la plus difficile, car vous écrivez sur votre vie actuelle et sur les gens qui composent actuellement votre entourage. Il y a beaucoup de jugements différents à donner.
Vous n'avez pas hésité à raconter des évènements sur votre vie qui ternissent votre image. Vouliez-vous briser un peu votre aura de sainteté ?
Oui, cette image m'a toujours ennuyée. C'est beaucoup trop, vous savez. Donc, quelque soit l'entaille que je peux faire à cette image-là, je suis heureux de le faire. Ce n'était pas quelque chose que je voulais faire intentionnellement. Il s'agissait juste d'écrire sur une vie, et sur tous ses nombreux aspects. Mais j'ai aussi décidé que ce serait, en premier lieu, un livre sur ma musique, et puis sur ma vie, de façon secondaire. Si je ne voulais pas écrire sur un sujet précis, je ne le faisais pas. Je n'avais pas fixé de règles, mis à part que je voulais que ce qui se trouve dans le livre se rattache à ma musique. Donc, j'ai estimé que les révélations que j'ai faites sur ma famille ou sur mon fonctionnement intérieur étaient essentielles pour comprendre l'origine de ma musique. Je n'ai pas tout écrit sur moi. Beaucoup de choses n'ont pas été racontées.
En 1990, pendant un concert, un homme a crié, "Nous t'aimons !" Et vous avez répondu, "Mais vous ne me connaissez pas vraiment !" Est-ce que ce livre nous permet vraiment de vous connaitre ?
Je dirais que oui. Mais encore une fois, c'est une création. C'est une histoire que j'ai tirée de mon histoire. C'est une des histoires que j'ai tirées de mon histoire.
Vous utilisez le terme "misogynie" pour décrire votre attitude à l'égard des femmes lorsque vous étiez jeune. C'est une auto-évaluation saisissante.
Vous devez porter les chaussures qui sont à votre taille. J'étais un enragé à l'intérieur. J'ai donc été obligé de me remémorer certaines de mes attitudes de jeunesse, et c'est la seule façon dont je peux les décrire.
Que savez-vous sur les femmes aujourd'hui que vous n'aviez pas compris à l'époque ?
[Rires] Qu'est-ce que je sais sur les femmes que je ne comprenais pas lorsque j'étais jeune ? Oh, Jésus [rires, pause]. Quand Maman est heureuse, tout le monde est heureux. Quand Maman n'est pas heureuse, personne n'est heureux.
Avez-vous donné à quelqu'un dans votre vie un droit de véto sur la dernière section du livre ? Patti (Scialfa) (2), en particulier ?
Je devais révéler des morceaux de notre vie. C'est une artiste, elle comprend cette partie de notre travail. Mais c'était quelque chose de vraiment fort et de généreux de sa part, et dont je lui en suis profondément reconnaissant. Pour revenir à la question que vous avez posée - ce que je sais à propos des femmes, je l'ai appris de Patti. C'est la connaissance que je cherchais, et elle est entrée dans ma vie et m'a apporté une immense quantité de vision et d'amour et de sécurité que je n'avais jamais eu auparavant. C'est l'amour de ma vie.
Il y a eu d'autres livres écrits sur vous. Que pensez-vous de ces livres ?
Je ne les ai pas suivis d'aussi près. J'ai lu le livre de Dave Marsh [Born To Run] il y a longtemps, dans les années 1970. Et le livre de Peter Ames Carlin [Bruce] qui est sorti récemment. Ils sont tous bons, si vous vous intéressez aux différentes facettes de ma personnalité et aux différentes parties de mon histoire.
J'ai trouvé ça hilarant que vous citiez le livre de votre premier manager, Mike Appel, Down Thunder Road, qui est assez négatif.
En fait, si vous êtes intéressé, c'est aussi disponible. Je n'ai aucun problème avec les différents portraits qui sont faits de moi.
J'ai regardé ce livre de nouveau. Il y a un sous-titre, "Bruce en 1989. Trop vieux pour le rock".
[Rires] J'aime ça.
Je devais révéler des morceaux de notre vie. C'est une artiste, elle comprend cette partie de notre travail. Mais c'était quelque chose de vraiment fort et de généreux de sa part, et dont je lui en suis profondément reconnaissant. Pour revenir à la question que vous avez posée - ce que je sais à propos des femmes, je l'ai appris de Patti. C'est la connaissance que je cherchais, et elle est entrée dans ma vie et m'a apporté une immense quantité de vision et d'amour et de sécurité que je n'avais jamais eu auparavant. C'est l'amour de ma vie.
Il y a eu d'autres livres écrits sur vous. Que pensez-vous de ces livres ?
Je ne les ai pas suivis d'aussi près. J'ai lu le livre de Dave Marsh [Born To Run] il y a longtemps, dans les années 1970. Et le livre de Peter Ames Carlin [Bruce] qui est sorti récemment. Ils sont tous bons, si vous vous intéressez aux différentes facettes de ma personnalité et aux différentes parties de mon histoire.
J'ai trouvé ça hilarant que vous citiez le livre de votre premier manager, Mike Appel, Down Thunder Road, qui est assez négatif.
En fait, si vous êtes intéressé, c'est aussi disponible. Je n'ai aucun problème avec les différents portraits qui sont faits de moi.
J'ai regardé ce livre de nouveau. Il y a un sous-titre, "Bruce en 1989. Trop vieux pour le rock".
[Rires] J'aime ça.