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NdT :La suite de cette interview n'a pas été publiée dans le magazine papier, mais seulement sur le site internet de Q.
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Vous avez trois enfants. Quand, pour la dernière fois, leur avez-vous dit "Baissez le volume, ce truc est nul" ?
Voyons voir... Je n'entends pas tout ce qu'ils écoutent. Mon plus jeune fils a été accro au véritable hard-gothique. J'écoutais parfois, Grrr !... Mais à cause de la façon dont j'ai grandi, où une grande partie de ce que je faisais était rejetée, si, au début, je ne l'entends pas, j'essaye de m'approcher un peu et de voir ce qui se passe. Mais ce n'est pas quelque chose que j'écoute dans ma voiture, vous savez. Ma fille aime la musique rap. Si un rapper passe à la radio, elle et ses copines montent à l'arrière de la voiture et elles chantent tout le truc; elles ont mémorisé la chanson en entier, y compris les "bips".
Quelle a été la première musique à vous inspirer en tant que musicien ?
Nos racines étaient pré-psychédéliques. L'approche bohémienne des Stones - un groupe que j'aime tant, et dont je suis un grand fan - n'avait pas beaucoup de sens dans la vie des gamins devant qui nous avons commencé à jouer. Ce qui avait du sens, c'était le soul man qui travaillait dur - les aspirations de la Motown, qui fait que si vous trouviez une façon de trouver votre place, vous pourriez être capable d'avancer un peu. C'étaient ces choses qui vous aidaient à tenir toute une nuit.
Plus tard, au milieu des années 60, il y a eu une influence psychédélique, et j'ai beaucoup joué du blues psychédélique, mais tout ce que j'ai vu quand j'étais gosse, c'étaient des showmen, les types qui faisaient du doo-wop. Pour moi, c'était un grand cadeau que j'ai eu la possibilité de voir et de recevoir en tant que jeune musicien. Avec mon groupe, j'ai voulu, dès le début, intégrer ces valeurs.
L'idée du show a perdu sa valeur légitime à cause de cette notion de bohème, considérée comme une trahison, et que j'ai toujours trouvé quelque peu éronnée. Car une fois que vous êtes sur scène, vous êtes au cœur du spectacle, mon ami, quoi que vous fassiez. Il y a certaines sortes de personnes que je voudrais ne pas voir faire mon spectacle, parce que celui-ci ne correspond pas à ce qu'elles sont. Mais l'idée - et elle reste bonne, et reste un pont vers votre public - était de présenter un spectacle avec l'intention d'avoir un niveau plus profond de communication et d'atteindre une vérité plus profonde.
Les groupes que j'ai aimés... l'incroyable rythmique de musiciens étroitement liés, l'aspect communautaire qui a permis à Sam & Dave, qu'ils se détestaient ou non, de chanter si bien ensemble. Dave chantait bas, Sam chantait haut et ils se rencontraient quelque part au milieu. Et c'est le ballet de l'existence et de la communion humaines. Et j'aime orchestrer ça chaque soir, avec les gars.
Je me souviens avoir vu Sam & Dave au Fast Lane à Asbury Park en 1973 ou '74, durant les dernières années où ils étaient ensemble, et ils étaient toujours aussi bons, vraiment bons. L'endroit était peut-être à moitié vide. Je suis resté là, à voir un miracle. En fait, j'ai pleuré, à cause de la beauté de ce qu'ils faisaient.
Une de vos chansons les plus émouvantes est la chanson bonus sur l'album Magic - Terry's Song, dédiée à votre assistant personnel pendant 24 ans, Terry Magovern, mort en 2007. Quel est votre premier souvenir de lui ?
La première chose que j'ai sue sur Terry Magovern, c'était qu'il m'avait viré d'un endroit qui s'appelait The Captain's Garter. C'était le manager. C'était un maitre-nageur légendaire de la côte du New Jersey et il a fini, comme la plupart de ces maîtres-nageurs, à faire le videur dans les bars, le soir, et a diriger cet endroit. Steve (Van Zandt) et moi y avons joué un soir. C'était plein à craquer et le public nous a adorés. On a pensé, 'Nous sommes fauchés et finalement nous avons ce concert - nous y sommes !'. Nous y sommes retournés et avons attendu à ce que ce type nous dise, 'Je vous veux ici tous les vendredi soirs'. Il a dit, 'Je ne peux pas vous avoir ici'. Quoi ? ! Il nous a dit, 'C'est un bar, espèces d'idiots - les gens sont censés boire, pas écouter de la musique'. Des années plus tard, il a commencé à travailler pour Clarence. Ces deux personnages, côte à côte, c'était vraiment quelque chose à voir - il y avait le plus grand homme blanc que vous ayez jamais vu à côté du plus grand homme noir jamais vu. Quand il s'est arrêté de travailler pour Clarence, il est venu travailler pour moi, pendant de longues années.
Vous avez dissout le E Street Band au début des années 90. Qu'est-ce qui vous a motivé à le reformer à la fin de cette décennie-là ?
Je trouvais que le groupe était quelque chose de très inachevé, et que nous avions encore beaucoup de choses à faire et à dire. Tout a commencé un soir, alors que je sortais d'une pizzéria et que deux gosses sont venus vers moi, ils avaient environ 20 ans, et ils m'ont dit, 'Nous sommes de grands fans et nous n'avons jamais vu le E Street Band'. Je me souviens avoir pensé, quelle était la raison (pour laquelle j'ai mis fin au groupe) ? Une des raisons était que je ne trouvais pas la direction que nous devions prendre pour la suite.
Mais nous nous sommes réunis pour jouer et j'ai écrit une chanson, Land Of Hope And Dreams et une autre, American Skin (41 Shots)... Ok, ces deux chansons auraient pu figurer sur ce que les gens considèrent comme n'importe quel grand album du E Street Band; je sais toujours écrire pour le E Street Band. Ces deux chansons parlent au pays en ce moment... Il y a toujours du travail à faire.
Depuis que le groupe s'est à nouveau réuni, une des choses les plus surprenantes que j'ai découvertes, concerne l'écriture de chansons, durant cette dernière décennie, elle me vient plus facilement qu'à n'importe quelle période de ma vie. J'ai été très productif. Ça ne m'a pas demandé d'effort. Il y a simplement, aujourd'hui, une merveilleuse liberté à écrire.
A votre avis, qu'est-ce qui rend un concert fantastique ?
Une public enthousiaste est un public enthousiasmant. Le public est un facteur décisif dans nos concerts. C'est un lieu de communion, c'est l'idée essentielle. Vous êtes en concert, vraiment, avec le public - il est l'autre instrument dont vous jouez.
C'est quelque chose que j'ai appris et étudié dès mon plus jeune âge, quand j'étais dans mon tout premier groupe, The Castiles. C'est un mécanisme de survie. Nous avons joué devant toutes sortes de publics - des inaugurations de supermarchés, des drive-ins, devant des publics 100% noirs, d'autres 100 % rock... Et nous savions comment survivre dans chaque situation en lisant ce public et, tout en restant dans le domaine de ce que nous désirions faire, comment l'atteindre. Donc, quand j'arrive le soir, je sais tout ce que je dois savoir sur les instruments que j'ai sur scène. Je monte sur scène chaque soir ne sachant absolument rien sur l'instrument le plus important - le public. Ça rend les choses intéressantes.
A Denver, vous avez demandé au groupe de vous jouer 16 mesures de Louie, Louie sous l'impulsion du moment et ils n'ont fait aucune fausse note...
C'est notre professionnalisme, ce dont je suis très fier - je ne pense pas que ce soit un gros mot. Les compétences de notre groupe. Leur habileté. Quand ces choses sont bien utilisées, elles apportent la puissance, l'énergie, la concentration, l'intention, le but, la communication pour signifier quelque chose à notre public. Je sais que je peux toujours me tourner vers eux et leur demander un truc comme ça, et le groupe le jouera du mieux possible. Nous laissons toujours ces portes grandes ouvertes.
Et pour la suite ?
Le réalisateur John Sayles, un de mes amis et un compatriote du New Jersey, a dit, 'Je ne me fais pas de souci sur la manière dont mes films seront perçus dans 10 ans - ils sont là pour offrir un service aujourd'hui'. Ce soir, nous étions là pour offrir un service, au Colorado. Et dans quelques jours, j'essayerai de faire la même chose dans une autre ville. Je ne sais pas où tout ça nous mène. J'ai ma fierté et mon égo, bien sûr, mais je veux tout simplement monter sur scène et faire mon travail, être avec les hommes et les femmes qui sont à mes côtés et servir ce public.
Voyons voir... Je n'entends pas tout ce qu'ils écoutent. Mon plus jeune fils a été accro au véritable hard-gothique. J'écoutais parfois, Grrr !... Mais à cause de la façon dont j'ai grandi, où une grande partie de ce que je faisais était rejetée, si, au début, je ne l'entends pas, j'essaye de m'approcher un peu et de voir ce qui se passe. Mais ce n'est pas quelque chose que j'écoute dans ma voiture, vous savez. Ma fille aime la musique rap. Si un rapper passe à la radio, elle et ses copines montent à l'arrière de la voiture et elles chantent tout le truc; elles ont mémorisé la chanson en entier, y compris les "bips".
Quelle a été la première musique à vous inspirer en tant que musicien ?
Nos racines étaient pré-psychédéliques. L'approche bohémienne des Stones - un groupe que j'aime tant, et dont je suis un grand fan - n'avait pas beaucoup de sens dans la vie des gamins devant qui nous avons commencé à jouer. Ce qui avait du sens, c'était le soul man qui travaillait dur - les aspirations de la Motown, qui fait que si vous trouviez une façon de trouver votre place, vous pourriez être capable d'avancer un peu. C'étaient ces choses qui vous aidaient à tenir toute une nuit.
Plus tard, au milieu des années 60, il y a eu une influence psychédélique, et j'ai beaucoup joué du blues psychédélique, mais tout ce que j'ai vu quand j'étais gosse, c'étaient des showmen, les types qui faisaient du doo-wop. Pour moi, c'était un grand cadeau que j'ai eu la possibilité de voir et de recevoir en tant que jeune musicien. Avec mon groupe, j'ai voulu, dès le début, intégrer ces valeurs.
L'idée du show a perdu sa valeur légitime à cause de cette notion de bohème, considérée comme une trahison, et que j'ai toujours trouvé quelque peu éronnée. Car une fois que vous êtes sur scène, vous êtes au cœur du spectacle, mon ami, quoi que vous fassiez. Il y a certaines sortes de personnes que je voudrais ne pas voir faire mon spectacle, parce que celui-ci ne correspond pas à ce qu'elles sont. Mais l'idée - et elle reste bonne, et reste un pont vers votre public - était de présenter un spectacle avec l'intention d'avoir un niveau plus profond de communication et d'atteindre une vérité plus profonde.
Les groupes que j'ai aimés... l'incroyable rythmique de musiciens étroitement liés, l'aspect communautaire qui a permis à Sam & Dave, qu'ils se détestaient ou non, de chanter si bien ensemble. Dave chantait bas, Sam chantait haut et ils se rencontraient quelque part au milieu. Et c'est le ballet de l'existence et de la communion humaines. Et j'aime orchestrer ça chaque soir, avec les gars.
Je me souviens avoir vu Sam & Dave au Fast Lane à Asbury Park en 1973 ou '74, durant les dernières années où ils étaient ensemble, et ils étaient toujours aussi bons, vraiment bons. L'endroit était peut-être à moitié vide. Je suis resté là, à voir un miracle. En fait, j'ai pleuré, à cause de la beauté de ce qu'ils faisaient.
Une de vos chansons les plus émouvantes est la chanson bonus sur l'album Magic - Terry's Song, dédiée à votre assistant personnel pendant 24 ans, Terry Magovern, mort en 2007. Quel est votre premier souvenir de lui ?
La première chose que j'ai sue sur Terry Magovern, c'était qu'il m'avait viré d'un endroit qui s'appelait The Captain's Garter. C'était le manager. C'était un maitre-nageur légendaire de la côte du New Jersey et il a fini, comme la plupart de ces maîtres-nageurs, à faire le videur dans les bars, le soir, et a diriger cet endroit. Steve (Van Zandt) et moi y avons joué un soir. C'était plein à craquer et le public nous a adorés. On a pensé, 'Nous sommes fauchés et finalement nous avons ce concert - nous y sommes !'. Nous y sommes retournés et avons attendu à ce que ce type nous dise, 'Je vous veux ici tous les vendredi soirs'. Il a dit, 'Je ne peux pas vous avoir ici'. Quoi ? ! Il nous a dit, 'C'est un bar, espèces d'idiots - les gens sont censés boire, pas écouter de la musique'. Des années plus tard, il a commencé à travailler pour Clarence. Ces deux personnages, côte à côte, c'était vraiment quelque chose à voir - il y avait le plus grand homme blanc que vous ayez jamais vu à côté du plus grand homme noir jamais vu. Quand il s'est arrêté de travailler pour Clarence, il est venu travailler pour moi, pendant de longues années.
Vous avez dissout le E Street Band au début des années 90. Qu'est-ce qui vous a motivé à le reformer à la fin de cette décennie-là ?
Je trouvais que le groupe était quelque chose de très inachevé, et que nous avions encore beaucoup de choses à faire et à dire. Tout a commencé un soir, alors que je sortais d'une pizzéria et que deux gosses sont venus vers moi, ils avaient environ 20 ans, et ils m'ont dit, 'Nous sommes de grands fans et nous n'avons jamais vu le E Street Band'. Je me souviens avoir pensé, quelle était la raison (pour laquelle j'ai mis fin au groupe) ? Une des raisons était que je ne trouvais pas la direction que nous devions prendre pour la suite.
Mais nous nous sommes réunis pour jouer et j'ai écrit une chanson, Land Of Hope And Dreams et une autre, American Skin (41 Shots)... Ok, ces deux chansons auraient pu figurer sur ce que les gens considèrent comme n'importe quel grand album du E Street Band; je sais toujours écrire pour le E Street Band. Ces deux chansons parlent au pays en ce moment... Il y a toujours du travail à faire.
Depuis que le groupe s'est à nouveau réuni, une des choses les plus surprenantes que j'ai découvertes, concerne l'écriture de chansons, durant cette dernière décennie, elle me vient plus facilement qu'à n'importe quelle période de ma vie. J'ai été très productif. Ça ne m'a pas demandé d'effort. Il y a simplement, aujourd'hui, une merveilleuse liberté à écrire.
A votre avis, qu'est-ce qui rend un concert fantastique ?
Une public enthousiaste est un public enthousiasmant. Le public est un facteur décisif dans nos concerts. C'est un lieu de communion, c'est l'idée essentielle. Vous êtes en concert, vraiment, avec le public - il est l'autre instrument dont vous jouez.
C'est quelque chose que j'ai appris et étudié dès mon plus jeune âge, quand j'étais dans mon tout premier groupe, The Castiles. C'est un mécanisme de survie. Nous avons joué devant toutes sortes de publics - des inaugurations de supermarchés, des drive-ins, devant des publics 100% noirs, d'autres 100 % rock... Et nous savions comment survivre dans chaque situation en lisant ce public et, tout en restant dans le domaine de ce que nous désirions faire, comment l'atteindre. Donc, quand j'arrive le soir, je sais tout ce que je dois savoir sur les instruments que j'ai sur scène. Je monte sur scène chaque soir ne sachant absolument rien sur l'instrument le plus important - le public. Ça rend les choses intéressantes.
A Denver, vous avez demandé au groupe de vous jouer 16 mesures de Louie, Louie sous l'impulsion du moment et ils n'ont fait aucune fausse note...
C'est notre professionnalisme, ce dont je suis très fier - je ne pense pas que ce soit un gros mot. Les compétences de notre groupe. Leur habileté. Quand ces choses sont bien utilisées, elles apportent la puissance, l'énergie, la concentration, l'intention, le but, la communication pour signifier quelque chose à notre public. Je sais que je peux toujours me tourner vers eux et leur demander un truc comme ça, et le groupe le jouera du mieux possible. Nous laissons toujours ces portes grandes ouvertes.
Et pour la suite ?
Le réalisateur John Sayles, un de mes amis et un compatriote du New Jersey, a dit, 'Je ne me fais pas de souci sur la manière dont mes films seront perçus dans 10 ans - ils sont là pour offrir un service aujourd'hui'. Ce soir, nous étions là pour offrir un service, au Colorado. Et dans quelques jours, j'essayerai de faire la même chose dans une autre ville. Je ne sais pas où tout ça nous mène. J'ai ma fierté et mon égo, bien sûr, mais je veux tout simplement monter sur scène et faire mon travail, être avec les hommes et les femmes qui sont à mes côtés et servir ce public.