Bruce Springsteen
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Episode 4 - Born To Run : La perte de l'innocence

Renegades : Born In The U.S.A.



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POTUS BARACK OBAMA: Donc, un thème qui revient souvent dans tes chansons, un thème présent dans le rock'n'roll, c'est cette idée de prendre la route, de rouler vers l'horizon...

BRUCE SPRINGSTEEN: Oui.

POTUS BARACK OBAMA: Loin de là où tu es... Vers l'horizon.

BRUCE SPRINGSTEEN: C'est exact.

POTUS BARACK OBAMA: Parfois sans savoir où tu vas.

BRUCE SPRINGSTEEN: C'est exact.

POTUS BARACK OBAMA: Et c'est lié à l'idée de liberté, et c'est lié à l'idée de réinvention de soi.

BRUCE SPRINGSTEEN: Oui.

POTUS BARACK OBAMA: Changer de peau, s'affranchir du passé et des contraintes subies. Et t'engager dans un acte de re-création, de ré-invention de soi.

BRUCE SPRINGSTEEN: Conduire une voiture est... C'est une démarche directe et offensive vis-à-vis du monde, tu vois ?

ENSEMBLE: [rires]

BRUCE SPRINGSTEEN: Et c'est marrant, parce que je n'ai pas conduit avant l'âge de 24 ans.

POTUS BARACK OBAMA: Vraiment ?

BRUCE SPRINGSTEEN: Je ne conduisais pas.

POTUS BARACK OBAMA: Huh.

BRUCE SPRINGSTEEN: Entre 14 et 24 ans, je faisais de l'auto-stop partout où j'allais.

POTUS BARACK OBAMA: Tu ne t'es pas dit, « Mec, j'ai besoin de me trouver un volant ? » 

BRUCE SPRINGSTEEN: Euh...

POTUS BARACK OBAMA: Tu n'avais pas le permis ? Ou tu n'avais pas de voiture ?

BRUCE SPRINGSTEEN: Je n'avais pas le permis et je ne savais pas conduire.

POTUS BARACK OBAMA: Laissez-moi vous dire... Puis-je interrompre la conversation juste pour dire que c'est une bonne chose que tu sois devenu une rockstar.

BRUCE SPRINGSTEEN: [rires]

POTUS BARACK OBAMA: Parce qu'on pourrait croire, sinon, que tu es un peu timide. Tu sais, ce gamin pas très bien adapté, mec.

BRUCE SPRINGSTEEN: [rires]

POTUS BARACK OBAMA: En fait, moi je n'étais pas un grand fan de voitures, mais merde, je voulais passer mon permis.

BRUCE SPRINGSTEEN: [rires] Pas moi !

POTUS BARACK OBAMA: Je voulais le passer pour pouvoir prendre la route.

BRUCE SPRINGSTEEN: Et bien, j'étais sur la route, mais...

POTUS BARACK OBAMA: Tu fais de l'auto-stop !

BRUCE SPRINGSTEEN: J'étais sur la route, juste moi et mon pouce tendu. A partir de l'âge de 14 ans, et pendant dix ans. J'avais sorti deux albums, mais je continuais à faire de l'auto-stop. Je n'avais pas de voiture.

POTUS BARACK OBAMA: Comment faisais-tu avec les filles, mec ?

BRUCE SPRINGSTEEN: Elles avaient une voiture ! Elles avaient une voiture ou... Tu dois comprendre que j'allais d'Asbury Park jusqu'à Sea Bright, ou jusqu'à Freehold. Un trajet de 25 kilomètres, tu vois, ce n'était pas le bout du monde.

POTUS BARACK OBAMA: [rires]

BRUCE SPRINGSTEEN: Je n'avais pas de voyage à faire. Mis à part mon premier voyage, qui était un voyage jusqu'en Californie.

[La guitare électrique joue]

Je suis parti...

[Son d'ambiance d'un moteur de Chevrolet qui gronde]

C'était une Chevrolet de 1948, similaire à celle qu'il y a dans mon garage là bas. Et il n'y avait que moi et autre type, et nous avons perdu tous ceux qui roulaient derrière nous. Ils étaient dans un break, avec un matelas à l'arrière, ils se relayaient pour dormir, se reposer et conduire. Ils se sont perdus à Nashville. Il n'y avait pas de téléphones portables. Nous ne pouvions pas appeler quelqu'un pour savoir où il se trouvait. A cette époque-là, quand quelqu'un était perdu sur la route, c'était fini. Nous n'allions plus entendre parler d'eux jusqu'à notre arrivée en Californie, et nous allions en Californie, à des milliers de kilomètres plus loin. Nous avions trois jours pour y arriver, avant un concert que nous avions à Big Sur. Mais pour y arriver en trois jours, tu ne dois pas t'arrêter de conduire.

Donc, la nuit tombe et mon pote me dit, « Hey, c'est ton tour » [rires] « On va se tuer, mec, je ne peux pas conduire cette voiture. Je ne sais pas conduire ». Il me dit, « Si nous nous arrêtons, nous n'arriverons pas à temps. Si nous n'arrivons pas à temps, nous ne serons pas payés. Si nous ne sommes pas payés, nous n'aurons plus d'argent, parce que nous avons tout dépensé en traversant ce foutu pays ». Donc, je me suis mis derrière le volant.

[La guitare acoustique joue]

BRUCE SPRINGSTEEN: Boite de vitesse manuelle à 4 rapports, une vieille Chevrolet de 1948 à plateau, avec tout notre équipement empilé à l'arrière. Tu vois ?

ENSEMBLE: [rires]

POTUS BARACK OBAMA: Combien de fois as-tu fait hurler l'embayage ? [rires]

BRUCE SPRINGSTEEN: Oh, beaucoup de fois. Tout ce qu'on entendait, c'était erghhh, erghhh erghhh erghhh erghhh.

POTUS BARACK OBAMA: [rires]

BRUCE SPRINGSTEEN: Finalement, je lui dit, « Hey mec, je n'arrive pas à la manier ». Le type me dit alors, « Attends une seconde, j'ai une idée ». Il se met sur le siège conducteur...

[Bruits de moteur]

...il met la première. Il nous met sur la route. « Changeons de place ». Nous changeons de place ! Et...

POTUS BARACK OBAMA: Tu conduis en première.

BRUCE SPRINGSTEEN: Je conduis. Non, je conduis tant que cette voiture avance, je peux passer de la première à la seconde à la troisième.

POTUS BARACK OBAMA: Oh ok. Tu as réussi.

BRUCE SPRINGSTEEN: Tu comprends ? J'arrive à changer les vitesses entre ces trois-là.

POTUS BARACK OBAMA: Oui.

BRUCE SPRINGSTEEN: Donc, nous... J'ai peut-être conduit 160 kilomètres comme ça. Tu vois ?

ENSEMBLE: [rires]

BRUCE SPRINGSTEEN: Parce que tu es au milieu du pays.

POTUS BARACK OBAMA: Oui.

BRUCE SPRINGSTEEN: Tu peux le faire ! Tu vois ? Et je l'ai fait ! Je l'ai fait pendant deux jours, et c'est comme ça que j'ai appris à conduire.

POTUS BARACK OBAMA: D'accord.

[La guitare acoustique s'estompe]

[Bruit de moteur qui s'éloigne puis disparaît]

BRUCE SPRINGSTEEN: Mais non... Ma propre expérience en dehors de ce que j'ai écrit dans mes chansons était beaucoup plus hésitante lorsqu'il s'agissait de conduire. Tu vois ?

ENSEMBLE: [rires]

BRUCE SPRINGSTEEN: Je n'avais pas... J'ai toutes ces voitures dans ce garage aujourd'hui, tu vois, tu viens juste de déchirer la route dans ma Corvette. Mais, ah, je ne savais pas conduire. Je ne savais pas réparer un moteur s'il était cassé. Mais je sais ce qu'elles symbolisaient. Je sais que les voitures symbolisaient...

POTUS BARACK OBAMA: L'évasion.

BRUCE SPRINGSTEEN: Exactement. Je connaissais cette valeur symbolique. Tu sais, c'était une époque où A) l'Amérique se sentait encore, très, très, très forte. Très forte. Et la route était romantique. Dans les années 1950, 1960, 1970, les gens se déplaçaient, l'essence était bon marché. Mes premiers longs voyages en voiture, j'avais 20 ans, c'était la traversée de tout le pays jusqu'en Californie, en camion ou en break, une fois par an, pour rendre visite à mes parents, qui s'étaient installés sur la côte Ouest. Je ne pouvais pas prendre l'avion parce que personne n'avait les moyens de se payer un billet d'avion. Je ne pouvais pas leur téléphoner parce que les notes de téléphone étaient vite astronomiques, et nous vivions dans la précarité. Mais, j'étais en communion avec la voiture depuis longtemps. Dans mon livre, je raconte que quelqu'un m'avait dit un jour qu'en cas d'orage, le lieu le plus sûr, c'était le véhicule. Enfant, lorsqu'il y avait de l'orage avec tonnerre et éclairs, je hurlais pour monter dans la voiture. Mes parents me mettaient dans la voiture et roulaient jusqu'à la fin de l'orage. Et le restant de ma vie, j'ai écrit sur les voitures...

J'avais aussi très envie d'écrire des chansons en utilisant les images américaines conventionnelles, pour les réinventer avec ce qui collait aux années 70. Les années 60, c'était les Beach Boys, Chuck Berry, les voitures et les filles, les voitures et les filles. Je ne voulais pas simplement écrire sur les voitures et les filles, je voulais écrire des classiques du rock'n'roll. J'ai donc utilisé ces images et je... Ce que j'ai fait principalement, c'est utiliser ces images-là, mais j'ai ajouté à mes chansons l'effroi qui infiltrait l'air ambiant au cours des années 70.

[Bruce Springsteen - Stolen Car]

Après la Guerre du Vietnam, le pays a cessé d'être innocent. Le pays n'était plus grand ouvert aux quatre vents. C'était une nouvelle ère de limitations. La crise du pétrole, les files d'attente devant les stations-service. Donc, j'ai présenté tous mes personnages dans le contexte d'un nouvel âge américain.

[Bruce Springsteen - Stolen Car : “That tore us apart and made us weep… And I'm driving a stolen car… ]

Comment résonnaient-ils ? Beaucoup plus sombre. Où allaient les gens ? Ils n'étaient pas certain de leur destination. Qu'allaient-ils devenir ? Ils ne savaient pas très bien.

[Bruce Springsteen - Stolen Car : “But I ride by night and I travel in fear…]

Ce sont toutes ces idées-là que je devais placer dans ces voitures, avec mes personnages, et les aider à ce qu'ils les trient.

[Bruce Springsteen - Stolen Car s'estompe]

[PAUSE]


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