Bruce Springsteen
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The Observer, 18 janvier 2009

Rencontrez le nouveau patron



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The Observer, 18 janvier 2009
Pour un homme dont les idées politiques avaient généralement été suggérées plutôt qu'exprimées ouvertement, Springsteen est finalement sorti de son silence avec le soutien public apporté au candidat démocrate à la présidentielle de 2004, John Kerry. Cette fois, il s'est très tôt déclaré pour Obama, le décrivant comme "dépassant tous les autres candidats de la tête et des épaules" en avril 2008. En octobre, il était la tête d'affiche, avec Billy Joel et John Legend, d'un concert visant à collecter des fonds, puis il a pris la route pour jouer au cours de quatre meetings politiques, le dernier d'entre eux, le 02 novembre à Cleveland dans l'Ohio, l'a vu jouer pour la première fois la chanson-titre de Working On A Dream, avant de faire venir toute sa famille sur scène pour qu'elle soit aux côtés de la femme d'Obama et de ses filles.

"Vous avez dit qu'on a dû vous "ramasser à la petite cuillère" après la défaite de Kerry. Comment était-ce cette année ?

Et bien, il y avait une euphorie que je n'avais jamais vue après une élection. Et elle était bien ancrée, je pense, dans la reconnaissance que ce pays, qui semble si souvent enseveli sous les faux-pas et les erreurs, avait subitement montré son vrai visage.

Je suis curieux de savoir de quoi relève votre engagement pour Obama. Je veux dire que vous avez activement fait campagne pour lui, vous avez joué lors de meetings politiques pour lui, vous avez participé au concert d'inauguration cette semaine. Qu'est-ce que vous aimez chez lui ?

Obama est un personnage unique dans l'histoire. L'aspect fondamentalement américain de son histoire et le fait qu'il représente pour beaucoup, beaucoup de gens, une image, et une idée du pays qui semblait avoir disparue au combat.

Son élection a été un moment incroyable pour quelqu'un qui semblait porter en lui, à la fois sérieusement et... pas légèrement, mais sans que ce soit un lourd fardeau, d'énormes pans de l'histoire américaine. Des pans énormes et douloureux.

Quelqu'un qui peut compter avec son passé, qui peut vivre avec son passé dans le présent et avancer vers l'avenir - c'est fabuleux. Et qu'un pays le reconnaisse a été un moment merveilleux. Cet endroit dont nous parlons, sur lequel nous chantons... il est vivant. Il n'est pas mort. Il existe. C'était tout simplement merveilleux, vous savez.

Cette dynamique dans ma vie a joué un grand rôle pour rester en vie. Rester présent. Ne pas trop déconner à un moment donné. Mais c'est une expérience quotidienne. Il y a toujours un lendemain, et heureusement, vous pouvez maintenant utiliser le mot "heureusement". On peut vivre ici et utiliser le mot "heureusement". Donc, c'est plutôt bien".

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Une fois l'élection gagnée, il semblerait que Springsteen ait d'autres choses en tête. Approchant maintenant les 60 ans, son univers personnel change également. Une grande partie a été constante. Il habite dans cet endroit du New Jersey où il a vécu la majeure partie de sa vie. Il a passé la plupart de sa carrière professionnelle avec le même groupe de musiciens, le E Street Band, et tout ça dans un univers où les Beatles ont à peine duré une décennie. Il vit avec sa femme, Patti Scialfa - elle-même membre du groupe - depuis 20 ans, et ils ont trois enfants adolescents.

Aujourd'hui, ses enfants grandissent et quittent le cocon familial, avec Evan, le fils aîné, qui vient de partir à l'université. Et au cours des 18 derniers mois, il a dû endurer la mort de deux de ses amis proches: son assistant personnel, Terry Magovern, et puis, en avril, le claviériste du E Street Band, Danny Federici, qui avait joué avec Springsteen pendant plus de 40 ans. Il est donc peu surprenant, quand il parle du nouvel album, qu'il cite Martin Scorsese - "le travail de l'artiste est de faire en sorte que les gens s'intéressent à vos obsessions et qu'ils les voient et qu'ils les vivent comme les leurs" - même si certaines de ces obsessions proviennent de sources inattendues.

"Il y a une chanson sur l'album - Queen Of The Supermarket - sur un mec qui a complètement craqué pour une caissière. Diable, d'où sort-elle celle-là ?

Ils ont ouvert ce bel et grand supermarché près de chez nous. Patti et moi y sommes allés, et je me souviens avoir parcouru ces allées - je n'avais pas mis les pieds dans un supermarché depuis un bon bout de temps - et j'ai pensé que cet endroit était spectaculaire. Cet endroit est... c'est une terre de fantasmes ! Et puis j'ai commencé à me mettre dans l'ambiance. J'ai commencé à regarder autour de moi et hmmmm - le sous-entendu dans cet endroit est énorme ! Du style "Est-ce que les gens viennent vraiment faire leurs courses dans ce magasin ou peut-être veulent-ils juste baiser sur le carrelage ?" (rires).

Parfois, c'est juste pour faire les courses, vous savez...

Peut-être qu'ils veulent simplement faire leurs courses, mais... (rires) peut-être que cette autre chose se passe. Aux États-Unis, les supermarchés n'ont, quelque part, aucune honte, l'abondance qu'ils offrent est débordante. Alors, l'aspect sexuel, le sous-entendu sexuel au sein du supermarché, et bien, il m'a peut-être embrouillé l'esprit.

Ça doit être vraiment dur d'aller faire les courses avec vous ?


Je vous le dit, c'est comme ça... (rires). Je suis alors rentré à la maison et je me suis dit "Wow, le supermarché est fantastique. C'est mon nouvel endroit préféré (rires). Et je vais écrire une chanson dessus !" Et j'ai commencé à écrire cette chanson, Queen Of The Supermarket, parce que s'il existe un supermarché et que toutes ces choses s'y trouvent, et bien, il doit forcément y exister une reine. Et si vous y allez, évidemment qu'il y en a une. Il y en a des millions. C'est donc une sorte de chanson qui parle de trouver la beauté là où elle est ignorée ou là où elle passe inaperçue.

Et est-ce que Patti vous emmène toujours faire les courses ?

Oui (rires), toujours. Elle me dit "Hé, elle parle de quoi cette chanson ?"

Ne lui dites pas. Je ne lui dirais pas si j'étais vous... Vous devez garder une part de mystère.

C'est drôle - tous ces vieux disques fantastiques semblent toujours suivre un chemin qui mène vers le mystère. Vous vous demandez toujours "Comment était la pièce où ces types ont enregistré ce disque ? Là où ils ont fait ces disques pour Sun Records, qu'est-ce qu'on ressentait ?". Ces disques sont entourés de tant de mystères. De nos jours, on a enlevé à la musique pop une grande partie de ce mystère, mais il ressurgit toujours".


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