Interview télévisée d'Antoine de Caunes, réalisée au Palais Omnisports de Paris Bercy
****
J'aimerais savoir, c'est quoi ces gris-gris sur la guitare ?
Ce sont des "milagros" (1) qui viennent du Mexique. Mais c'est aussi une collection personnelle. J'ai été élevé en bon catholique et j'ai amassé pas mal d'images et de médailles pieuses au fil des ans. Elles dormaient chez moi dans une boite. Et je me suis dit "Bon, si je dois faire une tournée de musique folk, il va falloir que j'aie une guitare folk". Donc, nous avons réussi à tout coller. Il y a aussi des cartes et des symboles mexicains de la fête des Morts. Et des choses qui étaient dans ma boite, chez moi. Je leur ai finalement trouvé une utilité. Toutes ces choses ont de nombreuses significations qui, j'espère, me porteront chance.
Cette guitare folk m'amène à ma première question. Est-ce que vous avez toujours voulu rendre hommage à Pete Seeger ou au répertoire folk américain...
Non...
...ou est-ce du à des circonstances particulières ?
J'ai grandi avec le Top 40 à la radio américaine. Je suis un enfant du rock'n'roll. Ma première véritable approche de la musique folk, c'était quand j'étais adolescent. Mon cousin Franky, qui était un peu plus âgé que moi, jouait de l'accordéon. Ensuite, il est passé à la guitare acoustique. Il avait compris qu'à l'époque en Amérique, on tombait plus de filles avec la guitare qu'avec un accordéon. Je suis allé chez lui et j'ai été fasciné par les quelques accords qu'il avait appris. J'avais acheté une vieille guitare dans un Western Autostore, mais je ne savais pas l'accorder. Il m'a montré comment faire et comment jouer mes propres accords. Et il m'a prêté un recueil de partitions folk. Donc, je suis rentré chez moi et j'ai appris Green Sleeves, et quelques autres chansons avec des accords très simples. Et par la suite, j'ai appris Twist & Shout. Et après, les dés ont été jetés.
Mais le plus drôle, c'est que le fils de Franky est dans le Seeger Sessions Band. C'est le grand jeune homme à l'extrême droite de la scène. Il joue lui aussi de la guitare, ce qui fait de cette musique une affaire de famille. Sachant que Frank (Bruno, Jr) joue depuis longtemps, je l'ai appelé, il a fait le voyage depuis le sud du pays, et il s'est joint au groupe, dans ma ferme. C'est peut-être la 7ème fois de sa vie qu'il monte sur scène. Il n'a jamais fait de concert et il n'est jamais sorti des États-Unis. Donc, tout ce projet s'est monté presque par hasard, très naturellement. Nous avons enregistré le disque en trois jours, en live, sans overdubs (2). Dans une pièce à peine plus grande que celle-ci. C'était le pied.
L'immédiate impression de joie, de spontanéité, de musique de rue qu'on a en entendant les Seeger Sessions est très loin de vos derniers albums, comme Devils & Dust. Était-ce une façon de revenir à la liberté de la musique de vos débuts ?
En un sens, ce n'est pas si éloigné que ça, dans la mesure où la majorité de Devils & Dust puise dans de vieilles murder ballads (3). Une grande partie de mon écriture narrative dans Devils & Dust renvoie à Tom Joad et à Nebraska, qui s'inspirent de vieilles murder ballads.
Non, mais je voulais parler de cette exubérance...
Ah ça ? Oui, c'est très différent. Je suis passé d'une personne à 18 ! Et ce qui est sympa avec le groupe, c'est que c'était un retour à l'instrumentation que j'ai utilisé sur The Wild, The Innocent, mon deuxième album. Il y a des cuivres. Quand vous l'écoutez, vous vous apercevez qu'il y a du jazz, de la musique de cirque, du tuba. Nous nous sommes inspirés de l'accordéon, d'influences très éclectiques. Donc, d'un côté, c'était très libre et très sympa de revenir à la chaleur incroyable de ces instruments. Et ici, à Bercy, l'acoustique est excellente. Sur scène, ce soir, tout sonnait vraiment bien. Donc, ça m'a libéré en quelque sorte.
Quand vous êtes auteur-compositeur, très souvent, votre musique découle d'une volonté de mettre en valeur vos textes. Ainsi la structure musicale, sans en être dictée, fait néanmoins partie de la formulation. Partir de chansons déjà écrites m'a permis de ne pas me sentir limité par le cadre que mes chansons m'imposent parfois. Et nous avons pu nous lâcher. Nous avons essayé de retrouver l'esprit originel de la musique folk, celui de l'anthologie d'Harry Smith (4) dans laquelle les chanteurs étaient bruts de décoffrage et déjantés. Et c'était ça, la musique folk. Quand nous avons monté ce projet, je voulais retrouver cette musique folk de la rue. C'est de la musique de bar, de taverne, de rue. Ce sont des fanfares avec des cuivres et des cordes, comme on en voit encore dans les rues de la Nouvelle-Orléans. Je voulais mélanger cette musique au gospel et à la country. Jusqu'à notre scène qui rappelle les music-halls du début du siècle. Mais par-dessus tout, je voulais retrouver ce sentiment d'urgence dans les chansons, pour qu'elles parlent immédiatement au public. Et ce groupe sait très bien le faire.
Ce n'est pas un exercice historique, ni un exercice nostalgique. Il s'agissait de prendre ces choses, ces histoires fabuleuses, et de faire ressortir leur caractère actuel. Il s'agissait de trouver ma voix et celle du groupe dans ces histoires, aujourd'hui.
Ce sont des "milagros" (1) qui viennent du Mexique. Mais c'est aussi une collection personnelle. J'ai été élevé en bon catholique et j'ai amassé pas mal d'images et de médailles pieuses au fil des ans. Elles dormaient chez moi dans une boite. Et je me suis dit "Bon, si je dois faire une tournée de musique folk, il va falloir que j'aie une guitare folk". Donc, nous avons réussi à tout coller. Il y a aussi des cartes et des symboles mexicains de la fête des Morts. Et des choses qui étaient dans ma boite, chez moi. Je leur ai finalement trouvé une utilité. Toutes ces choses ont de nombreuses significations qui, j'espère, me porteront chance.
Cette guitare folk m'amène à ma première question. Est-ce que vous avez toujours voulu rendre hommage à Pete Seeger ou au répertoire folk américain...
Non...
...ou est-ce du à des circonstances particulières ?
J'ai grandi avec le Top 40 à la radio américaine. Je suis un enfant du rock'n'roll. Ma première véritable approche de la musique folk, c'était quand j'étais adolescent. Mon cousin Franky, qui était un peu plus âgé que moi, jouait de l'accordéon. Ensuite, il est passé à la guitare acoustique. Il avait compris qu'à l'époque en Amérique, on tombait plus de filles avec la guitare qu'avec un accordéon. Je suis allé chez lui et j'ai été fasciné par les quelques accords qu'il avait appris. J'avais acheté une vieille guitare dans un Western Autostore, mais je ne savais pas l'accorder. Il m'a montré comment faire et comment jouer mes propres accords. Et il m'a prêté un recueil de partitions folk. Donc, je suis rentré chez moi et j'ai appris Green Sleeves, et quelques autres chansons avec des accords très simples. Et par la suite, j'ai appris Twist & Shout. Et après, les dés ont été jetés.
Mais le plus drôle, c'est que le fils de Franky est dans le Seeger Sessions Band. C'est le grand jeune homme à l'extrême droite de la scène. Il joue lui aussi de la guitare, ce qui fait de cette musique une affaire de famille. Sachant que Frank (Bruno, Jr) joue depuis longtemps, je l'ai appelé, il a fait le voyage depuis le sud du pays, et il s'est joint au groupe, dans ma ferme. C'est peut-être la 7ème fois de sa vie qu'il monte sur scène. Il n'a jamais fait de concert et il n'est jamais sorti des États-Unis. Donc, tout ce projet s'est monté presque par hasard, très naturellement. Nous avons enregistré le disque en trois jours, en live, sans overdubs (2). Dans une pièce à peine plus grande que celle-ci. C'était le pied.
L'immédiate impression de joie, de spontanéité, de musique de rue qu'on a en entendant les Seeger Sessions est très loin de vos derniers albums, comme Devils & Dust. Était-ce une façon de revenir à la liberté de la musique de vos débuts ?
En un sens, ce n'est pas si éloigné que ça, dans la mesure où la majorité de Devils & Dust puise dans de vieilles murder ballads (3). Une grande partie de mon écriture narrative dans Devils & Dust renvoie à Tom Joad et à Nebraska, qui s'inspirent de vieilles murder ballads.
Non, mais je voulais parler de cette exubérance...
Ah ça ? Oui, c'est très différent. Je suis passé d'une personne à 18 ! Et ce qui est sympa avec le groupe, c'est que c'était un retour à l'instrumentation que j'ai utilisé sur The Wild, The Innocent, mon deuxième album. Il y a des cuivres. Quand vous l'écoutez, vous vous apercevez qu'il y a du jazz, de la musique de cirque, du tuba. Nous nous sommes inspirés de l'accordéon, d'influences très éclectiques. Donc, d'un côté, c'était très libre et très sympa de revenir à la chaleur incroyable de ces instruments. Et ici, à Bercy, l'acoustique est excellente. Sur scène, ce soir, tout sonnait vraiment bien. Donc, ça m'a libéré en quelque sorte.
Quand vous êtes auteur-compositeur, très souvent, votre musique découle d'une volonté de mettre en valeur vos textes. Ainsi la structure musicale, sans en être dictée, fait néanmoins partie de la formulation. Partir de chansons déjà écrites m'a permis de ne pas me sentir limité par le cadre que mes chansons m'imposent parfois. Et nous avons pu nous lâcher. Nous avons essayé de retrouver l'esprit originel de la musique folk, celui de l'anthologie d'Harry Smith (4) dans laquelle les chanteurs étaient bruts de décoffrage et déjantés. Et c'était ça, la musique folk. Quand nous avons monté ce projet, je voulais retrouver cette musique folk de la rue. C'est de la musique de bar, de taverne, de rue. Ce sont des fanfares avec des cuivres et des cordes, comme on en voit encore dans les rues de la Nouvelle-Orléans. Je voulais mélanger cette musique au gospel et à la country. Jusqu'à notre scène qui rappelle les music-halls du début du siècle. Mais par-dessus tout, je voulais retrouver ce sentiment d'urgence dans les chansons, pour qu'elles parlent immédiatement au public. Et ce groupe sait très bien le faire.
Ce n'est pas un exercice historique, ni un exercice nostalgique. Il s'agissait de prendre ces choses, ces histoires fabuleuses, et de faire ressortir leur caractère actuel. Il s'agissait de trouver ma voix et celle du groupe dans ces histoires, aujourd'hui.
J'y reviendrai, mais dans le documentaire qu'on trouve sur le coffret du 30ème anniversaire de Born To Run, on vous voit vous torturer à n'en plus finir sur une mesure...
Me torturer, c'est ma spécialité ! Tu vois où ça m'a conduit !
Et vous voilà aujourd'hui à enregistrer en trois après-midi, avec un groupe, très librement. Qu'est-ce que le Bruce quinquagénaire a appris du jeune Bruce ?
Ce qui est drôle, c'est que quand j'ai réécouté certaines prises coupées de Born To Run, où je chante un peu plus librement, dans le style de The Wild, The Innocent, le résultat rendait pas mal non plus ! Ce qui est sûr, c'est que je pinaille moins. Je n'en ai plus besoin. C'était surtout lié à un manque d'assurance, dû à ma jeunesse. Et également au fait que j'avais une idée bien arrêtée de ce que je voulais. Sans compter que nous n'avions aucune expérience en studio. Nous étions des amateurs, mais c'était ce qui me plaisait. Je ne voulais pas que quelqu'un débarque et me boucle mon disque en 15 jours. Parce que j'étais trop occupé à me chercher et à me trouver. Quel est l'avantage du travail en studio ? Est-ce qu'il n'entrave pas la relation avec le public ? Ce sont des questions auxquelles j'ai essayé de répondre au début où j'enregistrais, tout en essayant de tirer le meilleur parti du studio. Ce processus m'a pris beaucoup de temps mais, heureusement, j'avais un groupe très patient, comme les gens qui ont travaillé avec moi.
Mais là, nous avons fait ce disque en trois jours, dans un petit salon, sans overdubs. Maintenant, nous avons cette liberté de travail. Et je salue Toby Scott, mon ingénieur du son depuis des années, depuis The River. Il a fallu qu'il enregistre un groupe de cette taille dans une seule pièce. Et il a très bien compris l'esprit du projet. Pas de micros rapprochés, pas de micros près de la caisse claire, mais beaucoup de micros d'ambiance. Et il a parfaitement capté l'atmosphère de la pièce. Donc, je salue son travail. Mais tout est plus... je ne veux pas dire facile, parce que ce n'est pas censé être facile, mais nous avons plus d'expérience et nous avons pu exprimer nos idées de façon beaucoup plus... C'est moins douloureux ! Le bon côté, c'est que c'est moins douloureux.
Me torturer, c'est ma spécialité ! Tu vois où ça m'a conduit !
Et vous voilà aujourd'hui à enregistrer en trois après-midi, avec un groupe, très librement. Qu'est-ce que le Bruce quinquagénaire a appris du jeune Bruce ?
Ce qui est drôle, c'est que quand j'ai réécouté certaines prises coupées de Born To Run, où je chante un peu plus librement, dans le style de The Wild, The Innocent, le résultat rendait pas mal non plus ! Ce qui est sûr, c'est que je pinaille moins. Je n'en ai plus besoin. C'était surtout lié à un manque d'assurance, dû à ma jeunesse. Et également au fait que j'avais une idée bien arrêtée de ce que je voulais. Sans compter que nous n'avions aucune expérience en studio. Nous étions des amateurs, mais c'était ce qui me plaisait. Je ne voulais pas que quelqu'un débarque et me boucle mon disque en 15 jours. Parce que j'étais trop occupé à me chercher et à me trouver. Quel est l'avantage du travail en studio ? Est-ce qu'il n'entrave pas la relation avec le public ? Ce sont des questions auxquelles j'ai essayé de répondre au début où j'enregistrais, tout en essayant de tirer le meilleur parti du studio. Ce processus m'a pris beaucoup de temps mais, heureusement, j'avais un groupe très patient, comme les gens qui ont travaillé avec moi.
Mais là, nous avons fait ce disque en trois jours, dans un petit salon, sans overdubs. Maintenant, nous avons cette liberté de travail. Et je salue Toby Scott, mon ingénieur du son depuis des années, depuis The River. Il a fallu qu'il enregistre un groupe de cette taille dans une seule pièce. Et il a très bien compris l'esprit du projet. Pas de micros rapprochés, pas de micros près de la caisse claire, mais beaucoup de micros d'ambiance. Et il a parfaitement capté l'atmosphère de la pièce. Donc, je salue son travail. Mais tout est plus... je ne veux pas dire facile, parce que ce n'est pas censé être facile, mais nous avons plus d'expérience et nous avons pu exprimer nos idées de façon beaucoup plus... C'est moins douloureux ! Le bon côté, c'est que c'est moins douloureux.
Revenons aux Seeger Sessions. Tout le monde sera sensible aux allusions politiques de l'album. Jusqu'à quel point est-ce une déclaration politique ?
Je crois que nous sommes arrivés à un stade aux États-Unis... Quand on regarde aujourd'hui, ne serait-ce que la presse, on voit que le président est au plus bas dans les sondages, ce qui est une bonne chose ! C'est une excellente nouvelle qui annonce, je l'espère, la fin de ses fonctions dans un avenir proche. A mi-mandat, nous allons voter pour renouveler le Congrès et, espérons qu'il change, en mieux. Donc, tout ça fait que... Mais il y a une énorme érosion des valeurs démocratiques fondamentales. Et une des caractéristiques de cette musique est qu'il s'agit de la voix de la démocratie. Les histoires, la vie des personnages évoqués dans les chansons, sont présentées par le biais de la voix. En fait, ma démarche est de me demander "Qu'est-ce qui me fait vibrer ? Qu'est-ce qui m'intéresse là ?". En espérant que mon public suivra et s'y intéressera aussi.
Martin Scorsese a dit un jour "Le travail de l'artiste est de sensibiliser le public à ses obsessions". On peut se dire "Je vais me consacrer pendant un an à tel sujet qui me tient à cœur", mais votre travail est d'amener le public à s'y intéresser. Et si vous faites bien votre boulot, ça marche. Mais j'ai abordé ce projet sans autre point de vue politique que la philosophie qui sous-tend mon travail. Je recherche naturellement ces sujets-là parce que je veux qu'un disque me divertisse, me donne parfois envie de danser, mais qu'il s'adresse aussi à ma conscience politique en abordant ce qui se passe dans ma ville, dans le monde et dans mon pays, actuellement. C'est ce que je trouve satisfaisant et il n'y a pas besoin de faire passer le message de façon appuyée. Il suffit simplement de trouver le ton qui convient. Ce que j'aimerais notamment que ce disque fasse...
Nous avons un peu un rôle d'ambassadeur dans ce que nous faisons, surtout quand nous sommes en tournée hors des États-Unis. Et ces chansons, ces voix, sont celles de la véritable démocratie américaine qui a beaucoup souffert ces six dernières années. Espérons que les choses changent, en mieux et rapidement, car il y a énormément de souffrance aux États-Unis. Donc, cette question me suit, où que j'aille et quoi que je fasse.
En parlant de chanson folk, pensez-vous qu'elles soient de gauche par nature ?
Tout dépend. En réalité, elles sont de tous bords. Prenez par exemple Blind Alfred Reed, l'auteur de How Can A Poor Man Stand Such Times And Live ?, chanson qu'il a écrite durant la Grande Dépression. Si vous prenez son album, il y déplore à la fois les injustices raciales et religieuses de l'époque, mais dans une chanson, il fustige les femmes qui se coiffent à la mode, je crois ! Donc, culturellement, il passe d'une extrême à l'autre. Mais la chanson folk n'a été associée à la gauche que dans un deuxième temps, dans les années 50 et 60, parce que c'était avant tout la musique de la classe ouvrière, c'est de là qu'elle tire ses racines. Donc, il y a une sorte d'osmose naturelle entre les deux. Mais si on regarde bien, il y a aussi du gospel, de la musique profondément religieuse. Donc ce n'est pas aussi... Ce n'est pas une musique unidimensionnelle dans ce sens.
Je crois que nous sommes arrivés à un stade aux États-Unis... Quand on regarde aujourd'hui, ne serait-ce que la presse, on voit que le président est au plus bas dans les sondages, ce qui est une bonne chose ! C'est une excellente nouvelle qui annonce, je l'espère, la fin de ses fonctions dans un avenir proche. A mi-mandat, nous allons voter pour renouveler le Congrès et, espérons qu'il change, en mieux. Donc, tout ça fait que... Mais il y a une énorme érosion des valeurs démocratiques fondamentales. Et une des caractéristiques de cette musique est qu'il s'agit de la voix de la démocratie. Les histoires, la vie des personnages évoqués dans les chansons, sont présentées par le biais de la voix. En fait, ma démarche est de me demander "Qu'est-ce qui me fait vibrer ? Qu'est-ce qui m'intéresse là ?". En espérant que mon public suivra et s'y intéressera aussi.
Martin Scorsese a dit un jour "Le travail de l'artiste est de sensibiliser le public à ses obsessions". On peut se dire "Je vais me consacrer pendant un an à tel sujet qui me tient à cœur", mais votre travail est d'amener le public à s'y intéresser. Et si vous faites bien votre boulot, ça marche. Mais j'ai abordé ce projet sans autre point de vue politique que la philosophie qui sous-tend mon travail. Je recherche naturellement ces sujets-là parce que je veux qu'un disque me divertisse, me donne parfois envie de danser, mais qu'il s'adresse aussi à ma conscience politique en abordant ce qui se passe dans ma ville, dans le monde et dans mon pays, actuellement. C'est ce que je trouve satisfaisant et il n'y a pas besoin de faire passer le message de façon appuyée. Il suffit simplement de trouver le ton qui convient. Ce que j'aimerais notamment que ce disque fasse...
Nous avons un peu un rôle d'ambassadeur dans ce que nous faisons, surtout quand nous sommes en tournée hors des États-Unis. Et ces chansons, ces voix, sont celles de la véritable démocratie américaine qui a beaucoup souffert ces six dernières années. Espérons que les choses changent, en mieux et rapidement, car il y a énormément de souffrance aux États-Unis. Donc, cette question me suit, où que j'aille et quoi que je fasse.
En parlant de chanson folk, pensez-vous qu'elles soient de gauche par nature ?
Tout dépend. En réalité, elles sont de tous bords. Prenez par exemple Blind Alfred Reed, l'auteur de How Can A Poor Man Stand Such Times And Live ?, chanson qu'il a écrite durant la Grande Dépression. Si vous prenez son album, il y déplore à la fois les injustices raciales et religieuses de l'époque, mais dans une chanson, il fustige les femmes qui se coiffent à la mode, je crois ! Donc, culturellement, il passe d'une extrême à l'autre. Mais la chanson folk n'a été associée à la gauche que dans un deuxième temps, dans les années 50 et 60, parce que c'était avant tout la musique de la classe ouvrière, c'est de là qu'elle tire ses racines. Donc, il y a une sorte d'osmose naturelle entre les deux. Mais si on regarde bien, il y a aussi du gospel, de la musique profondément religieuse. Donc ce n'est pas aussi... Ce n'est pas une musique unidimensionnelle dans ce sens.