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Le disque commence avec Radio Nowhere, une chanson parlant d'un mec sur la route, cherchant à établir un contact.
C'est un scénario de fin du monde - il voit l'apocalypse. Tous les moyens de communication sont morts: "J'essayais de trouver le chemin pour rentrer chez moi / Tout ce que j'entendais était un bourdonnement / Renvoyé par un satellite / Percutant la dernière nuit américaine". C'est mon boulot, c'est aussi simple que ça - essayer de rentrer en contact avec vous. C'est simplement essayer de rendre les gens heureux, qu'ils se sentent moins seuls, mais aussi être un fil conducteur d'un dialogue sur les évènements quotidiens, les problèmes qui affectent la vie des gens, personnels et sociaux et politiques et religieux. C'est ainsi que j'ai toujours vu le boulot de notre groupe. C'était mon service. A ce stade, je suis au milieu d'une très longue conversation avec mon public.
Et qu'entendez-vous du côté de leur conversation ?
Beaucoup de choses différentes. "Je préfère le vieux Bruce..." (rires). C'est un dialogue perpétuel sur la signification de la vie. Ce n'est pas un vrai dialogue entre deux personnes. C'est davantage ce que vous ressentez par rapport à ce qu'ils vous renvoient. Vous créez un espace ensemble. Vous êtes ensemble, impliqués dans un acte d'imagination, imaginant la vie que vous voulez vivre, le genre de pays où vous voulez vivre, le genre d'endroit que vous voulez laisser à vos enfants. Quelles sont les choses qui vous apportent extase et bonheur, quelles sont les choses qui vous assombrissent et que pouvons-nous faire ensemble pour lutter contre ces choses ? C'est le dialogue que j'ai dans mon imagination, quand j'écris. Je l'ai devant moi, quand je suis sur scène.
C'est une chose organique, vivante. Il y a quelque chose qui est dit légèrement différemment chaque soir. Mais vous essayez de définir et d'avoir un impact sur le monde et sur la vie que nous vivons. Je ne peux pas le faire tout seul. J'ai besoin de mon public. Quand j'aurai fini, ce voyage m'aura pris une vie entière.
Ce genre de dialogue demande un grand engagement. Qu'en tirez-vous ?
J'y prends du plaisir, mais bien plus que ça, j'en ai besoin. C'est la chose fondamentale qui me pousse vers la scène, qui me fait continuer à écrire tout au long de ma carrière. Par le passé, j'ai ressenti l'absence de ce dialogue dans ma vie, et c'était un vide terrible. Quand je m'y suis accroché, je m'y suis accroché comme à un radeau de sauvetage. Vous êtes dans cette salle ensemble, cette salle sombre ensemble. Les lumières s'éteignent, et vous êtes libres d'imaginer la personne, l'endroit où vous voulez être. Je suppose que quand vous partez, vous emmenez un peu de ça avec vous. Ça reste en nous.
Je me souviens de la naissance de mes enfants. C'était si bouleversant, un des rares moments où j'ai ressenti un amour total, sans peur. J'avais peur de le perdre après coup, sauf que vous ne le perdez jamais. Le souvenir de ce moment et les possibilités inhérentes à ce moment sont éternelles. Alors, lors d'un bon concert, quand le groupe joue vraiment bien, il y a un moment où vous faites partie d'un évènement collectif de l'imagination et quand vous quittez la scène, vous en emportez un petit morceau avec vous. Et vous le mettez en action selon vos besoins.
C'est un scénario de fin du monde - il voit l'apocalypse. Tous les moyens de communication sont morts: "J'essayais de trouver le chemin pour rentrer chez moi / Tout ce que j'entendais était un bourdonnement / Renvoyé par un satellite / Percutant la dernière nuit américaine". C'est mon boulot, c'est aussi simple que ça - essayer de rentrer en contact avec vous. C'est simplement essayer de rendre les gens heureux, qu'ils se sentent moins seuls, mais aussi être un fil conducteur d'un dialogue sur les évènements quotidiens, les problèmes qui affectent la vie des gens, personnels et sociaux et politiques et religieux. C'est ainsi que j'ai toujours vu le boulot de notre groupe. C'était mon service. A ce stade, je suis au milieu d'une très longue conversation avec mon public.
Et qu'entendez-vous du côté de leur conversation ?
Beaucoup de choses différentes. "Je préfère le vieux Bruce..." (rires). C'est un dialogue perpétuel sur la signification de la vie. Ce n'est pas un vrai dialogue entre deux personnes. C'est davantage ce que vous ressentez par rapport à ce qu'ils vous renvoient. Vous créez un espace ensemble. Vous êtes ensemble, impliqués dans un acte d'imagination, imaginant la vie que vous voulez vivre, le genre de pays où vous voulez vivre, le genre d'endroit que vous voulez laisser à vos enfants. Quelles sont les choses qui vous apportent extase et bonheur, quelles sont les choses qui vous assombrissent et que pouvons-nous faire ensemble pour lutter contre ces choses ? C'est le dialogue que j'ai dans mon imagination, quand j'écris. Je l'ai devant moi, quand je suis sur scène.
C'est une chose organique, vivante. Il y a quelque chose qui est dit légèrement différemment chaque soir. Mais vous essayez de définir et d'avoir un impact sur le monde et sur la vie que nous vivons. Je ne peux pas le faire tout seul. J'ai besoin de mon public. Quand j'aurai fini, ce voyage m'aura pris une vie entière.
Ce genre de dialogue demande un grand engagement. Qu'en tirez-vous ?
J'y prends du plaisir, mais bien plus que ça, j'en ai besoin. C'est la chose fondamentale qui me pousse vers la scène, qui me fait continuer à écrire tout au long de ma carrière. Par le passé, j'ai ressenti l'absence de ce dialogue dans ma vie, et c'était un vide terrible. Quand je m'y suis accroché, je m'y suis accroché comme à un radeau de sauvetage. Vous êtes dans cette salle ensemble, cette salle sombre ensemble. Les lumières s'éteignent, et vous êtes libres d'imaginer la personne, l'endroit où vous voulez être. Je suppose que quand vous partez, vous emmenez un peu de ça avec vous. Ça reste en nous.
Je me souviens de la naissance de mes enfants. C'était si bouleversant, un des rares moments où j'ai ressenti un amour total, sans peur. J'avais peur de le perdre après coup, sauf que vous ne le perdez jamais. Le souvenir de ce moment et les possibilités inhérentes à ce moment sont éternelles. Alors, lors d'un bon concert, quand le groupe joue vraiment bien, il y a un moment où vous faites partie d'un évènement collectif de l'imagination et quand vous quittez la scène, vous en emportez un petit morceau avec vous. Et vous le mettez en action selon vos besoins.
Cet acte collectif de l'imagination se retrouve dans Magic. Le genre de pays dans lequel nous voulons vivre est un thème récurrent.
La chanson Magic traite d'une époque où tout ce qui est vrai peut être présenté comme un mensonge et tout ce qui est un mensonge peut être présenté comme une vérité. Il y a certaines personnes qui ont adopté ce crédo. La phrase classique, apparue dans le New York Times, a été prononcée par une personne du clan Bush: "Nous fabriquons notre propre réalité. Vous, les journalistes, vous en parlez, nous, nous la fabriquons". Je pense détester cette affirmation - son incroyable stupidité et son arrogance - bien plus que je ne déteste "Mets-la sur le tapis" et "Mission accomplie".
Cette chanson traite entièrement de l'illusion: "Ne vous fiez pas à ce que vous entendez / Et encore moins à ce que vous voyez / Voilà ce qui arrivera" - nous la fabriquons. Jusqu'à ce que vous arriviez au dernier couplet: "Il y a un incendie plus bas / Mais il monte jusqu'à nous... Il y a des corps qui pendent aux arbres / Voilà ce qui arrivera". Le cœur de mon album se trouve exactement là.
Il y a un vers à la fin de cette chanson, "Emporte seulement ce que tu crains". Vous parlez de la politique de la peur, n'est-ce pas ?
Oui. Vous ne pouvez pas tuer pour obtenir un état de sécurité, et vous ne pouvez pas diriger en faisant peur aux gens. Peut-être que vous pouvez arriver parfois à convaincre des gens de voter pour vous, mais ce n'est pas la tactique qui donnera le genre d'autorité morale et le leadership qu'il faut pour communiquer dans le monde. C'est la solution du lâche.
Donc, vous dites que l'on peut gagner des élections de cette façon, mais qu'on ne peut pas gouverner ainsi.
Exactement. C'est la seule carte jouée, pratiquement dès le premier jour. Si les élections de 2004 avaient eu lieu six mois plus tard, ils auraient perdu. Les gens étaient toujours sous l'envoutement du 11-septembre et de la magie (rires) et du Swift Boating (mouvement de vétérans du Vietnam créé lors des élections de 2004, et qui a remis en question les états de service du candidat John Kerry pendant la guerre du Vietnam, ndt). Un des moments les plus satisfaisants de cette élection a été l'émission Nightline, quand Ted Koppel s'est attaqué aux Swift Boaters, environ une semaine avant les élections, quand ils sont allés dans le village au Vietnam où l'incident s'est passé et ont parlé aux témoins vietnamiens. Tout était là, mais ce n'était pas suffisant, et c'était trop tard.
La chose fondamentale est que si vous êtes membre de la presse et que vous croyez qu'une partie de votre responsabilité est de donner aux gens les informations dont ils ont besoin pour protéger leurs libertés, il existe une responsabilité journalistique. Mais cet aspect a été terriblement ignoré. Quand quelqu'un vous dit que vous allez diriger avec Anna Nicole Smith, vous devez vous demander si vous êtes dans la bonne profession. C'est devenu un business, et sur ce qui était censé être une des chaînes les plus crédibles, il y a, tous les jours, une parade sans fin de non-sens.
Vrai. Parce que durant les élections pour connaitre la vérité derrière les publicités des Swift Boaters, il fallait éviter les grandes chaînes et regarder directement The Daily Show.
Jon Stewart est une force si importante et si isolée à la télévision. Il travaille dans le but d'aider les gens à interpréter le monde moderne des médias. Il y a tellement de vacarme. Dans chacune de ses émissions, il lève le voile, et vous commencez à comprendre à quoi les choses ressemblent vraiment. C'est pourquoi les gens se sont tournés vers lui et ont confiance en lui.
La chanson Magic traite d'une époque où tout ce qui est vrai peut être présenté comme un mensonge et tout ce qui est un mensonge peut être présenté comme une vérité. Il y a certaines personnes qui ont adopté ce crédo. La phrase classique, apparue dans le New York Times, a été prononcée par une personne du clan Bush: "Nous fabriquons notre propre réalité. Vous, les journalistes, vous en parlez, nous, nous la fabriquons". Je pense détester cette affirmation - son incroyable stupidité et son arrogance - bien plus que je ne déteste "Mets-la sur le tapis" et "Mission accomplie".
Cette chanson traite entièrement de l'illusion: "Ne vous fiez pas à ce que vous entendez / Et encore moins à ce que vous voyez / Voilà ce qui arrivera" - nous la fabriquons. Jusqu'à ce que vous arriviez au dernier couplet: "Il y a un incendie plus bas / Mais il monte jusqu'à nous... Il y a des corps qui pendent aux arbres / Voilà ce qui arrivera". Le cœur de mon album se trouve exactement là.
Il y a un vers à la fin de cette chanson, "Emporte seulement ce que tu crains". Vous parlez de la politique de la peur, n'est-ce pas ?
Oui. Vous ne pouvez pas tuer pour obtenir un état de sécurité, et vous ne pouvez pas diriger en faisant peur aux gens. Peut-être que vous pouvez arriver parfois à convaincre des gens de voter pour vous, mais ce n'est pas la tactique qui donnera le genre d'autorité morale et le leadership qu'il faut pour communiquer dans le monde. C'est la solution du lâche.
Donc, vous dites que l'on peut gagner des élections de cette façon, mais qu'on ne peut pas gouverner ainsi.
Exactement. C'est la seule carte jouée, pratiquement dès le premier jour. Si les élections de 2004 avaient eu lieu six mois plus tard, ils auraient perdu. Les gens étaient toujours sous l'envoutement du 11-septembre et de la magie (rires) et du Swift Boating (mouvement de vétérans du Vietnam créé lors des élections de 2004, et qui a remis en question les états de service du candidat John Kerry pendant la guerre du Vietnam, ndt). Un des moments les plus satisfaisants de cette élection a été l'émission Nightline, quand Ted Koppel s'est attaqué aux Swift Boaters, environ une semaine avant les élections, quand ils sont allés dans le village au Vietnam où l'incident s'est passé et ont parlé aux témoins vietnamiens. Tout était là, mais ce n'était pas suffisant, et c'était trop tard.
La chose fondamentale est que si vous êtes membre de la presse et que vous croyez qu'une partie de votre responsabilité est de donner aux gens les informations dont ils ont besoin pour protéger leurs libertés, il existe une responsabilité journalistique. Mais cet aspect a été terriblement ignoré. Quand quelqu'un vous dit que vous allez diriger avec Anna Nicole Smith, vous devez vous demander si vous êtes dans la bonne profession. C'est devenu un business, et sur ce qui était censé être une des chaînes les plus crédibles, il y a, tous les jours, une parade sans fin de non-sens.
Vrai. Parce que durant les élections pour connaitre la vérité derrière les publicités des Swift Boaters, il fallait éviter les grandes chaînes et regarder directement The Daily Show.
Jon Stewart est une force si importante et si isolée à la télévision. Il travaille dans le but d'aider les gens à interpréter le monde moderne des médias. Il y a tellement de vacarme. Dans chacune de ses émissions, il lève le voile, et vous commencez à comprendre à quoi les choses ressemblent vraiment. C'est pourquoi les gens se sont tournés vers lui et ont confiance en lui.
Il y a un vers dans Long Walk Home sur le nouvel album qui a un pouvoir incroyable. Un père dit à son fils que le drapeau qui flotte sur le palais de justice signifie que "certaines choses sont gravées dans le marbre... Ce que nous ferons, et ce que nous ne ferons pas". Mais nous vivons un moment où ces choses ne sont plus gravées dans le marbre.
Non, parce que les choses ont été terriblement endommagées. Qui aurait pu croire que nous allions vivre dans un pays où nous n'avons pas le droit à l'Habeus Corpus ? C'est du George Orwell. C'est ce à quoi ressemble l'hystérie politique et son efficacité. Je l'ai ressentie. Vous avez peur pour votre famille, pour votre foyer. Et vous vous rendez compte comment des pays peuvent dévier du droit chemin, s'éloigner des idéaux démocratiques. Ajoutez-y un ou deux attentats terroristes, et le pays peut devenir un endroit très effrayant. Philip Roth l'a bien expliqué dans The Plot Against America: ça arrive d'une façon très américaine - le drapeau flotte au-dessus des libertés civiques, tandis qu'elles s'effritent. C'était un aperçu fascinant.
Vous avez mentionné Philip Roth. Est-ce qu'il y a d'autres choses que vous lisiez qui ont eu un impact sur l'album ?
Pas vraiment. Par le passé, j'ai beaucoup été influencé par des livres et des films, mais je dirais que pour ce disque, je suis retombé amoureux de la musique pop. Pete Seeger dit, "Je veux savoir, 'Quel est le but de cette chanson ? Quelle sorte de travail est-elle censée accomplir?'". Je porte en moi un peu de ça, mais je suis un enfant de la pop. J'ai grandi avec le Top 40. Parfois, le but d'une chanson réside simplement dans ce qu'elle vous fait ressentir. Sur ce disque, c'est ce que je voulais en majorité. Il y a des formes pop classiques des années 60. Des influences de rock californien - Pet Sounds et beaucoup des Byrds. Je voulais prendre des productions qui créent des univers pop parfaits et puis les corrompre avec les paroles - les remplir avec du vide et de la peur, le malaise de ces moments très difficiles.
Girls In Their Summer Clothes est une ballade de crooner, style années 60, mais elle crée une image idéale en juxtaposition avec ce qui se passe à l'intérieur de l'album. Il y a un restaurant dans deux chansons, et ils sont très différents. Il y a celui dans Girls In Their Summer Clothes - Frankie's Dinner, en périphérie de la ville, avec son enseigne lumineuse - et puis il y a celui avec la pancarte qui dit simplement "PARTI" (sur Long Walk Home). Je crois aux deux. Ce sont les paramètres dont je parle là, exactement.
Girls In Their Summer Clothes fait partie des chansons qui semblent reprendre les chansons de vos débuts.
Directement et complètement. Je ne pense pas avoir écrit d'une façon aussi romantique que la façon dont je me suis autorisé à la faire sur cette chanson depuis Born To Run. Pour cet album, je me suis senti libre de retourner vers le romantisme de mes premiers disques. J'ai doublé ma voix, j'ai chanté d'une voix plus forte. En fait, je me fais un grand plaisir à écrire un peu plus dans ce style, à utiliser certains des éléments que j'avais rejetés, parce que je voulais être certain que ma musique soit assez dure pour les sujets dont je voulais traiter. C'est ce que j'ai fait sur Darkness On The Edge Of Town et Nebraska et en partie sur The River. Mais maintenant, je me sens assez libre pour retourner et me ré-approprier ces jolis éléments de la pop à l'état pur et la chanson de trois minutes et demie bien ficelée, ce que j'adore faire.
Est-ce qu'avoir travaillé sur le trentième anniversaire de Born To Run vous a ouvert cette voie ?
J'avais oublié à quel point ce disque était bon. Je ne l'avais pas écouté depuis de longues, longues années. Born To Run a été critiqué parce que trop romantique. J'étais au stade de ma carrière où je réagissais. Quand on commence à s'intéresser à vous, vous réagissez... au succès peut-être, ou à quelque chose que vous avez entendu par hasard dans la rue. Et donc, je suis allé vers l'obscurité. Mais certaines choses dont j'avais peur sont les raisons pour lesquelles cette réaction a duré: parce que c'était romantique.
Mais même à ce moment-là, j'ai rempli le romantisme avec de l'obscurité. C'était un disque post-guerre du Vietnam, et vous entendez, une fois encore, le malaise et la peur et l'inquiétude pour l'avenir. Le vers classique de Thunder Road, que j'ai écrit quand j'avais 24 ans, c'était "On n'est plus si jeunes". C'est venu directement des dernières années de la guerre. Plus personne ne se sentait aussi jeune. Tout ça est là dedans. Il y a certaines de mes meilleures chansons sur ce disque. J'ai établi les paramètres du monde sur lequel j'allais enquêter.
C'est intéressant - je n'ai pas pensé à ça, mais j'ai réellement voulu ça. Tous les différents petits effets que nous avons eus. J'ai toujours aimé ces petites symphonies pop, et sur ce disque, j'ai eu l'occasion de m'amuser un peu avec ça. Your Own Worst Enemy a été une de mes plus grosses productions pop. Les paroles oscillent toujours vers les limites et c'est entièrement sur l'auto-subversion. Vous pouvez le prendre d'un point de vue personnel ou politique. C'est ce qui donne au disque sa tension, ces deux choses - l'univers pop parfait et puis ce qui est en son centre. Living In The Future a un son très boardwalk, mais la chanson parle de la façon dont les choses sont devenues terriblement merdiques. C'est une chanson sur l'apathie et sur la façon dont les choses que tu pensais ne jamais voir se passer, se sont déjà produites. J'ai essayé de combiner l'individuel avec le politique, pour qu'on puisse décrypter les chansons de ces deux façons. Vous pouvez lire le disque comme un commentaire sur ce qui se passe, ou vous pouvez le lire simplement comme des chansons sur des relations personnelles.
Ça marche. Il a un pouvoir allégorique.
Oui, malgré cette interview, je ne voulais pas faire un gros disque anti-Bush. Ça a été fait et ce n'est pas vraiment ce dont les gens avaient besoin, ou peut-être que ce n'est pas ce dont j'avais besoin à ce moment-là. Votre écriture doit être multidimensionnelle pour rester intéressante, pour avoir de la vie. Vous n'écrivez pas les gros titres. J'ai trouvé des façons pour exprimer mes préoccupations politiques et personnelles, et j'ai toujours trouvé que le mieux était de les combiner, parce que les gens vivent ainsi.
Non, parce que les choses ont été terriblement endommagées. Qui aurait pu croire que nous allions vivre dans un pays où nous n'avons pas le droit à l'Habeus Corpus ? C'est du George Orwell. C'est ce à quoi ressemble l'hystérie politique et son efficacité. Je l'ai ressentie. Vous avez peur pour votre famille, pour votre foyer. Et vous vous rendez compte comment des pays peuvent dévier du droit chemin, s'éloigner des idéaux démocratiques. Ajoutez-y un ou deux attentats terroristes, et le pays peut devenir un endroit très effrayant. Philip Roth l'a bien expliqué dans The Plot Against America: ça arrive d'une façon très américaine - le drapeau flotte au-dessus des libertés civiques, tandis qu'elles s'effritent. C'était un aperçu fascinant.
Vous avez mentionné Philip Roth. Est-ce qu'il y a d'autres choses que vous lisiez qui ont eu un impact sur l'album ?
Pas vraiment. Par le passé, j'ai beaucoup été influencé par des livres et des films, mais je dirais que pour ce disque, je suis retombé amoureux de la musique pop. Pete Seeger dit, "Je veux savoir, 'Quel est le but de cette chanson ? Quelle sorte de travail est-elle censée accomplir?'". Je porte en moi un peu de ça, mais je suis un enfant de la pop. J'ai grandi avec le Top 40. Parfois, le but d'une chanson réside simplement dans ce qu'elle vous fait ressentir. Sur ce disque, c'est ce que je voulais en majorité. Il y a des formes pop classiques des années 60. Des influences de rock californien - Pet Sounds et beaucoup des Byrds. Je voulais prendre des productions qui créent des univers pop parfaits et puis les corrompre avec les paroles - les remplir avec du vide et de la peur, le malaise de ces moments très difficiles.
Girls In Their Summer Clothes est une ballade de crooner, style années 60, mais elle crée une image idéale en juxtaposition avec ce qui se passe à l'intérieur de l'album. Il y a un restaurant dans deux chansons, et ils sont très différents. Il y a celui dans Girls In Their Summer Clothes - Frankie's Dinner, en périphérie de la ville, avec son enseigne lumineuse - et puis il y a celui avec la pancarte qui dit simplement "PARTI" (sur Long Walk Home). Je crois aux deux. Ce sont les paramètres dont je parle là, exactement.
Girls In Their Summer Clothes fait partie des chansons qui semblent reprendre les chansons de vos débuts.
Directement et complètement. Je ne pense pas avoir écrit d'une façon aussi romantique que la façon dont je me suis autorisé à la faire sur cette chanson depuis Born To Run. Pour cet album, je me suis senti libre de retourner vers le romantisme de mes premiers disques. J'ai doublé ma voix, j'ai chanté d'une voix plus forte. En fait, je me fais un grand plaisir à écrire un peu plus dans ce style, à utiliser certains des éléments que j'avais rejetés, parce que je voulais être certain que ma musique soit assez dure pour les sujets dont je voulais traiter. C'est ce que j'ai fait sur Darkness On The Edge Of Town et Nebraska et en partie sur The River. Mais maintenant, je me sens assez libre pour retourner et me ré-approprier ces jolis éléments de la pop à l'état pur et la chanson de trois minutes et demie bien ficelée, ce que j'adore faire.
Est-ce qu'avoir travaillé sur le trentième anniversaire de Born To Run vous a ouvert cette voie ?
J'avais oublié à quel point ce disque était bon. Je ne l'avais pas écouté depuis de longues, longues années. Born To Run a été critiqué parce que trop romantique. J'étais au stade de ma carrière où je réagissais. Quand on commence à s'intéresser à vous, vous réagissez... au succès peut-être, ou à quelque chose que vous avez entendu par hasard dans la rue. Et donc, je suis allé vers l'obscurité. Mais certaines choses dont j'avais peur sont les raisons pour lesquelles cette réaction a duré: parce que c'était romantique.
Mais même à ce moment-là, j'ai rempli le romantisme avec de l'obscurité. C'était un disque post-guerre du Vietnam, et vous entendez, une fois encore, le malaise et la peur et l'inquiétude pour l'avenir. Le vers classique de Thunder Road, que j'ai écrit quand j'avais 24 ans, c'était "On n'est plus si jeunes". C'est venu directement des dernières années de la guerre. Plus personne ne se sentait aussi jeune. Tout ça est là dedans. Il y a certaines de mes meilleures chansons sur ce disque. J'ai établi les paramètres du monde sur lequel j'allais enquêter.
C'est intéressant - je n'ai pas pensé à ça, mais j'ai réellement voulu ça. Tous les différents petits effets que nous avons eus. J'ai toujours aimé ces petites symphonies pop, et sur ce disque, j'ai eu l'occasion de m'amuser un peu avec ça. Your Own Worst Enemy a été une de mes plus grosses productions pop. Les paroles oscillent toujours vers les limites et c'est entièrement sur l'auto-subversion. Vous pouvez le prendre d'un point de vue personnel ou politique. C'est ce qui donne au disque sa tension, ces deux choses - l'univers pop parfait et puis ce qui est en son centre. Living In The Future a un son très boardwalk, mais la chanson parle de la façon dont les choses sont devenues terriblement merdiques. C'est une chanson sur l'apathie et sur la façon dont les choses que tu pensais ne jamais voir se passer, se sont déjà produites. J'ai essayé de combiner l'individuel avec le politique, pour qu'on puisse décrypter les chansons de ces deux façons. Vous pouvez lire le disque comme un commentaire sur ce qui se passe, ou vous pouvez le lire simplement comme des chansons sur des relations personnelles.
Ça marche. Il a un pouvoir allégorique.
Oui, malgré cette interview, je ne voulais pas faire un gros disque anti-Bush. Ça a été fait et ce n'est pas vraiment ce dont les gens avaient besoin, ou peut-être que ce n'est pas ce dont j'avais besoin à ce moment-là. Votre écriture doit être multidimensionnelle pour rester intéressante, pour avoir de la vie. Vous n'écrivez pas les gros titres. J'ai trouvé des façons pour exprimer mes préoccupations politiques et personnelles, et j'ai toujours trouvé que le mieux était de les combiner, parce que les gens vivent ainsi.