Bruce Springsteen
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Rolling Stone, 09 janvier 2014

Une conversation de 54 minutes avec Bruce Springsteen



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Je voudrais parler un peu de la production de cet album. Par le passé vous favorisiez une forme de production minimaliste, mais avec vos deux ou trois derniers albums, vous l’avez quelque peu étendue.

C'est vraisemblablement dû aux producteurs : Brendan O’Brien et Ron Aniello. Avec Brendan, il y a une réelle densité au niveau de l’image sonore, et des idées. Je l’ai vraiment beaucoup apprécié, et il a fait des enregistrements très intenses, et je pense que c’est ce que nous avons essayé d’atteindre.

Au cours des années 90, nous avons perdu notre intensité pour enregistrer. Nous sommes passés, pour nos propres chansons, à des bons producteurs des années 80 à des producteurs moyens des années 90. Nous n’osions pas assez. Nous avons eu besoin de communiquer avec d’autres personnes qui produisaient des disques régulièrement, et qui produisaient beaucoup de disques modernes, pour atteindre le son de ces disques modernes. Ce qui, en fait, n'est pas si différent du son des disques des années 70.

C’était un retour à l’analogie, et à l’enregistrement de la basse et de la batterie sur une magnéto 24-pistes. C’était un retour aux sources. Au niveau du son, ces disques ont beaucoup de choses en commun avec les premiers disques des années 70. Ils ont donc amené une image sonore particulière. Le E Street Band était un grand groupe, qui devenait plus grand avec le temps, manifestement. Et puis, quand Ron Aniello est venu pour finir le disque que j’étais en train de faire avant Wrecking Ball, il y a eu beaucoup de travail personnel à faire dessus.

Ron a très bien travaillé avec Patti. Je me suis dit, "Et bien, ce gars peut peut-être venir m’aider à terminer une partie du travail sur ce disque". Alors, il est venu et, tout en conduisant, je cherchais une chanson pour achever ce projet, et j’ai trouvé une chanson qui s’appelait Easy Money. Je suis revenu au studio en vitesse et il y était, et nous avons commencé à l’enregistrer. Quand il a commencé à l’enregistrer, il a apporté un ensemble de compétences qui étaient parfaitement adaptées aux chansons sur lesquelles je travaillais depuis peu.

Il a une immense palette de sons, une immense palette d’images sonores. Il est très créatif. Je pense que Working On A Dream est notre plus grande production, mais véritablement dans Wrecking Ball, nous avons utilisé beaucoup de boucles et de choses que je n’avais jamais utilisées à ce point sur certains de nos autres disques. Comme je l’ai dit, je suis toujours à la recherche de moyens d’étendre et de renforcer le groupe, sur nos disques et sur scène.

Enregistrer pendant une tournée, c’est différent de votre approche habituelle pour faire un disque.

Avant, tout se passait comme lorsque j’étais enfant : il fallait que les pois soient sur une assiette et le maïs dans une autre assiette et je n’aimais pas qu’ils se touchent. Voilà d’où je venais et dans ce stade, tout était extrêmement séparé. Surtout au début de ma carrière, où on enregistrait un disque de A à Z, et puis on le sortait et on faisait ensuite une tournée pendant deux ans. Et quand je regarde en arrière, même à cette époque-là, il y avait beaucoup de chansons qui se chevauchaient. Si vous écoutez les premiers enregistrements de Born To Run qui passent parfois à la radio, il y a des versions qui semblent sortir tout droit de Wild and The Innocent. Sur le plan de l’enregistrement, ces versions sont beaucoup plus proches de ces chansons. J’avais ces chansons, mais je n’avais pas encore eu l’idée du nouveau son. Il y a beaucoup de passerelles et de choses qui vont d’un projet à l’autre et se chevauchent. J’ai oublié de quoi je parlais…

Vous parliez d’enregistrer pendant une tournée pour la première fois.

C’est quelque chose que nous ne faisions pas. On jouait. On était excités. On n’allait pas en studio. On n’en avait pas l’énergie, ou bien le programme ne le permettait pas. Là, on y est allés, c’était excitant et on s’est bien amusés et j’avais ces chansons qui, je pensais, étaient en attente. J’étais en train de penser à réunir une partie de ces titres. Et tout d’un coup, j’ai trouvé une accroche pour leur donner vie et, dès ce moment, j’ai été impatient de travailler dessus. Je pense que ce sont les premières séances d’enregistrement jamais faites en même temps qu’une tournée. C’était marrant.

Vous reprenez sur l'album le titre de Suicide, Dream Baby Dream. Vous êtes un grand fan de ce groupe depuis des décennies, n’est-ce pas ?

Oui. Pour moi, ce sont les maîtres de l’underground. Parmi les plus grands, tout simplement. Alan Vega, un des plus grands. Je pense qu’ils devraient figurer au Rock and Roll Hall Of Fame. Ils sont incroyables. Je les aimais et ils ont influencé l'album Nebraska d’une manière indirecte.

Les fans ont pu voir votre reprise de Dream Baby Dream vraiment évoluer sur scène au cours de la tournée Devils And Dust.

C’est une de leurs chansons que j’ai toujours beaucoup aimée. Quand j’ai fait la tournée Devils And Dust, j’ai décidé de la jouer tout seul. Je me suis demandé, "Comment Roy Orbison chanterait cette chanson ?". Ce qui était formidable dans la musique de Roy, c’était son côté grand public, mais il avait une face cachée que David Lynch a exploitée pour ses films. Il y a un endroit où ils étaient en phase. Je me suis demandé, "Quelle serait son approche de la chanson ?". Je suis donc parti de ce postulat et je l’ai associée à mon propre travail, à mes idées et à mes inspirations.

C’était une chanson que j’ai essayé d’enregistrer en studio à plusieurs reprises mais sans y parvenir, mais je ne l’ai jamais perdue de vue. Et à la fin de la tournée, cette chanson n’était pas sur l’album, et j’ai pensé, "Mon dieu, ce serait bien de l’utiliser pour remercier mes fans". J’en avais enregistré quelques versions en studio, mais encore une fois, j'y suis revenu, j'ai réenregistré de nombreuses choses et au final, c’est le morceau que nous avons utilisé sur la vidéo Dream Baby Dream. Et elle s’est retrouvée sur le disque.

Êtes-vous tenté d’embaucher Tom Morello comme membre à part entière du E Street Band ?

Je pense qu’à l’heure actuelle, nous jouons juste ensemble, quand l’occasion se présente. Nous avons un excès de grands guitaristes. Steve Van Zandt, le pauvre, ne joue pas assez lorsque je monopolise beaucoup des solos. Steve est un guitariste fabuleux. Quand nous étions adolescents, il avait son propre groupe, il en était le chanteur et il a toujours été un guitariste formidable. Bien sûr, Nils c’est un gars qui a son propre univers au bout des doigts. Tom, encore une fois, apporte autre chose avec son instrument et avec son esprit et avec sa personnalité. C’est un grand apport pour nous et la situation actuelle nous convient. Je suis excité à l’idée qu’il vienne avec nous pour la prochaine partie de la tournée.


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