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Pensez-vous que vous allez gagner un second Oscar pour votre chanson Dead Man Walking ?
[Rires] Oh, je ne sais pas. Quand ces films Disney sortent [Pocahontas], vous n'avez aucune chance (1). Dead Man Walking est encore une chanson assez décalée, donc je n'attends pas vraiment de deuxième statuette.
Pourtant, le sujet décalé vous a bien servi avec Streets Of Philadelphia. Vous dites que vous êtes content que les gays et lesbiennes aient commencé à vous approcher après cette chanson ?
Oh, oui ! Des gens sont venus vers moi dans la rue ou au restaurant et me disaient, "j'ai un ami" ou "j'ai un fiancé" ou "j'ai un partenaire" ou "j'ai un fils".
Pourquoi pensez-vous que Jonathan Demme - le réalisateur - vous a demandé d'écrire une chanson pour Philadelphia ?
Demme m'a dit que Philadelphia était un film qu'il était en train de réaliser "pour les centres commerciaux". Je suis certain qu'il s'agissait d'une des raisons pour lesquelles il a fait appel à moi, je pense qu'il voulait choisir un sujet sur lequel les gens ne se sentaient pas en sécurité, un sujet qui les effrayait, et il voulait le monter avec des personnes avec lesquelles ils se sentaient en sécurité comme Tom Hanks, ou moi, ou Neil Young. J'ai toujours pensé que c'était là mon travail.
[Rires] Oh, je ne sais pas. Quand ces films Disney sortent [Pocahontas], vous n'avez aucune chance (1). Dead Man Walking est encore une chanson assez décalée, donc je n'attends pas vraiment de deuxième statuette.
Pourtant, le sujet décalé vous a bien servi avec Streets Of Philadelphia. Vous dites que vous êtes content que les gays et lesbiennes aient commencé à vous approcher après cette chanson ?
Oh, oui ! Des gens sont venus vers moi dans la rue ou au restaurant et me disaient, "j'ai un ami" ou "j'ai un fiancé" ou "j'ai un partenaire" ou "j'ai un fils".
Pourquoi pensez-vous que Jonathan Demme - le réalisateur - vous a demandé d'écrire une chanson pour Philadelphia ?
Demme m'a dit que Philadelphia était un film qu'il était en train de réaliser "pour les centres commerciaux". Je suis certain qu'il s'agissait d'une des raisons pour lesquelles il a fait appel à moi, je pense qu'il voulait choisir un sujet sur lequel les gens ne se sentaient pas en sécurité, un sujet qui les effrayait, et il voulait le monter avec des personnes avec lesquelles ils se sentaient en sécurité comme Tom Hanks, ou moi, ou Neil Young. J'ai toujours pensé que c'était là mon travail.
Comment pouviez-vous permettre aux gens de se sentir en sécurité ?
La première fois où j'ai commencé à faire du rock, le public de mes premiers disques était un public viril. J'avais une image très hétérosexuelle, particulièrement au milieu des années 80.
Mais pourquoi pouviez-vous les atteindre ?
Je savais d'où provenait cette peur. J'ai été élevé dans une petite ville, et je n’ai rien reçu d'autre sur l’homosexualité à part des images négatives – très négatives. N'importe quel individu qui était différent, peu importe comment, était puni et ostracisé, si ce n'est pas physiquement menacé.
Aviez-vous eu une inspiration d'ordre personnelle pour la chanson ?
J'avais un ami très proche qui avait un cancer et qui est décédé à cette époque-là. Pour moi, l'expérience a été extrêmement bouleversante, être aussi proche d'une maladie de cette ampleur. Je n'avais jamais fait l'expérience de ce qui est exigé ou demandé aux gens proches d’une personne si malade. Une partie de cette expérience-là s'est retrouvée dans la chanson.
Vous avez saisi cet isolement particulier que connaissent beaucoup d’homosexuels malades du Sida. Quand il existe des murs entre les personnes, et qu'il y a un manque d'acceptation, vous pouvez recourir à cette sorte de communion : "Reçois-moi mon frère", qui sont les paroles dans le dernier vers.
C'est tout ce que chacun demande – en gros, une sorte d'acceptation, et de ne pas être laissé seul. Il y avait une certaine tranquillité spirituelle que j'ai essayé de capturer. Puis, j'ai essayé d'utiliser une voix humaine, une voix aussi humaine que possible. Je voulais que vous soyez dans la tête du personnage, à écouter ses pensées – un personnage qui était à l'orée de sa mort mais qui avait encore le sentiment d'être très vivant.
Avez-vous été surpris par le succès de la chanson ?
Je n'aurais jamais pensé le moins du monde que cette chanson allait bénéficier de passages en radio. Mais les gens étaient à la recherche de choses pour les aider à donner du sens à cette crise liée au Sida, en établissant des connexions humaines. Je pense que c'est ce que font le cinéma et l'art et la musique; ils peuvent fonctionner comme une feuille de route pour vos émotions.
Parce que vous venez des rues du New Jersey, est-ce qu'il y a eu chez vous un voyage intérieur pour accepter et comprendre l'homosexualité ? Est-ce que l'homosexualité ne vous a jamais effrayé ?
Je ne sais pas si "effrayer" serait le mot juste. J'étais plutôt un marginal dans ma propre ville, je ne souscrivais donc pas à ces nombreuses attitudes négatives. Évidemment, elles vous affectent et vous influencent. Mais je pense que votre vie entière est un processus qui vous oblige à trier ces premiers messages. Il me semble que la principale image homosexuelle à cette époque-là datait des années 50, la folle du village ou quelque chose comme ça, et c'était tout ce que chacun savait à propos de l’homosexualité. Les attitudes de chacun étaient assez cruelles. C'était réellement cette facette vraiment méchante du personnage américain.
La première fois où j'ai commencé à faire du rock, le public de mes premiers disques était un public viril. J'avais une image très hétérosexuelle, particulièrement au milieu des années 80.
Mais pourquoi pouviez-vous les atteindre ?
Je savais d'où provenait cette peur. J'ai été élevé dans une petite ville, et je n’ai rien reçu d'autre sur l’homosexualité à part des images négatives – très négatives. N'importe quel individu qui était différent, peu importe comment, était puni et ostracisé, si ce n'est pas physiquement menacé.
Aviez-vous eu une inspiration d'ordre personnelle pour la chanson ?
J'avais un ami très proche qui avait un cancer et qui est décédé à cette époque-là. Pour moi, l'expérience a été extrêmement bouleversante, être aussi proche d'une maladie de cette ampleur. Je n'avais jamais fait l'expérience de ce qui est exigé ou demandé aux gens proches d’une personne si malade. Une partie de cette expérience-là s'est retrouvée dans la chanson.
Vous avez saisi cet isolement particulier que connaissent beaucoup d’homosexuels malades du Sida. Quand il existe des murs entre les personnes, et qu'il y a un manque d'acceptation, vous pouvez recourir à cette sorte de communion : "Reçois-moi mon frère", qui sont les paroles dans le dernier vers.
C'est tout ce que chacun demande – en gros, une sorte d'acceptation, et de ne pas être laissé seul. Il y avait une certaine tranquillité spirituelle que j'ai essayé de capturer. Puis, j'ai essayé d'utiliser une voix humaine, une voix aussi humaine que possible. Je voulais que vous soyez dans la tête du personnage, à écouter ses pensées – un personnage qui était à l'orée de sa mort mais qui avait encore le sentiment d'être très vivant.
Avez-vous été surpris par le succès de la chanson ?
Je n'aurais jamais pensé le moins du monde que cette chanson allait bénéficier de passages en radio. Mais les gens étaient à la recherche de choses pour les aider à donner du sens à cette crise liée au Sida, en établissant des connexions humaines. Je pense que c'est ce que font le cinéma et l'art et la musique; ils peuvent fonctionner comme une feuille de route pour vos émotions.
Parce que vous venez des rues du New Jersey, est-ce qu'il y a eu chez vous un voyage intérieur pour accepter et comprendre l'homosexualité ? Est-ce que l'homosexualité ne vous a jamais effrayé ?
Je ne sais pas si "effrayer" serait le mot juste. J'étais plutôt un marginal dans ma propre ville, je ne souscrivais donc pas à ces nombreuses attitudes négatives. Évidemment, elles vous affectent et vous influencent. Mais je pense que votre vie entière est un processus qui vous oblige à trier ces premiers messages. Il me semble que la principale image homosexuelle à cette époque-là datait des années 50, la folle du village ou quelque chose comme ça, et c'était tout ce que chacun savait à propos de l’homosexualité. Les attitudes de chacun étaient assez cruelles. C'était réellement cette facette vraiment méchante du personnage américain.
Que voulez-vous dire quand vous dites que vous étiez un marginal ?
En gros, j'étais ostracisé dans ma ville natale. Moi et quelques autres copains étions les monstres du village – et il y avait plein d'occasions où nous devions éviter de nous faire taper dessus. Donc, non, je ne me reconnaissais pas dans ces idées homophobes. Et puis, j'ai commencé à jouer dans des clubs vers l'âge de 16 ou 17 ans, et j'ai été confronté à beaucoup de modes de vie différents et à beaucoup de choses différentes. C'était les années 60, et j'étais jeune, j’avais l’esprit ouvert, et je n'étais pas intolérant par nature. Je crois que le vrai problème était que personne n'avait jamais vraiment eu de véritable expérience de la culture gay, votre impression était donc incroyablement limitée.
Vous avez donc rencontré des homosexuels, en fait ?
Oui, j'avais des amis gays. La première chose que j'ai comprise, était que chacun est différent, et il devient évident que tous les stéréotypes sur les homosexuels sont ridicules. [Rires] J'avais bien compris.
A cause de votre image de rock macho, je ne savais pas si vous alliez me répondre, "Oh, oui, il y a une époque au cours de laquelle je ne voulais pas que quiconque puisse penser que je pouvais avoir la moindre sympathie à leur égard".
Non, j'ai toujours pensé que parmi le cœur de mon public – car j'ai atteint un niveau de popularité au cours des années 80 qui était en quelque sorte un pic exceptionnel – ce public a foncièrement compris les valeurs qui sont en action dans mon travail. La tolérance et l’acceptation ont certainement été en première ligne dans ma musique. Si mon travail devait être défini, je dirais qu'il s'agit d'une quête d'identité, de reconnaissance personnelle, d'acceptation, de communion, et pour un grand pays. J'ai toujours pensé que c'était la raison pour laquelle les gens venaient à mes concerts, car ils ressentent ce grand pays dans leur cœur.
Vous voulez dire un pays assez grand pour tout le monde ?
Oui. Malheureusement, une fois que vous avez un public réellement plus large, il y a des gens qui viennent pour plein de raisons différentes. Et qui peuvent interpréter à tort les chansons.
Vous avez même été obligé de vous expliquer avec le Président Reagan qui pensait que la chanson Born In The U.S.A. parlait de ses propres valeurs.
Oui, à ce moment précis le pays a fait un virage à droite, et il y a eu beaucoup de méchanceté, d'intolérance, et d'attitudes qui ont donné naissance à plus d'intolérance. Donc, je suis toujours en train d'essayer d’expliquer qui je suis et ce que je fais. C'est la raison pour laquelle je souhaitais m'adresser à vous.
En gros, j'étais ostracisé dans ma ville natale. Moi et quelques autres copains étions les monstres du village – et il y avait plein d'occasions où nous devions éviter de nous faire taper dessus. Donc, non, je ne me reconnaissais pas dans ces idées homophobes. Et puis, j'ai commencé à jouer dans des clubs vers l'âge de 16 ou 17 ans, et j'ai été confronté à beaucoup de modes de vie différents et à beaucoup de choses différentes. C'était les années 60, et j'étais jeune, j’avais l’esprit ouvert, et je n'étais pas intolérant par nature. Je crois que le vrai problème était que personne n'avait jamais vraiment eu de véritable expérience de la culture gay, votre impression était donc incroyablement limitée.
Vous avez donc rencontré des homosexuels, en fait ?
Oui, j'avais des amis gays. La première chose que j'ai comprise, était que chacun est différent, et il devient évident que tous les stéréotypes sur les homosexuels sont ridicules. [Rires] J'avais bien compris.
A cause de votre image de rock macho, je ne savais pas si vous alliez me répondre, "Oh, oui, il y a une époque au cours de laquelle je ne voulais pas que quiconque puisse penser que je pouvais avoir la moindre sympathie à leur égard".
Non, j'ai toujours pensé que parmi le cœur de mon public – car j'ai atteint un niveau de popularité au cours des années 80 qui était en quelque sorte un pic exceptionnel – ce public a foncièrement compris les valeurs qui sont en action dans mon travail. La tolérance et l’acceptation ont certainement été en première ligne dans ma musique. Si mon travail devait être défini, je dirais qu'il s'agit d'une quête d'identité, de reconnaissance personnelle, d'acceptation, de communion, et pour un grand pays. J'ai toujours pensé que c'était la raison pour laquelle les gens venaient à mes concerts, car ils ressentent ce grand pays dans leur cœur.
Vous voulez dire un pays assez grand pour tout le monde ?
Oui. Malheureusement, une fois que vous avez un public réellement plus large, il y a des gens qui viennent pour plein de raisons différentes. Et qui peuvent interpréter à tort les chansons.
Vous avez même été obligé de vous expliquer avec le Président Reagan qui pensait que la chanson Born In The U.S.A. parlait de ses propres valeurs.
Oui, à ce moment précis le pays a fait un virage à droite, et il y a eu beaucoup de méchanceté, d'intolérance, et d'attitudes qui ont donné naissance à plus d'intolérance. Donc, je suis toujours en train d'essayer d’expliquer qui je suis et ce que je fais. C'est la raison pour laquelle je souhaitais m'adresser à vous.