Mise Au Point
La première fois où je t'ai rencontré, c'était au Madison Square Garden, en 78. Garland Jeffreys m'avait amené backstage pour te dire bonjour...
Non ? Hmmmmm... Exact ! Exact ! Garland ? Que devient-il ? As-tu son numéro de téléphone ? (à la cantonade) Apportez-moi de l'eau, et si par hasard il y a une bière avec, c'est pas de refus...
(Installation, on apporte... juste de l'eau. La bière, de la Rolling Rock sera amenée après) Un ingé-son fixe les micros cravates, mais la bande tourne déjà...
Garland est un vrai écrivain, il fait de vraies chansons, un talent pareil, c'est plutôt rare...
Six interviews en deux jours, c'est pas trop crevant ?
C'est okay. Je parle rarement. Une fois par an, alors là je m'en fous. Je suis en train d'écrire et, en fait, ce cirque promo m'aide presque à m'y retrouver; à voir où j'en suis... C'est pas grave...
Si, en fin d'interview, je te demande trois, quatre mots en français, tu les as?
Houlà ! Quand je tournais en France, j'avais appris quelques expressions françaises, disons que j'avais rassemblé assez de mots pour survivre en ville, trouver mon chemin, mais là, en toute honnêteté je me souviens de... heu..... "Merci", "Ça va" et "Au revoir"... Rien de plus !
Très bien, "merci", "au revoir", ça me va!
J'essaierai (rires)! (La cabine son demande qu'on teste les micros.)
One, twooo, threee...
One two, testing one..
Voix du réalisateur : Okaaaayyyyy... Fermez les issues, silence plateau, nous sommes heureux, ça tourne!
Non ? Hmmmmm... Exact ! Exact ! Garland ? Que devient-il ? As-tu son numéro de téléphone ? (à la cantonade) Apportez-moi de l'eau, et si par hasard il y a une bière avec, c'est pas de refus...
(Installation, on apporte... juste de l'eau. La bière, de la Rolling Rock sera amenée après) Un ingé-son fixe les micros cravates, mais la bande tourne déjà...
Garland est un vrai écrivain, il fait de vraies chansons, un talent pareil, c'est plutôt rare...
Six interviews en deux jours, c'est pas trop crevant ?
C'est okay. Je parle rarement. Une fois par an, alors là je m'en fous. Je suis en train d'écrire et, en fait, ce cirque promo m'aide presque à m'y retrouver; à voir où j'en suis... C'est pas grave...
Si, en fin d'interview, je te demande trois, quatre mots en français, tu les as?
Houlà ! Quand je tournais en France, j'avais appris quelques expressions françaises, disons que j'avais rassemblé assez de mots pour survivre en ville, trouver mon chemin, mais là, en toute honnêteté je me souviens de... heu..... "Merci", "Ça va" et "Au revoir"... Rien de plus !
Très bien, "merci", "au revoir", ça me va!
J'essaierai (rires)! (La cabine son demande qu'on teste les micros.)
One, twooo, threee...
One two, testing one..
Voix du réalisateur : Okaaaayyyyy... Fermez les issues, silence plateau, nous sommes heureux, ça tourne!
Interview
Bruce, je sais que tout le monde t'a posé la question et excuse-moi de commencer avec ça, mais bon, c'est une telle surprise, pourquoi reformer le E Street Band ? Pourquoi?
(il éclate de rire) Ben je me la pose moi-même aussi cette question ! (silence) Ça s'est fait... plutôt spontanément. Comme ça. En fait... je travaillais sur un nouvel album. Depuis un an. Avant de rentrer dans le processus d'enregistrement, Jon (Landau, manager de Bruce depuis 75 - ndlr) m'a dit qu'il serait bien de sortir quelque chose. Pourquoi pas une collection de "hits" - on peut appeler ça autrement, si on veut, mais on voulait un bonus. Deux, trois, quatre titres en plus. A ce moment-là, je me suis dit: "et si j'appelais le E Street Band pour les enregistrer ?" Ça pouvait être drôle si ça restait spontané, et en fait, j'ai appelé tout le monde, or ils ont tous des emplois du temps, des agendas plus que chargés. Mais tout le monde s'est libéré, alors que Garry produisait son album solo à Nashville, que Nils tournait (mais Nils tourne tout le temps), que Max a son show télé quotidien (Max Weinberg est le leader du groupe du talk-show nocturne de Conan O'Brien. - ndlr)... Tout le monde est venu pour trois jours de studio. Il n 'y avait vraiment pas, derrière cette réunion, de plan compliqué, ça n'a pas pris des mois, il n'y avait aucune stratégie sous-jacente. Juste pour le fun, pour voir.
(il éclate de rire) Ben je me la pose moi-même aussi cette question ! (silence) Ça s'est fait... plutôt spontanément. Comme ça. En fait... je travaillais sur un nouvel album. Depuis un an. Avant de rentrer dans le processus d'enregistrement, Jon (Landau, manager de Bruce depuis 75 - ndlr) m'a dit qu'il serait bien de sortir quelque chose. Pourquoi pas une collection de "hits" - on peut appeler ça autrement, si on veut, mais on voulait un bonus. Deux, trois, quatre titres en plus. A ce moment-là, je me suis dit: "et si j'appelais le E Street Band pour les enregistrer ?" Ça pouvait être drôle si ça restait spontané, et en fait, j'ai appelé tout le monde, or ils ont tous des emplois du temps, des agendas plus que chargés. Mais tout le monde s'est libéré, alors que Garry produisait son album solo à Nashville, que Nils tournait (mais Nils tourne tout le temps), que Max a son show télé quotidien (Max Weinberg est le leader du groupe du talk-show nocturne de Conan O'Brien. - ndlr)... Tout le monde est venu pour trois jours de studio. Il n 'y avait vraiment pas, derrière cette réunion, de plan compliqué, ça n'a pas pris des mois, il n'y avait aucune stratégie sous-jacente. Juste pour le fun, pour voir.
The Hit Factory, New York - janvier 1995
Quelles ont été les réactions des E Streeters ? Surprise?
Je ne sais pas, je ne sais vraiment pas (rires) ! Je leur annonçais ça au téléphone et j'entendais plus rien au bout du fil, comme si ils avaient le souffle coupé. "What ? Quoi ?" Il y avait de grands silences... Mais bon, c'est un groupe qui a traversé pas mal de chambardements... Moi, j'étais en train de travailler sur un disque sombre, très sombre. je me sentais de plus en plus isolé. Or le E Street Band existe. Ils sont ma connexion avec... euh... l'extérieur Dès le début, j'avais rêvé un groupe idéal, une communauté artistique. Et le E Street Band est devenu ce groupe alchimique, un symbole, la concrétisation d'un fantasme adolescent. Et les fans, mon public, tout le monde le ressentait comme cela. Moi j’étais donc immergé dans mon prochain projet solo. Pour une raison bizarre, quand je m'assois pour écrire dans la perspective du groupe, ça change mon écriture. Allez savoir pourquoi ? C'est leur présence, et du coup j'ouvre, je pense plus large, je travaille pour une communauté: eux d'abord, le public ensuite. En solo, je suis beaucoup plus introverti, beaucoup plus secret. Donc... je vis un processus créatif divergent depuis 1985. A l'époque, après Nebraska en fait, j'ai commencé sans bien m'en rendre compte une carrière solo. Il y avait la musique que je faisais seul, et celle que je faisais en jouant avec le E Street Band. Un lent cheminement qui m'a amené à comprendre que j'avais à nouveau envie de retrouver le groupe. Pour moi. C'est un truc spontané, une étape créative, j'insiste.
Et la question est posée: ces retrouvailles vont durer combien de temps ? Y aura-t-il cet album sombre en solo, ou un disque et une tournée avec le E Street Band ?
Mon disque solo n'est pas achevé. C'est quelque part entre Human Touch et Tunnel Of Love. Je ne sais pas vraiment si c'est sortable. Idéalement, j'aimerais le sortir, puis aller enregistrer avec les gars, avec le E Street Band.
Une tournée avec eux est-elle envisageable?
Après les albums ! Je voudrais sortir de nouvelles chansons, pas seulement faire une tournée des Greatest Hits. Je veux tester de nouvelles chansons avec eux en concert, j'adorerais ça, oui, faire un truc actuel !
Je ne sais pas, je ne sais vraiment pas (rires) ! Je leur annonçais ça au téléphone et j'entendais plus rien au bout du fil, comme si ils avaient le souffle coupé. "What ? Quoi ?" Il y avait de grands silences... Mais bon, c'est un groupe qui a traversé pas mal de chambardements... Moi, j'étais en train de travailler sur un disque sombre, très sombre. je me sentais de plus en plus isolé. Or le E Street Band existe. Ils sont ma connexion avec... euh... l'extérieur Dès le début, j'avais rêvé un groupe idéal, une communauté artistique. Et le E Street Band est devenu ce groupe alchimique, un symbole, la concrétisation d'un fantasme adolescent. Et les fans, mon public, tout le monde le ressentait comme cela. Moi j’étais donc immergé dans mon prochain projet solo. Pour une raison bizarre, quand je m'assois pour écrire dans la perspective du groupe, ça change mon écriture. Allez savoir pourquoi ? C'est leur présence, et du coup j'ouvre, je pense plus large, je travaille pour une communauté: eux d'abord, le public ensuite. En solo, je suis beaucoup plus introverti, beaucoup plus secret. Donc... je vis un processus créatif divergent depuis 1985. A l'époque, après Nebraska en fait, j'ai commencé sans bien m'en rendre compte une carrière solo. Il y avait la musique que je faisais seul, et celle que je faisais en jouant avec le E Street Band. Un lent cheminement qui m'a amené à comprendre que j'avais à nouveau envie de retrouver le groupe. Pour moi. C'est un truc spontané, une étape créative, j'insiste.
Et la question est posée: ces retrouvailles vont durer combien de temps ? Y aura-t-il cet album sombre en solo, ou un disque et une tournée avec le E Street Band ?
Mon disque solo n'est pas achevé. C'est quelque part entre Human Touch et Tunnel Of Love. Je ne sais pas vraiment si c'est sortable. Idéalement, j'aimerais le sortir, puis aller enregistrer avec les gars, avec le E Street Band.
Une tournée avec eux est-elle envisageable?
Après les albums ! Je voudrais sortir de nouvelles chansons, pas seulement faire une tournée des Greatest Hits. Je veux tester de nouvelles chansons avec eux en concert, j'adorerais ça, oui, faire un truc actuel !
Plaisir
Sony Studios, New York - 05 avril 1995
Moi, ce qui me reste deux jours après le tournage télé de l'autre soir, c'est ton plaisir évident, ta joie de rejouer avec eux...
Oh yeah, oh man...
Ça t'avait manqué ?
Manqué ? Euh... Je vais sortir un affreux cliché, mais un groupe qui tourne aussi longtemps, pendant tant d'années, tu finis par avoir à leur encontre les mêmes sentiments bizarres qu'envers ta famille. C'est une cellule humaine avec un immense amour sous-jacent, et ça, c'est un truc qui ne cessera jamais ! Même si je ne revoyais pas ces types pendant vingt ans, à la première rencontre fortuite, hop, on serait sur la même longueur d'ondes. On a grandi ensemble, dans le même quartier On s'est jeté dans l'aventure ensemble. Un gang de minots, on a grandi ensemble, on a eu la même culture musicale et on a ramé ensemble. Au début, on en a bavé comme personne ! On allait aux concerts en métro ! Puis, on a eu notre première voiture pour y aller, puis notre bus à nous, puis soudain on s'est tous mariés en même temps, puis il y a eu les divorces, des enfants, des réconciliations, des engueulades, et toute cette route qui défile, puis on en a eu carrément marre. Hey, vingt ans ensemble, tout le monde en aurait marre, je suis sur qu'ils te diraient la même chose de moi (rires) ! Mais le talent qu'on exsudait, c'était solide, c'était du concret. On a créé une chose, une chose qui était comme nos bras, nos jambes, une chose tangible devenue tellement importante et profonde pour des millions de gens, mais c'était okay, c'était ce que je voulais au départ. Le E Street Band, c'était une certaine idée venue des tripes... Appelle ça Fidélité, Confiance, Amitié, Loyauté, et les gens le sentaient bien dans les salles. C'était notre vie à tous et c'est pour ça qu'en sortant de scène on se disait souvent: "Qu'est-ce qu'on peut faire de mieux que de remettre ça ?" Et on revenait ! Oui, on reprenait la scène parce qu'on s'éclatait, et aussi parce qu'on sentait tant d'espoir dans ces salles, comment aurions-nous osé décevoir ces gens ? Entre mes chansons et ces musiciens, il y avait un lien incroyable, profond, et nos fans le sentaient, c'était gigantesque.
Oh yeah, oh man...
Ça t'avait manqué ?
Manqué ? Euh... Je vais sortir un affreux cliché, mais un groupe qui tourne aussi longtemps, pendant tant d'années, tu finis par avoir à leur encontre les mêmes sentiments bizarres qu'envers ta famille. C'est une cellule humaine avec un immense amour sous-jacent, et ça, c'est un truc qui ne cessera jamais ! Même si je ne revoyais pas ces types pendant vingt ans, à la première rencontre fortuite, hop, on serait sur la même longueur d'ondes. On a grandi ensemble, dans le même quartier On s'est jeté dans l'aventure ensemble. Un gang de minots, on a grandi ensemble, on a eu la même culture musicale et on a ramé ensemble. Au début, on en a bavé comme personne ! On allait aux concerts en métro ! Puis, on a eu notre première voiture pour y aller, puis notre bus à nous, puis soudain on s'est tous mariés en même temps, puis il y a eu les divorces, des enfants, des réconciliations, des engueulades, et toute cette route qui défile, puis on en a eu carrément marre. Hey, vingt ans ensemble, tout le monde en aurait marre, je suis sur qu'ils te diraient la même chose de moi (rires) ! Mais le talent qu'on exsudait, c'était solide, c'était du concret. On a créé une chose, une chose qui était comme nos bras, nos jambes, une chose tangible devenue tellement importante et profonde pour des millions de gens, mais c'était okay, c'était ce que je voulais au départ. Le E Street Band, c'était une certaine idée venue des tripes... Appelle ça Fidélité, Confiance, Amitié, Loyauté, et les gens le sentaient bien dans les salles. C'était notre vie à tous et c'est pour ça qu'en sortant de scène on se disait souvent: "Qu'est-ce qu'on peut faire de mieux que de remettre ça ?" Et on revenait ! Oui, on reprenait la scène parce qu'on s'éclatait, et aussi parce qu'on sentait tant d'espoir dans ces salles, comment aurions-nous osé décevoir ces gens ? Entre mes chansons et ces musiciens, il y avait un lien incroyable, profond, et nos fans le sentaient, c'était gigantesque.
Murder
J'aimerais revenir sur les inédits du Greatest Hits. On sait que Murder Incorporated avait été composée pour Born In The USA. Les fans disent que des chansons de ce calibre, tu en as laissé des centaines au placard, on parle, ici ou là, de deux ou trois cents inédits, c'est vrai ?
Il n' y en pas autant, non je ne crois pas (rires). Mais il y en a quand même des tas dans les cryptes. On a fait des recherches récemment et, c'est sûr qu'un jour on pourrait en faire un album spécial, une collection d'archives... Le cas de Murder Inc est spécial. On l'avait enregistrée, mixée puis enlevée au dernier moment de Born. On pensait en faire une face B. Des copies pirates ont circulé et c'est un titre que nous n'avions jamais joué en concert. Pendant une tournée, j'ai ce souvenir très net d'un fan qui nous suivait de ville en ville. Il était toujours planté dans les premiers rangs avec une grosse pancarte de carton sur laquelle on lisait: "Jouez Murder Inc !" De fait, on ne l'a jamais jouée en public, mais l'image était restée jusqu’au dernier moment. La version que l'on entend sur le Greatest Hits est la seconde prise. On en a fait trois et ça sonnait aussi frais que si je venais d'écrire ça la veille ! Il y a plein de chansons film noir; chansons d'imagerie western, chansons d'amitié, chansons de durs à cuire très années 40, pleines malgré tout d'optimisme, tout ça dans les cryptes...
Il n' y en pas autant, non je ne crois pas (rires). Mais il y en a quand même des tas dans les cryptes. On a fait des recherches récemment et, c'est sûr qu'un jour on pourrait en faire un album spécial, une collection d'archives... Le cas de Murder Inc est spécial. On l'avait enregistrée, mixée puis enlevée au dernier moment de Born. On pensait en faire une face B. Des copies pirates ont circulé et c'est un titre que nous n'avions jamais joué en concert. Pendant une tournée, j'ai ce souvenir très net d'un fan qui nous suivait de ville en ville. Il était toujours planté dans les premiers rangs avec une grosse pancarte de carton sur laquelle on lisait: "Jouez Murder Inc !" De fait, on ne l'a jamais jouée en public, mais l'image était restée jusqu’au dernier moment. La version que l'on entend sur le Greatest Hits est la seconde prise. On en a fait trois et ça sonnait aussi frais que si je venais d'écrire ça la veille ! Il y a plein de chansons film noir; chansons d'imagerie western, chansons d'amitié, chansons de durs à cuire très années 40, pleines malgré tout d'optimisme, tout ça dans les cryptes...
Murder Incorporated, titre écrit il y a douze ans, sonne absolument contemporain. Pourquoi ?
J'écrivais Nebraska en même temps que les premières chansons de Born In The USA. Au départ on prévoyait un double-album avec le matériel de ces deux disques. Mais lorsque j'ai essayé d'enregistrer Nebraska en studio avec le groupe, ça n 'allait pas. C'était beaucoup plus intense si je faisais ces titres tout seul, avec un magnéto, dans ma chambre. Donc on a séparé les deux projets. D'ailleurs il y a une version acoustique de Born In The USA, cette chanson a commencé comme ça, je pensais la mettre sur Nebraska. Bon, alors, pourquoi Murder sonne aussi contemporain? C'est que nous sommes dedans, en plein dedans! Je veux dire, on accepte tous les jours le sacrifice de jeunes vies, c'est, dirait-on, le prix normal à payer pour faire du business ! Et tout le monde, tous les citoyens marchent dans la combine du crime organisé. Or il y a douze ans, je faisais tournicoter ces petites idées dans ma tête, mais depuis, ma vision est devenue réalité ! La violence urbaine, le gouffre entre les riches et les pauvres aux USA (spécialement à Los Angeles) est devenue un fait accepté, banal ! On voit chaque semaine des femmes enceintes se faire buter; et personne ne dit rien, c'est un fait divers à classer. Des gamins se tirent dessus en pleine rue, tout le monde trouve ça normal, "City Life". Ces dix dernières années ont été terribles, cette chanson pessimiste est devenue réalité quotidienne, alors pourquoi ne pas la sortir ?
Comment te vois-tu dans un monde rock en pleine mutation, tiraillé entre les mouvements grunge et gangsta-rap? Où se situe Bruce Springsteen ? Te poses-tu seulement la question ?
Je n’ai jamais été dans aucune catégorie. Et pour cause je joue la même musique depuis mon premier album. Je n'ai jamais suivi aucune mode. Suis-je démodé ? J'ai aimé beaucoup de musiques, beaucoup d'autres artistes, mais ça n'a rien changé à ma musique. Un peu bizarrement, j'ai toujours été en dehors du "music business". Dès mes débuts, j'avais mon idée sur ma musique. Elle devait sonner comme cela, refléter la vraie vie de vrais gens, et j 'en suis toujours resté là (rires). En fait c'est à vous, les journalistes, de me dire où je suis, ou j'en suis, si ce que je fais est démodé. Moi, je peux te dire que j'en suis à un stade précis de ma vie. J'ai derrière moi des albums qui constituent une espèce d'œuvre. C'est mon travail, il pose des questions. Je me sens comme un réalisateur de cinéma. Bon, Untel a fait tant de films, voilà, on les connait, bout à bout est-ce que ça fait une œuvre ? Moi, j'écrivais des chansons, j'imaginais des personnages de durs. Ils avaient tous des voitures. Okay, t'as ces bagnoles, où vont-elles aller ? Mes personnages avaient 25 ans, ils en ont aujourd'hui 45. Ils vont devenir quoi ? Le monde change quand tu as 45 ans. Tu découvres tes limites. Tout se complique. Tes relations amoureuses se compliquent. Eh oui. Quand tu as 25 ans, le monde est ouvert, il te semble qu'il t'appartient, que tout est possible. C'est comme ça que ça doit être. Tu vieillis, tes rêves d'adolescent ne changent jamais, mais en même temps, pour ne pas devenir dingue, tu dois accepter plein de limitations de toutes sortes. Le fric et le succès n’ont rien à voir là-dedans. A mon avis, c'est une loi fondamentale. Tu ne peux pas réussir ta vie sans accepter tes limites, qu'elles soient financières, morales... Moi, j'ai envie de continuer du mieux que je peux...
J'écrivais Nebraska en même temps que les premières chansons de Born In The USA. Au départ on prévoyait un double-album avec le matériel de ces deux disques. Mais lorsque j'ai essayé d'enregistrer Nebraska en studio avec le groupe, ça n 'allait pas. C'était beaucoup plus intense si je faisais ces titres tout seul, avec un magnéto, dans ma chambre. Donc on a séparé les deux projets. D'ailleurs il y a une version acoustique de Born In The USA, cette chanson a commencé comme ça, je pensais la mettre sur Nebraska. Bon, alors, pourquoi Murder sonne aussi contemporain? C'est que nous sommes dedans, en plein dedans! Je veux dire, on accepte tous les jours le sacrifice de jeunes vies, c'est, dirait-on, le prix normal à payer pour faire du business ! Et tout le monde, tous les citoyens marchent dans la combine du crime organisé. Or il y a douze ans, je faisais tournicoter ces petites idées dans ma tête, mais depuis, ma vision est devenue réalité ! La violence urbaine, le gouffre entre les riches et les pauvres aux USA (spécialement à Los Angeles) est devenue un fait accepté, banal ! On voit chaque semaine des femmes enceintes se faire buter; et personne ne dit rien, c'est un fait divers à classer. Des gamins se tirent dessus en pleine rue, tout le monde trouve ça normal, "City Life". Ces dix dernières années ont été terribles, cette chanson pessimiste est devenue réalité quotidienne, alors pourquoi ne pas la sortir ?
Comment te vois-tu dans un monde rock en pleine mutation, tiraillé entre les mouvements grunge et gangsta-rap? Où se situe Bruce Springsteen ? Te poses-tu seulement la question ?
Je n’ai jamais été dans aucune catégorie. Et pour cause je joue la même musique depuis mon premier album. Je n'ai jamais suivi aucune mode. Suis-je démodé ? J'ai aimé beaucoup de musiques, beaucoup d'autres artistes, mais ça n'a rien changé à ma musique. Un peu bizarrement, j'ai toujours été en dehors du "music business". Dès mes débuts, j'avais mon idée sur ma musique. Elle devait sonner comme cela, refléter la vraie vie de vrais gens, et j 'en suis toujours resté là (rires). En fait c'est à vous, les journalistes, de me dire où je suis, ou j'en suis, si ce que je fais est démodé. Moi, je peux te dire que j'en suis à un stade précis de ma vie. J'ai derrière moi des albums qui constituent une espèce d'œuvre. C'est mon travail, il pose des questions. Je me sens comme un réalisateur de cinéma. Bon, Untel a fait tant de films, voilà, on les connait, bout à bout est-ce que ça fait une œuvre ? Moi, j'écrivais des chansons, j'imaginais des personnages de durs. Ils avaient tous des voitures. Okay, t'as ces bagnoles, où vont-elles aller ? Mes personnages avaient 25 ans, ils en ont aujourd'hui 45. Ils vont devenir quoi ? Le monde change quand tu as 45 ans. Tu découvres tes limites. Tout se complique. Tes relations amoureuses se compliquent. Eh oui. Quand tu as 25 ans, le monde est ouvert, il te semble qu'il t'appartient, que tout est possible. C'est comme ça que ça doit être. Tu vieillis, tes rêves d'adolescent ne changent jamais, mais en même temps, pour ne pas devenir dingue, tu dois accepter plein de limitations de toutes sortes. Le fric et le succès n’ont rien à voir là-dedans. A mon avis, c'est une loi fondamentale. Tu ne peux pas réussir ta vie sans accepter tes limites, qu'elles soient financières, morales... Moi, j'ai envie de continuer du mieux que je peux...