Bruce Springsteen
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CBS, 07 octobre 2007

Le silence est antipatriotique



La rock star répond aux critiques qui jugent que son nouvel album anti-guerre est antipatriotique.

avec Scott Pelley
CBS, 07 octobre 2007

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(CBS) Il est difficile de se l'imaginer, mais Bruce Springsteen a eu 58 ans le mois dernier. Le succès qui l'a fait connaitre Born To Run a 32 ans. Alors que les rock stars de son âge se contentent d'aligner les tournées avec leurs plus grands succès, Springsteen a sorti, la semaine dernière, ce qui pourrait devenir son travail le plus controversé en tant qu'auteur.

Même aujourd'hui, Springsteen reste un artiste en mouvement, étant passé des histoires de filles et de voitures aux ballades populaires faisant écho au Dust Bowl de l'époque de Woody Guthrie. Springsteen a tout rassemblé pour sa première tournée avec le E Street Band depuis quatre ans. Comme le rapporte notre correspondant Scott Pelley, il est revenu vers un rock à gorge déployée, et vers un message plus acerbe que jamais, condamnant la guerre en Irak, et se demandant si l'Amérique n'avait pas perdu son chemin en rentrant chez elle.

Springsteen a raconté à 60 minutes que ses concerts étaient à la fois un cirque, une fête, un meeting politique, et une grande tente du renouveau. "Vous êtes le shaman, vous voyez ? Vous êtes le conteur. Vous êtes le magicien. L'idée est que quelque soit le prix du billet, vous êtes censés être là afin d'apporter quelque chose qui n'a pas de prix. Voilà notre job", dit Springsteen.

"Vous devez valoir, à vue de nez, quelque chose comme un peu plus de 100 millions de dollars. Pourquoi continuez-vous les tournées ? Vous n'avez pas besoin de faire ça" remarque Pelley.

"Qu'est-ce que je pourrais faire d'autre ? Vous avez une idée ?" lui demande Springsteen. "Vous avez des suggestions ? Je veux dire, je vais aller jardiner ? Pourquoi voudriez-vous que j'arrête. Je joue de la musique et vous savez bien, les hommes adultes pleurent. Et les femmes dansent. C'est pour cette raison que nous faisons ça".

"C'est bien d'être une rock star" lui dit Pelley.

"Je dirais que oui, c'est bien", lui répond Springsteen. "Mais le fait d'être une rock star, je peux vivre avec. La musique, je ne peux pas vivre sans. Et c'est ainsi que je le conçois, vous comprenez ? J'ai un amour-propre assez important et j'aime l'attention que l'on me montre. Mon fils a un terme, il appelle ça 'attention whore'" (littéralement 'une pute d'attention', terme désignant une personne prête à tout pour attirer l'attention, ndt).

"Mais vous devez ressembler à ces gens-là ou alors pourquoi seriez-vous devant des milliers de gens, à vous trémousser les fesses. Mais, en même temps, quand on y pense, c'est la sensation que ça procure. Je le fais pour la sensation que je ressens quand je le fais... Une façon qui me donne un sens, qui me donne un but" explique Springsteen.

"Certains morceaux de votre nouvel album vont être considérés comme controversés. Expliquez-moi ce qui, à votre avis, doit être dit. Pourquoi écrivez-vous encore ?" lui demande Pelley.

"C'est la façon dont je découvre qui vous êtes, et qui je suis, et puis qui nous sommes. C'est ça qui m'intéresse. Je m'intéresse à ce que cela signifie que d'être Américain" explique Springsteen. "Je m'intéresse à ce que cela signifie que de vivre aux États-Unis. Je m'intéresse au genre de pays dans lequel nous vivons et que nous laissons à nos enfants. Je m'intéresse à essayer de définir ce qu'est notre pays. J'ai l'audace, ou appelez ça comme vous voulez, de croire que si j'écris quelque chose de bien sur ces thèmes, alors la différence va se faire. Et comptera pour quelqu'un".

CBS, 07 octobre 2007
Il revient vers ses amis de presque toujours, dans un de ces groupes de quartier les plus couronnés de succès, le E Street Band, du nom d'une rue où ils avaient l'habitude de répéter. Sa femme depuis 16 ans, Patti Scialfa, joue de la guitare. Ils ont trois adolescents à la maison.

Leurs réunions commencent là où ils se sont rencontrés pour la première fois, à Asbury Park, NJ. Pour un groupe de rock, tout est très planifié: la répétition commence à 9 heures du matin.

Dans le répertoire de Springsteen, on trouve plus de 250 chansons. C'est ce qui rend les répétitions, comme celle que Pelley a observé, si importante. Avant chaque concert, peut-être une heure avant, Springsteen écrit à la main la liste des chansons, et leur ordre. Il la change tous les soirs. Mais, au moins une chanson s'y trouve toujours, si familière pour le groupe, que tout ce qu'il doit écrire sur la liste, c'est 'B-To-R', pour Born To Run.

L'histoire avec Roy Bitan, pianiste et Steve Van Zandt, guitariste du E Street Band, remonte à plus de 30 ans.

"Est-ce qu'ils détestent jouer Born To Run, encore et encore ?"

"C'est marrant ce que vous dites, parce que je regardais quelque chose à la télévision. Et c'était Tony Bennet. Et on lui demandait 'Êtes-vous fatigué de chanter 'I Left My Heart In San Fransisco' ? Et sa réponse a été, 'Cette chanson me donne les clés du monde'", dit Bittan. "Et bien, c'est ça, c'est exactement ça".

"J'imagine que si nous faisons encore quelques tournées, en fait, je finirais par l'apprendre", explique Van Zandt, en souriant. "Vous savez, nous vivons dans l'espoir, non ?"

L'humour peut aider si vous êtes un E Streeter, parce que dans les années 80, Springsteen s'est éloigné d'eux après plus de 15 années passées ensemble. Il voulait jouer avec d'autres musiciens, et quelque fois tout seul.

"Comment la nouvelle a été annoncée ? Est-ce que Bruce a appelé lui-même le groupe ? Racontez-moi", demande Pelley.

"Je crois que Bruce a pris son téléphone et a appelé tout le monde. Et je pense que tous ont été choqués et, j'ai été blessé. Je me suis senti vraiment abandonné" se souvient Bittan.

"Était-ce si dur ? Si douloureux ? Vous dites, 'Écoutez, je continue. Je vous laisse derrière moi' ?", demande Pelley à Springsteen.

"Je ne l'ai pas tout à fait présenté de cette manière", dit Springsteen, souriant.

Interrogé sur la façon dont il a présenté la chose, Springsteen ajoute, en rigolant, "Quelque part je les ai ménagé. En tout cas, j'ai essayé, vous comprenez ? Et, vous savez, chacun ressent les choses à sa manière. Certains étaient furieux ou en colère et, tout à coup, ils comprennent. Je n'allais plus leur faire aucun bien à ce moment-là. Vous comprenez ? Et je pense que ce qui est arrivé, c'est que quelque fois vous devez briser votre propre récit".

"Nous avons tous des histoires à vivre et à se raconter" dit Springsteen dans un sourire. "Et il arrive un moment où le récit doit s'arrêter parce que vous manquez de liberté. Vous manquez d'endroits où aller".


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