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The Observer, 18 janvier 2009

Rencontrez le nouveau patron



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The Observer, 18 janvier 2009
Même s'il ne dit rien d'autre, le temps nous dit que beaucoup de rock stars ont du mal à accepter le processus de vieillissement. Une des tragédies de la vie de Presley était qu'il a été la première de ces rock stars, et à cette époque, le carte routière n'était pas fournit avec ce job. Trente-six ans après la sortie de son premier album, il est évident que Springsteen possède une carte, une carte qu'il a tracée lui-même et qu'il a soigneusement étudiée. Il a une vision claire de l'avenir et en des temps difficiles, ses pensées se portent sur ce qui perdure.

Vous avez gagné un Golden Globe pour votre chanson pour le film de Darren Aronofsky, The Wrestler, et il semble que vous allez être également nominé pour les Oscars. Comment en êtes-vous arrivé à contribuer à ce film ?

Je connais Mickey Rourke depuis longtemps, depuis le début des années 80, je crois. Il est venu à certains de mes concerts, nous nous sommes rencontrés et avons pas mal traîné ensemble quand je me suis installé pour la première fois à Los Angeles. J'ai toujours été admirateur de son jeu d'acteur. C'est un type qui porte tout simplement en lui ce côté unique, une grande authenticité. J'ai toujours pensé que c'était quelqu'un de beau.

Alors, il m'a appelé et m'a dit "Nous sommes en train de faire ce film". Il a dit "C'est un petit film indépendant et nous recherchons de la musique". Je lui ai dit "Qu'est-ce que tu recherches ?" - je n'avais pas le temps d'écrire toute la bande-son d'un film et je n'ai jamais fait ça - "mais si je peux parvenir à écrire une chanson". Il m'a donc envoyé le scénario et je l'ai lu et j'ai écrit cette chanson, probablement en une après-midi. Tout comme tout ce que j'écris, sauf que pour cette chanson, peut-être que je pense à lui, que je pense au film, que je pense à moi. Pour que la chanson soit bonne, il faut penser à toutes ces choses.

C'était le même processus pour que Streets Of Philadelphia et des chansons de ce genre, quand vous vous mettez à penser au personnage ?

Oui ! Jonathan Demme m'a appelé et je crois qu'il m'a envoyé un extrait du début du film. Il m'a dit qu'il avait déjà Neil Young pour le générique de fin. Il m'a dit "Je veux quelque chose pour le début, une grande chanson rock". J'ai alors essayé de l'écrire comme une chanson rock et ce n'était vraiment pas bon. J'ai alors commencé à jouer sur un petit rythme en boucle. En gros, j'ai regardé le début du film. Si j'écris quelque chose de bien, la chanson sonnera bien par-dessus les images, vous savez. La musique est amusante de cette façon. Si elle est bonne, la séquence sera bonne. La musique imprègne l'image, elle peut aider à imprégner l'image grâce a son âme, évidemment.

Comment avez-vous trouvé le chemin qui vous mène aux thèmes de The Wrestler, qui est un film qui parle d'échec et de personnes sur le déclin professionnellement, des thèmes qui ne vous sont pas familiers, je pense ?

C'est toujours le même travail qui consiste à se mettre à la place de quelqu'un d'autre, tout en ayant une partie de vous qui reste à sa place. Et c'est ainsi que ça marche. J'ai ancré cette chanson dans quelque chose que j'ai moi-même vécu, sur lequel je crois pouvoir écrire.

Tout le monde comprend cette notion de blessure. Tout le monde la comprend. Si je peux écrire dessus, je peux alors vous écrire votre chanson. Tout le monde comprend cette notion de blessure dès l'âge de 12 ans. La plupart des choses que vous écrivez vient de cette période-là, et celle d'avant. La narration de votre vie, la géographie intérieure à travers laquelle vous allez devoir trouver votre chemin est fermement établie assez tôt dans votre vie. Les blessures, sur ce qu'elles font à quelqu'un incapable d'entrer dans la vie normale, incapable de supporter les choses qui vous aident. Ces choses vous donneront une vie si vous pouvez les supporter, si vous pouvez supporter qu'elles soient à vos côtés. Parce que nous passons une grande partie de notre vie à courir. Nous courons, nous fuyons, fuyons, fuyons... une de mes spécialités.

Vous pouvez trouver votre identité dans les blessures qu'on vous a fait subir. Très, très dangereux. Vous pouvez trouver votre identité dans vos plaies, dans vos cicatrices, dans les endroits où vous avez été battu et que vous transformez en une médaille. Nous portons tous en nous les choses auxquelles nous avons survécu avec honneur, mais le véritable honneur consiste également à les transcender et à les dépasser.

Tout le monde a fait l'expérience de ces choses, mais si vous en faites votre vie, c'est une vie très dangereuse que vous créez, et cette vie sera très dure et sera insatisfaite. Et c'est un choix quotidien. Dans ma propre vie, j'ai beaucoup construit, mais... je ne me fais pas d'illusions. Il y a certaines parties en moi qui... il y a toujours une partie en vous qui veut vous prendre ce que vous avez construit. Cette chanson parle donc de ça. Où trouver l'honneur dans votre vie ? Reconnaître la raison pour laquelle cette chanson a une quelconque signification, pourquoi elle vous fait du bien, c'est parce qu'en reconnaissant tout ça, vous vous élevez légèrement, sinon...

Vous sentez-vous toujours comme ce gosse de 12 ans ?

Bien sûr. Il n'existe aucune de vos facettes que vous pouvez laisser de côté; c'est impossible. Vous ne pouvez enlever aucune de vos facettes, vous pouvez seulement en gérer les différentes parties. Il y a une voiture, elle est pleine de personnes. Le gosse de 12 ans est à l'arrière. Avec celui de 22 ans. Ainsi que celui de 40 ans. Ainsi que celui de 50 ans qui a assez bien réussi, et celui de 40 ans qui aime tout faire foirer. Ainsi que celui de 30 ans qui veut prendre le volant et appuyer à fond sur l'accélérateur et s'écraser contre un arbre.

Cette situation ne changera jamais. Personne ne descend. Personne ne se fait jeter sur le bord du chemin. Les portières sont fermées, fermées à clé et scellées, jusqu'au jour où vous mettez les pieds dans votre cercueil. Mais selon celui qui conduit, il y a une grande différence sur la direction que prendra la voiture. Et si c'est le mauvais mec qui est au volant, c'est le crash. La clé, c'est que vous avancez dans la vie, vous ne laissez jamais ces personnes derrière, toutes ces facettes de vous. Vous essayez de devenir bon pour pouvoir toutes les gérer. Et je sais que parfois les gens font face à quelque chose qu'ils veulent changer: "Mais si je me mets à boire, je ne serai plus capable d'écrire, car cette personne sera partie", "Si je vais chercher à en savoir plus, je ne saurai plus qui je suis et cette personne partira". Personne ne s'en va jamais nulle part. Ils sont tous avec vous dans la voiture et c'est un voyage de toute une vie, mais qui se trouve au volant ? Vous voulez derrière le volant le tout dernier modèle de vous-même, la partie de vous qui a pris conscience de certaines de ces choses et qui peut vous conduire vers un endroit où vous voulez aller.

Vous avez sorti votre premier album il y a presque 40 ans mais vous avez toujours un large public, vous avez toujours beaucoup de succès. Selon vous, qu'est-ce qui fait réagir les gens à vos chansons ?

Les artistes auxquels les gens s'intéressent sont des gens qui ont quelque chose qui les dévore. Ce sont les personnes auxquelles on s'intéresse. Elvis. Qu'est-ce qui dévorait ce type ? Pourquoi se devait-il de chanter et de bouger ainsi ? Il y avait quelque chose. Jerry Lee Lewis, qu'est-ce qui le dévorait, qu'est-ce qui dévorait Hank Williams ? Johnny Lydon.

Alors l'idée, c'est: comment arrivez-vous à gérer cette chose qui vous dévore, sans la laisser vous avaler ? Car c'est ce qu'elle veut faire. Cette chose qui vous dévore veut vous avaler. Et donc votre vie est... comment l'empêchez-vous d'y arriver ? C'est aussi une histoire assez intéressante et c'est ce dont parlent la plupart de mes disques, peut-être tous mes disques. Alors maintenant, vous savez - mes disques et la musique et tout le reste, c'est moi qui essaie de ne pas me faire dévorer". Il éclate de rire. "Du mieux que je peux". OMM

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NOTES

Cette interview publiée le 18 janvier 2009 par The Observer Music Monthly a été complétée et réarrangée sur la base de l'interview originale diffusée le 24 janvier 2009 sur Radio 2, dans le cadre de l'émission 'Bruce Springsteen On Songwriting'.

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Photographies Ben Watts

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