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The Washington Post, 06 décembre 2009

"Ma musique est une musique d’identité"



Êtes-vous en train d’écrire une autobiographie ?

Je fais beaucoup de choses, dont beaucoup n’arrivent jamais (Rires). J’ai écrit beaucoup de disques qui ne voient pas la lumière du jour. Alors, je ne veux pas dire, 'Oui, attendez d’entendre celle-ci ! J’en ai une bonne à vous raconter !' Alors, je ne vais pas dire grand-chose sur ce sujet car très souvent, je commence à travailler sur des choses… Ne gardez pas une place sur votre étagère pour ce livre !

Un nombre de personnes proches de vous sont décédées au cours de deux ou trois dernières années. Je me demande si vous avez eu des réactions qui vous ont surprises par rapport à leur mort.

Quand vous arrivez à 60 ans, vous avez vu un certain nombre de gens mourir. Et j’en ai vu mourir aussi, quand j’étais jeune, parce que j’avais deux copains qui ont été tués au Vietnam. Mais la chose la plus difficile à accepter, c’est quand ce sont des gens plus jeunes. Et j’ai vu des gens mourir, qui avaient 30 ans. Nous avions une voisine adorable qui est décédée et qui a laissé deux fils. Alors, c’est très difficile quand les gens sont jeunes et qu’ils semblent avoir encore tellement de choses à accomplir, qui n'ont pas été achevées. Je me rends compte que ce sont des gens dont je m’attends à ce qu’ils passent encore la porte ou passent devant la fenêtre de la maison. Ce sont des gens que vous n’arrivez pas tout à fait à mettre dans cette perspective.

Mon assistant personnel, c’était Terry, nous avons passé 23 années ensemble. Il est décédé pendant la dernière tournée. Il a eu une belle vie, remplie de nombreuses expériences; un Navy Seal et une grande légende sur la Côte du New Jersey. Et j’aimerais qu’il soit près de moi, vous savez, mais il a vécu une belle vie, grande et bien remplie. Danny, vous savez, a eu cette terrible maladie qu’il a combattue avec beaucoup, beaucoup de courage et il allait bien pendant plusieurs années. C’est le premier membre du E Street Band que nous avons perdu. J’étais très fier du fait que tous les membres, mes hommes et mes femmes, soient vivants après toutes ces années. Peu de groupes peuvent le revendiquer. Nous n’avons perdu personne de la manière habituelle, souvent tragique, qui touche un groupe de rock & roll. Et si nous avons perdu quelqu’un, c’était du genre 'hey, vous vieillissez', ces choses arrivent, parfois vous tombez malade. C’est ce qui arrive à un certain âge. C’est très difficile parce que le groupe est une telle unité biologique et cohérente. Chaque personne qui montera sur scène ce soir est absolument unique, il n’y en pas pas deux.

Est-ce que cette tournée, vous ne voulez peut-être pas dire pour toujours, mais est-ce qu’elle est comme la fin du E Street Band ?

Oh non, mec. Vous plaisantez ? Il reste encore des culs assis sur les sièges, là-bas ! Les gens veulent voir ce (bip). Il veulent pouvoir s’en aller et dire, 'Whaou, je n'arrive pas à croire ce que je viens de voir'. Et c’est quelque chose que nous suscitons toujours. Donc, non, non. Nous sommes au milieu de quelque chose. Nous sommes au milieu de quelque chose de nouveau. Il y a un public qui sera là, ce soir, qui va largement nous survivre. Ces dix dernières années étaient fantastiques, nous avons tout recommencé. Maintenant, allons-y ! Aussi longtemps que les gens resteront en bonne santé. Merde, nous continuerons quand nous serons en moins bonne santé. Nous ne sommes pas difficiles. Non, le groupe a encore la vie entière. Je suis très excité de voir ce que le groupe peut représenter à l’heure actuelle. Je pense que si vous venez nous voir ce soir, vous allez voir le meilleur E Street Band qui ait jamais joué. L’étendue de notre musique est tellement vaste maintenant, et le public va de six ans jusqu'à... des gens qui sont en fait, je pense, plus vieux que moi (Rires).

Et c’est donc profondément satisfaisant. Nous sommes des musiciens jusqu’à la moelle. Ce n’est pas facile de nous renvoyer chez nous. Nous sommes des musiciens itinérants. Tout le monde dans ce bus a cette même chose dans le sang et dans les os. Et il reste beaucoup de kilomètres à parcourir avant que nous nous endormions.

Sur le E Street Band

J’ai découvert que les dix dernières années ont été, pour moi, aussi excitantes que n’importe quelle autre décennie passée. Je pense que nous avons été un des seuls groupes de notre génération à écrire des chansons et à faire des disques qui peuvent se positionner aux côtés de ceux que les gens considèrent comme nos classiques. Et qui peuvent prétendre à une place essentielle au sein de notre travail… C’était mon grand objectif quand j’ai reformé le E Street Band. Et c’était la seule chose qui me retenait avant que je ne reforme le groupe. Répéter ce que nous avions fait ne m'intéressait pas. Ce qui m’intéressait, c’était le renouvellement de notre esprit, de notre action, de notre pouvoir dans la vie de nos fans et dans la vie du pays. C’est ce que nous voulions accomplir quand nous avons reformé le groupe. Nous voulions écrire ce type de chansons, faire ce type de disques et délivrer ce type de concerts.

Sur sa méthode d’enregistrement

La méthode ne change pas, je fais des démos de tout, un processus que j’ai réellement commencé à faire avec Nebraska, mais je le fais vraiment maintenant, en faisant des démos de tout avant d’enregistrer, afin d’avoir les bases d’un album sous le nez. Brendan O’Brien, mon producteur, travaille rapidement. Nous faisons nos disques en trois ou cinq semaines. Chaque disque que j’ai fait au cours des dix dernières années a été fait dans cette courte période. Ce qui me permet de faire plus de disques, de sortir plus de musique pour mes fans, de passer à d’autres idées. C’est une stimulation permanente.
The Washington Post, 06 décembre 2009

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NOTES

(1) Les Kennedy Center Honors sont une distinction honorant les artistes ayant grandement contribué, par leur talent et leur réussite, à la culture américaine. La cérémonie, qui dure un week-end, consiste en une réception et un diner au Département d'État (le Ministère des Affaires Étrangères américain), une réception à la Maison Blanche avec le Président des États-Unis, et une soirée hommage au Opera House in the Kennedy Center, à Washington.

(2) Allen Ginsberg (1926-1997) est un poète américain, fondateur de la beat generation. Howl (1956) est un de ses poèmes, en prose, interdit en son temps en raison de son langage cru et explicite.

(3) George McGovern était le candidat pour le parti Démocrate à l'élection présidentielle de 1972. Opposant à la guerre au Vietnam, il a été battu par Richard Nixon.

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Photographies Michael Williamson, Peter Cunningham, Lucian Perkins, Frank Johnson & Mark Duncan

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