Bruce Springsteen
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Episode 5 - Chacun pour soi : L'Argent et le Rêve Américain

Renegades : Born In The U.S.A.



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BRUCE SPRINGSTEEN: Voici une... Prêt ? Allons-y. Voici Used Cars. Used Cars est une chanson qui capturait l'atmosphère de ma vie de famille, de mon enfance et de mon quartier - la rusticité de nos vies - mieux que n'importe quelle autre chanson que j'ai jamais écrit. Le dénuement de nos vies. Tout ce dont je me rappelle parfaitement, c'était notre excitation lorsque mon père est arrivé en voiture dans l'allée avec cette nouvelle voiture d'occasion [rires] qui aurait bien pu être une Lincoln Continental flambant neuve.

[Bruce Springsteen gratte les cordes de la guitare]

Et aujourd'hui, en y repensant, tu vois... Je crois qu'il y avait de la joie et de la tristesse, mais dans tous les cas, voici Used Cars.

[Bruce Springsteen gratte les cordes de la guitare]

BRUCE SPRINGSTEEN: [Il chante] Ma petite sœur est assise sur le siège avant avec un cornet de glace... Ma mère est assise sur le siège arrière, toute seule... Pendant que mon père la conduit lentement hors du parking... Pour faire un essai le long de Michigan Avenue... Ma mère, elle joue avec son alliance... Et regarde le vendeur qui fixe les mains de mon père... Il nous parle de la remise qu'il nous ferait s'il le pouvait, mais il ne peut pas... Et moi si je pouvais, je jure que je sais exactement ce que je ferais...

Monsieur, le jour où je gagnerai au loto... Je roulerai plus jamais dans une voiture d'occasion... Les voisins arrivent de partout... Lorsque nous nous garons avec notre voiture d'occasion flambant neuve... J'aimerais qu'il appuie sur l'accélérateur et pousse un cri... Et leur dise d'aller tous se faire foutre... Monsieur, le jour où mes numéros sortiront...Je roulerai plus jamais dans une voiture d'occasion...

POTUS BARACK OBAMA: Il y a de véritables inégalités économiques qui ont émergé, et qui doivent être corrigées.

BRUCE SPRINGSTEEN: Mhmm.

[Bruce Springsteen joue Used Cars en fond]

POTUS BARACK OBAMA: Et...

BRUCE SPRINGSTEEN: Si nous ne les corrigeons pas, le pays s'écroulera.

POTUS BARACK OBAMA: Et bien... Parce que lorsque les citoyens perdent ce sens du lieu et du statut, lorsque soudain un travail stable seul ne suffit plus à soutenir ta famille ou à être respecté, lorsqu'il y a cette insécurité chronique, il y a tout un tas de politiques à rectifier.

[Bruce Springsteen joue Used Cars en fond puis la musique s'estompe]

POTUS BARACK OBAMA: Mais ces rectifications sont en partie nécessaires, parce que le pays commence à raconter une histoire différente de l'histoire qui est importante : ce changement, dont nous avons parlé, et qui intervient au cours des années 80, cette injonction « Vive la cupidité », ce changement ne nous a jamais vraiment quitté.

BRUCE SPRINGSTEEN: Non.

POTUS BARACK OBAMA: Il s'est accéléré. Et le débat entre les conservateurs et les progressistes, entre la gauche et la droite, le débat tourne la plupart du temps sur le montant de la redistribution - la quantité d'impôts – mais il n'aborde jamais le cœur du sujet. Comment se fait-il que nous nous mesurons en tenant compte uniquement de la quantité de choses que nous possédons ? Et n'y-a-t-il pas pour nous une façon d'y penser de manière différente ? Parce que si nous y pensons d'une manière différente, alors il devient plus facile pour ceux qui possèdent beaucoup de peut-être renoncer un peu à ce qu'ils ont [rires] dans le but de s'assurer que ceux qui ont moins puissent avoir assez.

BRUCE SPRINGSTEEN: C'est exact. Tu sais, je pense que... Il y a eu cet afflux d'informations, sur une vie dénaturée.

POTUS BARACK OBAMA: Exactement.

BRUCE SPRINGSTEEN: Tu es d'accord ? Et cet afflux ne disparait pas. Jamais. Les citoyens ont besoin aujourd'hui de facultés de décryptage, que les générations avant nous n'avaient pas besoin d'avoir. Mais ils vont aussi devoir déterminer ce qui a de la valeur. Ce qui a véritablement et profondément de la valeur.

POTUS BARACK OBAMA: Et je pense que... C'est le sujet sur lequel je veux en venir. Il y a une histoire, une histoire collective que nous racontons et qui interroge sur les choses auxquelles nous accordons de la valeur.

BRUCE SPRINGSTEEN: Voilà.

POTUS BARACK OBAMA: Comment pouvons-nous créer une nouvelle histoire, où ce qui fonde le statut social, ce sont les valeurs partagées que tu évoques dans tes chansons, et que j'ai essayé d'exprimer dans mon positionnement politique - les valeurs familiales : avoir un code qui définisse ce qu'est une vie honnête et généreuse, une vie réussie, et quel genre d'amis tu as, quel genre de voisin tu es pour les autres. D'une façon ou d'une autre, il va falloir qu'on se débrouille. Mais tu sais ce qui aide ? Que des artistes ou des poètes, comme toi, contribuent à nous ramener sur la voie de la droiture et de l'amour. C'est pour ça que je suis content que tu sois là, et je connais beaucoup de personnes qui le sont aussi. Il faut juste que tu continues à faire de la musique, l'ami.

BRUCE SPRINGSTEEN: De mon côté, je ne suis pas mécontent non plus que tu sois là.

POTUS BARACK OBAMA: Si on commence dans l'auto-congratulation, nos femmes vont intervenir et auront deux mots à nous dire !

BRUCE SPRINGSTEEN: On peut dire que nous avons une histoire formidable à raconter. L'histoire que j'ai raconté toute ma vie, l'histoire à laquelle tu as consacré ta vie. Mais il faut des oreilles prêtes à l'entendre. Mais quelles sont les conditions qui permettent aux gens de l'entendre et d'y croire ?

POTUS BARACK OBAMA: Une des choses que j'ai essayé de faire dans ma carrière politique, ce que j'essaye de faire depuis la fin de mon mandat, c'est de raconter une histoire qui contrebalance l'histoire qui a été racontée, et qui prétend, « Le Rêve Américain se définit par ton ascension au sommet de la pyramide, qui devient de plus en plus escarpée, et plus il y a de personnes en-dessous de toi, et plus riche tu seras » et...

BRUCE SPRINGSTEEN: Et c'est devenue l'histoire dominante, alors qu'elle ne l'était pas, il me semble, il y a 40 ou 50 ans auparavant.

[La guitare électrique joue]

POTUS BARACK OBAMA: Exactement. Nos attentes et notre goût pour définir ce qui est "notre réussite" ont changé, et ce changement se reflète évidemment dans notre politique, non ? Ce qui explique la raison pour laquelle un Donald Trump est élu, car il représente, dans l'esprit de beaucoup de citoyens...

ENSEMBLE: Le succès.

BRUCE SPRINGSTEEN: Je crois... Oui.

POTUS BARACK OBAMA: Tout est plaqué or. Tu as as ton gros avion avec ton nom écrit dessus. Et tu as des buildings avec ton nom dessus, et tu passes ton temps à licencier tes salariés et c'est censé être... Et particulièrement pour les hommes, c'est censé être un signe de réussite, tu vois ?

[La guitare électrique joue]

Et une des choses que je n'ai jamais comprises, c'est la raison pour laquelle on chercherait un succès individuel en excluant les autres. Tu sais, il y a des communautés entières qui vivent dans des enclaves, protégées par des barrières, coupées du plus grand monde. Isolées. Et il s'en dégage un sentiment de solitude. De vide. Tu sais, c'est comme Citizen Kane (14) qui erre dans son grand château, et rumine son histoire de Rosebud. Mais c'est l'attitude de beaucoup une fois au pouvoir. C'est le modèle de la réussite. C'est le point final de la culture dont nous faisons la promotion si souvent.

[La guitare électrique joue]

La bonne nouvelle, c'est que tu peux observer un point de convergence, une convergence potentielle entre les élans religieux dans l’Église, souvent perçus comme conservateurs.

BRUCE SPRINGSTEEN: Mhmm.

POTUS BARACK OBAMA: Et les élans spirituels de beaucoup de jeunes progressistes qui disent, « Écoutez, je veux préserver la planète. Je crois au développement durable. Je crois en l'égalité ». Et il y a cette dimension spirituelle dans nos convictions politiques, dans la façon dont nous définissons le succès, dans notre rapport à l'autre, et au statut au sein de la société, qui est là, et dans laquelle on peut puiser. Et c'est, je pense, une grande partie du travail que nous devons mener pour que l'Amérique se sente à nouveau réconciliée.

[La guitare électrique s'estompe]


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