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Working on a Dream, la chanson, était l'hymne officieux de la campagne d'Obama. Qu'avez-vous ressenti le jour de son élection ?
J'ai grandi dans les années 50, 60, pendant la période du combat pour les droits civils. Dans mon bled, il y avait des problèmes de racisme, des émeutes... Quand on grandit dans ce contexte, qu'on s'en souvient parfaitement, un président des États-Unis d'origine africaine est une chose que l'on pensait ne jamais voir de son vivant. Cette élection a été un moment incroyable, fabuleux, qui nous a rappelé que les États-Unis est un endroit où tout peut arriver. L'événement a ressuscité le mythe du "tout est possible" : tu viens de là-bas, mais tu peux quand même arriver là-haut ! C'était une soirée énorme. J'avais plein d'amis avec moi, nous étions tous devant notre télévision et ça nous a rendu humble. Je me suis dit que les choses finalement changeaient. Elles ne changent pas vites, parfois elles ne changent pas positivement, il y a des moments où ça progresse, d'autres où ça régresse. Mais quand même, on avance, petit pas par petits pas, avec parfois un pas en arrière.
Si on fait le bilan du dernier siècle, les choses se sont globalement améliorées. Si on est dépité par la situation politique du moment, on peut toujours se dire : "Bon, si je mets mes 2 cents du côté du progrès, et que mon voisin met ses 2 cents du même côté, et ainsi de suite, on finit par obtenir des dollars et on avance". Quand Obama a été élu, nous traversions une période très difficile, le climat politique était vicié, ce fut un gigantesque soulagement.
Cette élection validait aussi votre travail, vos chansons, tout ce qui guide vos choix depuis quarante ans.
J'ai écrit et chanté mes chansons en gardant toujours à l'esprit que les promesses dont elles parlent ne se réaliseraient pas forcément dans la réalité. Alors, en effet, peut-être que cette élection a rendu mes chansons plus réalistes qu'elles ne l'étaient auparavant. Mais rien n'est gagné: Obama doit soulever des montagnes, il connait des moments difficiles, il se bat comme un lion pour obtenir des réformes très modestes, amoindries par tous les amendements. Le pays est très appauvri. Tout cela peut s'avérer parfois très décourageant. Mais la soirée de l'élection restera un moment spécial, inoubliable.
Les démocrates semblent en mauvaise posture pour les élections de mi-mandat. Il y a ce mouvement montant des Tea Parties. Beaucoup d'électeurs d'Obama se disent déçus. Que pensez-vous de cette situation ?
C'est injuste de reprocher à Obama l'état économique du pays, sachant que l'économie et la finance se sont détériorées bien avant. On peut d'ailleurs blâmer autant les Républicains que les Démocrates. W. Bush peut être critiqué, mais l'administration Clinton a aussi contribué à la dérégulation de la finance qui a abouti au crack financier de 2008. Maintenant, nous avons un taux de chômage élevé, le pays s'est appauvri. La réforme de santé va certes changer la vie de millions de gens qui vont avoir accès aux soins, mais j'aurais aimé qu'Obama aille beaucoup plus loin, et je sais de quoi je parle vu le milieu d'où je viens. Du côté des réformes de la finance et de la régulation, je le trouve également trop timide.
Le gros problème pour le peuple américain, c'est que les présidents ne sont là que pour quatre ou huit ans, alors que les multinationales, les milieux financiers et l'armée restent en place pour toujours. Et ces gens-là ont patiemment mais sûrement grignoté l'économie américaine jusqu'à ce qu'elle ne profite plus au peuple mais seulement aux privilégiés tout en haut de la pyramide. C'est impossible de perpétuer une nation avec le type d'économie en vigueur aujourd'hui. En d'autres termes, les classes populaires sont méprisées, les classes moyennes sont étranglées, et seule la ploutocratie en profite. La grande question politique du moment, c'est comment transformer le système économico-politique de façon à ce qu'il soit au service du peuple et de l'intérêt général ? C'est ce que tente Obama, mais ça a l'air très complexe, très difficile. Quand je vois que même ses réformes les plus timides sont accueillies par les Républicains avec une violence inouïe, des mots accusateurs tels que "socialisme", "marxisme"... La rhétorique de la droite, de certains shows télévisés est tellement déformante, caricaturale, que ce serait presque comique de voir que des gens y croient.
L'obstructionnisme et la mauvaise foi de la droite américaine sont un cauchemar. Quand on entend ça, on a envie de descendre dans la rue pour se battre. Au-delà de ces débats politiques, l'économie américaine a commencé à plonger dans les années 1980, période postindustrielle où la plupart des emplois ont été délocalisés. Beaucoup d'Américains connaissent donc la récession depuis plus de trente ans ! La bulle de la net-économie n'a profité qu'à une petite part de la population, comme la bulle immobilière. L'économie n'est plus structurée pour les citoyens ordinaires. On a sauvé les banques avec l'argent public, donc avec l'argent des citoyens, et maintenant, les banques gardent le magot, le crédit demeure gelé. Il y a de quoi être très en colère.
J'ai grandi dans les années 50, 60, pendant la période du combat pour les droits civils. Dans mon bled, il y avait des problèmes de racisme, des émeutes... Quand on grandit dans ce contexte, qu'on s'en souvient parfaitement, un président des États-Unis d'origine africaine est une chose que l'on pensait ne jamais voir de son vivant. Cette élection a été un moment incroyable, fabuleux, qui nous a rappelé que les États-Unis est un endroit où tout peut arriver. L'événement a ressuscité le mythe du "tout est possible" : tu viens de là-bas, mais tu peux quand même arriver là-haut ! C'était une soirée énorme. J'avais plein d'amis avec moi, nous étions tous devant notre télévision et ça nous a rendu humble. Je me suis dit que les choses finalement changeaient. Elles ne changent pas vites, parfois elles ne changent pas positivement, il y a des moments où ça progresse, d'autres où ça régresse. Mais quand même, on avance, petit pas par petits pas, avec parfois un pas en arrière.
Si on fait le bilan du dernier siècle, les choses se sont globalement améliorées. Si on est dépité par la situation politique du moment, on peut toujours se dire : "Bon, si je mets mes 2 cents du côté du progrès, et que mon voisin met ses 2 cents du même côté, et ainsi de suite, on finit par obtenir des dollars et on avance". Quand Obama a été élu, nous traversions une période très difficile, le climat politique était vicié, ce fut un gigantesque soulagement.
Cette élection validait aussi votre travail, vos chansons, tout ce qui guide vos choix depuis quarante ans.
J'ai écrit et chanté mes chansons en gardant toujours à l'esprit que les promesses dont elles parlent ne se réaliseraient pas forcément dans la réalité. Alors, en effet, peut-être que cette élection a rendu mes chansons plus réalistes qu'elles ne l'étaient auparavant. Mais rien n'est gagné: Obama doit soulever des montagnes, il connait des moments difficiles, il se bat comme un lion pour obtenir des réformes très modestes, amoindries par tous les amendements. Le pays est très appauvri. Tout cela peut s'avérer parfois très décourageant. Mais la soirée de l'élection restera un moment spécial, inoubliable.
Les démocrates semblent en mauvaise posture pour les élections de mi-mandat. Il y a ce mouvement montant des Tea Parties. Beaucoup d'électeurs d'Obama se disent déçus. Que pensez-vous de cette situation ?
C'est injuste de reprocher à Obama l'état économique du pays, sachant que l'économie et la finance se sont détériorées bien avant. On peut d'ailleurs blâmer autant les Républicains que les Démocrates. W. Bush peut être critiqué, mais l'administration Clinton a aussi contribué à la dérégulation de la finance qui a abouti au crack financier de 2008. Maintenant, nous avons un taux de chômage élevé, le pays s'est appauvri. La réforme de santé va certes changer la vie de millions de gens qui vont avoir accès aux soins, mais j'aurais aimé qu'Obama aille beaucoup plus loin, et je sais de quoi je parle vu le milieu d'où je viens. Du côté des réformes de la finance et de la régulation, je le trouve également trop timide.
Le gros problème pour le peuple américain, c'est que les présidents ne sont là que pour quatre ou huit ans, alors que les multinationales, les milieux financiers et l'armée restent en place pour toujours. Et ces gens-là ont patiemment mais sûrement grignoté l'économie américaine jusqu'à ce qu'elle ne profite plus au peuple mais seulement aux privilégiés tout en haut de la pyramide. C'est impossible de perpétuer une nation avec le type d'économie en vigueur aujourd'hui. En d'autres termes, les classes populaires sont méprisées, les classes moyennes sont étranglées, et seule la ploutocratie en profite. La grande question politique du moment, c'est comment transformer le système économico-politique de façon à ce qu'il soit au service du peuple et de l'intérêt général ? C'est ce que tente Obama, mais ça a l'air très complexe, très difficile. Quand je vois que même ses réformes les plus timides sont accueillies par les Républicains avec une violence inouïe, des mots accusateurs tels que "socialisme", "marxisme"... La rhétorique de la droite, de certains shows télévisés est tellement déformante, caricaturale, que ce serait presque comique de voir que des gens y croient.
L'obstructionnisme et la mauvaise foi de la droite américaine sont un cauchemar. Quand on entend ça, on a envie de descendre dans la rue pour se battre. Au-delà de ces débats politiques, l'économie américaine a commencé à plonger dans les années 1980, période postindustrielle où la plupart des emplois ont été délocalisés. Beaucoup d'Américains connaissent donc la récession depuis plus de trente ans ! La bulle de la net-économie n'a profité qu'à une petite part de la population, comme la bulle immobilière. L'économie n'est plus structurée pour les citoyens ordinaires. On a sauvé les banques avec l'argent public, donc avec l'argent des citoyens, et maintenant, les banques gardent le magot, le crédit demeure gelé. Il y a de quoi être très en colère.
Faites-vous partie des déçus d'Obama ?
J'aurais aimé qu'il fasse moins de compromis mais je reste un partisan du Président. Peut-être que les problèmes du moment sont tellement immenses qu'ils sont hors de portée de l'action d'un président. Ça ne doit pas être facile d'être assis dans ce fauteuil. Il existe des superstructures qui font de l'économie ce qu'elle est aujourd'hui et ces structures ne sont pas faciles à bouger. Le crack financier de 2008 aurait dû être l'occasion de transformer l'économie et la finance. J'aurais rêvé de mesures de régulation financière beaucoup plus dures et contraignantes - ce qui n'a pas été le cas. C'est une période très dure, très décourageante.
Dans ce contexte, comment voyez-vous le futur du "rêve américain" ? Vos enfants, leur génération, pourront-ils encore rêver ?
Le paysage a complètement changé. Ce qu'on considérait comme le rêve américain pendant la majeure partie du siècle dernier est devenu complètement hors d'atteinte pour une portion de plus en plus large de la population. Si j'avais une boule magique, je ferais en sorte qu'il en soit autrement, mais si c'était le cas, je serais roi, non ? Je crains qu'une société ne puisse continuer selon le modèle actuel sans finir par imploser. On ne peut bâtir une société cohérente et unie avec de tels écarts de richesse et de possibilités d'avenir. Si les gens se mettaient en colère - et si possible sans se tromper de cible - on pourrait espérer revenir dans la bonne direction. Mais pour le moment, la situation générale me paraît très décevante, très flippante. Il faudrait qu'Obama réussisse à remettre les gens au travail, à réduire le taux de chômage.
Dans The Promise, vous chantez pour les perdants. Malgré ou à cause de votre succès, on a le sentiment que vous vous sentez toujours responsable de la classe ouvrière dont vous êtes issu.
Ce qui m'intéressait au départ dans le songwriting, c'était de raconter mon histoire, parler des sujets qui me touchent. Je voulais comprendre les ressorts qui agissaient sur nos vies, celles de ma famille, de mes amis. Mon écriture venait d'un lieu très intime, très personnel. Quand j'ai commencé à avoir du succès, j'ai peut-être été atteint du complexe du survivant - tu sais, subir un crash aérien et être le seul survivant. En même temps, je ne veux pas prétendre me poser en porte-parole, parler à la place des autres. Ma voix, mes chansons existent avant tout en mon nom. Ma vie a suivi un tout autre cours, mais je m'intéresse toujours aux gens ordinaires, à leurs histoires, c'est vraiment le sujet qui m'inspire. J'aime raconter des histoires qui ne sont plus racontées, du moins par les médias dominants.
Par exemple, prenons l'un des plus fascinants moments de l'histoire récente, l'ouragan Katrina à La Nouvelle-Orléans : soudainement, les Américains ont vu des pauvres à la télé ! Ce fut un tel choc que le Président Bush s'est tout d'un coup senti obligé de venir à La Nouvelle-Orléans pour tenir un discours creux sur la pauvreté : "La pauvreté, on va s'en occuper !" (rires)... Les réactions des citoyens étaient tellement profondes qu'il s'est senti obligé de faire une grande déclaration télévisée sur un sujet dont il ne s'est jamais occupé pendant les huit années de ses deux mandats ! Au contraire, il a détourné l'économie de main de maître pour l'éloigner de ceux qui en avaient le plus besoin. Bref, j'écris sur un monde qui est le plus souvent invisible. Peut-être est-ce aussi lié à mon expérience d'enfant, au respect dont j'ai voulu témoigner pour l'existence de ma mère et de mon père. En écrivant mes chansons, j'ai sans doute trouvé un moyen d'honorer leur expérience, un moyen aussi de rester fidèle à moi-même, aux racines de ma vie et de ma musique. Je n'ai jamais écrit ou chanté sur de grandes idées abstraites ou théoriques - je suis mal à l'aise avec ça et je l'évite autant que possible. Je suis la dernière personne à qui demander des conseils moraux ou autres. Mon songwriting n'a pas pour objectif de donner un mode d'emploi politique ou moral, il est inextricablement lié à ce que je suis fondamentalement, indépendamment de mon degré de fortune.
Pour finir sur une note plus légère, qui vous intéresse dans la nouvelle génération de rockers, popstars, rappers ? Qui pourrait prendre le relais et devenir le Springsteen de demain ?
Oh là là, je n'en sais rien ! (rires) Il y a des tonnes de bonne musique aujourd'hui, pas facile de choisir. J'ai trouvé des trucs bien à toutes les époques. Allez, s'il faut citer un nom, disons Arcade Fire : ils sont en train de construire un univers, une oeuvre. C'est moins facile de citer des grands noms aujourd'hui parce que la musique s'est fragmentée. Lester Bangs a un jour écrit cette ligne fameuse, au moment de la mort d'Elvis : "Au lieu de dire adieu à Elvis, je vais vous dire adieu à vous, lecteurs. Parce que, après Elvis, chacun aura ses propres héros : Joni Mitchell, ou Johnny Rotten, ou Iggy Stooge... et nous allons violemment ne pas être d'accord entre nous". Je crois que c'est ce qui s'est effectivement produit. D'un autre côté, je vois mes enfants qui écoutent de tout : du rap, du punk, de la pop des 60's, du rock des 50's, etc. Mon fils aîné écoute du blues, du gospel, du jazz primitif. J'ai l'impression que les jeunes écoutent de tout, et c'est ce que j'ai toujours fait également, du dernier single sorti la veille à des trucs vieux de cinquante ou soixante ans.
J'aurais aimé qu'il fasse moins de compromis mais je reste un partisan du Président. Peut-être que les problèmes du moment sont tellement immenses qu'ils sont hors de portée de l'action d'un président. Ça ne doit pas être facile d'être assis dans ce fauteuil. Il existe des superstructures qui font de l'économie ce qu'elle est aujourd'hui et ces structures ne sont pas faciles à bouger. Le crack financier de 2008 aurait dû être l'occasion de transformer l'économie et la finance. J'aurais rêvé de mesures de régulation financière beaucoup plus dures et contraignantes - ce qui n'a pas été le cas. C'est une période très dure, très décourageante.
Dans ce contexte, comment voyez-vous le futur du "rêve américain" ? Vos enfants, leur génération, pourront-ils encore rêver ?
Le paysage a complètement changé. Ce qu'on considérait comme le rêve américain pendant la majeure partie du siècle dernier est devenu complètement hors d'atteinte pour une portion de plus en plus large de la population. Si j'avais une boule magique, je ferais en sorte qu'il en soit autrement, mais si c'était le cas, je serais roi, non ? Je crains qu'une société ne puisse continuer selon le modèle actuel sans finir par imploser. On ne peut bâtir une société cohérente et unie avec de tels écarts de richesse et de possibilités d'avenir. Si les gens se mettaient en colère - et si possible sans se tromper de cible - on pourrait espérer revenir dans la bonne direction. Mais pour le moment, la situation générale me paraît très décevante, très flippante. Il faudrait qu'Obama réussisse à remettre les gens au travail, à réduire le taux de chômage.
Dans The Promise, vous chantez pour les perdants. Malgré ou à cause de votre succès, on a le sentiment que vous vous sentez toujours responsable de la classe ouvrière dont vous êtes issu.
Ce qui m'intéressait au départ dans le songwriting, c'était de raconter mon histoire, parler des sujets qui me touchent. Je voulais comprendre les ressorts qui agissaient sur nos vies, celles de ma famille, de mes amis. Mon écriture venait d'un lieu très intime, très personnel. Quand j'ai commencé à avoir du succès, j'ai peut-être été atteint du complexe du survivant - tu sais, subir un crash aérien et être le seul survivant. En même temps, je ne veux pas prétendre me poser en porte-parole, parler à la place des autres. Ma voix, mes chansons existent avant tout en mon nom. Ma vie a suivi un tout autre cours, mais je m'intéresse toujours aux gens ordinaires, à leurs histoires, c'est vraiment le sujet qui m'inspire. J'aime raconter des histoires qui ne sont plus racontées, du moins par les médias dominants.
Par exemple, prenons l'un des plus fascinants moments de l'histoire récente, l'ouragan Katrina à La Nouvelle-Orléans : soudainement, les Américains ont vu des pauvres à la télé ! Ce fut un tel choc que le Président Bush s'est tout d'un coup senti obligé de venir à La Nouvelle-Orléans pour tenir un discours creux sur la pauvreté : "La pauvreté, on va s'en occuper !" (rires)... Les réactions des citoyens étaient tellement profondes qu'il s'est senti obligé de faire une grande déclaration télévisée sur un sujet dont il ne s'est jamais occupé pendant les huit années de ses deux mandats ! Au contraire, il a détourné l'économie de main de maître pour l'éloigner de ceux qui en avaient le plus besoin. Bref, j'écris sur un monde qui est le plus souvent invisible. Peut-être est-ce aussi lié à mon expérience d'enfant, au respect dont j'ai voulu témoigner pour l'existence de ma mère et de mon père. En écrivant mes chansons, j'ai sans doute trouvé un moyen d'honorer leur expérience, un moyen aussi de rester fidèle à moi-même, aux racines de ma vie et de ma musique. Je n'ai jamais écrit ou chanté sur de grandes idées abstraites ou théoriques - je suis mal à l'aise avec ça et je l'évite autant que possible. Je suis la dernière personne à qui demander des conseils moraux ou autres. Mon songwriting n'a pas pour objectif de donner un mode d'emploi politique ou moral, il est inextricablement lié à ce que je suis fondamentalement, indépendamment de mon degré de fortune.
Pour finir sur une note plus légère, qui vous intéresse dans la nouvelle génération de rockers, popstars, rappers ? Qui pourrait prendre le relais et devenir le Springsteen de demain ?
Oh là là, je n'en sais rien ! (rires) Il y a des tonnes de bonne musique aujourd'hui, pas facile de choisir. J'ai trouvé des trucs bien à toutes les époques. Allez, s'il faut citer un nom, disons Arcade Fire : ils sont en train de construire un univers, une oeuvre. C'est moins facile de citer des grands noms aujourd'hui parce que la musique s'est fragmentée. Lester Bangs a un jour écrit cette ligne fameuse, au moment de la mort d'Elvis : "Au lieu de dire adieu à Elvis, je vais vous dire adieu à vous, lecteurs. Parce que, après Elvis, chacun aura ses propres héros : Joni Mitchell, ou Johnny Rotten, ou Iggy Stooge... et nous allons violemment ne pas être d'accord entre nous". Je crois que c'est ce qui s'est effectivement produit. D'un autre côté, je vois mes enfants qui écoutent de tout : du rap, du punk, de la pop des 60's, du rock des 50's, etc. Mon fils aîné écoute du blues, du gospel, du jazz primitif. J'ai l'impression que les jeunes écoutent de tout, et c'est ce que j'ai toujours fait également, du dernier single sorti la veille à des trucs vieux de cinquante ou soixante ans.
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NOTES
Cet entretien est paru à l'origine dans le numéro 778 du magazine Les Inrockuptibles, avant d'être publié dans sa totalité, et légèrement remanié, dans un numéro hors-série, Les Inrocks 2 : Bruce Springsteen - Il était une fois en Amérique, sorti le 16 novembre 2010.
Cet entretien est paru à l'origine dans le numéro 778 du magazine Les Inrockuptibles, avant d'être publié dans sa totalité, et légèrement remanié, dans un numéro hors-série, Les Inrocks 2 : Bruce Springsteen - Il était une fois en Amérique, sorti le 16 novembre 2010.
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