Bruce Springsteen
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Episode 3 - Amazing Grace : Musique Américaine

Renegades : Born In The U.S.A.



****

[Une basse funky joue]

BRUCE SPRINGSTEEN: Est-ce que tu chantes sous la douche ?

POTUS BARACK OBAMA: Absolument.

BRUCE SPRINGSTEEN: [rires]

POTUS BARACK OBAMA: Je chante sous la douche. Je chante en dehors de la douche.

BRUCE SPRINGSTEEN: [rires]

POTUS BARACK OBAMA: Chanter ne m’embarrasse pas. Parfois, mes filles et ma femme lèvent les yeux au ciel.

BRUCE SPRINGSTEEN: [rires]

POTUS BARACK OBAMA: Il est arrivé que je sois réprimandé par mon staff.

BRUCE SPRINGSTEEN: [rires]

POTUS BARACK OBAMA: Pour avoir fait du air guitare dans le Air Force One.

BRUCE SPRINGSTEEN: J'aurais aimé, j'aurais aimé voir ça [rires]

POTUS BARACK OBAMA: Et ils s'inquiétaient que les journalistes puissent voir.

BRUCE SPRINGSTEEN: [rires]

POTUS BARACK OBAMA: Joe est probablement celui qui m'a déconseillé de le faire.

BRUCE SPRINGSTEEN: [rires] Si je te pose la question, c'est parce que tu as chanté une assez belle version de Let's Stay Together de Al Green – C'est juste ? C'était bien celle-là ?

POTUS BARACK OBAMA: Écoute, voici l'histoire... Nous sommes à l'Apollo, la légendaire salle de l'Apollo Theatre à Harlem.

BRUCE SPRINGSTEEN: D'accord.

POTUS BARACK OBAMA: C'est une soirée de levée de fonds pour moi.

BRUCE SPRINGSTEEN: Mhmm.

POTUS BARACK OBAMA: Au cours de laquelle Al Green chante. Mais – comme c'est toujours le cas – je n'ai pas pu voir la performance parce qu'il fallait que je sois ailleurs. Et j'arrive bien plus tard, après son passage.

BRUCE SPRINGSTEEN: D'accord.

POTUS BARACK OBAMA: Je suis donc assis en coulisses avec Valérie Jarrett. Et je me dis, « Mince. J'ai manqué Al Green ! » Et donc, je commence à me mettre à chanter dans les loges.

[Il chante] I....So in love with you. [Il chante]

Deux techniciens du son, deux petits malins, me disent, « M. Le président, pourquoi vous ne chanteriez pas ça sur scène ? »

BRUCE SPRINGSTEEN: Yeah, baby. [rires]

POTUS BARACK OBAMA: Et je leur dis, « Vous pensez que je n'en suis pas capable ? »

BRUCE SPRINGSTEEN: [rires]

POTUS BARACK OBAMA: Et Valérie me dit, « Euh, évite ! ».

BRUCE SPRINGSTEEN: [rires]

POTUS BARACK OBAMA: Parce qu'elle assume le rôle de Michelle dans ces circonstances-là.

BRUCE SPRINGSTEEN: Tu t'es fait avoir.

POTUS BARACK OBAMA: Et je pense que je ne l'aurais probablement pas fait si ce n'était pas le 5ème événement de la journée, il me semble.

BRUCE SPRINGSTEEN: Mhmmm.

POTUS BARACK OBAMA: Et je commençais à saturer un peu.

BRUCE SPRINGSTEEN: Bien pour toi.

POTUS BARACK OBAMA: J'étais un peu fatigué.

BRUCE SPRINGSTEEN: [rires] Oui.

POTUS BARACK OBAMA: Et Al Green était encore là. Il était assis au premier rang.

BRUCE SPRINGSTEEN: Oh mec.

POTUS BARACK OBAMA: Donc, je monte sur la scène et je dis, « Ah, Al était là. Je suis désolé de l'avoir manqué ».

BRUCE SPRINGSTEEN: [rires]

POTUS BARACK OBAMA: Et puis, j'ai regardé pour voir si les techniciens me regardaient. Et je me suis lancé d'un coup.

[Extrait d'archive du Président Obama - Let’s Stay Together : « I... soooo in love with you... (la foule applaudit)... You ah... Ces types ne pensaient pas que je le ferais ! »]

[Le synthétiseur joue]

BRUCE SPRINGSTEEN: Ce sur quoi j'ai vraiment envie de t'interroger, évidemment, c'est Amazing Grace (4), car le pays tout entier a été secoué. Et comment ce jour-là, tu en es venu à décider de chanter cette chanson ?

POTUS BARACK OBAMA: C'est une histoire intéressante... Tout d'abord, c'était une journée magique, qui a débuté dans le chagrin. Disons que nous avions anticipé qu'elle commencerait dans le chagrin. Mais il s'est avéré que c'était aussi le jour où la Cour Suprême a rendu le jugement décrétant qu'il était anticonstitutionnel de ne pas laisser les lesbiennes et homosexuels et LGBT...

BRUCE SPRINGSTEEN: Exact.

POTUS BARACK OBAMA: ...de ne pas laisser les partenaires se marier. Le moment était donc joyeux. Mais nous sommes en route vers Charleston juste après que ce jeune... ce jeune homme blanc, plein de haine...

BRUCE SPRINGSTEEN: Oui.

POTUS BARACK OBAMA: ...a ouvert le feu dans un lieu de culte qui l'avait accueilli (5).

BRUCE SPRINGSTEEN: Mon Dieu.

POTUS BARACK OBAMA: Et, en fait, j'avais déjà rencontré le Révérend Pinckney, lors de mes précédentes visites en Caroline du Sud. Il avait deux petites filles qui étaient un peu plus jeunes que Malia et Sasha. Et ça nous poursuivait, on avait l'impression que tous les trois mois il y avait une fusillade.

BRUCE SPRINGSTEEN: Mhmm.

POTUS BARACK OBAMA: Et après chaque tuerie de masse, je me rendais sur place – et parfois Michelle venait avec moi, même si à un certain moment, il devenait difficile pour elle de venir. Et je passais quelques heures avec une famille...

BRUCE SPRINGSTEEN: Hmm.

POTUS BARACK OBAMA: ...qui venait juste d'avoir un enfant ou un père ou un frère, ou un fils assassiné impitoyablement, sans aucune raison. Et j'ai pensé... Je me suis dit, après Newtown (6), où 20 enfants de 6 et 7 ans ans avaient été assassinés par un dérangé – qui détenait chez lui tout un arsenal - je me suis dit, « D'accord. Cette fois, le Congrès va prendre des mesures ». Et je n'ai jamais été aussi proche du désespoir, avec ce pays, lorsque mes efforts en faveur de lois modestes pour davantage de sécurité en matière d'armes à feu, n'ont pas abouti. Elles n'ont même pas été examinées au Sénat. Après le massacre de 20 enfants de cette façon-là.

La seule fois où j'ai vu un agent du Secret Service pleurer pendant que je parlais, c'était à Newtown. Alors, quand l'histoire se répète, je me dis dès le début... Je dis, « J'irais aux funérailles, mais je ne veux pas prendre la parole. Je n'ai plus rien à dire. J'ai l'impression d'être à court de mots ».

BRUCE SPRINGSTEEN: Mhmmm.

POTUS BARACK OBAMA: Je n'étais pas en mesure de dire quoi que ce soit, j'ai usé d'arguments réalistes, rationnels, des arguments d'ordre émotionnels. Je me suis exprimé sur ce sujet avec colère, j'ai montré de la tristesse, et rien ne semble avoir le moindre impact. Je suis donc à court de mots. Et évidemment, on me demande de m'exprimer, et j'étais d'accord, c'était mon rôle... Je ne peux pas me payer le luxe de refuser, mais j'étais bloqué. Je n'avais rien à dire.

Il se trouve qu'à cette époque-là, je correspondais avec une amie, Marilynne Robinson (7), qui est une auteure merveilleuse, qui a écrit Gilead.

BRUCE SPRINGSTEEN: Uh huh.

POTUS BARACK OBAMA: Et un des thèmes sur lequel elle écrit est la grâce. Et nous avons correspondu sur la grâce et venions juste de parler de la notion de... La notion de grâce, comme façon d'admettre que nous sommes fondamentalement imparfaits et faibles et désorientés. Nous ne méritons pas la grâce, mais elle nous touche parfois.

BRUCE SPRINGSTEEN: Mhmmm.

POTUS BARACK OBAMA: Et, alors même que nous correspondions sur ce sujet tous les deux, les familles du massacre de Charleston, au cours de la lecture de l'acte d'accusation du tireur...

BRUCE SPRINGSTEEN: Oui.

POTUS BARACK OBAMA: ...les familles ont dit, « Nous te pardonnons ».

BRUCE SPRINGSTEEN: Ok.

POTUS BARACK OBAMA: Et dans mon esprit, le déclic n'a pas été immédiat. Je pensais encore, « Je ne sais pas quoi dire ». Cody Keenan, le responsable de mes discours, je lui dis, « Mon pote, tu sais, je ne sais pas ce qui peut fonctionner là, cette fois-ci ». Il me propose un texte qui n'est pas, qui n'est pas adapté au moment.

BRUCE SPRINGSTEEN: Mhmm.

POTUS BARACK OBAMA: Ce n'était pas sa faute. C'est juste qu'il est dans le même état d'esprit que moi. Nous avions fait ça trop de fois. Nous étions...

BRUCE SPRINGSTEEN: Mhmm.

POTUS BARACK OBAMA: Nous étions sans... Je suis donc assis là, aux alentours de 22 heures. Et je suis bloqué, tout simplement, et je ne sais pas ce que je vais dire le lendemain. La cérémonie devait avoir lieu le lendemain. Les lettres de Marylinne sont posées sur un bureau et je... Je vois le mot "grâce" quelque part, sans y prêter attention, et je commence à chanter pour moi-même.

[Il chante] Amazing Grace... Tu vois ?

BRUCE SPRINGSTEEN: Hmm.

POTUS BARACK OBAMA: Et j'ai pensé aux familles qui avaient dit, « Nous te pardonnons ». Et je me suis dit, « Et bien, je peux peut-être travailler là dessus ». Et d'un trait, j'ai écrit l'oraison funèbre en 10 minutes, peut-être 20. L'oraison funèbre dans son intégralité, qui a juste jailli de moi. Nous montons à bord de l'Air Force One et je confie à Valérie et Michelle - encore une fois ce sont les deux plus enclines à exprimer des réserves, « Écoutez, je veux que vous sachiez toutes les deux - et ce n'est pas sûr, mais ce n'est pas exclu - qu'il est possible que je chante ». Leur réaction n'a pas tardé, « Attends, qu'est-ce que tu veux dire ? ». « Je ne sais pas, on verra si le cœur y est. »

Nous arrivons là-bas. C'est un lieu immense évidemment. Le Révérend Pinckney était un pasteur de l’Église épiscopale méthodiste africaine Emanuel, donc tout le clergé était derrière moi. Je me lève et je prononce l'éloge funèbre. J'en arrive au moment où je parle de "grâce splendide", et c'est comme si j'avais eu le sentiment qu'il était important que je me lance. J'ai eu le sentiment que c'était important justement parce que je n'étais pas certain d'y arriver. J'ai besoin de montrer que je vais me livrer, que je vais tenter de me lancer. Je dois juste faire ressentir ce que je ressens.

[Extrait d'archive du Président Obama aux funérailles du Reverend Clementa Pinckney: “Tout est possible... Si nous puisons dans cette grâce... Tout peut changer... (la foule applaudit)... Une grâce extraordinaire... Une grâce extraordinaire...”]

POTUS BARACK OBAMA: Et tu peux me voir faire une longue pause pendant un instant. Avant de commencer à chanter. Une petite voix en moi se concentre afin de pouvoir aller de l'avant et me souffle, « Je ne sais pas ce que ça va donner ». A ce stade, je suis déjà ému et inquiet à l'idée de fondre en larmes en me mettant à chanter. Donc, il a fallu que je m'apaise un peu. Nous étions dans une église, donc la tâche m'a été facilitée. C'était un stade, mais c'était une église. C'est l’Église noire, et c'est chez nous. Je savais que tout ce que j'avais à faire, c'était d'atteindre la première mesure. Ensuite, l'orgue arriverait, et j'étais certain que le clergé derrière moi se lèverait. Même si mon chant est atroce, ils nous soutiendront.

[Extrait d'archive du Président Obama aux funérailles du Reverend Clementa Pinckney : [il commence à chanter] “Amazing grace... (la foule applaudit et pousse des cris) – how sweet the sound, that saved a wretch like me; I once was lost, but now I’m found; was blind but now I see (applaudissements)...]

BRUCE SPRINGSTEEN: C'était un moment splendide de ta présidence.

POTUS BARACK OBAMA: Nous donnons le meilleur de nous-même quand nous comprenons que nous ne sommes qu'un instrument pour tous les autres, pour ceux qui comptent pour toi, et que nous ne sommes pas le sujet principal, que ce n'est pas une question d'égo, d'ambition, de talent et d'adresse. J'ai donné le meilleur de moi-même quand tout s'est consumé, quand j'ai juste essayé de trouver un moyen d'offrir une tribune, de faire entendre une voix, de servir. L'objectif que nous nous sommes fixés nécessite parfois de s'écarter du chemin tracé ou de faire des choses qui nous poussent hors de notre zone de confort. Marcher un peu sur la corde raide, faire un acte de foi. J'imagine que lorsque tu donnes le meilleur de toi-même sur scène, tu éprouves ces mêmes sentiments. Tu répètes, tu répètes, tu répètes. Tu atteins une certaine adresse. Tu le fais, mais il faut savoir lâcher prise.

BRUCE SPRINGSTEEN: Je pense que les enjeux affectifs sont extrêmement importants. J'ai toujours considéré, en tant que groupe, que nous étions meilleurs lorsque les enjeux étaient importants.

POTUS BARACK OBAMA: C'est intéressant, parce que pour moi, c'était un moment où tu te dis juste, « Les mots suffiront-ils ? ». Et ils auraient suffit, mais j'ai pensé que la musique, la chanson, l'acte de foi l'exigeaient... Parce que je savais que je n'étais pas un chanteur professionnel. Ce serait juste la voix de n'importe qui dans le chœur. Pour que d'une certaine manière, ce soit la note de grâce. Pour que ce soit ce que les gens retiennent.

[Extrait d'archive du Président Obama aux funérailles du Reverend Clementa Pickney : “Clementa Pinckney a trouvé cette grâce. (Applaudissement) Cynthia Hurd a trouvé cette grâce. (Applaudissement) Susie Jacksona trouvé cette grâce. (Applaudissement) Ethel Lance a trouvé cette grâce. (Applaudissement) DePayne Middleton-Doctor a trouvé cette grâce. (Applaudissement) Tywanza Sanders a trouvé cette grâce. (Applaudissement)Daniel L. Simmons, Sr. a trouvé cette grâce. (Applaudissement) Sharonda Coleman-Singleton a trouvé cette grâce. (Applaudissement) Myra Thompson a trouvé cette grâce. (Applaudissement)

A travers l'exemple de leurs vies, ils nous l'ont laissé en héritage. Puissions être méritants pour ce cadeau extraordinaire et précieux, tant que nos vies perdurent. Puisse la grâce les raccompagner aujourd'hui jusqu'à chez eux. Puisse Dieu continuer à propager Sa grâce sur les États-Unis d'Amérique (Applaudissement)...
]

[La guitare sonne]

POTUS BARACK OBAMA: Et je pense que la raison pour laquelle ce moment a été en phase avec l'instant, ce n'est pas seulement parce que c'est une magnifique chanson. Mais il a aussi capturé cette dimension unificatrice de l'Amérique, qu'on retrouve dans sa musique. C'est un hymne ancien, qui a été utilisé par tout le monde. Dans chaque église, partout dans ce pays. Les églises blanches, les églises noires, la tradition du Gospel noir l'a transformée. Et aujourd'hui, cet hymne nous rappelle que, même lors d'une tragédie telle que celle-là, il existe quelque chose qui est là pour nous tous. Quelque chose que nous partageons.

[La guitare s'estompe]


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