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"Bruce, pour commencer, quelle est, à votre avis, votre première motivation quand vous vous asseyez pour écrire une chanson ?
Martin Scorsese disait que le travail de l'artiste est de faire en sorte que les gens s'intéressent à vos obsessions et qu'ils les voient, qu'ils les voient et qu'ils les vivent comme les leurs. C'est ce que vous êtes toujours en train de faire. Et je pense que quand vous captivez votre public, vous le faîtes bien et quand vous et votre public divergez, alors vous ne le faîtes peut-être pas aussi bien que ça. Donc, je m'y essaye. Même si je me suis aventuré à faire des albums comme The Ghost Of Tom Joad ou Nebraska, je pars toujours du principe que les gens sont intéressés par ce qui m'intéresse, si je raconte l'histoire de façon intéressante. C'est mon boulot. Il consiste à rechercher et à découvrir la beauté dans chaque jour.
Ce qui était fantastique dans toute la musique que j'aimais quand j'étais enfant, les gens pensaient que c'était nul, que ce n'était pas beau. Les gens n'étaient pas conscients du non-dit qui était présent dans tant de ces chansons fantastiques, mais si vous étiez un gosse, vous étiez totalement pris par ces chansons, même si vous ne le disiez pas toujours - vous n'osiez pas dire que c'était beau. Vous disiez simplement, "Je l'aime bien. Non, papa, j'aime plutôt celle-ci", ou bien elle est fantastique, ou elle est drôle, ou elle m'excite. Et certains de ces disques ont gardé leur beauté. Si vous écoutez les grands disques des Beatles, les premiers où les paroles sont incroyablement simples. Pourquoi sont-ils toujours aussi beaux ? Et bien, ils sont chantés d'une très belle façon, joués d'une très belle façon et leur construction est élégante. Ils gardent leur élégance. Alors, vous essayez vous aussi d'écrire avec élégance. Il y a quelques morceaux sur ce disque où je me suis intéressé à ce genre de force créatrice, et ce dont on parle ce n'est pas le ruisseau qui coule en traversant votre ferme, c'est le ruisseau quand il disparaît sous terre.
Cet album commence évidemment avec Outlaw Pete, une histoire très américaine (une fable sur un personnage qui ne peut échapper à son passé). Robert Mitchum et Out Of The Past (Les griffes du passé, 1947), The Great Gatsby (Gatsby le magnifique, 1974), ce genre de choses. Quel en est le thème ? Quel message essayiez-vous de faire passer ?
Le thème est que le passé n'est jamais le passé. Il est toujours présent. Et il vaut mieux le prendre en compte dans votre vie et dans votre expérience quotidienne, sinon il va vous rattraper. Il va vraiment vous rattraper. Il reviendra vous dévorer, il vous écartera du présent. Il vous volera votre futur et ça arrive chaque jour. La chanson parle donc d'un personnage à qui cette situation se présente. Il avance. Il essaie de suivre le droit chemin. Il se réveille avec la vision de sa propre mort et se rend compte que la vie a une fin. Le temps est en moi, constamment. Et j'ai peur. Et il s'en va dans l'Ouest où il s'installe. Mais le passé ressurgit sous la forme de ce chasseur de primes, dont l'esprit est aussi animé et envahi par ce besoin d'avoir cet homme. Et ces deux créatures possédées se rencontrent sur les bords de cette rivière où le chasseur de primes est bien évidemment tué et ses derniers mots sont: "Nous ne pouvons défaire ce que nous avons fait".
En d'autres termes, votre passé est votre passé. Vous le portez toujours en vous. Ce sont vos pêchés. Vous les portez toujours en vous. Il vaut mieux apprendre à vivre avec, apprendre l'histoire qu'ils vous racontent. Parce qu'ils vous murmurent votre avenir dans le creux de l'oreille, et si vous n'écoutez pas, cet avenir sera contaminé par la toxicité de votre passé.
Nous avons ici vécu un cauchemar similaire durant les huit dernières années. Nous avons eu un gouvernement aveugle sur le plan historique, qui n'a pas pris en compte le passé. Des milliers et des milliers de gens sont morts, des vies ont été ruinées et de terribles, terribles choses se sont produites parce qu'il n'y avait aucun sens de l'histoire, aucun sens que le passé est vivant et réel.
Pensez-vous alors que ce genre de cauchemar va changer ? Que, dans une certaine mesure, l'Amérique l'a aujourd'hui pris en compte ?
Oui, parce que, vous savez... tout le pays s'est pratiquement effondré (rires). Oui, nous sommes en train d'en faire durement le décompte. Nous traversons, je pense, une période que nous n'avons jamais encore traversée de mon vivant. La politique étrangère, la politique intérieure - amenées à leur point de rupture. Tout a été ruiné. Tout a été cassé.
Et la philosophie qui était à la base de ce gouvernement a détruit les vies de beaucoup, beaucoup de gens. La dérégulation, l'idée d'un marché totalement libre, une politique étrangère aveugle. C'était un groupe de gens très radicaux qui a poussé les choses dans une direction très radicale, qui a eu beaucoup de succès en faisant bouger les choses de la sorte, et nous en subissons les conséquences.
Et êtes-vous optimiste aujourd'hui ?
Les choses sont ainsi. Vous sortez. Vous passez 35 années à chanter vos chansons au sujet d'un endroit. Et vous voyez cet endroit de façon locale, à travers les choses que les gens font dans leurs communautés, d'une ville à l'autre, à l'échelle locale. Mais vous ne les voyez pas à l'échelle nationale. En fait, vous voyez le contraire. Vous voyez un pays s'éloigner de plus en plus des valeurs démocratiques, s'éloigner de plus en plus de toute forme de justice économique et vous continuez simplement à chanter vos chansons.
Vous travaillez en assumant le fait qu'il y a de petites choses que vous pouvez faire. Vous avancez en assumant le fait que vous pouvez avoir un impact limité sur le marché des idées, sur le genre d'endroit dans lequel vous vivez, ses valeurs et les choses qui le rendent spécial à vos yeux. Mais vous ne le voyez pas. Et puis, quelque chose se passe que vous pensiez ne pas voir arriver de votre vivant, qui est que ce pays, en fait, montre son visage le soir des élections".
Martin Scorsese disait que le travail de l'artiste est de faire en sorte que les gens s'intéressent à vos obsessions et qu'ils les voient, qu'ils les voient et qu'ils les vivent comme les leurs. C'est ce que vous êtes toujours en train de faire. Et je pense que quand vous captivez votre public, vous le faîtes bien et quand vous et votre public divergez, alors vous ne le faîtes peut-être pas aussi bien que ça. Donc, je m'y essaye. Même si je me suis aventuré à faire des albums comme The Ghost Of Tom Joad ou Nebraska, je pars toujours du principe que les gens sont intéressés par ce qui m'intéresse, si je raconte l'histoire de façon intéressante. C'est mon boulot. Il consiste à rechercher et à découvrir la beauté dans chaque jour.
Ce qui était fantastique dans toute la musique que j'aimais quand j'étais enfant, les gens pensaient que c'était nul, que ce n'était pas beau. Les gens n'étaient pas conscients du non-dit qui était présent dans tant de ces chansons fantastiques, mais si vous étiez un gosse, vous étiez totalement pris par ces chansons, même si vous ne le disiez pas toujours - vous n'osiez pas dire que c'était beau. Vous disiez simplement, "Je l'aime bien. Non, papa, j'aime plutôt celle-ci", ou bien elle est fantastique, ou elle est drôle, ou elle m'excite. Et certains de ces disques ont gardé leur beauté. Si vous écoutez les grands disques des Beatles, les premiers où les paroles sont incroyablement simples. Pourquoi sont-ils toujours aussi beaux ? Et bien, ils sont chantés d'une très belle façon, joués d'une très belle façon et leur construction est élégante. Ils gardent leur élégance. Alors, vous essayez vous aussi d'écrire avec élégance. Il y a quelques morceaux sur ce disque où je me suis intéressé à ce genre de force créatrice, et ce dont on parle ce n'est pas le ruisseau qui coule en traversant votre ferme, c'est le ruisseau quand il disparaît sous terre.
Cet album commence évidemment avec Outlaw Pete, une histoire très américaine (une fable sur un personnage qui ne peut échapper à son passé). Robert Mitchum et Out Of The Past (Les griffes du passé, 1947), The Great Gatsby (Gatsby le magnifique, 1974), ce genre de choses. Quel en est le thème ? Quel message essayiez-vous de faire passer ?
Le thème est que le passé n'est jamais le passé. Il est toujours présent. Et il vaut mieux le prendre en compte dans votre vie et dans votre expérience quotidienne, sinon il va vous rattraper. Il va vraiment vous rattraper. Il reviendra vous dévorer, il vous écartera du présent. Il vous volera votre futur et ça arrive chaque jour. La chanson parle donc d'un personnage à qui cette situation se présente. Il avance. Il essaie de suivre le droit chemin. Il se réveille avec la vision de sa propre mort et se rend compte que la vie a une fin. Le temps est en moi, constamment. Et j'ai peur. Et il s'en va dans l'Ouest où il s'installe. Mais le passé ressurgit sous la forme de ce chasseur de primes, dont l'esprit est aussi animé et envahi par ce besoin d'avoir cet homme. Et ces deux créatures possédées se rencontrent sur les bords de cette rivière où le chasseur de primes est bien évidemment tué et ses derniers mots sont: "Nous ne pouvons défaire ce que nous avons fait".
En d'autres termes, votre passé est votre passé. Vous le portez toujours en vous. Ce sont vos pêchés. Vous les portez toujours en vous. Il vaut mieux apprendre à vivre avec, apprendre l'histoire qu'ils vous racontent. Parce qu'ils vous murmurent votre avenir dans le creux de l'oreille, et si vous n'écoutez pas, cet avenir sera contaminé par la toxicité de votre passé.
Nous avons ici vécu un cauchemar similaire durant les huit dernières années. Nous avons eu un gouvernement aveugle sur le plan historique, qui n'a pas pris en compte le passé. Des milliers et des milliers de gens sont morts, des vies ont été ruinées et de terribles, terribles choses se sont produites parce qu'il n'y avait aucun sens de l'histoire, aucun sens que le passé est vivant et réel.
Pensez-vous alors que ce genre de cauchemar va changer ? Que, dans une certaine mesure, l'Amérique l'a aujourd'hui pris en compte ?
Oui, parce que, vous savez... tout le pays s'est pratiquement effondré (rires). Oui, nous sommes en train d'en faire durement le décompte. Nous traversons, je pense, une période que nous n'avons jamais encore traversée de mon vivant. La politique étrangère, la politique intérieure - amenées à leur point de rupture. Tout a été ruiné. Tout a été cassé.
Et la philosophie qui était à la base de ce gouvernement a détruit les vies de beaucoup, beaucoup de gens. La dérégulation, l'idée d'un marché totalement libre, une politique étrangère aveugle. C'était un groupe de gens très radicaux qui a poussé les choses dans une direction très radicale, qui a eu beaucoup de succès en faisant bouger les choses de la sorte, et nous en subissons les conséquences.
Et êtes-vous optimiste aujourd'hui ?
Les choses sont ainsi. Vous sortez. Vous passez 35 années à chanter vos chansons au sujet d'un endroit. Et vous voyez cet endroit de façon locale, à travers les choses que les gens font dans leurs communautés, d'une ville à l'autre, à l'échelle locale. Mais vous ne les voyez pas à l'échelle nationale. En fait, vous voyez le contraire. Vous voyez un pays s'éloigner de plus en plus des valeurs démocratiques, s'éloigner de plus en plus de toute forme de justice économique et vous continuez simplement à chanter vos chansons.
Vous travaillez en assumant le fait qu'il y a de petites choses que vous pouvez faire. Vous avancez en assumant le fait que vous pouvez avoir un impact limité sur le marché des idées, sur le genre d'endroit dans lequel vous vivez, ses valeurs et les choses qui le rendent spécial à vos yeux. Mais vous ne le voyez pas. Et puis, quelque chose se passe que vous pensiez ne pas voir arriver de votre vivant, qui est que ce pays, en fait, montre son visage le soir des élections".