Bruce Springsteen
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Q, juillet 2009

Bruce Springsteen sur scène, hors scène & à bord de son avion privé



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Q, juillet 2009
Vous avez construit le set pour qu'il résonne avec l'époque - en ouvrant avec Badlands, en reprenant le vieux standard folk américain, Hard Times Come Again No More...

Bien sûr. Le nouvel album a été écrit juste après Magic, avant la crise, pendant la campagne et l'élection du Président Obama... Et donc, quand nous sommes repartis en tournée, j'ai dit, 'Hé, ce qui se passe maintenant ne figure pas sur le nouveau matériel - j'ai besoin de choses qui introduisent l'époque immédiate' et j'ai trouvé ça sur Nebraska et ...Tom Joad, des disques que j'ai écrit bien avant. A la fin des années 70, mon beau-frère travaillait dans la construction. L'économie s'est cassée la gueule. Il a perdu son boulot et il est devenu concierge dans un lycée. C'est à ce moment-là que j'ai écrit The River et la plupart de cette musique. Ce matériel, comme cette chanson de Stephen Forster (Hard Times... écrite en 1854) finissent toujours par revenir.

Working On A Dream sonne comme un soulagement après Magic. C'était votre disque le plus furieux, n'est-ce pas ?

Et bien, il y avait tant de choses qui ont permis de se mettre en colère. Quand la Cour Suprême a arrêté de compter les votes (en Floride pendant l'élection présidentielle de 2000), c'était un véritable coup judiciaire. Puis les événements qui en ont découlés, la grande tragédie provient de cette décision... Les milliers de vies perdues. Pour mes amis qui ont survécu et payé le prix du Vietnam, les personnes que je connais qui ont été des soldats activistes, c'était une énorme tragédie. C'était rageant à voir. Comment les bonnes choses pour lesquelles vous vivez peuvent disparaître en un clin d'œil. Ce que je retiens de Woody Guthrie est que, si vous êtes là, alors vous êtes un joueur dans l'histoire, et vous n'avez qu'un bref instant pour jouer votre rôle. Pour demander: est-ce que je peux avoir un impact ? Même s'il n'est que minime.

Vous voyez ça comme une partie de votre travail - tenir un miroir sur ce qui se passe dans le monde ?

Il y a toujours l'histoire du canari-dans-la-mine. Mais je ne surjoue pas le rôle de la musique rock dans les événements mondiaux et dans la politique, je ne pense pas forcément qu'elle puisse avoir un profond impact. Mais elle a une certaine valeur. Et les artistes que j'aime sont les gars qui étaient prêts à affronter leur moment. Et puis, il faudrait regarder Elvis et vous dire que c'était l'un des artistes les moins rhétoriques et les plus révolutionnaires de tous les temps. Il a fallu attendre le milieu des années 60 avec If I Can Dream dans son émission Comeback Special pour voir apparaître ce qui peut être considéré comme une pensée politique à adopter. Au même moment, parce qu'il s'est rendu compte de la supériorité d'une bonne partie de la culture noire, et qu'il était assez courageux pour l'inclure dans son travail, voici un mec qui était un précurseur du mouvement des droits civiques, et qui a naturellement traversé les frontières raciales et sexuelles. Alors le contenu politique peut être des plus puissants, quand il n'est pas trop littéral. Je ne monte pas sur scène chaque soir avec un programme politique, au sens propre du terme. Nous avons un programme émotionnel avec lequel nous entrons en contact avec le public, et à travers lui, vous exprimez vos idées politiques de manière à ce qu'elles s'intègrent, et de façon naturelle, dans la vie des gens qui viennent vous voir.

Vous semblez être un homme dans l'urgence. Cette décennie, vous avez fait cinq albums, et vous avez tourné à chaque fois.

Un train qui avance focalise l'esprit. Chez certaines personnes, des pièces s'usent. Certaines peuvent être remplacées, d'autres non. Nous avons perdu des gars ces deux dernières années... Alors vous comprenez que le E Street Band est une chose limitée. Je veux dire, nous avons prévu de continuer jusqu'à ce que la terre s'ouvre sous nos pieds et, qu'en avançant, nous tombions dans ce trou. Selon moi, nous entrons dans un deuxième âge d'or de notre groupe. Nous faisons vraiment de bons albums, nous donnons de grands concerts. Si vous avez 15 ans, et que vous venez nous voir avec votre père ou votre grand frère, vous verrez un groupe aussi enflammé et convaincant que celui qu'ils ont vu en 1985. Ce sera différent, mais cette essence sera au centre du brasier de ce que nous faisons chaque soir. Et aussi longtemps que cette chose existera...

Ces personnes que vous avez perdues - Terry Magovern et Danny Federici. Comment leur disparition a-t-elle changé la dynamique du groupe ?

Terry, nos fans le connaissaient bien. Il a été là avec nous pendant 24 ans. Il était la dernière grande figure des bars de la côte du New Jersey, d'où nous venons tous. Il faisait partie des Navy Seals (nageurs de combats de la Marine américaine, ndt), il sortait les astronautes de l'eau. Et nous avons développé une longue amitié, très silencieuse mais très intense. Danny... je ne sais pas, 40 années à travailler ensemble, c'est long. Vous avez grandi avec ces mecs. Vous avez été témoin de leurs accidents, leurs ruines, leurs divorces, la naissance de leurs enfants... Mais nous étions plus chanceux que beaucoup d'autres. C'est une grande source de fierté - jusqu'à la fin de la dernière tournée, notre groupe était en vie et sur scène. Je ne sais pas combien de groupes de notre génération ou celle d'avant pourraient le dire. Nous avions des gars qui ont grandi et qui sont morts de choses dont les adultes meurent, les choses que la vie vous apporte à un certain moment. Ils me manquent terriblement, mais j'en suis très content - c'est la manière dont les choses doivent se passer.


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