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Puis, dix ans plus tard, Nils Logfren et Patti Scialfa nous ont rejoint juste à temps pour nous aider dans la renaissance de Born In The U.S.A. Nils, un des plus grands guitaristes de rock au monde avec la voix d'un enfant de chœur, m'a donné tout ce qu'il possédait au cours des 30 dernières années. Merci, Nils. Tant d'amour.
Et Patti Scialfa, une fille du New Jersey, est arrivée de New York un week-end, et a chanté au Stone Pony avec le groupe local, Cats on a Smooth Surface et avec Bobby Bandiera. Et elle a chanté une version à tomber par terre de Tell Him de The Exciters. Dans sa voix, il y avait une touche de Ronnie Spector, une touche de Dusty Springfield, et de beaucoup d'autres choses qui n'appartenaient qu'à elle. A la fin, je me suis approché, je me suis présenté à elle derrière le bar. Nous avons pris deux tabourets et sommes restés assis là une heure de plus – ou 30 ans de plus [rires]. A parler de musique et de tout le reste. Nous avons alors ajouté au groupe ma charmante rouquine, et elle a brisé le club des garçons !
Je voulais que notre groupe soit le reflet de notre public, et en 1984, cette envie signifiait des hommes adultes et des femmes adultes. Mais, son arrivée nous a tellement paniqué que le premier soir de la tournée Born In The U.S.A., je lui ai demandé de venir dans ma loge pour voir ce qu'elle allait porter comme vêtement. Et elle avait une sorte de t-shirt légèrement féminin, et je me tenais là, presque transpirant. A mes pieds, j'avais un petit sac de voyage Samsonite que je prenais avec moi, et je l'ai ouvert, et il était plein de mes t-shirts transpirants, puants. Et j'ai dit, "Choisis-en un parmi ceux-là [rires] Ils t'iront bien !". Ce soir, elle ne porte pas un de ces t-shirts. Mais Patti, je t'aime, merci pour ta voix magnifique, tu as changé mon groupe et ma vie. Merci, ma chérie. Merci pour nos enfants merveilleux.
Les vrais groupes : les vrais groupes sont créés dans le voisinage, à l'origine. Ils sont issus d'une véritable époque et d'un véritable endroit qui existent pendant un moment, puis qui changent, et disparaissent à jamais. Ils ont leur origine dans les mêmes circonstances, les mêmes besoins, les mêmes faims, la même culture, le même besoin d’amour pour faire disparaître la souffrance. Ils se forgent dans la quête de quelque chose de plus prometteur que l'endroit où vous êtes nés. Ce sont les éléments, les outils, et ce sont là les personnes qui ont bâti un endroit appelé E Street.
Donc E Street, c’était une danse, c’était une idée, c’était un vœu, c’était un refuge, c’était un foyer, c’était une destination, c’était un rêve grossier, et finalement, c'était un groupe. Ensemble, nous avons lutté, et parfois nous avons lutté les uns contre les autres. Ensemble, nous nous sommes immergés dans la gloire et souvent dans la confusion déchirante de nos récompenses. Ensemble, nous avons apprécié d’être en bonne santé, nous avons souffert devant la maladie, l’âge et la mort. Nous avons pris soin les uns des autres quand les soucis se sont présentés, et nous nous sommes blessés les uns les autres, parfois sérieusement et parfois légèrement.
Mais au final, nous avons gardé la foi en chacun de nous. Et une chose est sûre : comme je l'ai dit avant concernant Clarence Clemons, j'ai raconté une histoire avec le E Street Band qui était, et qui est, plus grande que ce que j’aurais pu raconter tout seul. Et je crois que c'est précisément ça qui règle la question. Car il s'agit de la marque de fabrique d'un groupe de rock'n'roll : l’histoire que vous racontez ensemble est plus grande que ce que chacun d'entre vous aurait pu raconter tout seul. Ce qui explique The Rolling Stones. Ce qui explique les Sex Pistols. Ce qui explique Bob Marley... et les Wailers. Ce qui explique James Brown.. et ses Famous Flames. Ce qui explique Neil Young et le Crazy Horse. Ainsi, je vous remercie, mes magnifiques hommes et femmes de E Street. Vous m'avez fait rêver et aimer d'une manière beaucoup plus grande que ce que j'aurais fait sans vous.
Et ce soir je me tiens devant vous avec un unique regret. Que Danny et Clarence ne puissent pas être avec nous ce soir. Seize ans plus tôt, quelques soirées avant ma propre intronisation, je me trouvais dans ma cuisine, dans la pénombre, en compagnie de Steve Van Zandt. Steve venait juste de réintégrer le groupe, après une pause de 15 ans, et il me demandait de pousser le Hall Of Fame pour que nous soyons intronisés tous ensemble. Et je l'écoutais, et le Hall Of Fame avait ses règles, et j'étais fier de mon indépendance. Nous n'avions plus joué ensemble depuis dix ans, nous étions donc quelque peu éloigné. Nous étions seulement en train de faire les premiers petits pas vers la reformation, et nous ne savions pas ce que l'avenir nous apporterait. Et peut-être qu'une ombre de quelques vieilles rancunes continuait de nous influencer. C'était une énigme, car nous avions des sentiments mitigés. Et Steve était calme, mais insistant, et à la fin de notre conversation, il a simplement dit, "Oui, oui, je comprends... mais Bruce Springsteen & the E Street Band – c'est ça la légende".
Ainsi, je suis donc fier d'introniser dans le Rock'n'Roll Hall of Fame, le légendaire E Street Band pétrifiant les cœurs, faisant tomber les pantalons, remuant les culs, faisant l'amour, faisant tremble la terre, administrateur de Viagra, témoignant et défiant la mort !
Bruce Springsteen, April 10, 2014
Et Patti Scialfa, une fille du New Jersey, est arrivée de New York un week-end, et a chanté au Stone Pony avec le groupe local, Cats on a Smooth Surface et avec Bobby Bandiera. Et elle a chanté une version à tomber par terre de Tell Him de The Exciters. Dans sa voix, il y avait une touche de Ronnie Spector, une touche de Dusty Springfield, et de beaucoup d'autres choses qui n'appartenaient qu'à elle. A la fin, je me suis approché, je me suis présenté à elle derrière le bar. Nous avons pris deux tabourets et sommes restés assis là une heure de plus – ou 30 ans de plus [rires]. A parler de musique et de tout le reste. Nous avons alors ajouté au groupe ma charmante rouquine, et elle a brisé le club des garçons !
Je voulais que notre groupe soit le reflet de notre public, et en 1984, cette envie signifiait des hommes adultes et des femmes adultes. Mais, son arrivée nous a tellement paniqué que le premier soir de la tournée Born In The U.S.A., je lui ai demandé de venir dans ma loge pour voir ce qu'elle allait porter comme vêtement. Et elle avait une sorte de t-shirt légèrement féminin, et je me tenais là, presque transpirant. A mes pieds, j'avais un petit sac de voyage Samsonite que je prenais avec moi, et je l'ai ouvert, et il était plein de mes t-shirts transpirants, puants. Et j'ai dit, "Choisis-en un parmi ceux-là [rires] Ils t'iront bien !". Ce soir, elle ne porte pas un de ces t-shirts. Mais Patti, je t'aime, merci pour ta voix magnifique, tu as changé mon groupe et ma vie. Merci, ma chérie. Merci pour nos enfants merveilleux.
Les vrais groupes : les vrais groupes sont créés dans le voisinage, à l'origine. Ils sont issus d'une véritable époque et d'un véritable endroit qui existent pendant un moment, puis qui changent, et disparaissent à jamais. Ils ont leur origine dans les mêmes circonstances, les mêmes besoins, les mêmes faims, la même culture, le même besoin d’amour pour faire disparaître la souffrance. Ils se forgent dans la quête de quelque chose de plus prometteur que l'endroit où vous êtes nés. Ce sont les éléments, les outils, et ce sont là les personnes qui ont bâti un endroit appelé E Street.
Donc E Street, c’était une danse, c’était une idée, c’était un vœu, c’était un refuge, c’était un foyer, c’était une destination, c’était un rêve grossier, et finalement, c'était un groupe. Ensemble, nous avons lutté, et parfois nous avons lutté les uns contre les autres. Ensemble, nous nous sommes immergés dans la gloire et souvent dans la confusion déchirante de nos récompenses. Ensemble, nous avons apprécié d’être en bonne santé, nous avons souffert devant la maladie, l’âge et la mort. Nous avons pris soin les uns des autres quand les soucis se sont présentés, et nous nous sommes blessés les uns les autres, parfois sérieusement et parfois légèrement.
Mais au final, nous avons gardé la foi en chacun de nous. Et une chose est sûre : comme je l'ai dit avant concernant Clarence Clemons, j'ai raconté une histoire avec le E Street Band qui était, et qui est, plus grande que ce que j’aurais pu raconter tout seul. Et je crois que c'est précisément ça qui règle la question. Car il s'agit de la marque de fabrique d'un groupe de rock'n'roll : l’histoire que vous racontez ensemble est plus grande que ce que chacun d'entre vous aurait pu raconter tout seul. Ce qui explique The Rolling Stones. Ce qui explique les Sex Pistols. Ce qui explique Bob Marley... et les Wailers. Ce qui explique James Brown.. et ses Famous Flames. Ce qui explique Neil Young et le Crazy Horse. Ainsi, je vous remercie, mes magnifiques hommes et femmes de E Street. Vous m'avez fait rêver et aimer d'une manière beaucoup plus grande que ce que j'aurais fait sans vous.
Et ce soir je me tiens devant vous avec un unique regret. Que Danny et Clarence ne puissent pas être avec nous ce soir. Seize ans plus tôt, quelques soirées avant ma propre intronisation, je me trouvais dans ma cuisine, dans la pénombre, en compagnie de Steve Van Zandt. Steve venait juste de réintégrer le groupe, après une pause de 15 ans, et il me demandait de pousser le Hall Of Fame pour que nous soyons intronisés tous ensemble. Et je l'écoutais, et le Hall Of Fame avait ses règles, et j'étais fier de mon indépendance. Nous n'avions plus joué ensemble depuis dix ans, nous étions donc quelque peu éloigné. Nous étions seulement en train de faire les premiers petits pas vers la reformation, et nous ne savions pas ce que l'avenir nous apporterait. Et peut-être qu'une ombre de quelques vieilles rancunes continuait de nous influencer. C'était une énigme, car nous avions des sentiments mitigés. Et Steve était calme, mais insistant, et à la fin de notre conversation, il a simplement dit, "Oui, oui, je comprends... mais Bruce Springsteen & the E Street Band – c'est ça la légende".
Ainsi, je suis donc fier d'introniser dans le Rock'n'Roll Hall of Fame, le légendaire E Street Band pétrifiant les cœurs, faisant tomber les pantalons, remuant les culs, faisant l'amour, faisant tremble la terre, administrateur de Viagra, témoignant et défiant la mort !
Bruce Springsteen, April 10, 2014
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NOTES
Ce discours a été prononcé le 10 avril 2014 au Barclays Center, à New York, lors de l'intronisation du E Street Band au 29th Rock & Roll Hall Of Fame, une institution honorant les artistes légendaires ayant influencé de façon notable l'histoire du rock & roll et éligibles 25 ans après leur premier enregistrement.
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(1) Dans le système hiérarchisé de manière pyramidale de la Mafia, le consigliere ou conseiller est le bras droit ou assistant du Parrain. Dans la série TV The Sopranos, c'est le rôle que joue Steve Van Zandt.