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POTUS BARACK OBAMA: Comment tu... Il y a un léger trou générationnel entre nous parce que moi je découvre la contre-culture à sa toute fin. Elle était déjà en train de disparaître.
BRUCE SPRINGSTEEN: Exactement.
POTUS BARACK OBAMA: Mais la cassure en... 67 et 68, avec les manifestations contre la guerre au Vietnam et...
BRUCE SPRINGSTEEN: Le Mouvement pour les droits civiques.
POTUS BARACK OBAMA: Le Mouvement pour les droits civiques. Il y a un vrai bouleversement à ce moment-là. Comment tu te positionnes à l'époque ?
BRUCE SPRINGSTEEN: Je pense qu'il y a eu une vraie période de désenchantement, tu vois ? Je me souviens, j'étais jeune, 1965, 15 ans, 1966, 16 ans, je me considérais de toute façon comme un outsider, à cause de la vie que j'avais choisie. J'étais une sorte de faux hippie. Je n'étais pas vraiment hippie. J'ai toujours gardé un pied dans le monde ouvrier et un pied dans le monde de la contre-culture, et je n'ai jamais vraiment appartenu à aucun des deux mondes d'ailleurs. Mais, tu acquiers l'impression que le système est truqué et porte préjudice à un certain nombre de citoyens.
POTUS BARACK OBAMA: Tu avais l'âge pour être appelé sous les drapeaux.
BRUCE SPRINGSTEEN: Oui.
POTUS BARACK OBAMA: Qu'est-ce qu'il s'est passé alors ?
BRUCE SPRINGSTEEN: [rires]
POTUS BARACK OBAMA: C'était la loterie pour l'incorporation ou...
BRUCE SPRINGSTEEN: Oui, oui... Ce qu'il s'est passé, c'était que... Ma tante a tiré quelques ficelles et m'a fait inscrire à une université.
POTUS BARACK OBAMA: D'accord.
BRUCE SPRINGSTEEN: J'ai donc passé une année à l'université.
POTUS BARACK OBAMA: D'accord. Donc, tu as eu un sursis.
BRUCE SPRINGSTEEN: Oui. Ensuite, j'ai rencontré un type à New York. Il voulait me faire signer un contrat discographique. A 19 ans. Je me suis cru au Paradis. Il m'a dit, « Tu dois arrêter les études, si pour toi la musique, c'est du sérieux ». Je n'avais pas le moindre problème à arrêter les études. J'étais même content [rires] « Mais si j'arrête... »
POTUS BARACK OBAMA: D'accord.
BRUCE SPRINGSTEEN: « Je risque d'être incorporé »
POTUS BARACK OBAMA: D'accord.
BRUCE SPRINGSTEEN: Il me dit, « Aucun souci. J'ai tout arrangé, tu sais. Ce n'est pas un problème... »
POTUS BARACK OBAMA: D'accord.
BRUCE SPRINGSTEEN: Je rentre à la maison. Je dis à mes parents, « Je laisse tomber les études. La musique, c'est ce que je veux faire dans la vie ». Ils m'ont donné leur bénédiction à contre-cœur, et j'ai abandonné les études. Et quelque mois plus tard, deux ou trois mois plus tard, j'ai reçu dans la boite aux lettres mon ordre d'incorporation pour servir sous les drapeaux [rires]. On était en 1968.
POTUS BARACK OBAMA: Oui, on est donc en plein milieu.
BRUCE SPRINGSTEEN: Oui, alors je me suis dis, « Je vais appeler le type à New York ». Um, je n'ai jamais pu l'avoir au téléphone.
POTUS BARACK OBAMA: [rires]
BRUCE SPRINGSTEEN: Il n'a plus jamais répondu à un seul de mes appels.
POTUS BARACK OBAMA: Oui, il n'a pas répondu.
BRUCE SPRINGSTEEN: Pas un seul appel. Donc... crois le ou pas, moi et deux autres types de mon groupe avons été convoqué exactement le même jour. Tous les trois.
POTUS BARACK OBAMA: Du groupe ?
BRUCE SPRINGSTEEN: Oui. Tous les trois dans le bus pour Newark. De bon matin, nous nous sommes tous retrouvés sur le parking devant le Centre de Sélection d'Asbury Park. Tout le monde est aligné. Il y a 80% de jeunes noirs d'Asbury Park, peut-être 20% de blancs – que des ouvriers, des travailleurs des usines, rien que des jeunes qui n'allaient pas à l'université.
POTUS BARACK OBAMA: Ceux qui étaient enrôlés sous les drapeaux.
BRUCE SPRINGSTEEN: Tout à fait. Boom, nous sommes tous dans le bus. Nous y allons. Certains avaient préparé leur coup. Tu sais, l'un deux avait un plâtre sur pratiquement tout le corps, complètement bidon.
ENSEMBLE: [rires]
BRUCE SPRINGSTEEN: Donc... [rires] Donc... Il y a une seule et unique chose que je sais. Je vais à Newark, mais après je rentre à la maison. Quoi qu'il en coûte. Pour plusieurs raisons, 1) Je ne crois pas à la guerre, et en 1968, pas grand monde y croyait.
POTUS BARACK OBAMA: Mmm.
BRUCE SPRINGSTEEN: 2) J'avais des amis qui étaient morts là-bas, 3) Je ne voulais pas mourir. Donc, nous arrivons sur place et je tente tout ce qui est possible. Je signe, je signe des papiers... Je les embobine complètement. De leur point de vue, je suis...
POTUS BARACK OBAMA: Déficient mentalement.
BRUCE SPRINGSTEEN: Gay, drogué [rires]
POTUS BARACK OBAMA: Tout l'attirail.
BRUCE SPRINGSTEEN: Ah, guitariste...
POTUS BARACK OBAMA: D'accord.
BRUCE SPRINGSTEEN: Et j'avais subi une commotion cérébrale, ce qui était vrai. J'avais eu un terrible accident de moto sept mois plus tôt et j'ai eu une commotion cérébrale. Et finalement, tu marches dans ce long couloir et la journée est longue – surtout quand tu n'as raconté que des conneries [rires].
POTUS BARACK OBAMA: Et à ce stade, les médecins connaissaient toutes les combines. Tu n'es pas original.
BRUCE SPRINGSTEEN: Non.
POTUS BARACK OBAMA: A 19 ans, tu ne penses à rien de nouveau qui n'a pas été déjà fait 100 fois.
BRUCE SPRINGSTEEN: Donc, j'attends. Tu es dans un long couloir. C'est un couloir vide. Il y a un type derrière un bureau. Il lève la tête, te regarde et dit, « Désolé M. Springsteen, vous n'avez pas été retenu par l'Armée ».
POTUS BARACK OBAMA: Tu as souris ou tu es resté grave et triste ?
BRUCE SPRINGSTEEN: Très grave et triste [rires] J'ai dit, Oh.
POTUS BARACK OBAMA: « Pourquoi ? »
BRUCE SPRINGSTEEN: Et il m'a dit, « Vous pouvez partir ». Je suis donc parti. J'ai ouvert la porte et je me suis retrouvé dehors avec certains types qui étaient dans le bus avec moi. Je ne savais pas ce qu'ils avaient fait, mais ils étaient dehors également. Et il y a eu une fête dans la rue à Newark, New Jersey [rires] avec quelques types juste heureux de ne pas avoir été enrôlés.
POTUS BARACK OBAMA: Qu'est-il arrivé aux autres membres du groupe ?
BRUCE SPRINGSTEEN: Tout le monde a été réformé.
POTUS BARACK OBAMA: Intéressant.
BRUCE SPRINGSTEEN: Et j'ai été classé 4-F, ce qui correspondait à ma commotion cérébrale. Tu vois ? Certains ont été jugés inaptes pour raison mentale, pour avoir inventé des trucs qui étaient [rires] aussi excentriques, voire bien plus que les miens. Mais c'était l'époque qui voulait ça, tu vois... Je n'ai eu aucun doute sur le fait que je rentrerais à la maison.
POTUS BARACK OBAMA: En ce qui me concerne, lorsque j'arrive à l'adolescence, l'Amérique n'est impliquée dans aucune guerre où le contingent est envoyé au front.
BRUCE SPRINGSTEEN: D'accord.
POTUS BARACK OBAMA: Par conséquent, les controverses sur la guerre du Vietnam n'ont pas eu de rôle formateur pour moi.
BRUCE SPRINGSTEEN: D'accord.
POTUS BARACK OBAMA: Tu comprends ? C'est un fait historique que je connais, mais que je ne l'ai pas vécu. Lorsque je suis devenu président, les leçons durement apprises au Vietnam avaient été retenues. Les citoyens avaient compris que nous avions causé du tort aux anciens combattants du Vietnam, en les stigmatisant d'une manière ou d'une autre. De mauvaises décisions avaient été prises à Washington et pourtant, soudain, ce sont les anciens combattants qui ont été entachés par ces décisions. Les américains en sont venus à reconnaitre et à révérer l'action de nos soldats, y compris ceux qui étaient critiques de certains des aspects de l'intervention américaine. Au moment où j'ai l'honneur de devenir commandant en chef, j'ai une grande admiration pour notre armée, et ce qu'elle est en mesure d'accomplir. Sa capacité à prendre un gamin de 20 ans, issu d'une petite ville rurale du Sud, ou un enfant de banlieue, ou du New Jersey, et à en faire un adulte responsable d'équipements de plusieurs milliards de dollars, qui commandera ses camarades dans des combats incroyables.
BRUCE SPRINGSTEEN: Mhmm.
POTUS BARACK OBAMA: Ce dont tu te rends compte, c'est qu'il est possible de révérer le sacrifice, le courage, la bravoure, les traditions de nos armées, tout en affirmant que la guerre est un enfer, et que nous n'avons pas toujours pris les bonnes décisions dans les guerres où nous nous sommes engagés. Je le dis uniquement à titre d'exemple, pour faire comprendre en quels termes je réfléchis à l'Amérique. Je peux regarder en face toutes les erreurs, les péchés, la cruauté et la violence du pays, tout en affirmant, « Oui, c'est vrai. Et pourtant, regardez ce qui est possible. Regardez comment ça s'est déroulé. Regardez la beauté, l'audace et l'exploit, même quand les idéaux sont bafoués ou trahis. Mais ces idéaux proprement dits sont puissants, ce sont des balises. Ils méritent qu'on se batte pour eux afin de les préserver ».
Et tu sais, quand je t'entends parler de la conscription et du Vietnam, des amis que tu as perdus et de la façon dont le pays s'est déchiré au sujet de cette guerre, je me souviens en avoir parlé à des amis qui étaient aller là-bas et qui en sont revenus et qui ont découvert qu'on les traitait de "tueurs de bébés" et on leur crachait dessus et ils sont devenus, quelque part, les objets d'un rejet de cette guerre par les jeunes en particulier, alors qu'ils n'étaient que des gamins qui exprimaient leur patriotisme, accomplissant leur devoir.
BRUCE SPRINGSTEEN: Les soldats à cette époque-là, je connais beaucoup de vétérans, et ils ont été ignorés et mal traités pendant une longue période, reconnus comme les symboles de, je cite, « La seule guerre que l'Amérique ait jamais perdue ».
POTUS BARACK OBAMA: Et je pense que c'est l'occasion qui a grandement fait mûrir l'Amérique.
BRUCE SPRINGSTEEN: Mhmm.
POTUS BARACK OBAMA: Être capable de distinguer les politiques conduites par des hommes en costumes à Washington avec le professionnalisme et le sens du sacrifice et...
BRUCE SPRINGSTEEN: Tout à fait.
POTUS BARACK OBAMA: ...le courage qu'ont montré ceux qui ont combattu.
BRUCE SPRINGSTEEN: C'était un événement majeur. C'était la première fois de ma vie...
[Le synthétiseur joue]
...où j'ai eu le sentiment que le pays s'était égaré.
POTUS BARACK OBAMA: Exactement.
BRUCE SPRINGSTEEN: Complètement égaré. Entre les amis perdus et ma propre expérience, il s'agissait de la perte de l'innocence.
[La guitare et le synthétiseur jouent puis disparaissent]
BRUCE SPRINGSTEEN: Exactement.
POTUS BARACK OBAMA: Mais la cassure en... 67 et 68, avec les manifestations contre la guerre au Vietnam et...
BRUCE SPRINGSTEEN: Le Mouvement pour les droits civiques.
POTUS BARACK OBAMA: Le Mouvement pour les droits civiques. Il y a un vrai bouleversement à ce moment-là. Comment tu te positionnes à l'époque ?
BRUCE SPRINGSTEEN: Je pense qu'il y a eu une vraie période de désenchantement, tu vois ? Je me souviens, j'étais jeune, 1965, 15 ans, 1966, 16 ans, je me considérais de toute façon comme un outsider, à cause de la vie que j'avais choisie. J'étais une sorte de faux hippie. Je n'étais pas vraiment hippie. J'ai toujours gardé un pied dans le monde ouvrier et un pied dans le monde de la contre-culture, et je n'ai jamais vraiment appartenu à aucun des deux mondes d'ailleurs. Mais, tu acquiers l'impression que le système est truqué et porte préjudice à un certain nombre de citoyens.
POTUS BARACK OBAMA: Tu avais l'âge pour être appelé sous les drapeaux.
BRUCE SPRINGSTEEN: Oui.
POTUS BARACK OBAMA: Qu'est-ce qu'il s'est passé alors ?
BRUCE SPRINGSTEEN: [rires]
POTUS BARACK OBAMA: C'était la loterie pour l'incorporation ou...
BRUCE SPRINGSTEEN: Oui, oui... Ce qu'il s'est passé, c'était que... Ma tante a tiré quelques ficelles et m'a fait inscrire à une université.
POTUS BARACK OBAMA: D'accord.
BRUCE SPRINGSTEEN: J'ai donc passé une année à l'université.
POTUS BARACK OBAMA: D'accord. Donc, tu as eu un sursis.
BRUCE SPRINGSTEEN: Oui. Ensuite, j'ai rencontré un type à New York. Il voulait me faire signer un contrat discographique. A 19 ans. Je me suis cru au Paradis. Il m'a dit, « Tu dois arrêter les études, si pour toi la musique, c'est du sérieux ». Je n'avais pas le moindre problème à arrêter les études. J'étais même content [rires] « Mais si j'arrête... »
POTUS BARACK OBAMA: D'accord.
BRUCE SPRINGSTEEN: « Je risque d'être incorporé »
POTUS BARACK OBAMA: D'accord.
BRUCE SPRINGSTEEN: Il me dit, « Aucun souci. J'ai tout arrangé, tu sais. Ce n'est pas un problème... »
POTUS BARACK OBAMA: D'accord.
BRUCE SPRINGSTEEN: Je rentre à la maison. Je dis à mes parents, « Je laisse tomber les études. La musique, c'est ce que je veux faire dans la vie ». Ils m'ont donné leur bénédiction à contre-cœur, et j'ai abandonné les études. Et quelque mois plus tard, deux ou trois mois plus tard, j'ai reçu dans la boite aux lettres mon ordre d'incorporation pour servir sous les drapeaux [rires]. On était en 1968.
POTUS BARACK OBAMA: Oui, on est donc en plein milieu.
BRUCE SPRINGSTEEN: Oui, alors je me suis dis, « Je vais appeler le type à New York ». Um, je n'ai jamais pu l'avoir au téléphone.
POTUS BARACK OBAMA: [rires]
BRUCE SPRINGSTEEN: Il n'a plus jamais répondu à un seul de mes appels.
POTUS BARACK OBAMA: Oui, il n'a pas répondu.
BRUCE SPRINGSTEEN: Pas un seul appel. Donc... crois le ou pas, moi et deux autres types de mon groupe avons été convoqué exactement le même jour. Tous les trois.
POTUS BARACK OBAMA: Du groupe ?
BRUCE SPRINGSTEEN: Oui. Tous les trois dans le bus pour Newark. De bon matin, nous nous sommes tous retrouvés sur le parking devant le Centre de Sélection d'Asbury Park. Tout le monde est aligné. Il y a 80% de jeunes noirs d'Asbury Park, peut-être 20% de blancs – que des ouvriers, des travailleurs des usines, rien que des jeunes qui n'allaient pas à l'université.
POTUS BARACK OBAMA: Ceux qui étaient enrôlés sous les drapeaux.
BRUCE SPRINGSTEEN: Tout à fait. Boom, nous sommes tous dans le bus. Nous y allons. Certains avaient préparé leur coup. Tu sais, l'un deux avait un plâtre sur pratiquement tout le corps, complètement bidon.
ENSEMBLE: [rires]
BRUCE SPRINGSTEEN: Donc... [rires] Donc... Il y a une seule et unique chose que je sais. Je vais à Newark, mais après je rentre à la maison. Quoi qu'il en coûte. Pour plusieurs raisons, 1) Je ne crois pas à la guerre, et en 1968, pas grand monde y croyait.
POTUS BARACK OBAMA: Mmm.
BRUCE SPRINGSTEEN: 2) J'avais des amis qui étaient morts là-bas, 3) Je ne voulais pas mourir. Donc, nous arrivons sur place et je tente tout ce qui est possible. Je signe, je signe des papiers... Je les embobine complètement. De leur point de vue, je suis...
POTUS BARACK OBAMA: Déficient mentalement.
BRUCE SPRINGSTEEN: Gay, drogué [rires]
POTUS BARACK OBAMA: Tout l'attirail.
BRUCE SPRINGSTEEN: Ah, guitariste...
POTUS BARACK OBAMA: D'accord.
BRUCE SPRINGSTEEN: Et j'avais subi une commotion cérébrale, ce qui était vrai. J'avais eu un terrible accident de moto sept mois plus tôt et j'ai eu une commotion cérébrale. Et finalement, tu marches dans ce long couloir et la journée est longue – surtout quand tu n'as raconté que des conneries [rires].
POTUS BARACK OBAMA: Et à ce stade, les médecins connaissaient toutes les combines. Tu n'es pas original.
BRUCE SPRINGSTEEN: Non.
POTUS BARACK OBAMA: A 19 ans, tu ne penses à rien de nouveau qui n'a pas été déjà fait 100 fois.
BRUCE SPRINGSTEEN: Donc, j'attends. Tu es dans un long couloir. C'est un couloir vide. Il y a un type derrière un bureau. Il lève la tête, te regarde et dit, « Désolé M. Springsteen, vous n'avez pas été retenu par l'Armée ».
POTUS BARACK OBAMA: Tu as souris ou tu es resté grave et triste ?
BRUCE SPRINGSTEEN: Très grave et triste [rires] J'ai dit, Oh.
POTUS BARACK OBAMA: « Pourquoi ? »
BRUCE SPRINGSTEEN: Et il m'a dit, « Vous pouvez partir ». Je suis donc parti. J'ai ouvert la porte et je me suis retrouvé dehors avec certains types qui étaient dans le bus avec moi. Je ne savais pas ce qu'ils avaient fait, mais ils étaient dehors également. Et il y a eu une fête dans la rue à Newark, New Jersey [rires] avec quelques types juste heureux de ne pas avoir été enrôlés.
POTUS BARACK OBAMA: Qu'est-il arrivé aux autres membres du groupe ?
BRUCE SPRINGSTEEN: Tout le monde a été réformé.
POTUS BARACK OBAMA: Intéressant.
BRUCE SPRINGSTEEN: Et j'ai été classé 4-F, ce qui correspondait à ma commotion cérébrale. Tu vois ? Certains ont été jugés inaptes pour raison mentale, pour avoir inventé des trucs qui étaient [rires] aussi excentriques, voire bien plus que les miens. Mais c'était l'époque qui voulait ça, tu vois... Je n'ai eu aucun doute sur le fait que je rentrerais à la maison.
POTUS BARACK OBAMA: En ce qui me concerne, lorsque j'arrive à l'adolescence, l'Amérique n'est impliquée dans aucune guerre où le contingent est envoyé au front.
BRUCE SPRINGSTEEN: D'accord.
POTUS BARACK OBAMA: Par conséquent, les controverses sur la guerre du Vietnam n'ont pas eu de rôle formateur pour moi.
BRUCE SPRINGSTEEN: D'accord.
POTUS BARACK OBAMA: Tu comprends ? C'est un fait historique que je connais, mais que je ne l'ai pas vécu. Lorsque je suis devenu président, les leçons durement apprises au Vietnam avaient été retenues. Les citoyens avaient compris que nous avions causé du tort aux anciens combattants du Vietnam, en les stigmatisant d'une manière ou d'une autre. De mauvaises décisions avaient été prises à Washington et pourtant, soudain, ce sont les anciens combattants qui ont été entachés par ces décisions. Les américains en sont venus à reconnaitre et à révérer l'action de nos soldats, y compris ceux qui étaient critiques de certains des aspects de l'intervention américaine. Au moment où j'ai l'honneur de devenir commandant en chef, j'ai une grande admiration pour notre armée, et ce qu'elle est en mesure d'accomplir. Sa capacité à prendre un gamin de 20 ans, issu d'une petite ville rurale du Sud, ou un enfant de banlieue, ou du New Jersey, et à en faire un adulte responsable d'équipements de plusieurs milliards de dollars, qui commandera ses camarades dans des combats incroyables.
BRUCE SPRINGSTEEN: Mhmm.
POTUS BARACK OBAMA: Ce dont tu te rends compte, c'est qu'il est possible de révérer le sacrifice, le courage, la bravoure, les traditions de nos armées, tout en affirmant que la guerre est un enfer, et que nous n'avons pas toujours pris les bonnes décisions dans les guerres où nous nous sommes engagés. Je le dis uniquement à titre d'exemple, pour faire comprendre en quels termes je réfléchis à l'Amérique. Je peux regarder en face toutes les erreurs, les péchés, la cruauté et la violence du pays, tout en affirmant, « Oui, c'est vrai. Et pourtant, regardez ce qui est possible. Regardez comment ça s'est déroulé. Regardez la beauté, l'audace et l'exploit, même quand les idéaux sont bafoués ou trahis. Mais ces idéaux proprement dits sont puissants, ce sont des balises. Ils méritent qu'on se batte pour eux afin de les préserver ».
Et tu sais, quand je t'entends parler de la conscription et du Vietnam, des amis que tu as perdus et de la façon dont le pays s'est déchiré au sujet de cette guerre, je me souviens en avoir parlé à des amis qui étaient aller là-bas et qui en sont revenus et qui ont découvert qu'on les traitait de "tueurs de bébés" et on leur crachait dessus et ils sont devenus, quelque part, les objets d'un rejet de cette guerre par les jeunes en particulier, alors qu'ils n'étaient que des gamins qui exprimaient leur patriotisme, accomplissant leur devoir.
BRUCE SPRINGSTEEN: Les soldats à cette époque-là, je connais beaucoup de vétérans, et ils ont été ignorés et mal traités pendant une longue période, reconnus comme les symboles de, je cite, « La seule guerre que l'Amérique ait jamais perdue ».
POTUS BARACK OBAMA: Et je pense que c'est l'occasion qui a grandement fait mûrir l'Amérique.
BRUCE SPRINGSTEEN: Mhmm.
POTUS BARACK OBAMA: Être capable de distinguer les politiques conduites par des hommes en costumes à Washington avec le professionnalisme et le sens du sacrifice et...
BRUCE SPRINGSTEEN: Tout à fait.
POTUS BARACK OBAMA: ...le courage qu'ont montré ceux qui ont combattu.
BRUCE SPRINGSTEEN: C'était un événement majeur. C'était la première fois de ma vie...
[Le synthétiseur joue]
...où j'ai eu le sentiment que le pays s'était égaré.
POTUS BARACK OBAMA: Exactement.
BRUCE SPRINGSTEEN: Complètement égaré. Entre les amis perdus et ma propre expérience, il s'agissait de la perte de l'innocence.
[La guitare et le synthétiseur jouent puis disparaissent]