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Vous avez dit et écrit qu'avec Darkness, vous aviez trouvé votre voix adulte. C'est quoi, selon vous, devenir adulte ?
Être confronté aux réalités parfois très difficiles de la vie... mais continuer quand même à rêver. En 1977, j'avais 27 ans, les rockers avaient une trentaine d'année en moyenne. La génération de musiciens au-dessus de nous, les Stones ou les Beatles, n'avait que six à huit ans de plus que nous. Les gens recherchaient un nouveau Bob Dylan alors que le "vieux" Dylan était encore lui-même un enfant ! Il n'avait que la trentaine et quelque ! C'est marrant : la notion du temps et de l'âge n'était pas la même, et moi, à 27 ans, j'étais déjà considéré comme un rocker "adulte", peut-être déjà trop vieux pour jouer du rock. En tous cas, au moment de Darkness, je m'intéressais aux sujets adultes, aux mystères de la vie adulte. Quand on est enfant, la maison est un endroit mystérieux, on ne comprend pas tout ce qui se passe sous son toit, on ne comprend pas la vie et les problèmes de ses parents... En atteignant mes 25 ans, je me suis intéressé de plus près aux questions adultes, j'ai voulu écrire des chansons qui résonneraient sur le long terme. J'ai voulu écrire sur les expériences humaines fondamentales : la famille, le travail, l'amour conjugal, les relations père-fils, bref, tous ces sujets basiques qui engagent chacun d'entre nous, jour après jour, quel que soit l'endroit d'où l'on vient. Je voulais que ces thèmes constituent le fondement brut de ma musique. J'ai essayé d'écrire plus directement. Je voulais que mes personnages soient reconnaissables par tous, qu'ils ressemblent à vos amis, à vos parents.
Par ailleurs, je ne voulais pas être enfermé dans une catégorie telle que "la musique de jeunes". Le rock était dans une phase où, de musique de jeunes, il mutait pour devenir un art à part entière, le plus grand mouvement culturel et spirituel de la seconde moitié du XXe siècle... dans toute sa gloire funky ! J'étais conscient de ce moment historique et je voulais que ma musique parle non seulement à votre corps, mais aussi à votre esprit, à votre sensibilité... En entrant dans le projet Darkness, mon objectif était d'écrire quelque chose de très intense, très concentré. Darkness s'est construit par soustraction : j'ai d'abord consacré mon énergie à écarter des chansons, à tendre vers l'os. Toute la musique qui sort maintenant sur The Promise était bonne, entraînante, avec quelques hits que nous n'avons pas utilisés [Because The Night sera offert à Patti Smith, Fire aux Pointer Sisters, Talk To Me à Southside Johnny - ndlr]. Darkness, c'était d'abord dire non. Puis, dire oui aux chansons qui me semblaient toucher à l'essence de ce que je voulais représenter, soit l'expérience humaine universelle.
Pourtant, il y a dans The Promise de belles chansons sombres et hantées (The Brokenhearted, Spanish Eyes, la chanson-titre) qui auraient parfaitement trouvé leur place sur Darkness...
Mais je voulais un album maigre, austère. J'aime bien qu'il ne comporte que dix chansons. Bon, j'aurais certes pu faire un double-album - je l'ai fait après avec The River. Non, de mon point de vue, Darkness devait être dépouillé, concentré, en quelque sorte purifié. Comme je l'ai écrit, c'était mon album samouraï, avec un personnage dont la vie est ramenée aux questions existentielles essentielles, et qui essaie de s'en sortir. C'est un disque épuré, un peu à la façon de certains que je ferai ultérieurement comme Nebraska ou The Ghost Of Tom Joad. Ce sont des disques où l'écriture est étroite mais profonde, des disques qui creusent. C'est souvent avec ce type d'écriture qu'on obtient le meilleur impact, que les coups frappent le plus net.
Quand on écoute les versions alternatives de Racing In The Street ou de Candy's Room (intitulée Candy's Boy), on perçoit les différentes strates de votre travail. Généralement, qu'est-ce qui fait la différence entre une première prise et une version finale ?
Candy's Boy existait avant Candy's Room. A l'époque, je cannibalisais tout, dès que j'avais en tête un texte ou une esquisse de musique, j'enregistrais, puis je retravaillais inlassablement la chanson. C'est ainsi que Candy's Boy a fini par devenir Candy's Room. J'aime beaucoup Candy's Boy, c'est vraiment une jolie petite chanson, avec un groove qui me plaît bien.
Pourquoi la version The Promise de Racing In The Street n'a fait pas fait le final cut de Darkness ? Je ne sais plus trop. Peut-être que je pensais à l'époque que cette version alternative était trop brute. Mais quand je l'ai réécoutée, là, je me suis demandé pourquoi je ne l'avais pas choisie à l'époque.
Dans le coffret, il y a ce concert filmé au Paramount d'Asbury Park. D'où est venue cette étrange idée de jouer l'album intégral, dans l'ordre, live mais sans public ?
L'idée était de ressaisir Darkness dans sa forme originelle. Je trouve que cet album s'y prêtait particulièrement bien, parce que c'est un disque très psychologique, qui creuse profondément dans la psyché des personnages et dans leur intériorité. C'est un disque que l'on peut jouer en ayant recours à ses propres démons intérieurs. Au fil des ans, nous avons souvent joué des chansons de Darkness sur scène, dans des versions qui ont évolué au fil du temps. Je souhaitais dépouiller ces chansons de leurs enveloppes successives et retrouver la pureté originelle de l'album, le jouer du début à la fin pour voir si l'album tenait le coup tout seul, comme un grand, après toutes ces années. Mais tu n'as vu que deux extraits de ce DVD. Je crois sincèrement qu'il faut voir cette performance dans son intégralité pour bien la mesurer et la ressentir.
C'est vrai que cette performance est très formelle - elle a un côté un peu conceptuelle - mais c'est peut-être devenu mon truc favori dans le coffret. Elle permet de se réengager dans l'essence de l'album et de ma musique de l'époque. Là aussi, c'est une conversation entre moi et mon groupe, notre groupe et ces chansons, qui nous permettait de retourner à l'os de cet album, conformément à l'esprit dans lequel nous l'avions enregistré.
On dirait une cérémonie chamanique où vous essayez de connecter le passé au présent, peut-être aussi d'en appeler aux esprits qui hantent Asbury Park...
Les chansons que j'ai commencé à écrire à l'époque étaient pensées pour durer, s'enrichir avec les années. Si elles étaient bien écrites et bien composées, si elles étaient bien jouées, elles devaient non seulement tenir l'épreuve du temps, mais peut-être aussi mûrir avec le temps. Je les ai créées à 27 ans, mais en les jouant aujourd'hui, je m'y sens à l'aise, je ne me force pas, elles continuent à coller à ce que je suis maintenant. Les mots de Darkness coulent facilement dans la bouche de l'homme de 60 ans que je suis désormais. Ça correspond au but que je m'étais fixé à l'époque. Quelqu'un a dit une fois "Le passé est toujours présent" : en fait, le passé n'est pas le passé, il est toujours là. J'aime cette idée.
Être confronté aux réalités parfois très difficiles de la vie... mais continuer quand même à rêver. En 1977, j'avais 27 ans, les rockers avaient une trentaine d'année en moyenne. La génération de musiciens au-dessus de nous, les Stones ou les Beatles, n'avait que six à huit ans de plus que nous. Les gens recherchaient un nouveau Bob Dylan alors que le "vieux" Dylan était encore lui-même un enfant ! Il n'avait que la trentaine et quelque ! C'est marrant : la notion du temps et de l'âge n'était pas la même, et moi, à 27 ans, j'étais déjà considéré comme un rocker "adulte", peut-être déjà trop vieux pour jouer du rock. En tous cas, au moment de Darkness, je m'intéressais aux sujets adultes, aux mystères de la vie adulte. Quand on est enfant, la maison est un endroit mystérieux, on ne comprend pas tout ce qui se passe sous son toit, on ne comprend pas la vie et les problèmes de ses parents... En atteignant mes 25 ans, je me suis intéressé de plus près aux questions adultes, j'ai voulu écrire des chansons qui résonneraient sur le long terme. J'ai voulu écrire sur les expériences humaines fondamentales : la famille, le travail, l'amour conjugal, les relations père-fils, bref, tous ces sujets basiques qui engagent chacun d'entre nous, jour après jour, quel que soit l'endroit d'où l'on vient. Je voulais que ces thèmes constituent le fondement brut de ma musique. J'ai essayé d'écrire plus directement. Je voulais que mes personnages soient reconnaissables par tous, qu'ils ressemblent à vos amis, à vos parents.
Par ailleurs, je ne voulais pas être enfermé dans une catégorie telle que "la musique de jeunes". Le rock était dans une phase où, de musique de jeunes, il mutait pour devenir un art à part entière, le plus grand mouvement culturel et spirituel de la seconde moitié du XXe siècle... dans toute sa gloire funky ! J'étais conscient de ce moment historique et je voulais que ma musique parle non seulement à votre corps, mais aussi à votre esprit, à votre sensibilité... En entrant dans le projet Darkness, mon objectif était d'écrire quelque chose de très intense, très concentré. Darkness s'est construit par soustraction : j'ai d'abord consacré mon énergie à écarter des chansons, à tendre vers l'os. Toute la musique qui sort maintenant sur The Promise était bonne, entraînante, avec quelques hits que nous n'avons pas utilisés [Because The Night sera offert à Patti Smith, Fire aux Pointer Sisters, Talk To Me à Southside Johnny - ndlr]. Darkness, c'était d'abord dire non. Puis, dire oui aux chansons qui me semblaient toucher à l'essence de ce que je voulais représenter, soit l'expérience humaine universelle.
Pourtant, il y a dans The Promise de belles chansons sombres et hantées (The Brokenhearted, Spanish Eyes, la chanson-titre) qui auraient parfaitement trouvé leur place sur Darkness...
Mais je voulais un album maigre, austère. J'aime bien qu'il ne comporte que dix chansons. Bon, j'aurais certes pu faire un double-album - je l'ai fait après avec The River. Non, de mon point de vue, Darkness devait être dépouillé, concentré, en quelque sorte purifié. Comme je l'ai écrit, c'était mon album samouraï, avec un personnage dont la vie est ramenée aux questions existentielles essentielles, et qui essaie de s'en sortir. C'est un disque épuré, un peu à la façon de certains que je ferai ultérieurement comme Nebraska ou The Ghost Of Tom Joad. Ce sont des disques où l'écriture est étroite mais profonde, des disques qui creusent. C'est souvent avec ce type d'écriture qu'on obtient le meilleur impact, que les coups frappent le plus net.
Quand on écoute les versions alternatives de Racing In The Street ou de Candy's Room (intitulée Candy's Boy), on perçoit les différentes strates de votre travail. Généralement, qu'est-ce qui fait la différence entre une première prise et une version finale ?
Candy's Boy existait avant Candy's Room. A l'époque, je cannibalisais tout, dès que j'avais en tête un texte ou une esquisse de musique, j'enregistrais, puis je retravaillais inlassablement la chanson. C'est ainsi que Candy's Boy a fini par devenir Candy's Room. J'aime beaucoup Candy's Boy, c'est vraiment une jolie petite chanson, avec un groove qui me plaît bien.
Pourquoi la version The Promise de Racing In The Street n'a fait pas fait le final cut de Darkness ? Je ne sais plus trop. Peut-être que je pensais à l'époque que cette version alternative était trop brute. Mais quand je l'ai réécoutée, là, je me suis demandé pourquoi je ne l'avais pas choisie à l'époque.
Dans le coffret, il y a ce concert filmé au Paramount d'Asbury Park. D'où est venue cette étrange idée de jouer l'album intégral, dans l'ordre, live mais sans public ?
L'idée était de ressaisir Darkness dans sa forme originelle. Je trouve que cet album s'y prêtait particulièrement bien, parce que c'est un disque très psychologique, qui creuse profondément dans la psyché des personnages et dans leur intériorité. C'est un disque que l'on peut jouer en ayant recours à ses propres démons intérieurs. Au fil des ans, nous avons souvent joué des chansons de Darkness sur scène, dans des versions qui ont évolué au fil du temps. Je souhaitais dépouiller ces chansons de leurs enveloppes successives et retrouver la pureté originelle de l'album, le jouer du début à la fin pour voir si l'album tenait le coup tout seul, comme un grand, après toutes ces années. Mais tu n'as vu que deux extraits de ce DVD. Je crois sincèrement qu'il faut voir cette performance dans son intégralité pour bien la mesurer et la ressentir.
C'est vrai que cette performance est très formelle - elle a un côté un peu conceptuelle - mais c'est peut-être devenu mon truc favori dans le coffret. Elle permet de se réengager dans l'essence de l'album et de ma musique de l'époque. Là aussi, c'est une conversation entre moi et mon groupe, notre groupe et ces chansons, qui nous permettait de retourner à l'os de cet album, conformément à l'esprit dans lequel nous l'avions enregistré.
On dirait une cérémonie chamanique où vous essayez de connecter le passé au présent, peut-être aussi d'en appeler aux esprits qui hantent Asbury Park...
Les chansons que j'ai commencé à écrire à l'époque étaient pensées pour durer, s'enrichir avec les années. Si elles étaient bien écrites et bien composées, si elles étaient bien jouées, elles devaient non seulement tenir l'épreuve du temps, mais peut-être aussi mûrir avec le temps. Je les ai créées à 27 ans, mais en les jouant aujourd'hui, je m'y sens à l'aise, je ne me force pas, elles continuent à coller à ce que je suis maintenant. Les mots de Darkness coulent facilement dans la bouche de l'homme de 60 ans que je suis désormais. Ça correspond au but que je m'étais fixé à l'époque. Quelqu'un a dit une fois "Le passé est toujours présent" : en fait, le passé n'est pas le passé, il est toujours là. J'aime cette idée.
C'est votre troisième coffret d'archives, après Tracks et Born To Run. Ces retours vers le passé sont-ils un moyen de boucler la boucle ? De mettre de l'ordre dans vos affaires ? De ne pas avoir de regrets ? D'éclaircir des points obscurs ou imparfaits de votre passé ?
La dernière décennie me semble l'une des plus actives et créatives de ma carrière. Nous avons sorti de bons albums, qui parlaient des questions de leur temps tout en proposant de la musique excitante. Nous avons renouvelé notre public tout en gardant nos auditeurs fidèles depuis de si longues années.... Mais c'est vrai qu'on a envie de boucler toutes les boucles, de ne pas laisser des pans inachevés. Après des albums comme The Rising, Devils & Dust ou Working on a Dream, j'ai ressenti qu'il était temps de dépoussiérer une partie de notre passé. Pour prendre un exemple très simple, mes enfants ne s'intéressent pas beaucoup à ma musique. Or, ma musique, c'est un peu aussi pour nous comme un film de famille. C'est bien d'entretenir ce film, au cas où. Peut-être qu'un jour, mes gosses se diront : "Tiens, qu'est-ce que papa foutait en 1977 ?". Ils pourront écouter le coffret et ils auront des éléments de réponse.
Moi-même, je ne me suis pas intéressé à la vie de mes parents jusqu'à mes 25, 30 ans. Mon père était un taiseux, j'en savais très peu sur lui. J'aurais bien aimé en savoir un peu plus. Donc, une des motivations qui me pousse à faire ces coffrets d'archives est très intime. Même si personne n'achetait ou ne regardait ces images, je les ferais quand même. Ça me permet de relier mon passé à mon présent, d'avoir une idée plus claire de mon parcours. Et puis je trouve que le matériel du coffret fonctionne au présent, il peut vous inspirer maintenant ! Si ce n'était que du passé poussiéreux, sans aucun effet aujourd'hui, je ne me serais pas embêté à le publier. Je suis convaincu que le type qui écoutera ce coffret sans rien connaître de notre passé, les effets, la puissance, les thèmes universels et intemporels. The Promise fonctionne-t-il toujours aujourd'hui ? C'est la seule vraie question, et je pense que oui. Si j'ai mis cette musique à la disposition du public, c'est parce que cette musique aurait pu être créée hier.
Votre dernier album contemporain, Working on a Dream, a une tonalité assez pop, mais des textes plutôt graves, sur le passage du temps. Vous avez d'ailleurs perdu des proches comme Danny Federici ou Terry McGovern. Craignez-vous le vieillissement, la mort ?
Quand on atteint un certain âge, est-ce qu'on a envie de penser à ces choses-là ? Je ne crois pas ! (rires)... Bon, bien sûr, on y pense. Le temps, l'évolution, le changement fournissent des sujets très intéressants, très inspirants pour un songwriter, et c'est vrai que plusieurs chansons de Working on a Dream traitaient ce type de questions. Le vieillissement, la mort, ça infuse mon travail, mais de façon normale, parce que ça fait partie de la vie, que c'est lié à mon âge. J'ai perdu des proches, je dois apprendre à vivre avec. Et c'est sûr que j'écris plus sur ces thèmes aujourd'hui qu'il y a trente ans. Mais c'est logique, j'écris sur ce qui me touche. J'ai toujours écrit sur des personnages qui évoluaient et vieillissaient avec moi. Donc, j'écris aujourd'hui sur ces sujets-là, ce qui intéressera les auditeurs de mon âge, mais j'espère que ces textes intéresseront aussi des mômes de 20 ans. Si on écrit de bons textes, on peut capter n'importe qui, quels que soit son âge, son origine...
La dernière décennie me semble l'une des plus actives et créatives de ma carrière. Nous avons sorti de bons albums, qui parlaient des questions de leur temps tout en proposant de la musique excitante. Nous avons renouvelé notre public tout en gardant nos auditeurs fidèles depuis de si longues années.... Mais c'est vrai qu'on a envie de boucler toutes les boucles, de ne pas laisser des pans inachevés. Après des albums comme The Rising, Devils & Dust ou Working on a Dream, j'ai ressenti qu'il était temps de dépoussiérer une partie de notre passé. Pour prendre un exemple très simple, mes enfants ne s'intéressent pas beaucoup à ma musique. Or, ma musique, c'est un peu aussi pour nous comme un film de famille. C'est bien d'entretenir ce film, au cas où. Peut-être qu'un jour, mes gosses se diront : "Tiens, qu'est-ce que papa foutait en 1977 ?". Ils pourront écouter le coffret et ils auront des éléments de réponse.
Moi-même, je ne me suis pas intéressé à la vie de mes parents jusqu'à mes 25, 30 ans. Mon père était un taiseux, j'en savais très peu sur lui. J'aurais bien aimé en savoir un peu plus. Donc, une des motivations qui me pousse à faire ces coffrets d'archives est très intime. Même si personne n'achetait ou ne regardait ces images, je les ferais quand même. Ça me permet de relier mon passé à mon présent, d'avoir une idée plus claire de mon parcours. Et puis je trouve que le matériel du coffret fonctionne au présent, il peut vous inspirer maintenant ! Si ce n'était que du passé poussiéreux, sans aucun effet aujourd'hui, je ne me serais pas embêté à le publier. Je suis convaincu que le type qui écoutera ce coffret sans rien connaître de notre passé, les effets, la puissance, les thèmes universels et intemporels. The Promise fonctionne-t-il toujours aujourd'hui ? C'est la seule vraie question, et je pense que oui. Si j'ai mis cette musique à la disposition du public, c'est parce que cette musique aurait pu être créée hier.
Votre dernier album contemporain, Working on a Dream, a une tonalité assez pop, mais des textes plutôt graves, sur le passage du temps. Vous avez d'ailleurs perdu des proches comme Danny Federici ou Terry McGovern. Craignez-vous le vieillissement, la mort ?
Quand on atteint un certain âge, est-ce qu'on a envie de penser à ces choses-là ? Je ne crois pas ! (rires)... Bon, bien sûr, on y pense. Le temps, l'évolution, le changement fournissent des sujets très intéressants, très inspirants pour un songwriter, et c'est vrai que plusieurs chansons de Working on a Dream traitaient ce type de questions. Le vieillissement, la mort, ça infuse mon travail, mais de façon normale, parce que ça fait partie de la vie, que c'est lié à mon âge. J'ai perdu des proches, je dois apprendre à vivre avec. Et c'est sûr que j'écris plus sur ces thèmes aujourd'hui qu'il y a trente ans. Mais c'est logique, j'écris sur ce qui me touche. J'ai toujours écrit sur des personnages qui évoluaient et vieillissaient avec moi. Donc, j'écris aujourd'hui sur ces sujets-là, ce qui intéressera les auditeurs de mon âge, mais j'espère que ces textes intéresseront aussi des mômes de 20 ans. Si on écrit de bons textes, on peut capter n'importe qui, quels que soit son âge, son origine...