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Il y a trente-deux ans, en 1984, c'est à Pittsburgh que vous avez dénoncé la récupération politique que faisait Ronald Reagan de votre chanson Born In The U.S.A. Quel regard portez-vous aujourd'hui sur la politique américaine ?
C'est difficile d'être optimiste dans le contexte de l'élection présidentielle américaine. Tout ce qui se passe autour de Trump depuis qu'il est devenu le candidat officiel des Républicains est déprimant. La campagne est particulièrement sale et il n'arrête pas de lancer de la boue - il ferait bien de parler à son ange gardien. Nous vivons une période difficile pour la démocratie, mais nous n'avons pas vraiment le choix : il faut essayer d'avancer de la manière la plus positive possible. J'ajoute mon grain de sel quand je pense que c'est constructif et que ça peut aider, et c'est tout ce que je peux faire en ce moment. Il faut s'efforcer de se projeter vers l'avenir et croire comme Martin Luther King que l'arc-en-ciel de la justice finira par triompher. Ça prendra du temps, mais les luttes finissent toujours par construire un monde nouveau.
Diriez-vous que ce fossé entre les riches et les pauvres explique l’ascension de Donald Trump ?
Depuis trente ans, la désindustrialisation des États-Unis a causé beaucoup de souffrances et fait perdre leur travail à beaucoup de gens. Cela remonte aux années Reagan, et quand je suis venu jouer ici à l'époque, les aciéries commençaient déjà à fermer. Le traumatisme du chômage, des délocalisations et la disparition de la classe ouvrière durent depuis plusieurs générations, et nous payons le prix de nos erreurs. La capitalisme est devenu fou aux dépens de ceux qui ont bâti l'Amérique de leurs mains. Les écarts de richesse grandissants n'ont fait qu'aggraver la situation. C'est l'un des principaux problèmes auxquels sont confrontés les États-Unis aujourd'hui.
Comment expliquez-vous la haine que voue une partie de la classe ouvrière blanche à Obama ?
Obama est le symbole d'un grand changement, et ça dérange beaucoup de gens. Le succès de Trump repose sur sa capacité à offrir des réponses très simples à des problèmes extrêmement compliqués. Vous vous inquiétez du fait que l'Amérique est de moins en moins blanche ? Il déclarera la guerre. Vous avez peur pour l'emploi ? Il déclarera la guerre. Il présente les choses de manière à faire croire qu'il existe une solution simple pour n'importe quel problème. Et il existe aussi un racisme profondément ancré dans la société américaine : il continue à se faire sentir, et il s'est même solidement implanté. Plus nous faisons de progrès dans la lutte contre le racisme, plus nous constatons qu'il reste très profond. Avec la mouvement Black Lives Matter, la question des méthodes policières et du comportement de la police a pris une ampleur inédite. Et au fond, la réponse à votre question est simple : beaucoup de gens n'ont pas envie d'avoir un président noir.
Vous avez soutenu Obama avec enthousiasme en 2008 et en 2012. Comment jugez-vous ses deux mandats ?
Je pense que c'est un grand président. Il n'y a qu'à voir comment sa réforme du système de santé a changé, à elle seule, la vie de millions de gens. Le pouvoir de Wall Street a aussi été limité. Est-ce que j'aimerais qu'on aille plus loin ? Oui, bien sûr, mais ça a été déjà assez difficile comme ça de gouverner dans l'atmosphère de clivage partisan féroce qui existe actuellement à Washington. Alors, je reste un fan d'Obama.
Et aimeriez-vous qu'une femme puisse devenir présidente des États-Unis ?
Tout dépend de la femme, mais c'est une idée qui me plaît ! Je crois qu'Hillary Clinton a prouvé qu'elle était qualifiée pour être présidente. Toutes ces années, elle a démontré qu'elle avait une volonté de fer, et même si elle a ses défauts, je suis convaincu qu'elle est capable de diriger le pays.
Au printemps dernier, vous avez annulé votre concert en Caroline du Nord, en signe de protestation contre la loi (Bathroom Bill) qui interdit aux personnes transgenres d'utiliser des toilettes publiques qui ne correspondent pas à leur certificat de naissance. Avez-vous eu à subir un retour de bâton ?
Oui, de temps en temps, on reçoit quelques lettres pleines de haine. Javais aussi vu ça au moment de la mort d'Amadou Diallo (cet immigrant guinéen froidement abattu par la police à Harlem en 1999, NDLR) quand j'avais écrit American Skin. Mais les gens connaissent mes positions en matière de justice sociale, et ce qui me tient à cœur. Je ne sais pas si ça a fait avancer la cause, nous ne sommes qu'un petit morceau du grand puzzle : la NBA a annulé des matchs dans le Sud, beaucoup de gens se sont retirés ou ont annulé des concerts. C'est un mouvement de protestation qui suit toujours son cours.
C'est difficile d'être optimiste dans le contexte de l'élection présidentielle américaine. Tout ce qui se passe autour de Trump depuis qu'il est devenu le candidat officiel des Républicains est déprimant. La campagne est particulièrement sale et il n'arrête pas de lancer de la boue - il ferait bien de parler à son ange gardien. Nous vivons une période difficile pour la démocratie, mais nous n'avons pas vraiment le choix : il faut essayer d'avancer de la manière la plus positive possible. J'ajoute mon grain de sel quand je pense que c'est constructif et que ça peut aider, et c'est tout ce que je peux faire en ce moment. Il faut s'efforcer de se projeter vers l'avenir et croire comme Martin Luther King que l'arc-en-ciel de la justice finira par triompher. Ça prendra du temps, mais les luttes finissent toujours par construire un monde nouveau.
Diriez-vous que ce fossé entre les riches et les pauvres explique l’ascension de Donald Trump ?
Depuis trente ans, la désindustrialisation des États-Unis a causé beaucoup de souffrances et fait perdre leur travail à beaucoup de gens. Cela remonte aux années Reagan, et quand je suis venu jouer ici à l'époque, les aciéries commençaient déjà à fermer. Le traumatisme du chômage, des délocalisations et la disparition de la classe ouvrière durent depuis plusieurs générations, et nous payons le prix de nos erreurs. La capitalisme est devenu fou aux dépens de ceux qui ont bâti l'Amérique de leurs mains. Les écarts de richesse grandissants n'ont fait qu'aggraver la situation. C'est l'un des principaux problèmes auxquels sont confrontés les États-Unis aujourd'hui.
Comment expliquez-vous la haine que voue une partie de la classe ouvrière blanche à Obama ?
Obama est le symbole d'un grand changement, et ça dérange beaucoup de gens. Le succès de Trump repose sur sa capacité à offrir des réponses très simples à des problèmes extrêmement compliqués. Vous vous inquiétez du fait que l'Amérique est de moins en moins blanche ? Il déclarera la guerre. Vous avez peur pour l'emploi ? Il déclarera la guerre. Il présente les choses de manière à faire croire qu'il existe une solution simple pour n'importe quel problème. Et il existe aussi un racisme profondément ancré dans la société américaine : il continue à se faire sentir, et il s'est même solidement implanté. Plus nous faisons de progrès dans la lutte contre le racisme, plus nous constatons qu'il reste très profond. Avec la mouvement Black Lives Matter, la question des méthodes policières et du comportement de la police a pris une ampleur inédite. Et au fond, la réponse à votre question est simple : beaucoup de gens n'ont pas envie d'avoir un président noir.
Vous avez soutenu Obama avec enthousiasme en 2008 et en 2012. Comment jugez-vous ses deux mandats ?
Je pense que c'est un grand président. Il n'y a qu'à voir comment sa réforme du système de santé a changé, à elle seule, la vie de millions de gens. Le pouvoir de Wall Street a aussi été limité. Est-ce que j'aimerais qu'on aille plus loin ? Oui, bien sûr, mais ça a été déjà assez difficile comme ça de gouverner dans l'atmosphère de clivage partisan féroce qui existe actuellement à Washington. Alors, je reste un fan d'Obama.
Et aimeriez-vous qu'une femme puisse devenir présidente des États-Unis ?
Tout dépend de la femme, mais c'est une idée qui me plaît ! Je crois qu'Hillary Clinton a prouvé qu'elle était qualifiée pour être présidente. Toutes ces années, elle a démontré qu'elle avait une volonté de fer, et même si elle a ses défauts, je suis convaincu qu'elle est capable de diriger le pays.
Au printemps dernier, vous avez annulé votre concert en Caroline du Nord, en signe de protestation contre la loi (Bathroom Bill) qui interdit aux personnes transgenres d'utiliser des toilettes publiques qui ne correspondent pas à leur certificat de naissance. Avez-vous eu à subir un retour de bâton ?
Oui, de temps en temps, on reçoit quelques lettres pleines de haine. Javais aussi vu ça au moment de la mort d'Amadou Diallo (cet immigrant guinéen froidement abattu par la police à Harlem en 1999, NDLR) quand j'avais écrit American Skin. Mais les gens connaissent mes positions en matière de justice sociale, et ce qui me tient à cœur. Je ne sais pas si ça a fait avancer la cause, nous ne sommes qu'un petit morceau du grand puzzle : la NBA a annulé des matchs dans le Sud, beaucoup de gens se sont retirés ou ont annulé des concerts. C'est un mouvement de protestation qui suit toujours son cours.
Vous écrivez que votre famille ne s'intéressait pas à la politique. Mais lorsque vous avez demandé un jour à votre mère pour quel parti vous étiez, elle a répondu : "On est Démocrates, c'est le parti des travailleurs". Est-ce profondément enraciné en vous ?
Ça m'a frappé quand elle a dit ça parce que c'était littéralement la seule fois de ma vie où j'ai entendu parler de politique à la maison. Tout le reste, j'y suis venu naturellement par moi-même en grandissant. Je ne sais pas jusqu'à quel point cette phrase de ma mère m'a influencé, mais il est clair que l'atmosphère de ma jeunesse et l'ambiance qui régnait à la maison, mes racines, les proches, le fait d'avoir vécu dans les quartiers prolo, ont bâti l'homme que je suis, et m'ont conduit à écrire sur ces sujets-là.
Pourtant, quand il s'agit de faire tourner la boutique, vous vous définissez vous-même comme - en vous citant - un "dictateur bienveillant". Cela veut-il dire que The Boss est un patron social, soucieux de l'équité et des acquis sociaux de ses employés ?
Ça dépend à qui vous posez la question ! Certains vous diront que oui, d'autres probablement pas. Mais j'essaie d'être équitable.
Vous aimeriez que l'on écrive Soul Man sur votre tombe en guise d’épitaphe. Pourquoi pas plutôt celle qu'avait choisie Grouch Marx : "Je vous l'avais bien dit, que j'étais malade !"
Elle est très bonne celle-là !
Ça m'a frappé quand elle a dit ça parce que c'était littéralement la seule fois de ma vie où j'ai entendu parler de politique à la maison. Tout le reste, j'y suis venu naturellement par moi-même en grandissant. Je ne sais pas jusqu'à quel point cette phrase de ma mère m'a influencé, mais il est clair que l'atmosphère de ma jeunesse et l'ambiance qui régnait à la maison, mes racines, les proches, le fait d'avoir vécu dans les quartiers prolo, ont bâti l'homme que je suis, et m'ont conduit à écrire sur ces sujets-là.
Pourtant, quand il s'agit de faire tourner la boutique, vous vous définissez vous-même comme - en vous citant - un "dictateur bienveillant". Cela veut-il dire que The Boss est un patron social, soucieux de l'équité et des acquis sociaux de ses employés ?
Ça dépend à qui vous posez la question ! Certains vous diront que oui, d'autres probablement pas. Mais j'essaie d'être équitable.
Vous aimeriez que l'on écrive Soul Man sur votre tombe en guise d’épitaphe. Pourquoi pas plutôt celle qu'avait choisie Grouch Marx : "Je vous l'avais bien dit, que j'étais malade !"
Elle est très bonne celle-là !