Le leader du E Street Band parle de l'enregistrement de son disque le plus romantique depuis Born To Run.
par Joe Levy
par Joe Levy
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CET APRÈS-MIDI, BRUCE SPRINGSTEEN est préoccupé par plusieurs choses. Il y a les répétitions avec le groupe et la tournée de 37 dates qu'il commencera bientôt. Il y a le nouvel album, Magic, sa troisième production en 18 mois. Il y a aussi le contenu de l'album, des choses denses tels que la direction que prend notre démocratie et des choses plus légères, qui évoquent la période où les étincelles ont commencé à voler sur E Street, il y a plus de 30 ans. Et il y a aussi quelque chose d'autre: son fils aîné a un match de football à 16 heures 30.
La vie de Springsteen à 58 ans est centrée sur la famille et la musique. Tel n'a pas toujours été le cas. Pendant longtemps, il y a seulement eu la musique. Et puis pendant un certain temps, la famille seulement. L'équilibre qu'il a trouvé - et son élan de créativité, quatre albums en cinq ans - est relativement récent. "J'ai passé environ dix ans sans avoir de destination précise" dit-il, faisant allusion à l'époque où il s'est installé à Los Angeles, s'est marié pour la deuxième fois et a eu ses enfants. Lui et sa femme, Patti Scialfa, ont trois enfants, Evan, 17 ans, Jessica, 16 ans et Sam, 13 ans.
Les dix années que Springsteen mentionne correspondent grosso modo à la période durant laquelle le E Street Band était inactif, de 1988 à 1999. Durant cette période, Springsteen a redéfini sa carrière et sa musique plus radicalement que n'importe quel grand artiste, à l'exception de Dylan, éternel escroc. Ayant atteint un niveau de popularité interplanétaire, que sa musique et son ambition avaient toujours exigé, Springsteen s'est retiré. Le thème de ses chansons a changé, introspectif d'abord, puis extrospectif. Les albums les plus personnels qu'il ait jamais réalisés, Lucky Town et Human Touch, étaient, comme il l'a fait remarqué, ses plus heureux et ses moins réussis d'un point de vue commercial. En 1995, The Ghost Of Tom Joad, un album littéraire au message politique - Raymond Carver rencontre Woody Guthrie - sort après la naissance de son dernier enfant. Il est passé, en sept ans, des stades aux salles de concerts aux auditoriums, un homme seul avec sa guitare acoustique.
En 1999, juste avant l'anniversaire de ses cinquante ans, Springsteen est parti en tournée avec le E Street Band pour la première fois en plus de dix ans. Comme il l'a toujours fait, le groupe met des muscles et de la chair sur les mots, Springsteen reprenant contact avec le rock et la soul, qui ont été la première source de sa musique. C'est évident quand je regarde le groupe répéter leur nouvelle tournée, au Convention Hall d'Asbury Park, New Jersey - un grand groupe qui se retrouve dans une pièce de la taille d'un gymnase scolaire pour s'échauffer avant un grand marathon. Dans cette voix familière pleine de graviers, Springsteen trace dans l'air des parcours mélodiques à la Sam Cooke.
Dans Magic, on retrouve l'esprit d'Asbury Park, avec un grand son que Springsteen avait abandonné après Born To Run. "Récemment, j'ai eu une petite liaison amoureuse avec mes anciens morceaux" dit-il. "Il y avait beaucoup de liberté. Quand vous commencez et que vous finissez - c'est quand vous n'êtes plus sous pression. Au début, vous n'êtes pas assez connu pour être vraiment en compétition avec d'autres. Et à ce stade de ma carrière, je ne suis pas en compétition avec 50 Cents, je n'essaye pas de passer sur MTV. Je joue pour moi, pour mon groupe et pour mon public".
Comme il l'explique quand nous nous asseyons backstage au Convention Hall, Magic utilise les sons du boardwalk du passé pour mettre en avant le sentiment du présent: "le malaise de ces temps très difficiles". Souvent quand il parle, Springsteen rit en plein milieu d'une phrase, comme s'il était gêné de se prendre autant au sérieux. Mais pas quand il parle de la direction que le pays a prise sous George W. Bush et de la guerre en Irak. Là, le rire s'arrête net.
La vie de Springsteen à 58 ans est centrée sur la famille et la musique. Tel n'a pas toujours été le cas. Pendant longtemps, il y a seulement eu la musique. Et puis pendant un certain temps, la famille seulement. L'équilibre qu'il a trouvé - et son élan de créativité, quatre albums en cinq ans - est relativement récent. "J'ai passé environ dix ans sans avoir de destination précise" dit-il, faisant allusion à l'époque où il s'est installé à Los Angeles, s'est marié pour la deuxième fois et a eu ses enfants. Lui et sa femme, Patti Scialfa, ont trois enfants, Evan, 17 ans, Jessica, 16 ans et Sam, 13 ans.
Les dix années que Springsteen mentionne correspondent grosso modo à la période durant laquelle le E Street Band était inactif, de 1988 à 1999. Durant cette période, Springsteen a redéfini sa carrière et sa musique plus radicalement que n'importe quel grand artiste, à l'exception de Dylan, éternel escroc. Ayant atteint un niveau de popularité interplanétaire, que sa musique et son ambition avaient toujours exigé, Springsteen s'est retiré. Le thème de ses chansons a changé, introspectif d'abord, puis extrospectif. Les albums les plus personnels qu'il ait jamais réalisés, Lucky Town et Human Touch, étaient, comme il l'a fait remarqué, ses plus heureux et ses moins réussis d'un point de vue commercial. En 1995, The Ghost Of Tom Joad, un album littéraire au message politique - Raymond Carver rencontre Woody Guthrie - sort après la naissance de son dernier enfant. Il est passé, en sept ans, des stades aux salles de concerts aux auditoriums, un homme seul avec sa guitare acoustique.
En 1999, juste avant l'anniversaire de ses cinquante ans, Springsteen est parti en tournée avec le E Street Band pour la première fois en plus de dix ans. Comme il l'a toujours fait, le groupe met des muscles et de la chair sur les mots, Springsteen reprenant contact avec le rock et la soul, qui ont été la première source de sa musique. C'est évident quand je regarde le groupe répéter leur nouvelle tournée, au Convention Hall d'Asbury Park, New Jersey - un grand groupe qui se retrouve dans une pièce de la taille d'un gymnase scolaire pour s'échauffer avant un grand marathon. Dans cette voix familière pleine de graviers, Springsteen trace dans l'air des parcours mélodiques à la Sam Cooke.
Dans Magic, on retrouve l'esprit d'Asbury Park, avec un grand son que Springsteen avait abandonné après Born To Run. "Récemment, j'ai eu une petite liaison amoureuse avec mes anciens morceaux" dit-il. "Il y avait beaucoup de liberté. Quand vous commencez et que vous finissez - c'est quand vous n'êtes plus sous pression. Au début, vous n'êtes pas assez connu pour être vraiment en compétition avec d'autres. Et à ce stade de ma carrière, je ne suis pas en compétition avec 50 Cents, je n'essaye pas de passer sur MTV. Je joue pour moi, pour mon groupe et pour mon public".
Comme il l'explique quand nous nous asseyons backstage au Convention Hall, Magic utilise les sons du boardwalk du passé pour mettre en avant le sentiment du présent: "le malaise de ces temps très difficiles". Souvent quand il parle, Springsteen rit en plein milieu d'une phrase, comme s'il était gêné de se prendre autant au sérieux. Mais pas quand il parle de la direction que le pays a prise sous George W. Bush et de la guerre en Irak. Là, le rire s'arrête net.