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Backstreets, 16 février 2012

Un américain à Paris



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Backstreets, 16 février 2012
Sur ce disque, vous avez inclus des chansons qui ne sont pas tout à fait inédites, avec Land Of Hope And Dreams et Wrecking Ball, qui ont déjà été jouées auparavant. Mais elles s’intègrent bien à l’époque, n’est-ce pas ?

Wrecking Ball ressemblait à une métaphore sur ce qui s’est passé - c’est une image où quelque chose est détruit pour pouvoir construire quelque chose de nouveau, et c’était également une image suggérant la destruction pure et simple de quelques valeurs et idées américaines fondamentales, au cours de ces 30 dernières années. Il y a un processus de dérégulation qui dure depuis 30 ans maintenant, avec différentes choses qui ont été ajoutées à l’inégalité que nous connaissons actuellement aux États-Unis. Alors, cette chanson me semblait être une bonne métaphore.

Avec Land Of Hope And Dreams, j’avais besoin d’une chanson qui soit très spirituelle, car le disque se déplace entre des personnes vraiment très en colère à des personnes en colère mais constructives. Pour moi, il y a toujours un élément spirituel à l'intérieur, et un élément religieux, à un certain degré. Peut-être est-ce simplement mon éducation catholique, mais c’est de cette manière que j’écris sur le sujet. Alors, cette chanson était assez forte.

Le problème avec un disque, si vous écrivez une chanson vraiment importante dès le départ, la suite doit gagner en amplitude - ou alors tu foires tout, mon ami [rires]. C’est la raison pour laquelle il y a tant de disques où on se dit, Hé, bonne première chanson !... La deuxième est bonne… [il ronfle]. Vous n’y êtes plus quand arrivent la septième ou la huitième.

Mais sur nos disques, j’essaie de les construire de manière à ce qu’une question soit posée, et qu’il y ait des scénarios où ces questions sont développées. Si vous regardez ce disque, il y a une question posée : Prenons-nous soin des nôtres ? Je ne le pense pas, dans bien des circonstances. Puis, il y a des scénarios où vous rencontrez les personnages qui subissent les conséquences de l’échec de ces idées-là et de ces valeurs-là. Vous arrivez au personnage sur Easy Money, il sort pour commettre un braquage - ce qui s’est exactement passé au sommet de la pyramide. Il imite ces gars à Wall Street de la seule manière qu’il connaisse : je sors ce soir, à la recherche d’argent facile.

Si vous suivez le fil du disque, chaque chanson vous présente un personnage légèrement différent. Puis à la fin, il faut que je trouve une façon d’assembler leurs histoires, afin que le disque ait un sens pour vous. Il faut que je trouve une façon, pas nécessairement pour répondre à la question que j’ai posée, mais pour avancer, pour faire avancer les idées, pour avancer dans la recherche d’un jour nouveau. "Un jour nouveau" revient souvent dans le disque, ce qui revient à dire, tout simplement, "Ok, comment avance-t-on ?" C’est ce qui m’intéresse.

Le disque doit donc se construire, et il doit se développer émotionnellement et spirituellement, et il doit également vous donner un peu de bon temps au final. Vous savez, il doit sonner comme il faut et doit être grand. C'est toujours un défi, mais Land Of Hope And Dreams était une chanson d'une telle ampleur et d'une telle dimension spirituelle, que quand la fin du disque approchait, elle s'est parfaitement intégrée.

Ce sont également des voix de l'histoire et des voix d'outre-tombe. Si vous écoutez le disque, j'utilise beaucoup de folk music. Il y a de la musique de la Guerre Civile. Il y a de la musique gospel. Il y a des cuivres des années 30 sur Jack Of All Trades. C'est de cette façon que j'ai utilisé la musique - l'idée était que la musique allait contextualiser historiquement les évènements qui s'étaient déjà produit avant : ils se sont produits dans les années 70, ils se sont produits dans les années 30, ils se sont produits dans les années 1800... C'est cyclique. Encore, et encore, et encore, et encore. J'ai donc essayé d'aller chercher un peu de continuité et un peu de résonance historique à travers ma musique.

Par le passé, vous vous êtes engagé et avez joué pour des candidats à l’élection présidentielle, et bien sûr l’élection présidentielle arrive cette année aux États-Unis. Avez-vous prévu de chanter ou de faire des concerts pour Barack Obama ?

Je me suis impliqué un peu par accident. La situation était la suivante: les années Bush étaient si horribles qu’on ne pouvait pas juste rester assis. Je n’ai jamais fait campagne pour un politicien avant John Kerry. Mais à ce moment-là, un désastre tellement évident se déroulait à la tête du gouvernement, et on avait la sensation que si on disposait d’un quelconque prestige, il fallait s’en servir, parce qu’on ne pouvait plus rester assis à regarder. Alors, j’ai fait campagne pour John Kerry, et pour Obama la dernière fois - et je suis content de l’avoir fait - mais je ne suis pas un militant professionnel, et tous les quatre ans, je ne pense pas que je vais choisir un candidat et faire campagne pour lui. Je préfère rester en retrait. Généralement, je pense qu’un artiste doit être le canari dans la mine de charbon, et qu’on se trouve bien mieux à une certaine distance du pouvoir.

En 2008, vous avez pris très fortement position pour le Président Obama. Êtes-vous dans le même état d’esprit aujourd’hui ?

Je pense qu’il a fait beaucoup de bonnes choses: il a maintenu en vie General Motors, ce qui était incroyablement important pour Détroit, Michigan. Il a fait passer la loi sur la sécurité sociale, bien que j’aurais aimé qu’il y ait une option publique et que les citoyens victimes des sociétés d’assurance ne soient pas abandonnés. Il a tué Oussama Ben Laden, ce qui me semble extrêmement important. Il y a eu un assainissement au sommet de l’État.

Il est plus amical envers les grandes sociétés que je n’aurais imaginé, et les voix de la classe moyenne ou de la classe ouvrière sont moins entendues dans son administration que je n’aurais imaginé. J’aurais aimé voir, plus tôt, plus de créations d’emplois, et j’aurais aimé voir ces saisies interrompues ou, d’une certaine manière, atténuées. Les banques ont bénéficié d’un accord, un accord partiel, mais vraiment, il y a beaucoup de personnes qui ne seront pas assistées. Je soutiens encore le président, mais il y a beaucoup de choses - je pensais que Guatanamo serait à présent fermé. En revanche, nous avons quitté l’Irak, et avec un peu de chance, nous quitterons bientôt l’Afghanistan.

Beaucoup de gens après le 11 septembre, et beaucoup de gens au cours de ces deux dernières années, se tournent vers vous pour connaître votre interprétation de ces évènements. Est-ce que vous le ressentez comme une forme de fardeau ? Qu’autant de personnes s'en soucient ? Regardez-nous: lorsque nous vous attendions avant, tellement de personnes se soucient de ce que vous pensez, et de ce que vous ressentez devant ce qu’il se passe dans le monde.

En fait, je me sens terriblement accablé, et la nuit quand je dors dans ma grande maison, cette pression me tue [rires]. C’est une vie dure, c’est une vie cruelle ! L’industrie de la musique rock : cruelle, cruelle, cruelle. Ne croyez pas ce qu’on vous dit.

Non, c’est une vie bénie. Et ce ne sont là que des choses qui m’intéressent et des choses dont j’ai envie de parler avec mon public.

Quand j’étais jeune, j’ai aimé les artistes qui essayaient, d’une manière ou d’une autre, de s’en prendre au monde - pour le meilleur ou pour le pire - et qui s’impliquaient également dans les évènements de leur époque, en tant qu'acteurs du spectacle. J’ai un large public : j’ai des Démocrates, j’ai beaucoup de Républicains, j’ai des gens qui viennent juste pour danser et s’amuser, et des gens qui s’intéressent aux aspects sociaux sur lesquels j’écris. Et j’apprécie cet ensemble, tout simplement.

J’apprécie donc cette conversation. Si j’ai quelque chose à dire ou si peux écrire une chanson à ce sujet, à un moment donné, je le fais. Et si ce n’est pas le cas, je ne le fais pas. J’écris pour intégrer mes propres expériences. J’ai toujours considéré que si je le fais pour moi, alors, je le fais pour vous. Au départ, vous écrivez pour vous-même, juste pour essayer de comprendre le monde dans lequel vous vivez. Et si vous le faites suffisamment bien, alors cette idée-là se transmet à votre public. Mais je ne suis pas dans un cabinet électoral où je dois arriver avec un nouveau projet chaque jour. Je ne le ressens pas comme un fardeau. Ça ne marche pas de cette façon. C’est plutôt une vie enchantée, je dirais, si vous êtes musicien. C’est la raison pour laquelle on appelle ça "jouer".

Sur ce disque, plus que jamais, nous trouvons des références spirituelles, des citations bibliques, ce type de choses. Est-ce parce que vous ressentez votre propre mortalité à présent ?

Non, je pense qu'on m'a fait un lavage de cerveau avec le catholicisme, lorsque j’étais enfant. Une fois que vous êtes… c’est comme cette réplique d’Al Pacino, "Je n’arrête pas d’essayer d’en sortir, ils font tout pour m’y ramener !" Catholique un jour, Catholique toujours ! Vous êtes impliqué dans ces choses-là à un moment où vous êtes en plein apprentissage. J’ai suivi une éducation religieuse au cours des huit premières années de ma scolarité; j’habitais près d’une église, d’un couvent, d’un presbytère, et de l’école catholique. J’ai vu chaque mariage, chaque enterrement, chaque messe. Ma vie était pleine d’odeur d’encens et de prêtres et de bonnes sœurs qui allaient et venaient, alors cet environnement m’a donné un sens très fort de vie spirituelle, et a compliqué ma vie sexuelle, mais je vais bien [rires].


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