Springsteen est de retour après un marathon en studio long de deux années, et présente de nouveaux personnages et de nouvelles idées, ainsi que de plus anciennes influences, animant les cylindres de son sens instinctif du facteur émotionnel. De l'intérieur, Dave Marsh examine l’esprit du dernier Romantique du Bord de Route.
par Dave Marsh (interview réalisée le 06 novembre 1980, à Tempe, AZ)
par Dave Marsh (interview réalisée le 06 novembre 1980, à Tempe, AZ)
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Il y a un an, faisant une pause pendant l'enregistrement de son album, pour se produire aux deux concerts M.U.S.E. contre le nucléaire, Bruce Springsteen a réduit ses trois heures de concert habituelles à 90 minutes plus conventionnelles : le résultat en a été un tohu-bohu digne de la Beatlesmania. Sur la scène du Madison Square Garden, passant après les plus grandes vedettes du soft-rock américain, Springsteen et le E Street Band ont éclipsé tout le monde, y compris l’enjeu lui-même. Ce soir-là, l’atmosphère dans la salle relevait du fanatisme et de la conversion, comme si Springsteen était un évangéliste du rock'n'roll et que le Garden était son temple.
Il est facile d’imaginer que Springsteen s’est tout simplement comporté comme un professionnel se sublimant pour cet événement, qui comprenait une équipe de caméramen et un studio mobile d’enregistrement, sans parler des coulisses pleines de ses pairs. Ce qui est plus difficile à expliquer, à moins de l’avoir vu sur scène devant un public comprenant moins de journalistes, c’est que ces concerts M.U.S.E. n’étaient qu’un fragment de ce qu’il accomplit habituellement. "Après ces concerts qui s’étaient si bien déroulés, j’imaginais que c’est que ce nous allions faire sur cette tournée, tout simplement", se souvient le guitariste Steve Van Zandt. "Juste 90 minutes, deux ou trois ballades, et rendre les gens aussi fous que possible, comme au bon vieux temps. Nous pouvons le faire. Mais Bruce, non. Ce qu’on a fait, c’est ajouter 90 minutes au concert que nous faisions déjà".
Il est facile d’imaginer que Springsteen s’est tout simplement comporté comme un professionnel se sublimant pour cet événement, qui comprenait une équipe de caméramen et un studio mobile d’enregistrement, sans parler des coulisses pleines de ses pairs. Ce qui est plus difficile à expliquer, à moins de l’avoir vu sur scène devant un public comprenant moins de journalistes, c’est que ces concerts M.U.S.E. n’étaient qu’un fragment de ce qu’il accomplit habituellement. "Après ces concerts qui s’étaient si bien déroulés, j’imaginais que c’est que ce nous allions faire sur cette tournée, tout simplement", se souvient le guitariste Steve Van Zandt. "Juste 90 minutes, deux ou trois ballades, et rendre les gens aussi fous que possible, comme au bon vieux temps. Nous pouvons le faire. Mais Bruce, non. Ce qu’on a fait, c’est ajouter 90 minutes au concert que nous faisions déjà".
Fin octobre, quand les E Streeters sont arrivés à Los Angeles pour quatre concerts devant les 15 000 places du Sports Arena, ils jouaient quatre heures et demie, cinq soirs par semaine. Ils commençaient à 20h30, faisaient une pause à 22h00 et revenaient une demi-heure plus tard pour jouer jusqu’à 00h45… ou 01h00 ou 01h15. Et ce n'était pas un concert avec des hauts et des bas, comme ceux faits par la plupart des groupes qui jouent aussi longtemps. On parle ici de 4 heures d'un ensemble rock’n’roll, où même les ballades sont attaquées avec plus d’énergie que lors de bœufs classiques. Pourtant Jon Landau, son manager, a déclaré un soir: "Je pense que Bruce pourrait vraiment jouer plus longtemps, sauf que le groupe s'épuise". C’est tout à fait vrai en ce qui concerne Max Weinberg, qui passe souvent l’entracte à mettre des pansements sur ses doigts en sang, les autres échappant à de tels soins simplement parce que leurs instruments sont moins exigeants sur le plan physique.
Généralement, Bruce faisait 32 ou 33 chansons, dont 17 ou 18 de l’album The River, six de Darkness On The Edge Of Town, cinq de Born To Run, l’immuable dernier morceau Rosalita de The Wild, The Innocent & The E Street Shuffle, plus Fire et Because The Night, puisés dans son répertoire, apparemment inépuisable, de succès jamais enregistrés. Et, bien sûr, le medley de Mitch Ryder, le moment fort de l’album No Nukes. Mais le concert avait seulement cette structure les soirs où Bruce n’avait pas décidé qu'il s'agissait d'une occasion spéciale, ce qui était assez rare. Pour Halloween, le second soir à Los Angeles, au moment du soundcheck, il a concocté une version de Haunted House, le vieux succès de Jumpin’ Gene Simmons, et a démarré le concert avec ce titre - après être apparu dans un cercueil, et avoir été pourchassé sur scène, pendant le solo de guitare, par des roadies déguisés en vampires.
Le samedi, Bruce a ajouté une version de The Price You Pay à la guitare acoustique et à l'accordéon, et il a joué Fade Away pour la première fois, la seule chanson de The River qu’il avait évitée. Le lundi soir, avec la présence dans la salle de Bob Dylan pour la deuxième fois (il était venu avec Jim Keltner le jeudi, et avait été impressionné), Springsteen a de nouveau joué The Price You Pay et l’a dédié à sa "source d’inspiration". Avec en plus une version longue de Growin' Up, tiré de son premier album. Les deux soirs, il a fini les rappels avec Jackson Browne, chantant en duo sur Sweet Little Sixteen. Lors de ces deux soirs, l’ajout de chansons supplémentaires n’a entraîné la suppression d’aucune autre.
Généralement, Bruce faisait 32 ou 33 chansons, dont 17 ou 18 de l’album The River, six de Darkness On The Edge Of Town, cinq de Born To Run, l’immuable dernier morceau Rosalita de The Wild, The Innocent & The E Street Shuffle, plus Fire et Because The Night, puisés dans son répertoire, apparemment inépuisable, de succès jamais enregistrés. Et, bien sûr, le medley de Mitch Ryder, le moment fort de l’album No Nukes. Mais le concert avait seulement cette structure les soirs où Bruce n’avait pas décidé qu'il s'agissait d'une occasion spéciale, ce qui était assez rare. Pour Halloween, le second soir à Los Angeles, au moment du soundcheck, il a concocté une version de Haunted House, le vieux succès de Jumpin’ Gene Simmons, et a démarré le concert avec ce titre - après être apparu dans un cercueil, et avoir été pourchassé sur scène, pendant le solo de guitare, par des roadies déguisés en vampires.
Le samedi, Bruce a ajouté une version de The Price You Pay à la guitare acoustique et à l'accordéon, et il a joué Fade Away pour la première fois, la seule chanson de The River qu’il avait évitée. Le lundi soir, avec la présence dans la salle de Bob Dylan pour la deuxième fois (il était venu avec Jim Keltner le jeudi, et avait été impressionné), Springsteen a de nouveau joué The Price You Pay et l’a dédié à sa "source d’inspiration". Avec en plus une version longue de Growin' Up, tiré de son premier album. Les deux soirs, il a fini les rappels avec Jackson Browne, chantant en duo sur Sweet Little Sixteen. Lors de ces deux soirs, l’ajout de chansons supplémentaires n’a entraîné la suppression d’aucune autre.
"Ouais, mais vous avez vraiment raté un truc à Saint Paul, a dit Van Zandt. "Il s’est tourné vers nous, et il nous a demandé de jouer Midnight Hour, et on a failli s’évanouir. Funky (le bassiste Gary Tallent) n'imaginait même pas que nous étions vraiment en train de la jouer, jusqu’à ce que nous arrivions au deuxième refrain". Le groupe n’avait pas répété la chanson, et il est peu probable que les membres actuels du E Street Band ne l’aient jamais jouée auparavant au cours de leurs cinq années passées ensemble. Mais, même les musiciens ont pensé que le résultat était bon.
L’exubérance et l’élasticité des concerts de Springsteen reste une énigme, parce que, entre toutes les autres mains, le rock joué dans les grandes salles est l’assurance d’un spectacle archi-conventionnel. J’ai passé l’un des étés les plus exécrables de mon existence à assister à 15 concerts des Rolling Stones en 1975. Dès le cinquième, je luttais pour rester éveillé; au dixième, j’avais arrêté de lutter, une situation que j’ai attribué au vieillissement du groupe jusqu’à ce que me vienne l’idée que personne n’était censé assister qu’à une, voire deux, de leur fichues fiestas.
C’est du rock'n'roll pour touristes. Springsteen joue pour les indigènes. Bien qu’il l’exprimerait de manière plus idéaliste, il n’a jamais vraiment perdu la sensibilité d’un musicien de bar, qui sait qu’une bonne partie du public vient peut-être pour assister aux trois concerts. Et tel un vétéran d'un groupe de bar, il refuse de recourir à des gimmicks. Les éclairages de Mark Brickman sont les meilleurs de toute la scène rock, mais ils reposent sur une mise en scène théâtrale relativement simple et sur un art du timing qui fait autorité avec des projecteurs; n’importe quel groupe funk dans les États du Midwest pourrait user d'une technique plus élaborée, mais personne utilisant les lasers n’obtient un résultat aussi efficace. (Brickman a un ordinateur avec lui sur cette tournée, mais seulement, m’a-t-il dit, parce que "si vous trouvez une solution pour programmer un concert de Bruce, vous pouvez en trouver une qui marche pour tous". La plupart des soirs, Brickman et l’ingénieur du son, Bruce Jackson, pourraient tout aussi bien jeter leur setlist à la poubelle).
Mais ce que les racines de groupe de bar de Springsteen révèlent plus que tout, c’est son sens de l’intimité avec la foule. Un soir, au cours de cette tournée, quelqu’un m’a dit qu’il avait carrément annoncé de la scène, "Si le gars que j’ai rencontré hier à l’aéroport est là, merci de venir sur la scène pendant l'entracte. J’ai quelque chose pour vous", une attitude la plus proche possible de la mentalité sock hop (1) qu'on puisse envisager.
L’exubérance et l’élasticité des concerts de Springsteen reste une énigme, parce que, entre toutes les autres mains, le rock joué dans les grandes salles est l’assurance d’un spectacle archi-conventionnel. J’ai passé l’un des étés les plus exécrables de mon existence à assister à 15 concerts des Rolling Stones en 1975. Dès le cinquième, je luttais pour rester éveillé; au dixième, j’avais arrêté de lutter, une situation que j’ai attribué au vieillissement du groupe jusqu’à ce que me vienne l’idée que personne n’était censé assister qu’à une, voire deux, de leur fichues fiestas.
C’est du rock'n'roll pour touristes. Springsteen joue pour les indigènes. Bien qu’il l’exprimerait de manière plus idéaliste, il n’a jamais vraiment perdu la sensibilité d’un musicien de bar, qui sait qu’une bonne partie du public vient peut-être pour assister aux trois concerts. Et tel un vétéran d'un groupe de bar, il refuse de recourir à des gimmicks. Les éclairages de Mark Brickman sont les meilleurs de toute la scène rock, mais ils reposent sur une mise en scène théâtrale relativement simple et sur un art du timing qui fait autorité avec des projecteurs; n’importe quel groupe funk dans les États du Midwest pourrait user d'une technique plus élaborée, mais personne utilisant les lasers n’obtient un résultat aussi efficace. (Brickman a un ordinateur avec lui sur cette tournée, mais seulement, m’a-t-il dit, parce que "si vous trouvez une solution pour programmer un concert de Bruce, vous pouvez en trouver une qui marche pour tous". La plupart des soirs, Brickman et l’ingénieur du son, Bruce Jackson, pourraient tout aussi bien jeter leur setlist à la poubelle).
Mais ce que les racines de groupe de bar de Springsteen révèlent plus que tout, c’est son sens de l’intimité avec la foule. Un soir, au cours de cette tournée, quelqu’un m’a dit qu’il avait carrément annoncé de la scène, "Si le gars que j’ai rencontré hier à l’aéroport est là, merci de venir sur la scène pendant l'entracte. J’ai quelque chose pour vous", une attitude la plus proche possible de la mentalité sock hop (1) qu'on puisse envisager.
Lors de son concert à Phoenix, pendant Rosalita, Bruce a fait un de ses sauts habituels sur les enceintes, sur le côté de la scène. Mais cette fois-ci, il s’est loupé. La foule a continué à l’acclamer, mais derrière la console où Jackson et moi étions assis, la tension était grande. Bruce pouvait tout faire, mais là c’était bizarre; le groupe tenait l’accord, et les accords de Rosalita ne sont pas faits pour être maintenus 5 secondes, encore moins 15.
C’est une sacrée chute depuis les enceintes - hautes de près d’un mètre - jusqu’au sol, deux ou trois mètres plus bas. Tout ce qui se trouvait entre Bruce et le sol en ciment, c’était la table de mixage destinée au groupe, mais alors qu'il tombait, le roadie Bob Werner a tendu les bras et a limité la chute (il s’est foulé le poignet dans l'action).
Ni le groupe, ni la foule ne voyaient ce qu’il se passait. Ce que nous avons tous vu par la suite, c'était la guitare qui est apparue, jetée en haut des enceintes. Puis deux mains et enfin, la tête de Springsteen, avec son expression de petit garçon qui vient de faire une bêtise. Il a secoué la tête, s’est relevé, a repris sa guitare, et s’est remis dans l’action comme si rien ne s’était passé.
Ce moment est vraisemblablement enregistré – il y avait une équipe de tournage ce soir-là – bien que sous cet angle, je n’en suis pas sûr. Mais plus que tout autre chose, encore plus que le sens de la spontanéité, cet incident démontre chez Bruce son sens de l’événement. La règle cardinale de ses spectacles est qu’il se passe toujours quelque chose. Ce qui ne signifie pas seulement qu’il est prêt à ce que n’importe quoi arrive, comme il le dit dans l’interview plus bas. D’une manière ou d’une autre, il fait toujours en sorte qu’il se passe quelque chose. J’ai vu au moins 100 concerts au cours des 6 ou 7 dernières années. Le pire d’entre eux était fascinant, mais les plus grandioses ont peut-être été ceux où, après quatre ou cinq soirs d'un spectacle toujours plus grand, il s’arrange pour que ce soit encore différent. Ce gars ne connaît pas le sens du mot déception.
C’est une sacrée chute depuis les enceintes - hautes de près d’un mètre - jusqu’au sol, deux ou trois mètres plus bas. Tout ce qui se trouvait entre Bruce et le sol en ciment, c’était la table de mixage destinée au groupe, mais alors qu'il tombait, le roadie Bob Werner a tendu les bras et a limité la chute (il s’est foulé le poignet dans l'action).
Ni le groupe, ni la foule ne voyaient ce qu’il se passait. Ce que nous avons tous vu par la suite, c'était la guitare qui est apparue, jetée en haut des enceintes. Puis deux mains et enfin, la tête de Springsteen, avec son expression de petit garçon qui vient de faire une bêtise. Il a secoué la tête, s’est relevé, a repris sa guitare, et s’est remis dans l’action comme si rien ne s’était passé.
Ce moment est vraisemblablement enregistré – il y avait une équipe de tournage ce soir-là – bien que sous cet angle, je n’en suis pas sûr. Mais plus que tout autre chose, encore plus que le sens de la spontanéité, cet incident démontre chez Bruce son sens de l’événement. La règle cardinale de ses spectacles est qu’il se passe toujours quelque chose. Ce qui ne signifie pas seulement qu’il est prêt à ce que n’importe quoi arrive, comme il le dit dans l’interview plus bas. D’une manière ou d’une autre, il fait toujours en sorte qu’il se passe quelque chose. J’ai vu au moins 100 concerts au cours des 6 ou 7 dernières années. Le pire d’entre eux était fascinant, mais les plus grandioses ont peut-être été ceux où, après quatre ou cinq soirs d'un spectacle toujours plus grand, il s’arrange pour que ce soit encore différent. Ce gars ne connaît pas le sens du mot déception.
Mais c’est ici le le bon côté des choses. Il en existe de plus sombres. A Los Angeles, où la revente des tickets de concerts est légale, les places des premiers rangs pour cette excentricité atteignaient 180$, 200$, 250$. Et des fans ont écrit à Bruce pour se plaindre, pas seulement de la revente des tickets, mais de la revente des tickets pour les meilleures places. C’est une vieille histoire, et la plupart des groupes auraient laissé tomber, mais Bruce a pris position. Chaque soir à L.A., il a donné à la foule le nom d’un législateur local, et d’une station de radio, qui étaient volontaires pour faire changer cette loi en Californie. On pourrait voir ça comme un simple geste – bien que le soir où Landau ait reçu, avant le concert, un coup de téléphone d’un "vendeur de billets", suggérant que Bruce "fasse son boulot, et je ferai le mien, alors pourquoi ne laisse-t-il pas tomber tout simplement", il a fait l’annonce à trois reprises - mais il a aussi engagé des enquêteurs pour aller au fond du problème et y voir plus clair, avec l’intention de transmettre l’affaire aux autorités compétentes, au cas où une quelconque preuve concrète pouvait être fournie. C’est là le reflet de l'humeur dans laquelle Springsteen a joué pour M.U.S.E. Même s'il était l’un des deux seuls musiciens de l’association à n'avoir pas fait de déclaration politique dans le programme du concert (l’autre était Tom Petty), ce n'est que par hasard que Springsteen a éclipsé le sujet. Il a ressentit ce problème au plus profond de lui: Roulette, la chanson qu’il a écrite juste après l’incident de Three Mile Island (2), est le morceau le plus terrifiant qu’il ait jamais produit, et pour moi plus terrifiant encore que les dernières lignes de Stolen Car, et la chanson est sans aucune erreur possible liée à cet événement-là (sans parler du paranoïaque Stranger In Town de Del Shannon). Ce n’est pas tout.
The River, la chanson elle-même, ressemble à un adieu à l’innocence. Comme Springsteen le souligne dans l’interview plus bas, les personnages innocents sur cet album sont anachroniques. Leur temps est passé. Ce mec qui gît sur le côté de la route dans Wreck On The Highway n’est pas simplement le gars dans Cadillac Ranch et dans Ramrod, c'est aussi Spanish Johnny, le premier héros homme-enfant de The Wild, The Innocent & The E Street Shuffle.
The River, la chanson elle-même, ressemble à un adieu à l’innocence. Comme Springsteen le souligne dans l’interview plus bas, les personnages innocents sur cet album sont anachroniques. Leur temps est passé. Ce mec qui gît sur le côté de la route dans Wreck On The Highway n’est pas simplement le gars dans Cadillac Ranch et dans Ramrod, c'est aussi Spanish Johnny, le premier héros homme-enfant de The Wild, The Innocent & The E Street Shuffle.
The River est, je pense, le meilleur album de Bruce Springsteen pour cette raison précise. Il résume sept années de travail, et ne s’éloigne pas des erreurs de sa carrière jusqu’ici, ni ne les désavoue. Springsteen demeure romantique et quelque peu juvénile, car qui d’autre qu’un jeune romantique pourrait imaginer un vol d'une voiture sans but précis, comme une véritable forme de tragédie ? Mais il est aussi capable à présent de lier intimement ses espoirs et ses peurs – les plus joyeuses des chansons ne sont pas dépourvues d’une certaine brutalité.
The River n’était pas l’album qu’on attendait de Springsteen. Les épopées ne s'anticipent pas (bien qu’elles puissent faire l’objet de quelques fervents espoirs). Mais si The River était imprévisible, l’album qui le suivra est presque inimaginable. Et non seulement parce que la société qui a façonné ses personnages tant aimés et la tradition musicale que Springsteen affectionne est aujourd'hui en train de s’écrouler.
Entres autres choses, The River est un album Numéro Un. Hungry Heart deviendra probablement son premier single à entrer dans le Top 10. Les choses changent quand cette situation arrive, et on n’a pas encore vu de rocker assez fort pour supporter ces changements. Il serait naïf de s’attendre à ce que Bruce Springsteen soit différent.
Pourtant, la carrière de Bruce Springsteen repose entièrement sur cette foi naïve. Qui d’autre aurait pu survivre après avoir été surnommé Le Nouveau Dylan, Le Futur du Rock’n’Roll, Le Coup Médiatique, le Boss ? Et en ressortir non seulement avec du succès, mais avec du respect. Il est facile de jouer le critique de rock cynique et de s'imaginer le pire – le succès n’est une croisière facile pour personne - mais les faits sont là. Bruce Springsteen est le seul être humain que j’ai jamais rencontré qui ne s’achète pas. Il n’a pas de prix, parce que les choses qu’il veut n’ont littéralement pas de prix. Vous n’êtes pas obligé de me croire. Attendez juste et regardez. Comme le dit Miami Steve, "Pour la première fois, je peux vraiment m’imaginer faire du rock’n’roll à 40 ans". L’interview ci-dessous a été réalisée au Fiesta Motel à Tempe, en Arizona, le 6 novembre, de 3 heures 30 du matin jusqu’à l’aube (l’horaire est caractéristique). Bruce venait de terminer son concert à l'Arizona State University, et d’une étrange façon, ce que je me rappellerai de cette nuit-là, ce n’est pas de lui avoir parlé, ni même sa chute du haut des enceintes, mais les vers qu’il a chantés juste après cette chute, ce couplet paroxysmique de Rosalita:
Dis à ton papa que c’est sa dernière chance
S’il veut voir sa fille s’amuser
Parce que mon tout nouveau disque, Rosie
Vient d’être classé Numéro Un
Il ne l’oubliera pas non plus.
The River n’était pas l’album qu’on attendait de Springsteen. Les épopées ne s'anticipent pas (bien qu’elles puissent faire l’objet de quelques fervents espoirs). Mais si The River était imprévisible, l’album qui le suivra est presque inimaginable. Et non seulement parce que la société qui a façonné ses personnages tant aimés et la tradition musicale que Springsteen affectionne est aujourd'hui en train de s’écrouler.
Entres autres choses, The River est un album Numéro Un. Hungry Heart deviendra probablement son premier single à entrer dans le Top 10. Les choses changent quand cette situation arrive, et on n’a pas encore vu de rocker assez fort pour supporter ces changements. Il serait naïf de s’attendre à ce que Bruce Springsteen soit différent.
Pourtant, la carrière de Bruce Springsteen repose entièrement sur cette foi naïve. Qui d’autre aurait pu survivre après avoir été surnommé Le Nouveau Dylan, Le Futur du Rock’n’Roll, Le Coup Médiatique, le Boss ? Et en ressortir non seulement avec du succès, mais avec du respect. Il est facile de jouer le critique de rock cynique et de s'imaginer le pire – le succès n’est une croisière facile pour personne - mais les faits sont là. Bruce Springsteen est le seul être humain que j’ai jamais rencontré qui ne s’achète pas. Il n’a pas de prix, parce que les choses qu’il veut n’ont littéralement pas de prix. Vous n’êtes pas obligé de me croire. Attendez juste et regardez. Comme le dit Miami Steve, "Pour la première fois, je peux vraiment m’imaginer faire du rock’n’roll à 40 ans". L’interview ci-dessous a été réalisée au Fiesta Motel à Tempe, en Arizona, le 6 novembre, de 3 heures 30 du matin jusqu’à l’aube (l’horaire est caractéristique). Bruce venait de terminer son concert à l'Arizona State University, et d’une étrange façon, ce que je me rappellerai de cette nuit-là, ce n’est pas de lui avoir parlé, ni même sa chute du haut des enceintes, mais les vers qu’il a chantés juste après cette chute, ce couplet paroxysmique de Rosalita:
Dis à ton papa que c’est sa dernière chance
S’il veut voir sa fille s’amuser
Parce que mon tout nouveau disque, Rosie
Vient d’être classé Numéro Un
Il ne l’oubliera pas non plus.