Bruce Springsteen
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Suki Lahav

violoniste



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La violoniste du kibboutz de Bruce Springsteen
The Jerusalem Post, 22.10.2007

En écoutant le nouvel album de Bruce Springsteen, Magic - qui se trouve en tête des charts aux États-Unis et d'ores et déjà salué comme un retour aux sources - j'ai commencé à penser à l'époque où Bruce Springsteen jouait véritablement une musique magique.

Le Springsteen débutant, et nous parlons ici d'il y a plus de 30 années en arrière, était l'exubérance absolue - imprévisible, romantique, aventureux et revitalisant.

Les chansons sur ses trois premiers albums étaient peuplées de pasteurs et de numéros de cirque, de bikers, de conducteurs d'autobus et de diseuses de bonne aventure, de fiancées hésitantes et de beautés inaccessibles, de perdants résignés face à la vie active et de héros s'extirpant de la pauvreté et des convenances.

Il avait poli ces chansons dans les petits clubs du New Jersey avant que les fans ne se rendent compte qu'il était particulier, ôtant devant leurs yeux un voile sur des introductions prétendument autobiographiques et décousues, avec en arrière-plan, des rythmes aux palpitations plus fortes, alors que l'improbable saga d'une romance frustrée ou la rébellion intime culminaient, et que la narration instamment murmurée donnait accès à la libération musicale.

Ses spectacles étaient à juste titre légendaires - donnant libre cours pendant trois heures et plus à un théâtre du rock'n'roll, abondant et dégoulinant de sueur.

Et la musique... la musique a dessiné chaque influence - la fragilité classique et la passion de la soul black, le martèlement de la discipline du rock et beaucoup plus d'ailleurs, portée en avant par un groupe de musiciens qui manifestement prenait du plaisir, comme aucun autre groupe auparavant ou depuis, dans la joie pure d'être ensemble sur scène, leur harmonie symbolisée par l'association en leur cœur: à la guitare et aux chants, Bruce, un garçon blanc issu de la classe ouvrière, et au saxophone, Clarence Clemons, un grand noir à ses côtés.

Mais pendant quelques mois, entre la fin 1974 et le début de l'année 1975, il y avait aussi un violon, dans l'obscurité, aux abords, ajoutant une intensité dramatique aux ballades, comme Lost In The Flood, du clairsemé album des débuts, l'épopée de Incident On 57th Street, le drame de la pègre de Jungleland, et la saga du 'prends-ta-chance-avec-moi' alors toujours en gestation qui est devenue Thunder Road.

C'était un violon joué par Suki Lahav, une jeune fille vêtue d'une robe blanche ondulant venue du Kibboutz Ayelet Hashahar, en Galilée Supérieure, venant juste de quitter l'armée, venant juste de se marier.

"Oui, je suis passée de la musique du kibboutz au rock avec Bruce", révèle aujourd'hui Suki Tzruya-Lahav avec ironie, à 32 ans de distance, depuis la Colonie Allemande dans Jérusalem où elle y a depuis élevée ses deux fils, écrit plusieurs livres reconnus, enseigné la création littéraire et écrit des textes pour de nombreux artistes musicaux de premier plan en Israël - Rita et Yehuda Poliker et Gidi Gov et Rami Kleinstein et Ricky Gall et Yehudit Ravitz.

Bien qu'elle se soit cassée une dent le jour où nous nous sommes rencontrés, et malgré des apparences un peu fragiles, la vie après Springsteen a manifestement été épanouissante pour Lahav. Elle dit qu'il lui a fallu beaucoup de temps pour découvrir ce qu'elle voulait vraiment faire: l'écriture. Et elle aime ça.

Récemment, Springsteen a de nouveau fait appel à une violoniste dans son groupe mais Lahav, l'originel, n'a plus jamais touché l'instrument. Jamais. "Ce n'est pas comme un piano, qui un son agréable même si vous ne savez pas vraiment jouer. Mal joué, le violon sonne de manière horrible. Il y a trois ans à Tel-Aviv, on donnait un spectacle avec mes chansons, et j'ai pensé 'Ne serait-ce pas formidable si je reprenais le violon pour jouer sur deux d'entre-elles'. Alors, chez moi je l'ai ressorti, et ce fut affreux. Mon mari a prétendu qu'il dormait. Mon fils aîné, qui est musicien" - un guitariste de jazz - "a dit: 'Vas-y, fonce'. Mon plus jeune fils a dit, 'Stop, c'est douloureux".

La période Springsteen a été un intermède court et extraordinaire il y a longtemps, si longtemps. Mais elle est heureuse d'en parler, se sent incroyablement chanceuse d'en avoir fait partie, et se dit soulagée d'en être sortie avant que Springsteen ne soit devenu "Le Boss" et ne soit reconnu mondialement.

Son premier mari, Louis, se souvient-elle, changeant ses lunettes de soleil contre des lunettes à montures joliment fleuries, était l'ingénieur du son du 914 Sound Studios à Blauvet, New York, prisé par des personnes tels que Blood, Sweat & Tears, Melanie, Janis Ian et Mike Appel, le manager de Springsteen au début des années 70. Bruce et le groupe y ont donc enregistré leur premier album et travaillaient sur le deuxième. "Ils ont travaillé des nuits entières; dans nos vies musicales ils représentaient l'attraction principale. Nous étions tous jeunes. Ce n'était pas la grande star. Pas encore. Simplement un artiste unique".

Springsteen avait engagé un chorale d'enfants d'église pour une chanson intitulée 4th Of July, Asbury Park (Sandy), "mais ils ne sont pas venus. J'étais dans le coin. Et j'avais cette voix haut perchée, claire et pure. C'était donc ma première fois" dit Lahav - chantant, sans être créditée, sur la chanson qui apparait sur le deuxième album, The Wild, The Innoncent & The E Street Shuffle.

Puis Springsteen a décidé qu'il voulait un violoniste sur scène avec lui, pour compléter les guitares, le saxo et les claviers. "Louis m'a envoyé me présenter à l'audition. Il y en avait d'autres. Étonnamment, il m'a choisie". Étonnamment dit-elle de façon désarmante, "Je ne pensais pas que j'étais si douée que ça... Vous devez pratiquer quotidiennement pendant des heures. Je n'ai jamais pratiqué de manière aussi rigoureuse. Mais peut-être", se permet-elle, "peut-être que j'avais quelque chose qui m'appartenait...".

D'autres dans le groupe changeaient également. Elle a passé l'audition en compagnie de Max Weinberg et de Roy Bittan, batteur et pianiste avec Springsteen depuis ce jour. Et à partir de là, s'étalèrent sept merveilleux mois sur la route et en studio avec "Bruce Springsteen et le E Street Band", alors que sa carrière prenait son essor, des petits clubs aux stades, en route pour ce qui deviendrait, quelques mois après le départ de Lahav, un titre de gloire en tant que "futur du rock'n'roll", avec les couvertures simultanées de Time et de Newsweek le 27 octobre 1975.

Peut-être parce que nous nous exprimons en anglais, peut-être parce que tout appartient au passé, ou plus probablement parce que c'était une musicienne classique en marge de l'extase du rock, Lahav n'est pas forcément très clair dans la description de la frénésie qui devait se produire en jouant avec Springsteen dans une des périodes les plus grisantes. "La musique était incroyable", soupire-t-elle. "Les textes étaient si riches; certains des textes les plus beaux jamais écrits n'ont même pas terminé sur un disque". Elle ajoute que "tout le monde savait qu'il allait devenir ce grand artiste. Mais nous étions tous pauvres. Bruce était pauvre. Nous étions tous complètement investis dans ce truc - la musique".

Puis elle me demande, "L'avez-vous vu sur scène ?"

Je lui dit que oui, mais beaucoup plus tard, en 1981, quand les concerts étaient des épopées toujours extravagantes, épuisantes, mais les clubs avaient depuis longtemps cédé la place aux grandes salles et la nouvelle musique était structurée et disciplinée, couplet - couplet - refrain; fin de l'insouciance.

"Mais tout de même" dit-elle, "vous l'avez vu. Vous comprenez donc à quel point il était bon".

QUAND LAHAV, qui parle doucement, quelque fois avec hésitation, et qui possède une grâce légère, explique qu'elle est heureuse de ne pas être restée avec Springsteen dans cette célébrité immense, il est facile de la croire. Elle se rappelle d'un des plus gros concerts - des milliers de personnes dans un stade quelque part à New York (probablement Westbury en février 1975) - et dit que le hurlement de la foule était terrifiant lorsque le groupe est monté sur scène.

"Évidemment, je me suis caché derrière Clarence; me suis appuyée sur lui; il était suffisamment grand pour qu'on puisse se cacher derrière".

En fait, la scène de cette salle pivotait, se souvient-elle avec horreur. "Vous savez, le violon est cet instrument sensible. Je suis en train de jouer et tout à coup, 'whoa, le plancher commence à bouger !".

Cette odyssée a pris fin alors que Born To Run, l'album de la percée, était en train d'être enregistré. Lahav a joué sur Jungleland et a été créditée sur la pochette cette fois-ci. Mais les choses se gâtaient entre Springsteen et le manager Appel, un nouveau manager, Jon Landau, prenait la place, et "nous appartenions véritablement à Mike" dit-elle simplement.

Elle est retournée en Israël peu de temps après, a commencé le reste de sa vie, et se montre plus polie qu'expansive au sujet de la majeure partie de la musique de Springsteen au cours de ces dernières années. "C'est un bel homme", dit-elle de l'ancien leader du groupe qu'elle n'a pas revu depuis 1976 "et il voulait devenir le Boss, pour conquérir le monde". En fait, plutôt que critique, elle ajoute, "Vous ne pouvez conquérir le monde avec la poésie contenue dans la musique des débuts".

Et bien, Dylan l'a fait.

"Dylan était un phénomène. L'époque était propice, et il ne changerait jamais".

Springsteen a simplifié sa musique, reconnait-elle. Les chansons sont devenues plus formelles, moins aventureuses, moins vives, moins sauvages - et récemment, beaucoup plus politiques. "Les artistes changent" dit-elle avec une touche de mélancolie.

Qu'écoute-t-elle maintenant ? "Je suis retournée à ma musique classique" commence-t-elle.

Mais lui arrive-t-il d'écouter les premiers albums de Springsteen sur lesquels elle a joué ?

"Bien sûr", dit-elle avec une joie réelle dans la voix. "Ce n'est pas la chose principale dans ma vie, mais c'est une partie de moi qui ne s'effacera jamais".

David Horovitz

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