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POTUS BARACK OBAMA: Nous sommes donc assis là dans...
BRUCE SPRINGSTEEN: [rires] Le grand État du New Jersey [rires]
POTUS BARACK OBAMA: Le grand État du New Jersey, avec un de ses fils prodigues.
BRUCE SPRINGSTEEN: C'est à peu près ça [rires]
POTUS BARACK OBAMA: Le Boss, mon ami : Bruce Springsteen. Et nous sommes – nous sommes dans un studio – juste pour vous dépeindre le tableau, nous avons là... Combien de guitares as-tu ici ?
BRUCE SPRINGSTEEN: Nous sommes dans la maison aux mille guitares [rires]
POTUS BARACK OBAMA: Je ne les ai pas toutes comptées. Mais il y a des guitares partout. Il y a un ukulélé, un banjo...
BRUCE SPRINGSTEEN: Donc, si l'envie nous prend de faire de la musique, nous...
POTUS BARACK OBAMA: Il m'est arrivé de chanter.
BRUCE SPRINGSTEEN: ...nous avons les instruments à portée de main.
POTUS BARACK OBAMA: [rires] C'est bon de te voir, mon ami.
BRUCE SPRINGSTEEN: C'est bon de te voir également.
POTUS BARACK OBAMA: Et...
BRUCE SPRINGSTEEN: C'est un plaisir de te recevoir ici.
POTUS BARACK OBAMA: J'essayais de me souvenir de la première fois où nous nous sommes rencontrés, c'était probablement en 2008.
BRUCE SPRINGSTEEN: Oui.
POTUS BARACK OBAMA: Au cours de la campagne.
BRUCE SPRINGSTEEN: C'est exact.
[Ambiance d'un concert]
POTUS BARACK OBAMA: Tu es venu donner un concert avec nous. C'était dans le Michigan ou l'Ohio ?
BRUCE SPRINGSTEEN: Je n'ai... Je ne m'en souviens plus. Mais... [rires]
[Ambiance d'un concert]
[Extrait de 2008 de Bruce Springsteen : Barack Obama et Joe Biden, relevons nos manches et préparons-nous à cette résurrection.]
BRUCE SPRINGSTEEN: [rires]
POTUS BARACK OBAMA: Mais je me souviens que ta famille était avec toi.
BRUCE SPRINGSTEEN: C'est exact.
POTUS BARACK OBAMA: Et je me souviens avoir pensé, « Il est très discret, peut-être même un peu timide »
BRUCE SPRINGSTEEN: [rires]
POTUS BARACK OBAMA: Et c'est ce que j'ai aimé en toi. Alors, je me suis dit, « J'espère que j'aurais la chance de lui parler à un moment ». Mais comme nous étions au milieu de la campagne, nous courions à droite, à gauche. Et nous avons parlé, mais...
BRUCE SPRINGSTEEN: Exactement.
POTUS BARACK OBAMA: Ce n'était pas une conversation approfondie.
BRUCE SPRINGSTEEN: Non.
POTUS BARACK OBAMA: Il y a eu aussi à New York où toi et Billy Joel êtes montés sur scène pour donner un vrai concert. C'était la première fois que je voyais à quel point tu ne t'économises pas pendant tes concerts. Tu étais au piano, tu sautais en l'air. Tu étais trempé. Trempé. Et je me suis dit, « Ce type, il pourrait se blesser ». J'étais fan depuis longtemps, mais de loin. On commençait à passer certaines de tes chansons à nos meetings. Et puis, on t'a contacté pour te demander, « Hé, tu serais d'accord pour faire quelque chose ? ».
BRUCE SPRINGSTEEN: C'était des expériences formidables de jouer à tes meetings, et d'être à tes côtés. Tu me donnais quelque chose que je n'ai jamais été capable de me donner à moi-même : la diversité de ton public. J'ai joué devant des visages blancs, des visages noirs, des vieux, des jeunes. Or, c'est le public dont j'ai toujours rêvé pour mon groupe. Un des concerts les plus sympas de ma vie a été celui avec Jay-Z, à Columbus. Il me semble avoir joué The Promised Land. Le public était fabuleux. Toutes sortes de gens : des ouvriers, des personnes âgées, des jeunes. Plein de gens qui ne me connaissaient pas du tout, qui m'entendaient certainement pour la première fois.
POTUS BARACK OBAMA: C'était le cas aussi pour Jay-Z. Je peux t'assurer qu'il y avait beaucoup de blancs d'un certain âge qui n'avaient jamais entendu de leur vie une de ses chansons. Et il a fallu que je lui dise, « Change un peu les paroles ici ou là, mon frère ». On avait besoin de la version tous publics de certaines chansons.
BRUCE SPRINGSTEEN: C'était la première fois que je le rencontrais... Un type formidable. Je n'ai joué que trois ou quatre chansons, mais c'était un show vraiment excitant. C'était le public de mes rêves, celui pour lequel je m’imaginais jouer. En plus, dans mes chansons, il y a une telle influence de la foi chrétienne, des Évangiles, de la Bible... Il y avait une communauté de langage qui filtrait à travers les frontières culturelles.
POTUS BARACK OBAMA: Oui, et le public le sent. C'est pour cette raison que tu as chanté The Rising, accompagné d'une chorale, ou The Promised Land. Tu aurais pu être prêcheur, Bruce. Tu as peut-être loupé ta vocation.
BRUCE SPRINGSTEEN: C'était une aubaine d'avoir pu participer à ces meetings. J'ai plein de souvenirs associés à ces concerts. Je te suivais depuis que tu étais sénateur. Tu es apparu sur mon écran, et je me suis dit, « C'est la langue que je veux parler, que j'essaye de parler ». Je me suis senti très proche de ta vision du pays.
POTUS BARACK OBAMA: Il y avait ce sentiment que nous aspirions à la même chose. Chacun avec ses propres moyens d'expression, chacun à sa façon. Et donc, lorsque tu parles de la distance entre un idéal à atteindre et la réalité que nous connaissons - « Voilà où je veux que mon pays soit et voilà où il est aujourd'hui » - je dois être ancré dans la situation présente, mais je veux encourager et pousser les citoyens pour que les choses avancent dans la bonne direction.
BRUCE SPRINGSTEEN: Nous travaillons sur le même édifice, chacun dans notre coin.
POTUS BARACK OBAMA: Exactement. Et des interactions de ce type, nous en avons eu quelques autres au fil des ans : tu as joué pour l'inauguration, tu es venu à la Maison Blanche, lorsque je me suis présenté pour un second mandat, tu as encore fait des trucs pour moi.
BRUCE SPRINGSTEEN: Nous avons dîné ensemble une fois ou deux.
POTUS BARACK OBAMA: Nous avons passé un excellent dîner à la Maison Blanche, où nous avons chanté.
BRUCE SPRINGSTEEN: J'ai joué du piano, et tu as chanté [rires]
POTUS BARACK OBAMA: Je ne me souviens plus de ça. Mais nous avons tous chanté.
BRUCE SPRINGSTEEN: [rires] C'est exact.
POTUS BARACK OBAMA: Des chansons de Broadway. Et de la Motown.
BRUCE SPRINGSTEEN: Oh, oui.
POTUS BARACK OBAMA: Et certains classiques.
BRUCE SPRINGSTEEN: C'est exact.
POTUS BARACK OBAMA: Et on a pris quelques verres.
BRUCE SPRINGSTEEN: [rires]
POTUS BARACK OBAMA: Il y avait à boire.
BRUCE SPRINGSTEEN: [rires] Oui, c'était bien.
POTUS BARACK OBAMA: Et puis, je me suis dit, « Et bien, il n'est pas aussi timide que je ne le pensais, une fois qu'il est un peu plus détendu »
BRUCE SPRINGSTEEN: Je ne sais pas si je pourrais en dire autant de la plupart des musiciens, mais la timidité n'est pas inhabituelle dans mon milieu. Si tu n'avais pas été si silencieux, tu ne chercherais pas, si désespérément, une façon de t'exprimer [rires] Tu comprends ?
POTUS BARACK OBAMA: [rires] Oui.
BRUCE SPRINGSTEEN: La raison pour laquelle tu as poursuivis, si désespérément, ton œuvre, ton langage, ta voix, c'est parce que tu n'en as jamais eu. Et tu comprends, tu réalises, tu ressens la douleur d'être sans voix, quelque part.
POTUS BARACK OBAMA: Et par conséquence la performance devient un outil, elle devient le mécanisme.
BRUCE SPRINGSTEEN: Elle devient le mécanisme à partir duquel tu exprimes ta vie, dans sa totalité.
POTUS BARACK OBAMA: D'accord.
BRUCE SPRINGSTEEN: Ta philosophie toute entière, et ton code de vie, en tout cas pour ce qui me concerne. Auparavant, je me sentais invisible, et il y avait beaucoup de douleur dans cette invisibilité.
POTUS BARACK OBAMA: Et tu vois, ce que tu mentionnes là, c'est ce qui fait que nous sommes devenus amis. Parce qu'après quelques verres, et peut-être entre deux chansons, tu as dit quelque chose dans ce style, et je me disais, « Ouais, ça a du sens pour moi ». Et là, on touche à des choses assez profondes...
BRUCE SPRINGSTEEN: Et je pense que...
POTUS BARACK OBAMA: ...et nous avons donc commencé à nous faire confiance mutuellement, et puis nous avons eu ce genre de conversations de façon régulière. Et une fois que j'ai quitté la Maison Blanche, nous avons pu passer davantage de temps ensemble et, il se trouve que nous étions sur la même longueur d'onde.
BRUCE SPRINGSTEEN: Oui, je me sentais vraiment à l'aise en ta compagnie.
POTUS BARACK OBAMA: Oui.
POTUS BARACK OBAMA: Et puis il y avait aussi une autre raison, c'est que Michelle (Obama) et Patti (Scialfa) s'entendaient très bien.
BRUCE SPRINGSTEEN: Oui.
POTUS BARACK OBAMA: Et Michelle appréciait beaucoup la perspicacité avec laquelle tu analysais...
BRUCE SPRINGSTEEN: [rires]
POTUS BARACK OBAMA: ...tes faiblesses en tant qu'homme.
BRUCE SPRINGSTEEN: [rires] Oh, oui.
POTUS BARACK OBAMA: Et après un dîner, ou une soirée, ou une conversation, elle me disait, « Tu as vu comment Bruce comprend ses défauts et comment il les assume... »
BRUCE SPRINGSTEEN: [rires] Désolé [rires]
POTUS BARACK OBAMA: « ...contrairement à toi ? Tu devrais passer plus de temps avec Bruce. Parce que lui, il s'est mis au travail ». Et donc, il y avait aussi ce petit...
BRUCE SPRINGSTEEN: [rires] Je t'ai eu.
POTUS BARACK OBAMA: Cette idée que j'avais besoin d'être coaché.
BRUCE SPRINGSTEEN: Je t'ai eu.
POTUS BARACK OBAMA: Pour apprendre à être un bon mari.
BRUCE SPRINGSTEEN: Le plaisir est pour moi [rires]
POTUS BARACK OBAMA: Tu sais, et j'ai essayé de me défendre : Écoute, il est plus âgé que moi de dix ans. Il a de l'expérience. Je suis encore en rodage... Nous avons beau venir d'endroits si différents, et avoir, évidemment, des trajectoires professionnelles différentes, les questions auxquelles tu te heurtes sont celles auxquelles je me heurte. Les mêmes joies et doutes. Tu sais, il s'avère que nos expériences se recoupent sur bien des plans.
BRUCE SPRINGSTEEN: Parce que le politique émane de l'individuel.
POTUS BARACK OBAMA: De la même façon qu'un musicien cherche un moyen de canaliser et d'affronter sa douleur, ses démons, ses interrogations personnelles, pour un politicien, c'est pareil lorsqu'il entre dans la vie publique.
BRUCE SPRINGSTEEN: Mais il y a deux choses que tu dois avoir, ce qui est très difficile. La première, le narcissisme...
POTUS BARACK OBAMA: La mégalomanie.
BRUCE SPRINGSTEEN: La mégalomanie... Oui, la mégalomanie de croire que tu as une voix qui vaut la peine d'être entendue par le monde entier [rires]
POTUS BARACK OBAMA: Exactement.
BRUCE SPRINGSTEEN: Tu es d'accord ? [rires]
POTUS BARACK OBAMA: Oui.
BRUCE SPRINGSTEEN: Par le monde entier. D'un côté, tu as donc besoin de cette mégalomanie, et pourtant, d'un autre côté... Pour que ta démarche soit sincère... Pour avoir de l'impact, tu dois avoir cette empathie immense envers les autres, tu comprends.
POTUS BARACK OBAMA: Et c'est délicat à gérer. Tu commences avec l’ego.
BRUCE SPRINGSTEEN: Oui.
POTUS BARACK OBAMA: Et puis, à un moment donné, tu deviens un véhicule pour...
BRUCE SPRINGSTEEN: Oui.
POTUS BARACK OBAMA: ...les espoirs, et les rêves d'autrui...
BRUCE SPRINGSTEEN: Donner le meilleur.
POTUS BARACK OBAMA: ...et les histoires.
BRUCE SPRINGSTEEN: Donner le meilleur, oui.
POTUS BARACK OBAMA: Celles que tu as entendu de la bouche des autres. Et tu deviens juste un intermédiaire. En fait, nous parlons aujourd'hui alors que je viens juste de délivrer l'éloge funèbre de mon ami, John Lewis (1), une des grandes figures du Mouvement pour les droits civiques, un homme qui a contribué, plus que quiconque, à faire de l'Amérique un endroit meilleur, plus libre, plus généreux, et à faire que notre démocratie soit à la hauteur de sa promesse. La première fois que j'ai rencontré John, il était venu donner une conférence à Harvard lorsque j'étudiais le Droit, et après son allocution, je suis allé le voir. Et je lui ai dit, « Vous êtes un de mes héros. Grâce à vous, j'ai fini par avoir une idée de celui que je voulais être...
BRUCE SPRINGSTEEN: Oui, c'est juste.
POTUS BARACK OBAMA: ...dans ce pays gigantesque, compliqué, querelleur, multi-racial, multi-ethnique, multi-religieux, qu'on appelle l'Amérique »
BRUCE SPRINGSTEEN: C'est juste. Ce qui est amusant, c'est qu'aborder les choses de cette manière, c'est se présenter en outsider.
POTUS BARACK OBAMA: C'est tout à fait juste.
BRUCE SPRINGSTEEN: Tu sais...
BRUCE SPRINGSTEEN: [rires] Le grand État du New Jersey [rires]
POTUS BARACK OBAMA: Le grand État du New Jersey, avec un de ses fils prodigues.
BRUCE SPRINGSTEEN: C'est à peu près ça [rires]
POTUS BARACK OBAMA: Le Boss, mon ami : Bruce Springsteen. Et nous sommes – nous sommes dans un studio – juste pour vous dépeindre le tableau, nous avons là... Combien de guitares as-tu ici ?
BRUCE SPRINGSTEEN: Nous sommes dans la maison aux mille guitares [rires]
POTUS BARACK OBAMA: Je ne les ai pas toutes comptées. Mais il y a des guitares partout. Il y a un ukulélé, un banjo...
BRUCE SPRINGSTEEN: Donc, si l'envie nous prend de faire de la musique, nous...
POTUS BARACK OBAMA: Il m'est arrivé de chanter.
BRUCE SPRINGSTEEN: ...nous avons les instruments à portée de main.
POTUS BARACK OBAMA: [rires] C'est bon de te voir, mon ami.
BRUCE SPRINGSTEEN: C'est bon de te voir également.
POTUS BARACK OBAMA: Et...
BRUCE SPRINGSTEEN: C'est un plaisir de te recevoir ici.
POTUS BARACK OBAMA: J'essayais de me souvenir de la première fois où nous nous sommes rencontrés, c'était probablement en 2008.
BRUCE SPRINGSTEEN: Oui.
POTUS BARACK OBAMA: Au cours de la campagne.
BRUCE SPRINGSTEEN: C'est exact.
[Ambiance d'un concert]
POTUS BARACK OBAMA: Tu es venu donner un concert avec nous. C'était dans le Michigan ou l'Ohio ?
BRUCE SPRINGSTEEN: Je n'ai... Je ne m'en souviens plus. Mais... [rires]
[Ambiance d'un concert]
[Extrait de 2008 de Bruce Springsteen : Barack Obama et Joe Biden, relevons nos manches et préparons-nous à cette résurrection.]
BRUCE SPRINGSTEEN: [rires]
POTUS BARACK OBAMA: Mais je me souviens que ta famille était avec toi.
BRUCE SPRINGSTEEN: C'est exact.
POTUS BARACK OBAMA: Et je me souviens avoir pensé, « Il est très discret, peut-être même un peu timide »
BRUCE SPRINGSTEEN: [rires]
POTUS BARACK OBAMA: Et c'est ce que j'ai aimé en toi. Alors, je me suis dit, « J'espère que j'aurais la chance de lui parler à un moment ». Mais comme nous étions au milieu de la campagne, nous courions à droite, à gauche. Et nous avons parlé, mais...
BRUCE SPRINGSTEEN: Exactement.
POTUS BARACK OBAMA: Ce n'était pas une conversation approfondie.
BRUCE SPRINGSTEEN: Non.
POTUS BARACK OBAMA: Il y a eu aussi à New York où toi et Billy Joel êtes montés sur scène pour donner un vrai concert. C'était la première fois que je voyais à quel point tu ne t'économises pas pendant tes concerts. Tu étais au piano, tu sautais en l'air. Tu étais trempé. Trempé. Et je me suis dit, « Ce type, il pourrait se blesser ». J'étais fan depuis longtemps, mais de loin. On commençait à passer certaines de tes chansons à nos meetings. Et puis, on t'a contacté pour te demander, « Hé, tu serais d'accord pour faire quelque chose ? ».
BRUCE SPRINGSTEEN: C'était des expériences formidables de jouer à tes meetings, et d'être à tes côtés. Tu me donnais quelque chose que je n'ai jamais été capable de me donner à moi-même : la diversité de ton public. J'ai joué devant des visages blancs, des visages noirs, des vieux, des jeunes. Or, c'est le public dont j'ai toujours rêvé pour mon groupe. Un des concerts les plus sympas de ma vie a été celui avec Jay-Z, à Columbus. Il me semble avoir joué The Promised Land. Le public était fabuleux. Toutes sortes de gens : des ouvriers, des personnes âgées, des jeunes. Plein de gens qui ne me connaissaient pas du tout, qui m'entendaient certainement pour la première fois.
POTUS BARACK OBAMA: C'était le cas aussi pour Jay-Z. Je peux t'assurer qu'il y avait beaucoup de blancs d'un certain âge qui n'avaient jamais entendu de leur vie une de ses chansons. Et il a fallu que je lui dise, « Change un peu les paroles ici ou là, mon frère ». On avait besoin de la version tous publics de certaines chansons.
BRUCE SPRINGSTEEN: C'était la première fois que je le rencontrais... Un type formidable. Je n'ai joué que trois ou quatre chansons, mais c'était un show vraiment excitant. C'était le public de mes rêves, celui pour lequel je m’imaginais jouer. En plus, dans mes chansons, il y a une telle influence de la foi chrétienne, des Évangiles, de la Bible... Il y avait une communauté de langage qui filtrait à travers les frontières culturelles.
POTUS BARACK OBAMA: Oui, et le public le sent. C'est pour cette raison que tu as chanté The Rising, accompagné d'une chorale, ou The Promised Land. Tu aurais pu être prêcheur, Bruce. Tu as peut-être loupé ta vocation.
BRUCE SPRINGSTEEN: C'était une aubaine d'avoir pu participer à ces meetings. J'ai plein de souvenirs associés à ces concerts. Je te suivais depuis que tu étais sénateur. Tu es apparu sur mon écran, et je me suis dit, « C'est la langue que je veux parler, que j'essaye de parler ». Je me suis senti très proche de ta vision du pays.
POTUS BARACK OBAMA: Il y avait ce sentiment que nous aspirions à la même chose. Chacun avec ses propres moyens d'expression, chacun à sa façon. Et donc, lorsque tu parles de la distance entre un idéal à atteindre et la réalité que nous connaissons - « Voilà où je veux que mon pays soit et voilà où il est aujourd'hui » - je dois être ancré dans la situation présente, mais je veux encourager et pousser les citoyens pour que les choses avancent dans la bonne direction.
BRUCE SPRINGSTEEN: Nous travaillons sur le même édifice, chacun dans notre coin.
POTUS BARACK OBAMA: Exactement. Et des interactions de ce type, nous en avons eu quelques autres au fil des ans : tu as joué pour l'inauguration, tu es venu à la Maison Blanche, lorsque je me suis présenté pour un second mandat, tu as encore fait des trucs pour moi.
BRUCE SPRINGSTEEN: Nous avons dîné ensemble une fois ou deux.
POTUS BARACK OBAMA: Nous avons passé un excellent dîner à la Maison Blanche, où nous avons chanté.
BRUCE SPRINGSTEEN: J'ai joué du piano, et tu as chanté [rires]
POTUS BARACK OBAMA: Je ne me souviens plus de ça. Mais nous avons tous chanté.
BRUCE SPRINGSTEEN: [rires] C'est exact.
POTUS BARACK OBAMA: Des chansons de Broadway. Et de la Motown.
BRUCE SPRINGSTEEN: Oh, oui.
POTUS BARACK OBAMA: Et certains classiques.
BRUCE SPRINGSTEEN: C'est exact.
POTUS BARACK OBAMA: Et on a pris quelques verres.
BRUCE SPRINGSTEEN: [rires]
POTUS BARACK OBAMA: Il y avait à boire.
BRUCE SPRINGSTEEN: [rires] Oui, c'était bien.
POTUS BARACK OBAMA: Et puis, je me suis dit, « Et bien, il n'est pas aussi timide que je ne le pensais, une fois qu'il est un peu plus détendu »
BRUCE SPRINGSTEEN: Je ne sais pas si je pourrais en dire autant de la plupart des musiciens, mais la timidité n'est pas inhabituelle dans mon milieu. Si tu n'avais pas été si silencieux, tu ne chercherais pas, si désespérément, une façon de t'exprimer [rires] Tu comprends ?
POTUS BARACK OBAMA: [rires] Oui.
BRUCE SPRINGSTEEN: La raison pour laquelle tu as poursuivis, si désespérément, ton œuvre, ton langage, ta voix, c'est parce que tu n'en as jamais eu. Et tu comprends, tu réalises, tu ressens la douleur d'être sans voix, quelque part.
POTUS BARACK OBAMA: Et par conséquence la performance devient un outil, elle devient le mécanisme.
BRUCE SPRINGSTEEN: Elle devient le mécanisme à partir duquel tu exprimes ta vie, dans sa totalité.
POTUS BARACK OBAMA: D'accord.
BRUCE SPRINGSTEEN: Ta philosophie toute entière, et ton code de vie, en tout cas pour ce qui me concerne. Auparavant, je me sentais invisible, et il y avait beaucoup de douleur dans cette invisibilité.
POTUS BARACK OBAMA: Et tu vois, ce que tu mentionnes là, c'est ce qui fait que nous sommes devenus amis. Parce qu'après quelques verres, et peut-être entre deux chansons, tu as dit quelque chose dans ce style, et je me disais, « Ouais, ça a du sens pour moi ». Et là, on touche à des choses assez profondes...
BRUCE SPRINGSTEEN: Et je pense que...
POTUS BARACK OBAMA: ...et nous avons donc commencé à nous faire confiance mutuellement, et puis nous avons eu ce genre de conversations de façon régulière. Et une fois que j'ai quitté la Maison Blanche, nous avons pu passer davantage de temps ensemble et, il se trouve que nous étions sur la même longueur d'onde.
BRUCE SPRINGSTEEN: Oui, je me sentais vraiment à l'aise en ta compagnie.
POTUS BARACK OBAMA: Oui.
POTUS BARACK OBAMA: Et puis il y avait aussi une autre raison, c'est que Michelle (Obama) et Patti (Scialfa) s'entendaient très bien.
BRUCE SPRINGSTEEN: Oui.
POTUS BARACK OBAMA: Et Michelle appréciait beaucoup la perspicacité avec laquelle tu analysais...
BRUCE SPRINGSTEEN: [rires]
POTUS BARACK OBAMA: ...tes faiblesses en tant qu'homme.
BRUCE SPRINGSTEEN: [rires] Oh, oui.
POTUS BARACK OBAMA: Et après un dîner, ou une soirée, ou une conversation, elle me disait, « Tu as vu comment Bruce comprend ses défauts et comment il les assume... »
BRUCE SPRINGSTEEN: [rires] Désolé [rires]
POTUS BARACK OBAMA: « ...contrairement à toi ? Tu devrais passer plus de temps avec Bruce. Parce que lui, il s'est mis au travail ». Et donc, il y avait aussi ce petit...
BRUCE SPRINGSTEEN: [rires] Je t'ai eu.
POTUS BARACK OBAMA: Cette idée que j'avais besoin d'être coaché.
BRUCE SPRINGSTEEN: Je t'ai eu.
POTUS BARACK OBAMA: Pour apprendre à être un bon mari.
BRUCE SPRINGSTEEN: Le plaisir est pour moi [rires]
POTUS BARACK OBAMA: Tu sais, et j'ai essayé de me défendre : Écoute, il est plus âgé que moi de dix ans. Il a de l'expérience. Je suis encore en rodage... Nous avons beau venir d'endroits si différents, et avoir, évidemment, des trajectoires professionnelles différentes, les questions auxquelles tu te heurtes sont celles auxquelles je me heurte. Les mêmes joies et doutes. Tu sais, il s'avère que nos expériences se recoupent sur bien des plans.
BRUCE SPRINGSTEEN: Parce que le politique émane de l'individuel.
POTUS BARACK OBAMA: De la même façon qu'un musicien cherche un moyen de canaliser et d'affronter sa douleur, ses démons, ses interrogations personnelles, pour un politicien, c'est pareil lorsqu'il entre dans la vie publique.
BRUCE SPRINGSTEEN: Mais il y a deux choses que tu dois avoir, ce qui est très difficile. La première, le narcissisme...
POTUS BARACK OBAMA: La mégalomanie.
BRUCE SPRINGSTEEN: La mégalomanie... Oui, la mégalomanie de croire que tu as une voix qui vaut la peine d'être entendue par le monde entier [rires]
POTUS BARACK OBAMA: Exactement.
BRUCE SPRINGSTEEN: Tu es d'accord ? [rires]
POTUS BARACK OBAMA: Oui.
BRUCE SPRINGSTEEN: Par le monde entier. D'un côté, tu as donc besoin de cette mégalomanie, et pourtant, d'un autre côté... Pour que ta démarche soit sincère... Pour avoir de l'impact, tu dois avoir cette empathie immense envers les autres, tu comprends.
POTUS BARACK OBAMA: Et c'est délicat à gérer. Tu commences avec l’ego.
BRUCE SPRINGSTEEN: Oui.
POTUS BARACK OBAMA: Et puis, à un moment donné, tu deviens un véhicule pour...
BRUCE SPRINGSTEEN: Oui.
POTUS BARACK OBAMA: ...les espoirs, et les rêves d'autrui...
BRUCE SPRINGSTEEN: Donner le meilleur.
POTUS BARACK OBAMA: ...et les histoires.
BRUCE SPRINGSTEEN: Donner le meilleur, oui.
POTUS BARACK OBAMA: Celles que tu as entendu de la bouche des autres. Et tu deviens juste un intermédiaire. En fait, nous parlons aujourd'hui alors que je viens juste de délivrer l'éloge funèbre de mon ami, John Lewis (1), une des grandes figures du Mouvement pour les droits civiques, un homme qui a contribué, plus que quiconque, à faire de l'Amérique un endroit meilleur, plus libre, plus généreux, et à faire que notre démocratie soit à la hauteur de sa promesse. La première fois que j'ai rencontré John, il était venu donner une conférence à Harvard lorsque j'étudiais le Droit, et après son allocution, je suis allé le voir. Et je lui ai dit, « Vous êtes un de mes héros. Grâce à vous, j'ai fini par avoir une idée de celui que je voulais être...
BRUCE SPRINGSTEEN: Oui, c'est juste.
POTUS BARACK OBAMA: ...dans ce pays gigantesque, compliqué, querelleur, multi-racial, multi-ethnique, multi-religieux, qu'on appelle l'Amérique »
BRUCE SPRINGSTEEN: C'est juste. Ce qui est amusant, c'est qu'aborder les choses de cette manière, c'est se présenter en outsider.
POTUS BARACK OBAMA: C'est tout à fait juste.
BRUCE SPRINGSTEEN: Tu sais...