par Nick Hornby
Interview réalisée le 28 mai 2005 au Royal Albert Hall (Londres).
Interview réalisée le 28 mai 2005 au Royal Albert Hall (Londres).
Nick Hornby a toujours été un fan de Springsteen, et a écouté sa musique à chaque jour d'écriture de son dernier best-seller. Mais il n'avait jamais eu la chance de rencontrer son héros - jusqu'à ce que le Boss vienne à Londres lors de ses récents concerts donnés au Royal Albert Hall. Dans cette interview exclusive pour l'OMM, la star révèle la façon dont il se tient au courant de la musique actuelle via son fils, et pourquoi des albums tels que 'Born To Run' continuent d'inspirer.
Quelque temps avant la semaine où j'ai rencontré Bruce Springsteen, et avant de savoir que j'allais le rencontrer, j'avais décidé de lui envoyer un exemplaire de mon nouveau livre. J'ai eu son adresse personnelle grâce à un ami commun, je le lui avais dédicacé, et le livre traînait dans mon bureau dans une enveloppe à bulles Jiffy non-affranchie, quand l'éditeur de ce magazine m'a demandé si j'aimerais réaliser cette interview. J'ai donc pris le livre avec moi.
Je ne m'attendais pas à ce qu'il lise cette foutue chose, ni même à ce qu'il la garde, et cependant, même ainsi, il me semblait que c'est quelque chose que j'avais besoin de faire. L'écriture de A Long Way Down (Vous descendez ?, 2005) a été alimenté par le café, les Silk Cuts et par Bruce (précisément, un enregistrement pirate live de Prove It Al Night, que j'écoutais en marchant jusqu'à mon bureau, alors que je finissais l'écriture de mon livre). Et Springsteen est une des personnes qui m'a, en premier, donné l'envie d'écrire, et une des personnes qui, à travers ses paroles et ses actes, m'a aidé à réfléchir à la carrière que j'avais eue depuis cet élan initial. Il me semble que son habilité à maintenir une vie artistique pleine de fraîcheur et de fascination tout en travaillant à l'intérieur du système est une grande leçon pour tous ceux dont le travail implique, de près ou de loin, d'avoir un public populaire.
Je l'ai rencontré pour la première fois après son concert de vendredi soir au Royal Albert Hall, lors d'une fête donnée dans un hôtel prestigieux de la West End (beaux quartiers du centre de Londres, ndt). Il parlait avec une férocité et une aisance impressionnantes à notre petit groupe en nous expliquant pourquoi il exigeait de ses fans une certaine retenue lors de ses concerts en solo. Le lendemain après-midi, je suis allé assister à la balance pour le concert du samedi soir et je me suis assis tout seul dans cet auditorium pendant qu'il jouait My Father's House, de l'album Nebraska. Ce n'est pas le genre d'expérience qui s'oublie facilement. Je l'ai interviewé dans sa loge, et j'étais tendu. En faisant la retranscription, j'ai rendu les questions plus convaincantes qu'elles ne l'étaient en réalité.
Il avait l'air plus jeune que la dernière fois où je l'ai vu et il est clairement et incroyablement en forme; il a changé sa chemise pour le photographe, et j'ai pu me rendre compte qu'il fait plus de concerts de deux heures et demi que moi. Il était agréable et amical, mais même s'il m'a demandé des nouvelles de musiciens plus jeunes, que lui et moi connaissons, nous n'avons pas beaucoup échangé de banalités; ses réponses sont délivrées dans des flots ininterrompus et cependant pesées avec grand soin. C'est l'un des rares artistes que j'ai rencontrés capable de parler de manière convaincante de ce qu'il fait, sans arrogance ni auto-dérision, ni sans être sur la défensive.
Je lui ai donné le livre et il m'a remercié. Je ne sais pas du tout si c'est la femme de ménage qui l'a pris pour chez elle, dans tous les cas, cela n'avait pas grande importance.
Quelque temps avant la semaine où j'ai rencontré Bruce Springsteen, et avant de savoir que j'allais le rencontrer, j'avais décidé de lui envoyer un exemplaire de mon nouveau livre. J'ai eu son adresse personnelle grâce à un ami commun, je le lui avais dédicacé, et le livre traînait dans mon bureau dans une enveloppe à bulles Jiffy non-affranchie, quand l'éditeur de ce magazine m'a demandé si j'aimerais réaliser cette interview. J'ai donc pris le livre avec moi.
Je ne m'attendais pas à ce qu'il lise cette foutue chose, ni même à ce qu'il la garde, et cependant, même ainsi, il me semblait que c'est quelque chose que j'avais besoin de faire. L'écriture de A Long Way Down (Vous descendez ?, 2005) a été alimenté par le café, les Silk Cuts et par Bruce (précisément, un enregistrement pirate live de Prove It Al Night, que j'écoutais en marchant jusqu'à mon bureau, alors que je finissais l'écriture de mon livre). Et Springsteen est une des personnes qui m'a, en premier, donné l'envie d'écrire, et une des personnes qui, à travers ses paroles et ses actes, m'a aidé à réfléchir à la carrière que j'avais eue depuis cet élan initial. Il me semble que son habilité à maintenir une vie artistique pleine de fraîcheur et de fascination tout en travaillant à l'intérieur du système est une grande leçon pour tous ceux dont le travail implique, de près ou de loin, d'avoir un public populaire.
Je l'ai rencontré pour la première fois après son concert de vendredi soir au Royal Albert Hall, lors d'une fête donnée dans un hôtel prestigieux de la West End (beaux quartiers du centre de Londres, ndt). Il parlait avec une férocité et une aisance impressionnantes à notre petit groupe en nous expliquant pourquoi il exigeait de ses fans une certaine retenue lors de ses concerts en solo. Le lendemain après-midi, je suis allé assister à la balance pour le concert du samedi soir et je me suis assis tout seul dans cet auditorium pendant qu'il jouait My Father's House, de l'album Nebraska. Ce n'est pas le genre d'expérience qui s'oublie facilement. Je l'ai interviewé dans sa loge, et j'étais tendu. En faisant la retranscription, j'ai rendu les questions plus convaincantes qu'elles ne l'étaient en réalité.
Il avait l'air plus jeune que la dernière fois où je l'ai vu et il est clairement et incroyablement en forme; il a changé sa chemise pour le photographe, et j'ai pu me rendre compte qu'il fait plus de concerts de deux heures et demi que moi. Il était agréable et amical, mais même s'il m'a demandé des nouvelles de musiciens plus jeunes, que lui et moi connaissons, nous n'avons pas beaucoup échangé de banalités; ses réponses sont délivrées dans des flots ininterrompus et cependant pesées avec grand soin. C'est l'un des rares artistes que j'ai rencontrés capable de parler de manière convaincante de ce qu'il fait, sans arrogance ni auto-dérision, ni sans être sur la défensive.
Je lui ai donné le livre et il m'a remercié. Je ne sais pas du tout si c'est la femme de ménage qui l'a pris pour chez elle, dans tous les cas, cela n'avait pas grande importance.
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En regardant votre concert hier soir, je pensais que peut-être, quand vous jouez avec le groupe, vous pouvez au moins vous dire, 'Je sais pourquoi les gens viennent nous voir. Nous sommes bons dans ce que nous faisons et il y a cette dynamique entre nous'. Mais, quand vous êtes tout seul, vous ne pouvez plus vous le dire. Comment le ressentez-vous ? Êtes-vous arrivé à un stade de votre vie où il ne vous semble pas étrange qu'autant de gens viennent pour ne voir que vous ?
J'ai joué de cette façon à diverses périodes de ma vie sur scène avant de faire des albums (1). Pour la tournée Nebraska, je ne l'ai simplement pas fait, peut-être manquais-je de confiance... Je n'avais pas joué seul depuis un certain temps. C'est très naturel, il me semble, et je suppose que les gens viennent pour les mêmes raisons que quand je joue avec le groupe : pour être émus, pour que quelque chose leur arrive. Je pense donc que ce sont les mêmes choses qui font que les gens dépensent leur argent, si durement gagné, pour ces places de concert, et qui marche dans les deux sens. Vous recherchez une expérience et quelque chose qui serve à contextualiser, de la meilleure façon possible, un morceau du monde. En ce moment, le soir, je prends simplement un chemin différent pour y arriver. C'est la même chose, vous savez ?
J'ai toujours été frappé de voir que vous travaillez très dur sur votre performance sur scène, que vous avez une théorie sur l'art d'être sur scène. Est-ce vrai ?
Et bien, je ne sais pas si j'y ai travaillé dur. C'est toujours venu naturellement, parce qu'en général, je me sens très à l'aise avec les gens. C'est probablement génétique d'une certaine manière (rires). Il y a une présentation et je crois être conscient du fait qu'un concert en train de se dérouler est une bonne idée (rires) (2). D'une certaine manière, je crois que le spectacle a été discrédité quand l'idée a été associée à la fausseté, ce qui est une façon très superficielle de voir les choses. C'est en fait un pont, s'il est utilisé convenablement. C'est un pont qui permet à vos idées d'atteindre le public. Qui aide votre musique à établir des connections et c'est la raison pour laquelle vous êtes là. Je pense que si vous le faites mal, vous pouvez réduire la portée de votre travail, mais si vous le faites bien, vous pouvez légèrement aider ce que vous faites. Ce peut être un énorme atout pour atteindre les gens avec un matériel qui pourrait être, autrement, considéré comme difficile. J'ai un large public qui vient voir ce genre de musique, un public qui dans d'autres circonstances ne serait pas là. Ces publics présents sont le résultat de mon histoire avec le groupe, mais aussi le résultat de mon habileté à les atteindre avec une chanson. J'ai mes idées, j'ai ma musique et j'aime aussi beaucoup frimer (rires), donc ça joue un grand rôle. J'aime aussi monter sur scène, faire le fou et m'exprimer physiquement, et le groupe peut parfois être très stupide. Mais même au cours d'un concert de ce genre, il y a une façon de l'atténuer. La façon dont vous parlez joue un rôle - pas un très grand rôle, mais c'est quelque chose. Qui met les gens à l'aise, et encore une fois, permet d'atteindre et de créer un pont pour ce qui serait, autrement, une musique difficile.
Je pense que c'est vrai. Ces concerts où vous avez emprunté des choses à James Brown... Je pense que les gens trouvent déconcertant le fait que cette musique est censée être vraie et authentique, et cependant, il y a cet art de la scène, cette idée de faire l'imbécile (3), en même temps. Je crois que les gens qui viennent au concert voient toujours qu'il n'y a pas de contradiction.
En plus, vous savez, quand j'étais jeune, il y avait un grand respect pour les musiciens rock qui faisaient les clowns - regardez Little Richard. Ils faisaient partie d'un tout, et j'ai toujours pensé aussi qu'ils permettaient de libérer le public. Et c'est également une façon de se faire plus petit pour rester à une échelle humaine (rires), mais j'y ai aussi pris beaucoup de plaisir, je me suis bien amusé à le faire et je n'ai jamais pensé qu'être sérieux et faire le clown était contradictoire. J'ai donc abordé mon travail et la scène avec l'idée qu'ils n'étaient pas exclusifs. Vous pouvez passer d'un moment où vous faites l'idiot à quelque chose de très sérieux en un éclair, et si vous avez ces liens avec votre public, ils vont vous suivre sans problèmes.
J'ai joué de cette façon à diverses périodes de ma vie sur scène avant de faire des albums (1). Pour la tournée Nebraska, je ne l'ai simplement pas fait, peut-être manquais-je de confiance... Je n'avais pas joué seul depuis un certain temps. C'est très naturel, il me semble, et je suppose que les gens viennent pour les mêmes raisons que quand je joue avec le groupe : pour être émus, pour que quelque chose leur arrive. Je pense donc que ce sont les mêmes choses qui font que les gens dépensent leur argent, si durement gagné, pour ces places de concert, et qui marche dans les deux sens. Vous recherchez une expérience et quelque chose qui serve à contextualiser, de la meilleure façon possible, un morceau du monde. En ce moment, le soir, je prends simplement un chemin différent pour y arriver. C'est la même chose, vous savez ?
J'ai toujours été frappé de voir que vous travaillez très dur sur votre performance sur scène, que vous avez une théorie sur l'art d'être sur scène. Est-ce vrai ?
Et bien, je ne sais pas si j'y ai travaillé dur. C'est toujours venu naturellement, parce qu'en général, je me sens très à l'aise avec les gens. C'est probablement génétique d'une certaine manière (rires). Il y a une présentation et je crois être conscient du fait qu'un concert en train de se dérouler est une bonne idée (rires) (2). D'une certaine manière, je crois que le spectacle a été discrédité quand l'idée a été associée à la fausseté, ce qui est une façon très superficielle de voir les choses. C'est en fait un pont, s'il est utilisé convenablement. C'est un pont qui permet à vos idées d'atteindre le public. Qui aide votre musique à établir des connections et c'est la raison pour laquelle vous êtes là. Je pense que si vous le faites mal, vous pouvez réduire la portée de votre travail, mais si vous le faites bien, vous pouvez légèrement aider ce que vous faites. Ce peut être un énorme atout pour atteindre les gens avec un matériel qui pourrait être, autrement, considéré comme difficile. J'ai un large public qui vient voir ce genre de musique, un public qui dans d'autres circonstances ne serait pas là. Ces publics présents sont le résultat de mon histoire avec le groupe, mais aussi le résultat de mon habileté à les atteindre avec une chanson. J'ai mes idées, j'ai ma musique et j'aime aussi beaucoup frimer (rires), donc ça joue un grand rôle. J'aime aussi monter sur scène, faire le fou et m'exprimer physiquement, et le groupe peut parfois être très stupide. Mais même au cours d'un concert de ce genre, il y a une façon de l'atténuer. La façon dont vous parlez joue un rôle - pas un très grand rôle, mais c'est quelque chose. Qui met les gens à l'aise, et encore une fois, permet d'atteindre et de créer un pont pour ce qui serait, autrement, une musique difficile.
Je pense que c'est vrai. Ces concerts où vous avez emprunté des choses à James Brown... Je pense que les gens trouvent déconcertant le fait que cette musique est censée être vraie et authentique, et cependant, il y a cet art de la scène, cette idée de faire l'imbécile (3), en même temps. Je crois que les gens qui viennent au concert voient toujours qu'il n'y a pas de contradiction.
En plus, vous savez, quand j'étais jeune, il y avait un grand respect pour les musiciens rock qui faisaient les clowns - regardez Little Richard. Ils faisaient partie d'un tout, et j'ai toujours pensé aussi qu'ils permettaient de libérer le public. Et c'est également une façon de se faire plus petit pour rester à une échelle humaine (rires), mais j'y ai aussi pris beaucoup de plaisir, je me suis bien amusé à le faire et je n'ai jamais pensé qu'être sérieux et faire le clown était contradictoire. J'ai donc abordé mon travail et la scène avec l'idée qu'ils n'étaient pas exclusifs. Vous pouvez passer d'un moment où vous faites l'idiot à quelque chose de très sérieux en un éclair, et si vous avez ces liens avec votre public, ils vont vous suivre sans problèmes.