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La séparation a obligé le groupe à trouver d'autres endroits où aller. Van Zandt a rejoint la mafia avec les Sopranos, sur la chaine HBO, et le batteur Max Weinberg a rejoint Conan O'Brian sur NBC. Mais ils continuent toujours à laisser tomber leur activité pour retourner avec Springsteen.
60 minutes a regardé le groupe effectuer une petite répétition des nouveaux morceaux devant un public de plus ou moins 2000 personnes à Asbury Park. Il y a quelque chose de spécial avec le public de Springsteen: ils connaissent les chansons par cœur, et ressentent en eux les histoires qu'elles racontent. C'était un jour après le 58ème anniversaire de Bruce, et Pelley l'a rejoint immédiatement après le show, complètement trempé.
"Qu'avez-vous appris sur le groupe ce soir ?" lui demande Pelley.
"Nous avons beaucoup moins merdé que ce que j'aurais pensé. La principale chose que vous apprenez ne concerne pas le groupe, car le groupe jouera simplement mieux soir après soir. Vous comprenez ? Mais vous apprenez énormément du set, vous essayez d'intégrer de nouvelles chansons. Vous essayez de mettre en place ce que vous voulez dire. Vous essayez de faire bouger les gens. Vous voyez, qu'ils deviennent fous et qu'ils s'éclatent. En fin de compte, c'est un genre d'expérience extatique en fait" dit Springtseen.
"Ce fut une expérience extatique ?"
"Nous y sommes arrivés par moments, c'est assez bien" dit Springsteen, en souriant. "Et donc, vous essayez d'imaginer, 'ok, maintenant, comment tu fais pour amener tout cela plus haut ? Et comment tu y arrives ?"
"Assez bien pour 58 ans" remarque Pelley.
"Oh ! c'est rien. Je suis toujours un beau mec, avec des muscles taillés au burin, donc... Je crois que je vais continuer pendant un moment", dit Springsteen, en rigolant.
60 minutes a regardé le groupe effectuer une petite répétition des nouveaux morceaux devant un public de plus ou moins 2000 personnes à Asbury Park. Il y a quelque chose de spécial avec le public de Springsteen: ils connaissent les chansons par cœur, et ressentent en eux les histoires qu'elles racontent. C'était un jour après le 58ème anniversaire de Bruce, et Pelley l'a rejoint immédiatement après le show, complètement trempé.
"Qu'avez-vous appris sur le groupe ce soir ?" lui demande Pelley.
"Nous avons beaucoup moins merdé que ce que j'aurais pensé. La principale chose que vous apprenez ne concerne pas le groupe, car le groupe jouera simplement mieux soir après soir. Vous comprenez ? Mais vous apprenez énormément du set, vous essayez d'intégrer de nouvelles chansons. Vous essayez de mettre en place ce que vous voulez dire. Vous essayez de faire bouger les gens. Vous voyez, qu'ils deviennent fous et qu'ils s'éclatent. En fin de compte, c'est un genre d'expérience extatique en fait" dit Springtseen.
"Ce fut une expérience extatique ?"
"Nous y sommes arrivés par moments, c'est assez bien" dit Springsteen, en souriant. "Et donc, vous essayez d'imaginer, 'ok, maintenant, comment tu fais pour amener tout cela plus haut ? Et comment tu y arrives ?"
"Assez bien pour 58 ans" remarque Pelley.
"Oh ! c'est rien. Je suis toujours un beau mec, avec des muscles taillés au burin, donc... Je crois que je vais continuer pendant un moment", dit Springsteen, en rigolant.
La carrière musicale de Springsteen a débuté il y a plus de quatre décennies comme adolescent à Freehold, NJ.
"J'étais probablement un des gosses les plus intelligents de ma classe à cette époque-là. Sauf que personne n'aurait pu le deviner", dit Springsteen, en souriant. "Vous ne l'auriez jamais deviné. Parce qu'à l'endroit où se logeait mon intelligence, ce système particulier ne pouvait la détecter. Et je n'ai jamais su comment l'exploiter jusqu'à ce que la musique apparaisse et m'ouvre, pas seulement au monde de la musique, mais au monde en général, vous comprenez, aux évènements de l'époque. A la relation entre la culture et la société, et ce sont les choses qui m'ont captivé, qui m'ont engagé dans la vie", dit Springsteen. "Elle m'a donné une motivation. Ce que je voulais faire. Qui je voulais être. La façon dont je voulais le faire. Ce que je pensais pouvoir accomplir en chantant des chansons".
"Il n'y a pas que le chant. Pour vous, c'est aussi l'écriture ?" lui demande Pelley.
"Bien sur. Tous les bons écrivains ou réalisateurs ont quelque chose qui les rongent, non ? Dont ils ne peuvent se débarrasser complètement. Et donc, votre job consiste à ce que votre public se sente concerné par vos obsessions" dit Springsteen.
Son obsession récurrente est la vie qu'il a connue en tant qu'enfant, l'âpre relation avec son père ouvrier qui ne pensait pas grand chose du rock'n'roll de son fils.
"C'était un foyer rude, en difficulté. Les gens avaient des difficultés émotionnelles. Les gens avaient des difficultés financières pour pouvoir tenir jusqu'au lendemain" se souvient Springsteen. "Une petite ville. Le monde d'une petite ville vers lequel je continue de retourner. C'est comme si, quand je m'apprête à écrire, j'enfilais les vêtements de mon père. Vous savez, l'immersion dans ce monde-là par l'intermédiaire de mes parents et ma propre expérience en tant qu'enfant et le besoin de raconter une histoire qui lui appartenait en partie. Où peut-être complètement. Je me sens simplement attiré pour faire cela".
"Votre père n'était pas si fier de vous quand vous étiez jeune ?" lui demande Pelley.
"Oh, il l'a été plus tard. Quand je suis rentré chez moi avec l'Oscar et que je l'ai posé sur la table de la cuisine, et il l'a juste regardé et a dit, 'Bruce, je ne dirais plus jamais à personne ce qu'il a à faire'" se souvient Springsteen, en rigolant. "C'était comme, c'était son commentaire. Alors je lui ai dit, 'Oh, d'accord'".
La musique qui a émergé de son éducation ressemblait à une sorte de ballade pour "ouvriers" transformée en rock'n'roll, Elvis rencontre Dylan, si propre à Springsteen. La plupart des nouveaux morceaux sont contestataires. Certains très directs, comme la chanson qui demande "Qui sera le dernier à mourir pour une erreur", mais la plupart subtils, comme Long Walk Home, l'histoire d'un homme qui revient dans sa ville natale typiquement américaine, mais qui ne reconnait plus rien.
"Qu'avez-vous en tête ? Vous écrivez sur quoi ?" lui demande Pelley.
"Je crois que je dirais que, ce que j'essaye de faire, c'est d'établir un lien entre les idéaux américains et la réalité américaine. C'est ainsi que je façonne ma musique. C'est comme si nous avions atteint un point où il semble que nous pensons tellement à nous protéger que nous voulons, pour y arriver, détruire ce qu'il y a de meilleur en nous", dit Springsteen.
Interrogé sur ce qu'il veut dire, Springsteen ajoute à Pelley. "Je crois que nous avons vu des choses se passer aux États-Unis, ces six dernières années, que personne, il me semble, n'aurait jamais pensé qu'elles pourraient un jour se produire. Quand les gens font référence à l'identité américaine, ils ne pensent pas à la torture. Ils ne pensent pas aux écoutes illégales. Ils ne pensent pas aux électeurs rayés des listes. Ils ne pensent pas à l'absence d'habeas corpus (loi constitutionnelle contre la détention arbitraire, ndt). A l'absence de droits pour un avocat... vous voyez. Voici des éléments qui sont anti-Américains".
"Vous savez, je crois que ce disque sera perçu comme anti-guerre. Et vous savez probablement que des personnes qui vont lire ce que vous êtes en train de dire, se diront, 'Bruce Springsteen n'est pas un patriote'", remarque Pelley.
"Et bien, c'est juste dans l'air du temps, vous savez ? C'est la façon de faire de quiconque n'aime pas quelqu'un, vous comprenez, critiquer là où nous en sommes ou là où nous allons", dit Springsteen. "C'est antipatriotique à n'importe quel moment de s'asseoir et de laisser les choses se dérouler, alors qu'elles détruisent l'endroit que vous chérissez le plus. Et qui vous a tant donné. Et auquel vous croyez, auquel je crois encore et que je vois comme une balise d'espoir et de possibilité".
Springsteen se voit lui-même suivre une longue tradition Américaine qui passe par le Vietnam et la Grande Dépression.
"Il y a une partie du chanteur qui replonge dans l'histoire américaine, qui est évidemment le canari dans une mine de charbon. Quand l'obscurité arrive, vous êtes supposés chanter. Et en ce moment, il fait noir", dit Springsteen. "Et donc, je me suis replongé dans Woody Guthrie et Dylan et vers les gens, disons comme Pete Seeger, qui veulent savoir, ou plutôt qui ne veulent pas savoir comment sonne une chanson, qui veulent savoir à quoi elle sert".
"Qu'à-t-on besoin de dire au sujet de ce pays aujourd'hui à votre avis, qu'à-t-on besoin de dire ?" lui demande Pelley.
"Je pense que nous vivons dans une époque où ce qui est vrai peut être présenté comme un mensonge", répond Springsteen. "Et ce qui est faux peut être présenté comme une réalité. Et je crois que la réussite de cette manipulation a caractérisée quelques-unes de nos élections passées. Ce niveau de prétention et d'arrogance nous a plongé dans le foutoir dans lequel nous vivons à présent. Et nous sommes dans un foutoir. Mais si nous subvertissons les meilleures choses que nous sommes au nom de la protection de nos libertés, si nous les supprimons, alors qu'allons-nous devenir, vous comprenez ? Qui sommes-nous, vous voyez ? L'idée américaine est une belle idée. Elle demande à être préservée, servie, protégée et chantée. Chantée fort".
"J'étais probablement un des gosses les plus intelligents de ma classe à cette époque-là. Sauf que personne n'aurait pu le deviner", dit Springsteen, en souriant. "Vous ne l'auriez jamais deviné. Parce qu'à l'endroit où se logeait mon intelligence, ce système particulier ne pouvait la détecter. Et je n'ai jamais su comment l'exploiter jusqu'à ce que la musique apparaisse et m'ouvre, pas seulement au monde de la musique, mais au monde en général, vous comprenez, aux évènements de l'époque. A la relation entre la culture et la société, et ce sont les choses qui m'ont captivé, qui m'ont engagé dans la vie", dit Springsteen. "Elle m'a donné une motivation. Ce que je voulais faire. Qui je voulais être. La façon dont je voulais le faire. Ce que je pensais pouvoir accomplir en chantant des chansons".
"Il n'y a pas que le chant. Pour vous, c'est aussi l'écriture ?" lui demande Pelley.
"Bien sur. Tous les bons écrivains ou réalisateurs ont quelque chose qui les rongent, non ? Dont ils ne peuvent se débarrasser complètement. Et donc, votre job consiste à ce que votre public se sente concerné par vos obsessions" dit Springsteen.
Son obsession récurrente est la vie qu'il a connue en tant qu'enfant, l'âpre relation avec son père ouvrier qui ne pensait pas grand chose du rock'n'roll de son fils.
"C'était un foyer rude, en difficulté. Les gens avaient des difficultés émotionnelles. Les gens avaient des difficultés financières pour pouvoir tenir jusqu'au lendemain" se souvient Springsteen. "Une petite ville. Le monde d'une petite ville vers lequel je continue de retourner. C'est comme si, quand je m'apprête à écrire, j'enfilais les vêtements de mon père. Vous savez, l'immersion dans ce monde-là par l'intermédiaire de mes parents et ma propre expérience en tant qu'enfant et le besoin de raconter une histoire qui lui appartenait en partie. Où peut-être complètement. Je me sens simplement attiré pour faire cela".
"Votre père n'était pas si fier de vous quand vous étiez jeune ?" lui demande Pelley.
"Oh, il l'a été plus tard. Quand je suis rentré chez moi avec l'Oscar et que je l'ai posé sur la table de la cuisine, et il l'a juste regardé et a dit, 'Bruce, je ne dirais plus jamais à personne ce qu'il a à faire'" se souvient Springsteen, en rigolant. "C'était comme, c'était son commentaire. Alors je lui ai dit, 'Oh, d'accord'".
La musique qui a émergé de son éducation ressemblait à une sorte de ballade pour "ouvriers" transformée en rock'n'roll, Elvis rencontre Dylan, si propre à Springsteen. La plupart des nouveaux morceaux sont contestataires. Certains très directs, comme la chanson qui demande "Qui sera le dernier à mourir pour une erreur", mais la plupart subtils, comme Long Walk Home, l'histoire d'un homme qui revient dans sa ville natale typiquement américaine, mais qui ne reconnait plus rien.
"Qu'avez-vous en tête ? Vous écrivez sur quoi ?" lui demande Pelley.
"Je crois que je dirais que, ce que j'essaye de faire, c'est d'établir un lien entre les idéaux américains et la réalité américaine. C'est ainsi que je façonne ma musique. C'est comme si nous avions atteint un point où il semble que nous pensons tellement à nous protéger que nous voulons, pour y arriver, détruire ce qu'il y a de meilleur en nous", dit Springsteen.
Interrogé sur ce qu'il veut dire, Springsteen ajoute à Pelley. "Je crois que nous avons vu des choses se passer aux États-Unis, ces six dernières années, que personne, il me semble, n'aurait jamais pensé qu'elles pourraient un jour se produire. Quand les gens font référence à l'identité américaine, ils ne pensent pas à la torture. Ils ne pensent pas aux écoutes illégales. Ils ne pensent pas aux électeurs rayés des listes. Ils ne pensent pas à l'absence d'habeas corpus (loi constitutionnelle contre la détention arbitraire, ndt). A l'absence de droits pour un avocat... vous voyez. Voici des éléments qui sont anti-Américains".
"Vous savez, je crois que ce disque sera perçu comme anti-guerre. Et vous savez probablement que des personnes qui vont lire ce que vous êtes en train de dire, se diront, 'Bruce Springsteen n'est pas un patriote'", remarque Pelley.
"Et bien, c'est juste dans l'air du temps, vous savez ? C'est la façon de faire de quiconque n'aime pas quelqu'un, vous comprenez, critiquer là où nous en sommes ou là où nous allons", dit Springsteen. "C'est antipatriotique à n'importe quel moment de s'asseoir et de laisser les choses se dérouler, alors qu'elles détruisent l'endroit que vous chérissez le plus. Et qui vous a tant donné. Et auquel vous croyez, auquel je crois encore et que je vois comme une balise d'espoir et de possibilité".
Springsteen se voit lui-même suivre une longue tradition Américaine qui passe par le Vietnam et la Grande Dépression.
"Il y a une partie du chanteur qui replonge dans l'histoire américaine, qui est évidemment le canari dans une mine de charbon. Quand l'obscurité arrive, vous êtes supposés chanter. Et en ce moment, il fait noir", dit Springsteen. "Et donc, je me suis replongé dans Woody Guthrie et Dylan et vers les gens, disons comme Pete Seeger, qui veulent savoir, ou plutôt qui ne veulent pas savoir comment sonne une chanson, qui veulent savoir à quoi elle sert".
"Qu'à-t-on besoin de dire au sujet de ce pays aujourd'hui à votre avis, qu'à-t-on besoin de dire ?" lui demande Pelley.
"Je pense que nous vivons dans une époque où ce qui est vrai peut être présenté comme un mensonge", répond Springsteen. "Et ce qui est faux peut être présenté comme une réalité. Et je crois que la réussite de cette manipulation a caractérisée quelques-unes de nos élections passées. Ce niveau de prétention et d'arrogance nous a plongé dans le foutoir dans lequel nous vivons à présent. Et nous sommes dans un foutoir. Mais si nous subvertissons les meilleures choses que nous sommes au nom de la protection de nos libertés, si nous les supprimons, alors qu'allons-nous devenir, vous comprenez ? Qui sommes-nous, vous voyez ? L'idée américaine est une belle idée. Elle demande à être préservée, servie, protégée et chantée. Chantée fort".
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