Dans l’une des interviews les plus révélatrices de sa carrière, Bruce Springsteen parle en exclusivité à Adam Sweeting de son nouvel album, The Rising, dont une bonne partie a été écrite à la suite du 11 septembre, et qui le réunit avec le E Street Band, pour leur premier album studio depuis Born To Run, il y a 18 ans.
Par Adam Sweeting
Par Adam Sweeting
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Si tout ce que vous avez jamais vu du New Jersey est l’aéroport de Newark et ce que l’on vous montre dans le générique des Sopranos, vous en aurez conclu que c’est une jungle crasseuse d’usines, d’entrepôts et de centres commerciaux, avec au milieu de tout ça des décharges de déchets toxiques. C’est le genre d’endroit où l’on ne compte plus le nombre de cadavres pris dans les étayages de béton soutenant les autoroutes. Mais, depuis Manhattan, continuez en voiture pendant deux heures, et finalement, vous découvrez pourquoi les voitures dans le New Jersey arborent le nom de ''L'État Jardin'' sur leur plaque d’immatriculation. Une fois que les kilomètres de délabrement urbain lugubres ont disparu dans le rétroviseur, il est frappant de voir le paysage s’ouvrir sur des hectares de forêts vallonnées et d’herbe verte luxuriante, avec à l’occasion, un lac de carte postale placé là pour faire joli.
Quelque soit la mythologie qui entoure le New Jersey, Bruce Springsteen en a été un contributeur important. Il est né à Freehold le 23 septembre 1949, à l’intérieur des terres, à quelques kilomètres de la station balnéaire d’Asbury Park, qui allait devenir le laboratoire d'écriture pour ses chansons, et le lieu de naissance du E Street Band. Une de ses premières chansons avait pour titre Garden State Parkway Blues (Le blues de la route panoramique de l’État Jardin, ndt). La dernière sur son nouvel album s’appelle My City Of Ruins (Ma ville de ruines, ndt), et vous pourriez imaginer qu’il s’agit de la ville de New York, à la suite du 11 septembre. En fait, il l’a écrite il y a deux ans pour Asbury Park, une ville délabrée et décrépite, vivant dans l’espoir d’investissement et de nouveaux développements. Asbury Park a maintenant une rue surnommée ''Boss Boulevard'', et la législature du New Jersey avait assez de reconnaissance envers l’un des ses plus célèbres fils pour désigner Born To Run comme l’hymne rock officiel de l’État.
Quelque soit la mythologie qui entoure le New Jersey, Bruce Springsteen en a été un contributeur important. Il est né à Freehold le 23 septembre 1949, à l’intérieur des terres, à quelques kilomètres de la station balnéaire d’Asbury Park, qui allait devenir le laboratoire d'écriture pour ses chansons, et le lieu de naissance du E Street Band. Une de ses premières chansons avait pour titre Garden State Parkway Blues (Le blues de la route panoramique de l’État Jardin, ndt). La dernière sur son nouvel album s’appelle My City Of Ruins (Ma ville de ruines, ndt), et vous pourriez imaginer qu’il s’agit de la ville de New York, à la suite du 11 septembre. En fait, il l’a écrite il y a deux ans pour Asbury Park, une ville délabrée et décrépite, vivant dans l’espoir d’investissement et de nouveaux développements. Asbury Park a maintenant une rue surnommée ''Boss Boulevard'', et la législature du New Jersey avait assez de reconnaissance envers l’un des ses plus célèbres fils pour désigner Born To Run comme l’hymne rock officiel de l’État.
Au début des années 1990, Springsteen et sa famille - composée maintenant de Patti, de deux fils et d'une fille - faisaient la navette entre leur maison du New Jersey et celle de Californie, où les parents de Springsteen étaient partis vivre à la fin des années soixante, mais récemment ils ont une nouvelle fois déplacé leur centre de gravité vers l’Est. La plupart du temps, leur foyer est une ferme à Colts Neck, nichée au milieu du pays des gymkhana, dans une partie rurale du New Jersey, mais près d’Asbury Park et de Freehold. Comme il l’a dit un jour: ''L’endroit dont vous êtes originaire, c’est comme votre famille ou votre meilleur ami”. La plupart des hectares de pâture de la ferme sont cachés de la route par des arbres et des haies, même si les gens du coin peuvent parfois apercevoir M. et Mme Springsteen en train de faire du cheval.
Alors que nous passons le portail et faisons crisser l’allée de gravier qui mène à la maison, Springsteen s’approche sur la pelouse d’un pas nonchalant pour dire bonjour. Vêtu d’une chemise large, d’un jean et de bottes de moto, il ressemble à un gars venu graisser la boite de vitesses du tracteur, plutôt qu'au super-héros du rock du coin. Le soleil est brûlant dans un ciel parfaitement bleu, alors il nous conduit à l’intérieur où la température est contrôlée et le réfrigérateur rempli de boissons fraîches.
“Mon ami, vous êtes en train de vivre ce qu’est un jour d’été classique dans le New Jersey”, annonce-t-il, avec la bonhomie du propriétaire des lieux.
Nous nous installons dans deux fauteuils dans le salon, avec de l’eau minérale et un seau de glace sur la table. La pièce est fraîche et confortable, meublée dans un style rustique du New Jersey, plutôt qu’avec le minimalisme d’un décorateur ou l’aspect chic d’une pièce pleine d’oeuvres d’art.
“Mon ami, vous êtes en train de vivre ce qu’est un jour d’été classique dans le New Jersey”, annonce-t-il, avec la bonhomie du propriétaire des lieux.
Nous nous installons dans deux fauteuils dans le salon, avec de l’eau minérale et un seau de glace sur la table. La pièce est fraîche et confortable, meublée dans un style rustique du New Jersey, plutôt qu’avec le minimalisme d’un décorateur ou l’aspect chic d’une pièce pleine d’oeuvres d’art.
“Pour moi, cet endroit est un vrai sanctuaire depuis des années”, révèle Springsteen. ''Je dirais que nous avons une vie relativement normale dans la mesure du possible, étant donné les circonstances - où tout le monde connaît votre musique et sait qui vous êtes - mais nous pouvons aller à la fête foraine, nous pouvons aller au cirque et personne ne nous embête vraiment. Nous allons sur la promenade du front de mer un samedi soir où c’est plein à craquer, et tout se passe bien. Les gens vous regardent et disent: 'Bonjour, ça va ?', c’est tout à fait faisable sans trop de difficultés, vous savez''.
En tant que citoyen responsable, il est ravi d’être d’astreinte pour aller chercher à l'école les enfants du voisinage et les conduire chez eux ou à des manifestations sportives. Il entraîne l’équipe de baseball de son fils aîné, Evan. Quelquefois pour Halloween, Patti et lui invitent les boy scouts et les girl scouts chez eux. ''Ce sont tout simplement des trucs que nous faisons régulièrement, vous savez''. Il hausse les épaules. ''Il n'y a rien d’exceptionnel''.
En tant que citoyen responsable, il est ravi d’être d’astreinte pour aller chercher à l'école les enfants du voisinage et les conduire chez eux ou à des manifestations sportives. Il entraîne l’équipe de baseball de son fils aîné, Evan. Quelquefois pour Halloween, Patti et lui invitent les boy scouts et les girl scouts chez eux. ''Ce sont tout simplement des trucs que nous faisons régulièrement, vous savez''. Il hausse les épaules. ''Il n'y a rien d’exceptionnel''.
Même pendant la période Born In The USA, quand sa popularité a atteint des dimensions hystériques au milieu des années 80, Springsteen a toujours essayé de garder un pied sur terre. A Los Angeles au plus fort de la Bossmania, il a surpris Tom Petty, une fois, en se rendant à pied dans le magasin Tower Records sur Sunset Boulevard pour faire le plein de quelques nouveaux disques. Il les a même payés en personne.
“Je pense qu’il faut s’efforcer de se comporter comme un être humain”, dit le musicien mature. ''Je comprends les gens qui se sentent très mal à l’aise à un moment donné, avec toute cette notoriété et cette attention. Évidemment, d’une part vous vous montrez et vous êtes demandeur, vous remuez vos fesses devant 20 000 personnes et ce qu’il y a concernant le côté artiste, c’est que les artistes sont narcissiques, ils ne pensent qu’à eux et sont égocentriques et sans limites, jusqu’à un certain point, dans leurs besoins et dans ce qu’ils veulent. Ça fait partie du métier, je crois''.
“Je pense qu’il faut s’efforcer de se comporter comme un être humain”, dit le musicien mature. ''Je comprends les gens qui se sentent très mal à l’aise à un moment donné, avec toute cette notoriété et cette attention. Évidemment, d’une part vous vous montrez et vous êtes demandeur, vous remuez vos fesses devant 20 000 personnes et ce qu’il y a concernant le côté artiste, c’est que les artistes sont narcissiques, ils ne pensent qu’à eux et sont égocentriques et sans limites, jusqu’à un certain point, dans leurs besoins et dans ce qu’ils veulent. Ça fait partie du métier, je crois''.
Cette dernière déclaration déclenche un des ses nombreux éclats de rire rauques. Quand on chatouille le sens du l’humour de Springsteen, il peut de manière surprenante ressembler à Diabolo, le chien de Satanas.
“Alors, la question, c’est: 'Ok, c’est moi, mais comment est-ce que je gère ces choses ? Est-ce que je les gère bien ?' Au final, c’est la mesure de votre capacité à gérer l’ensemble. J’ai rencontré des gens qui, pour une raison ou une autre, sont nerveux à l’idée de sortir, mais tout ce que nous avons toujours fait, c’était du genre: 'Hé, salut mec !', vous voyez ? Je pense que nous avons transmis ça aux personnes qui nous écoutent et ainsi, elles nous donnent un espace raisonnable. Il n’y a vraiment rien d’autre. Vous devez peut-être insister légèrement: 'Je vais faire ça, quoiqu’il arrive' - mais tout particulièrement au cours de ces dix dernières années, quand j’étais moins sous les lumières des projecteurs, c’est très facile et très gérable''
Naturellement, cela implique une certaine dextérité. Il y a un discret cordon de sécurité autour des Springsteen, et personne ne s’approche de la maison sans se soumettre à un rapide coup d’œil des gardiens. La propriété est aussi protégée par un certain nombre de protections électroniques invisibles. Après les récents évènements en Amérique, des précautions s’imposent.
“Alors, la question, c’est: 'Ok, c’est moi, mais comment est-ce que je gère ces choses ? Est-ce que je les gère bien ?' Au final, c’est la mesure de votre capacité à gérer l’ensemble. J’ai rencontré des gens qui, pour une raison ou une autre, sont nerveux à l’idée de sortir, mais tout ce que nous avons toujours fait, c’était du genre: 'Hé, salut mec !', vous voyez ? Je pense que nous avons transmis ça aux personnes qui nous écoutent et ainsi, elles nous donnent un espace raisonnable. Il n’y a vraiment rien d’autre. Vous devez peut-être insister légèrement: 'Je vais faire ça, quoiqu’il arrive' - mais tout particulièrement au cours de ces dix dernières années, quand j’étais moins sous les lumières des projecteurs, c’est très facile et très gérable''
Naturellement, cela implique une certaine dextérité. Il y a un discret cordon de sécurité autour des Springsteen, et personne ne s’approche de la maison sans se soumettre à un rapide coup d’œil des gardiens. La propriété est aussi protégée par un certain nombre de protections électroniques invisibles. Après les récents évènements en Amérique, des précautions s’imposent.
Craint-il un kidnapping ou un acte de terrorisme ?
''Ce sont des choses qui arrivent. Une petite fille a été kidnappée près d’ici, il n’y a pas si longtemps. C’étaient des gens de New York qui venaient d’emménager ici, elle était en train de jouer sur la pelouse, et heureusement, elle a été retrouvée, et c’était quelqu’un de très… paumé qui a fait ça, vous voyez ? Mais ça fait un peu partie du boulot. Il y a un certain niveau de conscience sécuritaire, et je prends plus de précautions qu’un mec ordinaire dès qu’il s’agit de ma famille et des choses de ce genre''.
''Ce sont des choses qui arrivent. Une petite fille a été kidnappée près d’ici, il n’y a pas si longtemps. C’étaient des gens de New York qui venaient d’emménager ici, elle était en train de jouer sur la pelouse, et heureusement, elle a été retrouvée, et c’était quelqu’un de très… paumé qui a fait ça, vous voyez ? Mais ça fait un peu partie du boulot. Il y a un certain niveau de conscience sécuritaire, et je prends plus de précautions qu’un mec ordinaire dès qu’il s’agit de ma famille et des choses de ce genre''.
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La raison pour laquelle Springsteen a autorisé le magazine Uncut à traverser son périmètre, c’est pour parler de son nouvel album, The Rising. Alors dire que le disque parle "exclusivement" des événements du 11 septembre serait une simplification à outrance. Ce qui s’est passé ce jour-là et les secousses secondaires qui en découlent encore ont fortement secoué le processus créatif de Springsteen. Parmi les thèmes de l’album, on trouve la perte, la foi, l’incompréhension, la peur et l’espoir et même des cérémonies où les gens se tiennent tous par la main. Autant que toute autre chose, les chansons reflètent l’effort fourni pour essayer de s’adapter à un monde où les choses que vous pensiez stables et immuables pourraient s’effondrer et révéler un vide violent au-dessous.
“Pour moi, c’est aussi fragile que toute autre période depuis la crise des missiles cubains”, admet Springsteen. ''Je ne sais pas si nous avons connu un moment aussi instable depuis cette époque-là, un moment où nous avons l’impression qu’il existe beaucoup de forces incontrôlées dans ce monde, et qui pourraient partir dans un sens ou dans un autre. Aujourd'hui, nous avons grandement besoin de bons leaders, et je ne suis pas sûr d’en voir ici, alors c’est une époque très, très instable de l’histoire mondiale, sans aucun doute''.
“Pour moi, c’est aussi fragile que toute autre période depuis la crise des missiles cubains”, admet Springsteen. ''Je ne sais pas si nous avons connu un moment aussi instable depuis cette époque-là, un moment où nous avons l’impression qu’il existe beaucoup de forces incontrôlées dans ce monde, et qui pourraient partir dans un sens ou dans un autre. Aujourd'hui, nous avons grandement besoin de bons leaders, et je ne suis pas sûr d’en voir ici, alors c’est une époque très, très instable de l’histoire mondiale, sans aucun doute''.
“Je suis bien sûr inquiet, et je sais que mes enfants ont peur. Ils disent, 'Les terroristes !, Les terroristes'. Ils intègrent ça, et ça fait autant partie du langage de leur enfance que la bombe atomique faisait partie de la nôtre dans les années 50, comme se cacher sous le pupitre pour se protéger, vous savez. Mon fils dit toujours: 'Et s’il y avait un terroriste au cinéma ?'. Il faut que je remonte loin pour me rappeler une époque particulière de l’histoire récente où l’on a ressenti ça''.
La situation périlleuse et irrationnelle de notre planète a eu un effet galvanisant sur ses méthodes de travail. L’homme qui autrefois s’est acharné pendant 5 000 heures de studio interminables pour arriver à terminer Born To Run, et qui a enregistré 60 chansons pour l'album The River pour n'en garder que 20 au final, s’est retrouvé galopant en tête à une allure folle.
La situation périlleuse et irrationnelle de notre planète a eu un effet galvanisant sur ses méthodes de travail. L’homme qui autrefois s’est acharné pendant 5 000 heures de studio interminables pour arriver à terminer Born To Run, et qui a enregistré 60 chansons pour l'album The River pour n'en garder que 20 au final, s’est retrouvé galopant en tête à une allure folle.
“A l’exception d’une ou deux chansons que j’avais déjà, le corps de ce disque a probablement été écrit entre septembre et… nous l'avons fini en mai - environ cinq ou six mois'', se rappelle-t-il. ''L’écriture même des chansons n’a pas pris de temps. Les chansons ont pris forme rapidement et j’avais un système qui permettait d'en faire des démos assez vite, parce que j’avais un studio installé - une pièce comme celle-ci, un salon - ce qui m’a permis de voir si les chansons étaient bonnes ou pas. Cela m’a vraiment aidé à éliminer beaucoup des différentes idées que j’avais. Mais les chansons ont été écrites rapidement''.
Pour les inconditionnels du Boss, la grande nouvelle c’est que The Rising est le premier album studio qu’il a fait avec le E Street Band depuis Born In The USA en 1984, bien que des E Streeters aient collaboré à Tunnel Of Love en 1987. A l’exception de deux ou trois occasions isolées, le groupe et le Boss n’ont pas joué ensemble entre la fin 1988 et le printemps 1999, à l'exception des retrouvailles du Live In New York City de l’année dernière. Après une séparation aussi prolongée, Springsteen savait qu’ils allaient devoir aller un peu plus loin qu’au moment de leur séparation. Là où l’album live, The Ghost Of Tom Joad (1995) et Tracks, l’archive phénoménale de 1998, étaient pour tous le résultat de la collaboration du duo formé par Springsteen et Chuck Plotkin, son acolyte de toujours en studio, il a ressenti cette fois-ci le besoin d’idées nouvelles et de nouvelles mains à la barre.
Pour les inconditionnels du Boss, la grande nouvelle c’est que The Rising est le premier album studio qu’il a fait avec le E Street Band depuis Born In The USA en 1984, bien que des E Streeters aient collaboré à Tunnel Of Love en 1987. A l’exception de deux ou trois occasions isolées, le groupe et le Boss n’ont pas joué ensemble entre la fin 1988 et le printemps 1999, à l'exception des retrouvailles du Live In New York City de l’année dernière. Après une séparation aussi prolongée, Springsteen savait qu’ils allaient devoir aller un peu plus loin qu’au moment de leur séparation. Là où l’album live, The Ghost Of Tom Joad (1995) et Tracks, l’archive phénoménale de 1998, étaient pour tous le résultat de la collaboration du duo formé par Springsteen et Chuck Plotkin, son acolyte de toujours en studio, il a ressenti cette fois-ci le besoin d’idées nouvelles et de nouvelles mains à la barre.
C’est là qu’entre en scène Brendan O’Brien, dont les talents de production et de mixage ont fait de lui le ''gourou du moment'' pour un tas de groupes de hard rock tranchant, de Pearl Jam et Soundgarden à Korn, Limp Bizkit, Rage Against The Machine et les Stone Temple Pilots. Sans parler d’artistes plus établis tels que Bob Dylan, Aerosmith et Mick Jagger.
“J’avais entendu les disques de Brendan au milieu des années 1990'', dit Springsteen, ''et c’étaient des disques de rock puissants tout simplement, vous savez, comme ceux de Pearl Jam. J’ai pensé que ces disques étaient vraiment bons. J’envisageais de travailler avec quelqu’un d’autre depuis probablement cinq ou six ans. Après la tournée, j’avais enregistré avec le E Street Band pendant deux ou trois week-ends en studio. Tout le monde jouait bien mais j’avais le sentiment que ce n’était pas exactement ce qu’on allait attendre de moi, si un jour je devais refaire un disque avec le groupe. J’avais le sentiment qu’il fallait que ce soit du même niveau que le travail passé, que nous avions accompli ensemble, et je savais que je ne savais pas comment y parvenir''.
“J’avais entendu les disques de Brendan au milieu des années 1990'', dit Springsteen, ''et c’étaient des disques de rock puissants tout simplement, vous savez, comme ceux de Pearl Jam. J’ai pensé que ces disques étaient vraiment bons. J’envisageais de travailler avec quelqu’un d’autre depuis probablement cinq ou six ans. Après la tournée, j’avais enregistré avec le E Street Band pendant deux ou trois week-ends en studio. Tout le monde jouait bien mais j’avais le sentiment que ce n’était pas exactement ce qu’on allait attendre de moi, si un jour je devais refaire un disque avec le groupe. J’avais le sentiment qu’il fallait que ce soit du même niveau que le travail passé, que nous avions accompli ensemble, et je savais que je ne savais pas comment y parvenir''.
Bruce a réfléchi au problème avec son manager et parfois co-producteur Jon Landau, qui avait lui aussi le sentiment de n’être pas assez compétent en techniques de studio actuelles pour s’installer à nouveau dans le fauteuil de producteur.
''Nous étions simplement arrivés à un point où mes capacités en tant que producteur avaient atteint leurs limites'', admet Springsteen. ''Je n’étais pas assez régulièrement en studio ou je n’enregistrais pas assez de types de musiques différentes. Le son des choses change tous les huit ou dix ans, rien que le son des disques à la radio - le son de la batterie, le traitement de la voix - et c’étaient des choses sur lesquelles je ne savais pas grand chose. J’ai dit que je ne pouvais pas rendre justice au groupe à ce stade-là en le produisant moi-même ou avec Jon. Alors, nous nous sommes dit: 'Rencontrons d’autres personnes'. Nous savions que nous ferions du bon travail seuls s’il le fallait, mais rencontrons d’autres personnes et voyons leurs idées''.
Une rencontre a été arrangée avec O’Brien, et Springsteen a exhumé quelques démos de deux ou trois chansons pas encore enregistrées, notamment Nothing Man et Further On (Up The Road), qui allaient toutes les deux trouver leur chemin pour figurer sur The Rising. Ces deux chansons avaient été écrites avant l’arrivée non souhaitée d’Al Quaïda au-dessus de Manhattan. O’Brien a écouté, il a aimé ce qu’il a entendu et a commencé à imaginer à ce que devrait ressembler un album Springsteen / E Street Band en 2002.
''Nous étions simplement arrivés à un point où mes capacités en tant que producteur avaient atteint leurs limites'', admet Springsteen. ''Je n’étais pas assez régulièrement en studio ou je n’enregistrais pas assez de types de musiques différentes. Le son des choses change tous les huit ou dix ans, rien que le son des disques à la radio - le son de la batterie, le traitement de la voix - et c’étaient des choses sur lesquelles je ne savais pas grand chose. J’ai dit que je ne pouvais pas rendre justice au groupe à ce stade-là en le produisant moi-même ou avec Jon. Alors, nous nous sommes dit: 'Rencontrons d’autres personnes'. Nous savions que nous ferions du bon travail seuls s’il le fallait, mais rencontrons d’autres personnes et voyons leurs idées''.
Une rencontre a été arrangée avec O’Brien, et Springsteen a exhumé quelques démos de deux ou trois chansons pas encore enregistrées, notamment Nothing Man et Further On (Up The Road), qui allaient toutes les deux trouver leur chemin pour figurer sur The Rising. Ces deux chansons avaient été écrites avant l’arrivée non souhaitée d’Al Quaïda au-dessus de Manhattan. O’Brien a écouté, il a aimé ce qu’il a entendu et a commencé à imaginer à ce que devrait ressembler un album Springsteen / E Street Band en 2002.
“En fait, nous en avons simplement conclu: 'On voudrait enregistrer de bonnes chansons et on voudrait que ce soit passionnant', dit Springsteen, ''et en gros, il a dit: 'Oui'. Il a dit: 'J’ai un studio dans le Sud (Atlanta) et j’aime travailler là-bas, mais je peux travailler n’importe où'. Alors j’ai dit: 'Travaillons là où tu travailles et où tu te sens à l’aise'. Nous avons fixé une date. Il est revenu une autre fois et j’avais fait une démo de Into The Fire. J’en avais fait une petite démo funky à l’époque et j’avais You’re Missing et ensemble nous avons fait une démo et avons travaillé dessus. C’était quelque chose que je n’avais pas fait depuis longtemps, de vraiment travailler en collaboration sur la structure et la création de l’une de mes chansons - j’avais l’habitude de faire tout ça moi-même. Alors, on disait: 'Oh, et ça pour le pont ? Et cet accord ? Et si on déplaçait ça ici ? Et si on attendait ?'. Brendan est lui-même musicien. Il a un grand sens de la musique et il a beaucoup de bonnes idées, alors nous sommes allés dans le sud, en Géorgie, et nous sommes entrés en studio”.
“Je n’avais pas de connaissances pratiques et je n’étais pas doué pour les études, alors j’ai réussi à apprendre ce métier qui me permettait de gagner ma vie. Ça m’a excité''.
“Je n’avais pas de connaissances pratiques et je n’étais pas doué pour les études, alors j’ai réussi à apprendre ce métier qui me permettait de gagner ma vie. Ça m’a excité''.
Avant de pouvoir dire “Rosalita'', les étincelles ont commencé à jaillir sur E Street. ''Nous avons joué Into The Fire, deux ou trois fois. Nous sommes ressortis, nous nous sommes assis, et en l’espace de 20 secondes j’ai réalisé que j’avais trouvé mon homme, vous savez ? Le groupe avait ce son qui le caractérise, mais pas comme je l’avais entendu auparavant, et c’était ce que je cherchais. Je voulais que ce soit du genre: 'Voici ce que nous sommes maintenant', quelque chose que mon public, qui me suit depuis des années, reconnaîtra, et qui semblera également nouveau pour eux. C’était exactement ça, et c’était ce que je cherchais. J’ai dit: 'Aussi longtemps que je pourrai écrire des chansons'… et là, j’en avais deux bonnes. J’en avais aussi écrit deux bonnes pendant la dernière tournée: American Skin et Land Of Hope And Dreams, alors j’ai dit: 'Tu sais, je pense que je peux trouver ma voix rock'. Pendant un instant, je n’étais pas sûr de pouvoir retrouver cette voix parce que je savais que je ne voulais pas que ce soit la voix sortie de Born In The USA, qui était vraiment la dernière fois où j’avais chanté ainsi”.
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Alors que les séances progressaient, et qu’ils commençaient à se sentir chez eux dans les studios de Southern Tracks Recording à Atlanta, Springsteen s’est rendu compte qu’il n’avait pas réellement besoin de s’inquiéter. Les chansons qu’il écrivait arrivaient avec leurs propres instructions sur la manière d’être jouées et arrangées. Dans cette étrange atmosphère de traumatisme et de désorientation post-11 septembre, il s’est quasiment retrouvé comme le destinataire de messages provenant de son propre subconscient ou des perturbations de l’éther collectif.
“Je pense que dès la seconde ou la troisième semaine de septembre, j’avais écrit Into The Fire pour un téléthon (America: A Tribute To Heroes), organisé ici aux États-Unis, après le 11 septembre, et j’allais la chanter pour ce téléthon, mais à la place, j’ai chanté une chanson qui s’appelle My City Of Ruins. Puis, j’ai écrit You’re Missing, et après, je me suis réveillé une nuit et j’avais cette chanson, The Fuse et alors tout à coup, vous avez des éléments de l’histoire que vous êtes obligé de raconter à un moment donné. Que l’on vous demande de raconter, en quelque sorte. Puis, vous la regardez, et vous l’écoutez, et elle commence à dire, vous savez, qu’il y a simplement une large gamme d’éléments affectifs qui font que la chanson est profonde et achevée, et les chansons se présentent d’elles-mêmes, en quelque sorte, et de cette manière''.
“Ce n’est pas nécessairement linéaire et ce n’est pas nécessairement directement littéral - en fait, on espère que ce ne sera pas réellement littéral. C’était quelque chose que j’essayais de ne pas faire. Je voulais me sentir dans ce contexte émotionnellement, mais pas de manière directement littérale, même si sur quelques chansons j’allais être plus littéral que sur d’autres. D’une certaine façon, ces chansons ont ancré le thème du disque, ainsi lorsque vous passez aux autres, vous commencez à les étudier et à vérifier les couplets et vous réalisez que c’est une partie d'un tout. C'est ainsi que ça s'est plutôt développé, très instinctivement. Ce n’est pas une chose sur laquelle j’ai beaucoup cogité".
“Je pense que dès la seconde ou la troisième semaine de septembre, j’avais écrit Into The Fire pour un téléthon (America: A Tribute To Heroes), organisé ici aux États-Unis, après le 11 septembre, et j’allais la chanter pour ce téléthon, mais à la place, j’ai chanté une chanson qui s’appelle My City Of Ruins. Puis, j’ai écrit You’re Missing, et après, je me suis réveillé une nuit et j’avais cette chanson, The Fuse et alors tout à coup, vous avez des éléments de l’histoire que vous êtes obligé de raconter à un moment donné. Que l’on vous demande de raconter, en quelque sorte. Puis, vous la regardez, et vous l’écoutez, et elle commence à dire, vous savez, qu’il y a simplement une large gamme d’éléments affectifs qui font que la chanson est profonde et achevée, et les chansons se présentent d’elles-mêmes, en quelque sorte, et de cette manière''.
“Ce n’est pas nécessairement linéaire et ce n’est pas nécessairement directement littéral - en fait, on espère que ce ne sera pas réellement littéral. C’était quelque chose que j’essayais de ne pas faire. Je voulais me sentir dans ce contexte émotionnellement, mais pas de manière directement littérale, même si sur quelques chansons j’allais être plus littéral que sur d’autres. D’une certaine façon, ces chansons ont ancré le thème du disque, ainsi lorsque vous passez aux autres, vous commencez à les étudier et à vérifier les couplets et vous réalisez que c’est une partie d'un tout. C'est ainsi que ça s'est plutôt développé, très instinctivement. Ce n’est pas une chose sur laquelle j’ai beaucoup cogité".
En d’autres termes, c’était l’opposé des chansons de l’album The Ghost of Tom Joad, qui étaient des longues narrations évolutives, assemblées avec minutie, à partir de détails infimes et d’une étude de caractères d’une grande précision. La seule chanson, parmi les nouvelles, vaguement de cette veine est Nothing Man, visiblement le tableau d’un personnage d’une petite ville qui devient un héros local après un acte d’héroïsme non précisé.
“C’est vrai, et celle-là je l’ai écrite en 1994'', dit Springsteen en hochant la tête. ''Cet album est diamétralement opposé en ce qui concerne les paroles. Il y a des détails, mais c’était une forme d’écriture différente de ce que j’ai fait depuis un bon moment. C’était simplement une écriture de chansons rock ou une écriture de chansons pop, vous voyez ? J’essayais de trouver un moyen de raconter une histoire dans ce contexte. Une des choses que j’ai apprises lors de quelques-uns de mes premiers albums où j’essayais d’enregistrer le groupe… Par exemple sur Nebraska, dès que le groupe jouait ces chansons, il supplantait les paroles. Ça ne fonctionnait pas. Ces deux formes n’allaient pas ensemble. Le groupe arrive et, généralement, fait du bruit, et les paroles exigeaient du silence, vous comprenez ? Ils font des arrangements, et les paroles exigeaient moins d’arrangements. Les paroles voulaient être au centre, et il y avait une quantité minimale de musique. La musique était absolument nécessaire, mais il fallait qu’elle soit minimale, et donc avec The Rising, j’essayais de faire un disque excitant avec le E Street Band comme je n’en avais pas fait depuis longtemps, alors cette forme m’a guidé en quelque sorte''.
“C’est vrai, et celle-là je l’ai écrite en 1994'', dit Springsteen en hochant la tête. ''Cet album est diamétralement opposé en ce qui concerne les paroles. Il y a des détails, mais c’était une forme d’écriture différente de ce que j’ai fait depuis un bon moment. C’était simplement une écriture de chansons rock ou une écriture de chansons pop, vous voyez ? J’essayais de trouver un moyen de raconter une histoire dans ce contexte. Une des choses que j’ai apprises lors de quelques-uns de mes premiers albums où j’essayais d’enregistrer le groupe… Par exemple sur Nebraska, dès que le groupe jouait ces chansons, il supplantait les paroles. Ça ne fonctionnait pas. Ces deux formes n’allaient pas ensemble. Le groupe arrive et, généralement, fait du bruit, et les paroles exigeaient du silence, vous comprenez ? Ils font des arrangements, et les paroles exigeaient moins d’arrangements. Les paroles voulaient être au centre, et il y avait une quantité minimale de musique. La musique était absolument nécessaire, mais il fallait qu’elle soit minimale, et donc avec The Rising, j’essayais de faire un disque excitant avec le E Street Band comme je n’en avais pas fait depuis longtemps, alors cette forme m’a guidé en quelque sorte''.
Avec la présence rassurante d’O’Brien dans la cabine de contrôle, Springsteen s’est senti capable de se concentrer sur l’écriture et l’interprétation. "Brendan avait ce point de vue esthétique indéniable et particulier quand il dit: 'Ouais. Je trouve que ça fonctionne là-dessus, mais ça le fait résonner comme ça', vous voyez ? Nous étions dans une situation où je faisais intensément confiance à son point de vue, et j’avais une grande foi dans la direction qu’il pensait que l’album allait prendre, côté son".
“On a mis les guitares devant, on a mis les claviers à un endroit différent, les choses avaient un son légèrement différent. Nous avons utilisé une variété de boucles et nous avons utilisé beaucoup de sons trouvés différemment - tout ça, pour en quelque sorte, ne pas faire le truc normal que nous avions enregistré par le passé. L’essentiel était que le groupe se sente frais au niveau du son. Il (O’Brien) savait exactement ce qu’il fallait faire, alors je me suis mis en retrait d’une certaine manière et j’ai chanté, joué et écrit les chansons".
“On a mis les guitares devant, on a mis les claviers à un endroit différent, les choses avaient un son légèrement différent. Nous avons utilisé une variété de boucles et nous avons utilisé beaucoup de sons trouvés différemment - tout ça, pour en quelque sorte, ne pas faire le truc normal que nous avions enregistré par le passé. L’essentiel était que le groupe se sente frais au niveau du son. Il (O’Brien) savait exactement ce qu’il fallait faire, alors je me suis mis en retrait d’une certaine manière et j’ai chanté, joué et écrit les chansons".
Bien que parfois Springsteen ait vu sa musique être revendiquée par des hommes politiques des deux bords - Ronald Reagan et son rival démocrate Walter Mondale ont tous les deux essayé de récupérer une partie de son Born In The USA en 1984 - il s’est résolument attaché à l’aspect personnel et particulier. A cette occasion, Springsteen a pris soin de se maintenir, ainsi que son travail, à distance des deux candidats. Dix-huit ans plus tard, il ne se sent pas plus enclin à s’engager politiquement, et au début de cette année il a repoussé les efforts d’un groupe activiste appelé Indépendance pour le New Jersey pour mettre son nom en avant comme candidat au Sénat Américain. Il a cité le général William Tecomseh Sherman, qui refusa la présidence en 1884. "Si je suis désigné, je ne me présenterai pas" a déclaré le Boss en plaisantant. "Si je suis élu, je ne ferai pas mon mandat".
Donc, ses nouvelles chansons parlent d’émotions individuelles et de sujets spirituels, plutôt que de la politique étrangère américaine ou de la désastreuse incompétence du FBI. De plus, il est bien conscient que rien ne se démode plus vite qu’un album prenant forme dans les décombres des informations de la veille. Cependant, il a fait un geste explicite pour regarder bien au-delà des États-Unis avec Worlds Apart, une chanson au goût oriental prononcé grâce à la participation du musicien Pakistanais qawwali Asif Ali Khan et de son groupe. Sous la supervision de Chuck Plotkin, ils ont enregistré leur contribution dans un studio de Los Angeles, relié aux séances d’enregistrement en Géorgie grâce à un lien RNIS (Réseau Numérique à Intégration de Services, ndt).
Donc, ses nouvelles chansons parlent d’émotions individuelles et de sujets spirituels, plutôt que de la politique étrangère américaine ou de la désastreuse incompétence du FBI. De plus, il est bien conscient que rien ne se démode plus vite qu’un album prenant forme dans les décombres des informations de la veille. Cependant, il a fait un geste explicite pour regarder bien au-delà des États-Unis avec Worlds Apart, une chanson au goût oriental prononcé grâce à la participation du musicien Pakistanais qawwali Asif Ali Khan et de son groupe. Sous la supervision de Chuck Plotkin, ils ont enregistré leur contribution dans un studio de Los Angeles, relié aux séances d’enregistrement en Géorgie grâce à un lien RNIS (Réseau Numérique à Intégration de Services, ndt).
“J’avais écrit Worlds Apart et j’ai commencé à m’amuser avec des gammes Moyen-Orientales sur certaines parties en fond", explique Springsteen. "Il se trouvait qu’Asif Ali Khan était en train de faire un disque chez Def Jam (Def Jam Recordings est un label de musique hip-hop, ndt) et ils étaient à Los Angeles. Par la connexion RNIS, nous avons pu avoir une séance d’enregistrement d’un côté du pays à l’autre, et ils ont joué et chanté magnifiquement bien. C’était très excitant d’entendre ce son au milieu d’une chanson de rock. J’essayais de regarder en dehors des États-Unis et de déplacer les frontières du disque d’une certaine façon. Je pense que cette chanson est née lorsque j’ai vu une photo des femmes en Afghanistan, dévoilées, quelques jours après que les Talibans ont été chassés de Kaboul et leurs visages étaient si beaux".
Ne craint-il pas que des commentateurs va-t-en-guerre puissent l’accuser de réconforter l’ennemi ?
"N’importe qui peut dire n’importe quoi", dit-il en faisant un geste de dédain. "Je ne sais pas, rien ne me surprend à ce stade. Les gens interprètent les choses de plein de manières différentes - c’étaient simplement de grands musiciens pakistanais et ils chantaient superbement. Qui sait ? Comme vous dites, les gens réagissent aux choses de toutes les manières possibles, mais je pense que si quelqu’un l’écoute, le résultat est vraiment très bon d’un point de vue musical et c’étaient des gens formidables et des musiciens formidables".
Ne craint-il pas que des commentateurs va-t-en-guerre puissent l’accuser de réconforter l’ennemi ?
"N’importe qui peut dire n’importe quoi", dit-il en faisant un geste de dédain. "Je ne sais pas, rien ne me surprend à ce stade. Les gens interprètent les choses de plein de manières différentes - c’étaient simplement de grands musiciens pakistanais et ils chantaient superbement. Qui sait ? Comme vous dites, les gens réagissent aux choses de toutes les manières possibles, mais je pense que si quelqu’un l’écoute, le résultat est vraiment très bon d’un point de vue musical et c’étaient des gens formidables et des musiciens formidables".
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L’album démarre avec le grondement orageux de Lonesome Day, que Springsteen a conçu comme un lever de rideau et pour planter le décor de ce qui suit. Immédiatement, on entend ce qu’il veut dire quand il parle de l’effet de O’Brien sur le son du groupe. Là où à l’époque on pouvait trouver aux E Streeters une qualité de seconde zone, cette fois-ci les guitares mordent comme des tronçonneuses fendant un tas de bûches de pins, alors que la partie de basse et de batterie est construite comme la Cathédrale Saint-Paul. Et pas un signe de ce gadget-maison favori, le glockenspiel ?
"En fait, il y a du glockenspiel sur l’album”, dit Springsteen l’air triomphant. "Brendan en a joué sur Into The Fire et sur Waitin’ On A Sunny Day. Il disait, 'Je suis en train de faire un disque de Springsteen ! Je vais jouer du glockenspiel !'"
"En fait, il y a du glockenspiel sur l’album”, dit Springsteen l’air triomphant. "Brendan en a joué sur Into The Fire et sur Waitin’ On A Sunny Day. Il disait, 'Je suis en train de faire un disque de Springsteen ! Je vais jouer du glockenspiel !'"
Pour Lonesome Day, cependant, le fidèle glock a été jugé inutile. "Si vous regardez le premier couplet, c’est comme si un mec parlait à sa copine", nous fait remarquer l’auteur. Il chante les paroles doucement, se les passant en accéléré dans sa tête - ("Ma chérie, autrefois je pensais savoir tout ce que j’avais besoin de savoir sur toi… ça va aller si j’arrive simplement à surmonter cette journée solitaire"). Et puis 'Boum !', le second couplet: "L’enfer se prépare, le soleil sombre se lève, bientôt cette tempête balaiera tout". Je suis passé directement de cette chose personnelle à cette forme d’humeur émotionnelle générale et aux sentiments qui étaient dans l’air aux États-Unis, à cette époque. Mais ça fonctionne, parce qu’une chose fonctionne avec l’autre et le second couplet peut aussi enchaîner sur ce qu’on disait dans le premier couplet. Le secret de l’écriture c’était de mettre ce qui est personnel d’abord, et de glisser progressivement vers des sentiments universels. C’est ce qui équilibre les chansons. Toute expérience est personnelle, alors c’est par là qu’il faut commencer, et puis si on peut la relier à ce qui ce passe pour tout le monde, l’universalité d’une expérience, vous créez ensuite cette alchimie où votre public l’écoute, ils entendent ce qu’ils ressentent au fond d’eux-même et ils ont aussi ce sentiment, "Je ne suis pas seul", vous comprenez ? Et c’est ce que vous essayez de faire".
En dépit du contexte agité dans lequel la plupart des chansons ont été écrites, Springsteen ne s’autorise que de manière intermittente des références spécifiques émanant du feu de l’action. You’re Missing est une description précise et malheureuse de la notion de perte, mesurée à l’aide de détails terre à terre de la vie quotidienne ("Des tasses à café sur le comptoir, des vestes sur la chaise / Des journaux sur le seuil de la porte, mais tu n’es pas là"), alors que Into The Fire sonne comme si Springsteen avait eu les pompiers de New York à l’esprit quand il l’a écrite ("J’ai besoin de ton baiser, mais l’amour et le devoir t’ont appelé quelque part plus haut / Quelque part en haut des escaliers, dans le feu"). Further On (Up The Road) et The Fuse sont toutes les deux imprégnées d’effroi et d’un sentiment de menace imminente, bien qu’il n’y ait aucune tentative pour les situer dans une époque ou dans un endroit particuliers. "Je porte le costume de mon enterrement et ma bague avec la tête de mort souriante / Mes bottes de cimetière porte-bonheur et une chanson à chanter", raconte le second couplet de Further On, évoquant l'image du Boss comme une sorte de baladin fantômatique hantant les limites de la conscience. Dans The Fuse, alors qu’un inquiétant battement de batterie marque le temps, le chanteur mélange nerveusement des images de mort, de religion et de sexe.
Reliant de nombreuses chansons les unes aux autres, bien au-delà de tout détail de leur thème, il y a un sens profond de foi religieuse, avec des images religieuses surgissant dans presque chacune d’entre elles. Paradise parle de l’expérience de la vie après la mort, et Allah est même mentionné dans Worlds Apart. The Rising elle-même, probablement l’hymne rock le plus hardi et le plus poignant qu’il ait écrit depuis Born In The USA, représente l’hymne de Pâques personnel de Springsteen, avec la répétition de cette phrase "un rêve de vie" et son invocation finale - "Allez, préparez-vous pour l'ascension / Allez, mettez vos mains dans les miennes / Allez, préparez-vous pour l'ascension, ce soir". J’ai trouvé sur internet une traduction des paroles en italien, et les Italiens l’appellent "La Resurrezione". Puis, il y a My City of Ruins, plus une prière qu’une chanson - "Je prie pour ton amour, Seigneur, avec ces mains…".
Reliant de nombreuses chansons les unes aux autres, bien au-delà de tout détail de leur thème, il y a un sens profond de foi religieuse, avec des images religieuses surgissant dans presque chacune d’entre elles. Paradise parle de l’expérience de la vie après la mort, et Allah est même mentionné dans Worlds Apart. The Rising elle-même, probablement l’hymne rock le plus hardi et le plus poignant qu’il ait écrit depuis Born In The USA, représente l’hymne de Pâques personnel de Springsteen, avec la répétition de cette phrase "un rêve de vie" et son invocation finale - "Allez, préparez-vous pour l'ascension / Allez, mettez vos mains dans les miennes / Allez, préparez-vous pour l'ascension, ce soir". J’ai trouvé sur internet une traduction des paroles en italien, et les Italiens l’appellent "La Resurrezione". Puis, il y a My City of Ruins, plus une prière qu’une chanson - "Je prie pour ton amour, Seigneur, avec ces mains…".
"J’avais My City Of Ruins depuis presque deux ans", explique Springsteen. "J’allais la jouer à Asbury Park pour un concert de Noël. Bien sûr, Asbury connaît des difficultés depuis longtemps, et la ville est maintenant sur le point d’être réaménagée, alors à un moment, il y avait beaucoup d’espoir et d’excitation à ce sujet. C’est une belle ville, son style d’origine est vraiment très joli, c’était donc très excitant. Je jouais au Convention Hall à Asbury ou alors je faisais quelque chose pour des associations locales, et c’est donc à ce moment-là que je l’ai écrite. Puis, quand je l’ai jouée lors du téléthon en faveur des victimes du 11 septembre, les gens l’ont liée à cet événement, mais je l’avais écrite un peu plus tôt. Il me semblait approprié de la chanter ce soir-là, mais je l’avais déjà écrite bien plus tôt".
"C’est un chant gospel. C’est comme beaucoup de mes chansons, telles que The Promised Land ou sur l’album live, il y avait cette chanson qui s’appelle Land Of Hope And Dreams… elles trouvent toutes leur origine dans le gospel, ou dans le blues, ou dans le blues et dans le gospel. Il semblait que cet aspect allait, d’une certaine manière, être un élément important du disque. Je ne me suis pas assis et ai décidé d’écrire ceci ou cela, mais simplement comme les chansons sont venues, comme je le dis, l’histoire qu’on raconte demande certaines choses, et elle demande de l’aide pour trouver un sens à des évènements chaotiques ou cataclysmiques. Je pense que les gens se demandent: 'Quelle est ma place dans tout ça ? Que s’est-il passé ? Où est parti mon mari ? Où est partie ma femme ? Quel est le sens de tout ça ? Que puis-je y faire ? Que dois-je faire maintenant ? Où sont-ils ?'. Je pense que toutes ces questions, si vous traversez une perte qui vous anéantit vraiment, deviennent partie intégrante de votre vie”.
"Je suis sûr, que pour le reste de votre vie, ce sont les questions auxquelles vous répondez tous les jours, et ça ne disparaît jamais complètement. Alors, les auteurs et les conteurs sont en général des personnes qui essaient d’aider les gens à contextualiser une partie de cette expérience. Et sans réellement expliquer, car je n’ai pas d’explication, mais en triant ces choses avec émotion et en identifiant les liens que les gens doivent continuer à tisser, même face aux évènements de ce jour-là. Je pense que je suis parti à la recherche de ces choses-là dans beaucoup des chansons".
"C’est un chant gospel. C’est comme beaucoup de mes chansons, telles que The Promised Land ou sur l’album live, il y avait cette chanson qui s’appelle Land Of Hope And Dreams… elles trouvent toutes leur origine dans le gospel, ou dans le blues, ou dans le blues et dans le gospel. Il semblait que cet aspect allait, d’une certaine manière, être un élément important du disque. Je ne me suis pas assis et ai décidé d’écrire ceci ou cela, mais simplement comme les chansons sont venues, comme je le dis, l’histoire qu’on raconte demande certaines choses, et elle demande de l’aide pour trouver un sens à des évènements chaotiques ou cataclysmiques. Je pense que les gens se demandent: 'Quelle est ma place dans tout ça ? Que s’est-il passé ? Où est parti mon mari ? Où est partie ma femme ? Quel est le sens de tout ça ? Que puis-je y faire ? Que dois-je faire maintenant ? Où sont-ils ?'. Je pense que toutes ces questions, si vous traversez une perte qui vous anéantit vraiment, deviennent partie intégrante de votre vie”.
"Je suis sûr, que pour le reste de votre vie, ce sont les questions auxquelles vous répondez tous les jours, et ça ne disparaît jamais complètement. Alors, les auteurs et les conteurs sont en général des personnes qui essaient d’aider les gens à contextualiser une partie de cette expérience. Et sans réellement expliquer, car je n’ai pas d’explication, mais en triant ces choses avec émotion et en identifiant les liens que les gens doivent continuer à tisser, même face aux évènements de ce jour-là. Je pense que je suis parti à la recherche de ces choses-là dans beaucoup des chansons".
Je me suis demandé ce qu’il s’est passé chez les Springsteen ce mardi-là, alors que les informations défilaient. "Je suis sûr que c’était partout pareil, tout le monde raconte la même histoire jusqu’à un certain point. Assis devant la télévision. Nous habitons à 5 minutes d’un pont que l’on traverse là où se rencontrent ces deux rivières, et là, il y a un pont au milieu duquel on voit les tours jumelles, ce n’est qu’à 15 ou 20 km d’ici par la rivière, donc c’est tout près. Tout l’horizon devient rouge et brumeux si le vent souffle dans cette direction et les tours sont toujours là, et ce jour-là précisément, elles avaient disparu, vous voyez ? Je pense que ce qui était étrange d’habiter ici à ce moment-là c’était… je crois qu’il y a 150 personnes du comté de Monmouth (où il habite) où un peu plus qui sont mortes. Les gens connaissaient des gens. Dans les communautés des environs, il y a eu pas mal de gens touchés. On connaissait cette femme et son mari, le fils de quelqu’un, le frère de quelqu’un".
"Dans les semaines qui ont suivi, si vous conduisiez en direction de la plage ou autre, si vous passiez en voiture près d’une église catholique, il y avait un enterrement tous les jours. Et puis les gens se sont réunis et il y a eu des concerts, des œuvres de bienfaisance, des veillées et les gens ont essayé tout un éventail de choses pour comprendre ce qui s’était passé. Je ne sais pas comment c’était dans le centre du pays, ni sur la Côte Ouest, mais ici, c’était très réel".
"Dans les semaines qui ont suivi, si vous conduisiez en direction de la plage ou autre, si vous passiez en voiture près d’une église catholique, il y avait un enterrement tous les jours. Et puis les gens se sont réunis et il y a eu des concerts, des œuvres de bienfaisance, des veillées et les gens ont essayé tout un éventail de choses pour comprendre ce qui s’était passé. Je ne sais pas comment c’était dans le centre du pays, ni sur la Côte Ouest, mais ici, c’était très réel".
Si jamais il existe une star du rock qui incarne les valeurs de la communauté, qui soit digne de confiance et qui entretienne un dialogue permanent avec son public, c’est Springsteen, alors son groupe et lui ont été heureux de se retrouver dans des projets destinés à remonter le moral.
“Oui, nous avons fait des concerts à Asbury et Redbank, près d’ici, et à deux ou trois endroits dans le coin. Garry Tallent (le bassiste du E Street Band) a organisé deux concerts, c’était amusant. J’ai joué, Joan Jett, DJ Fontana sont venus de Memphis avec Sonny Burgess et il y avait là une grande variété de gens qui sont venus, qui ont joué et qui ont donné un peu d’argent. C’était un concert très intéressant. Et puis, les deux ou trois dernières années, nous avons fait des concerts de Noël à Asbury où je suis accompagné par le groupe de Max Weinberg (le batteur du E Street Band) et beaucoup de membres du E Street Band viennent et nous avons la section cuivres de Southside Johnny et des chanteurs, et nous avons un groupe de 30 personnes sur scène et, nous faisons une sorte de concert de Noël. Cette année, ça en faisait partie. Garland Jeffreys a joué, Elvis Costello est venu chanter une chanson, Bruce Hornsby - c’était très amusant. J’ai rencontré beaucoup des survivants et leurs épouses, ils sont venus et voulaient danser et s’amuser. Ils ont dit, 'Merci, nous avons passé un super bon moment''.
Cet instinct à se retrouver en groupe et à essayer de trouver quelque chose en quoi espérer était l’autre dimension que Springsteen voulait introduire dans le nouvel album. En dépit du caractère sombre du thème, il a réussi à glisser deux ou trois morceaux aussi pop et commerciaux que ce qu’il a déjà écrit. Waitin’ On A Sunny Day est un retour agréable aux classiques de la musique pop dans lesquels Springsteen a baigné durant son enfance, avec une "petite touche de Phil Spector et de Rockpile". Il décrit le morceau Let’s Be Friends comme "une combinaison de Sly Stone et de la musique de plage qu’on trouve en Virginie. Oui, c’est un morceau agréable, c’est comme une chanson pour enfants à chanter à l’unisson. Ce qui fait fonctionner l’ensemble, c’est la chorale de l’Alliance qui chante sur la chanson avec Patti (Scialfa, connue sous le nom de Mme Springsteen) et Soozie Tyrel. Quand le refrain démarre, c’est tout simplement un son très classique".
“Oui, nous avons fait des concerts à Asbury et Redbank, près d’ici, et à deux ou trois endroits dans le coin. Garry Tallent (le bassiste du E Street Band) a organisé deux concerts, c’était amusant. J’ai joué, Joan Jett, DJ Fontana sont venus de Memphis avec Sonny Burgess et il y avait là une grande variété de gens qui sont venus, qui ont joué et qui ont donné un peu d’argent. C’était un concert très intéressant. Et puis, les deux ou trois dernières années, nous avons fait des concerts de Noël à Asbury où je suis accompagné par le groupe de Max Weinberg (le batteur du E Street Band) et beaucoup de membres du E Street Band viennent et nous avons la section cuivres de Southside Johnny et des chanteurs, et nous avons un groupe de 30 personnes sur scène et, nous faisons une sorte de concert de Noël. Cette année, ça en faisait partie. Garland Jeffreys a joué, Elvis Costello est venu chanter une chanson, Bruce Hornsby - c’était très amusant. J’ai rencontré beaucoup des survivants et leurs épouses, ils sont venus et voulaient danser et s’amuser. Ils ont dit, 'Merci, nous avons passé un super bon moment''.
Cet instinct à se retrouver en groupe et à essayer de trouver quelque chose en quoi espérer était l’autre dimension que Springsteen voulait introduire dans le nouvel album. En dépit du caractère sombre du thème, il a réussi à glisser deux ou trois morceaux aussi pop et commerciaux que ce qu’il a déjà écrit. Waitin’ On A Sunny Day est un retour agréable aux classiques de la musique pop dans lesquels Springsteen a baigné durant son enfance, avec une "petite touche de Phil Spector et de Rockpile". Il décrit le morceau Let’s Be Friends comme "une combinaison de Sly Stone et de la musique de plage qu’on trouve en Virginie. Oui, c’est un morceau agréable, c’est comme une chanson pour enfants à chanter à l’unisson. Ce qui fait fonctionner l’ensemble, c’est la chorale de l’Alliance qui chante sur la chanson avec Patti (Scialfa, connue sous le nom de Mme Springsteen) et Soozie Tyrel. Quand le refrain démarre, c’est tout simplement un son très classique".
Parler de la musique, insiste-t-il, n’est pas la même chose que l’entendre. "Je pense que m’écouter fait avancer mes idées sur ce que j’ai mis dans mes chansons mais ce n’est pas la même chose, si je puis dire, que l’expérience de l’écoute", affirme-t-il en riant. "Le groupe joue dur, fort et avec intensité, et la musique elle-même est très entraînante sur la plupart des morceaux. Pour la première fois en 18 ans, j’ai fait un disque avec le E Street Band, je voulais un disque qui soit distrayant pour les gens qui l’écoutent, et excitant, un disque que les gens utiliseraient comme un disque de rock, soit pour faire le ménage chez soi, soit pour changer de vie, vous voyez ? C’était là un élément essentiel. Sans cela, les paroles seules ne fonctionneraient pas. Elles fonctionnent car elles sont intégrées dans une musique qui est très optimiste. Cet équilibre est quelque chose que je pense avoir atteint dans toutes mes meilleures chansons, comme mes couplets qui sont toujours du blues et mes refrains du gospel. Si vous prenez The Promised Land ou Badlands, elles reposent sur l’idée que vous avez les pieds sur terre, ancrés dans la vie de tous les jours, dans le monde réel, mais votre moral est bon".
" Mon idée était que l’album n’élude pas 'toutes les questions difficiles', mais qu’il avait également besoin de faire bouger physiquement ceux qui l’écoutaient. C’est quelque chose que le groupe et moi faisons bien et il fallait que cela fasse partie de l’album",explique-t-il. "Il fallait que le disque soit rempli d’une certaine forme d’énergie, pleine d’espoir, mais l’espoir devait se gagner, vous voyez ? Il ne fallait pas que ce soit simplement des platitudes ou "Tout ira bien" ou "Les choses vont s’arranger". Alors, si vous prenez une chanson comme Mary’s Place - "on va faire la fête", puis vous revenez aux couplets et vous voyez que tout le reste est dans les couplets, quelqu’un qui essaie de comprendre ce qui s’est passé et "Quelle est ma place, et où vais-je ce soir et comment puis-je gérer ceci une minute après l’autre, jour après jour".
" Mon idée était que l’album n’élude pas 'toutes les questions difficiles', mais qu’il avait également besoin de faire bouger physiquement ceux qui l’écoutaient. C’est quelque chose que le groupe et moi faisons bien et il fallait que cela fasse partie de l’album",explique-t-il. "Il fallait que le disque soit rempli d’une certaine forme d’énergie, pleine d’espoir, mais l’espoir devait se gagner, vous voyez ? Il ne fallait pas que ce soit simplement des platitudes ou "Tout ira bien" ou "Les choses vont s’arranger". Alors, si vous prenez une chanson comme Mary’s Place - "on va faire la fête", puis vous revenez aux couplets et vous voyez que tout le reste est dans les couplets, quelqu’un qui essaie de comprendre ce qui s’est passé et "Quelle est ma place, et où vais-je ce soir et comment puis-je gérer ceci une minute après l’autre, jour après jour".
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C’est dans Mary’s Place que l’esprit "groupe de bars" du E Street Band ressort le plus nettement sur l’album, mais la chanson reconnaît que des décennies ont passé depuis l’époque plus tapageuse et moins encline à l’introspection de Where The Bands Are ou de Out In The Street. Elle résonne comme une célébration, mais n’est pas très éloignée d’une prise de conscience, non plus.
"Je pense que c’est ce que vous avez vu à ce moment-là, les gens essayaient d'accomplir cet effort de faire la fête, et c'était utile", dit Springsteen. "L'idée derrière cette chanson était de capturer cet esprit. Je voulais vraiment qu'on s'y sente comme à la maison. C'est presque un retour à Rosalita, et je voulais que le groupe soit comme les gens se le rappelaient à une certaine époque où je chantais d’une certaine façon. Cette chanson se trouve dans le troisième quart du disque, juste après The Fuse, qui est, pour nous, très différent au niveau du son, et tout d’un coup, les gens ressentiraient que ce sont vos propres amis qui vous entourent ainsi de leurs bras et vous avez un endroit où aller, quelqu’un avec qui parler et passer du temps. C’est, plus ou moins, le rôle que notre groupe a joué pour les gens et ce que nous avons voulu être pour les gens au fil des années. La chanson arrive à un moment particulier sur le disque, c’est ce sentiment que vous ressentez quand vous rentrez chez vous et qu’on vous ouvre les bras".
"Je pense que c’est ce que vous avez vu à ce moment-là, les gens essayaient d'accomplir cet effort de faire la fête, et c'était utile", dit Springsteen. "L'idée derrière cette chanson était de capturer cet esprit. Je voulais vraiment qu'on s'y sente comme à la maison. C'est presque un retour à Rosalita, et je voulais que le groupe soit comme les gens se le rappelaient à une certaine époque où je chantais d’une certaine façon. Cette chanson se trouve dans le troisième quart du disque, juste après The Fuse, qui est, pour nous, très différent au niveau du son, et tout d’un coup, les gens ressentiraient que ce sont vos propres amis qui vous entourent ainsi de leurs bras et vous avez un endroit où aller, quelqu’un avec qui parler et passer du temps. C’est, plus ou moins, le rôle que notre groupe a joué pour les gens et ce que nous avons voulu être pour les gens au fil des années. La chanson arrive à un moment particulier sur le disque, c’est ce sentiment que vous ressentez quand vous rentrez chez vous et qu’on vous ouvre les bras".
La partie du public qui aime tout analyser peut trouver intéressant de considérer ce morceau comme une nouvelle chanson de Springsteen sur "Mary". Depuis Mary Queen Of Arkansas, sur son premier album, Greetings From Asbury Park, NJ, les Mary - ou est-ce simplement Mary ? - sont apparues de manière régulière, au fil des années. Dans Thunder Road, c’est Mary qui "danse sous le porche tandis que la radio joue", alors que le narrateur "a mis Mary enceinte" dans The River. Elle revient encore dans Straight Time sur The Ghost Of Tom Joad, - "Mary sourit, mais elle me regarde du coin de l’œil". Le moment serait-il venu pour une thèse de doctorat sur "Le nom de Mary dans l’œuvre de Bruce Springsteen", peut-être ?
Alors, Bruce, qui est-elle cette fois-ci ? Est-ce la Mary de Thunder Road ? La Vierge Marie ?
"Oui, j’ai utilisé ce nom de nombreuses fois", dit-il en souriant. "Je suis sûr que c’est le catholique qui ressort chez moi, vous savez ? Ça a toujours été le plus beau des prénoms. Je l’ai utilisé dans Thunder Road, je l’ai utilisé dans l’album Tom Joad, et ce qui arrive si vous établissez une forme de continuité… Ce n’est pas forcément la même personne, et il y a un petit continuum qui s’opère pour les gens qui regardent ou qui écoutent. Le nom se glisse à travers mon œuvre et laisse sa propre trace par rapport aux lieux où vous êtes allé et où vous allez. Le prénom apparaît dans Mary’s Place et vraiment, vous avez raison, c’est comme du style, 'Bon, où se passe la fête ?'. Elle pourrait être ici ou là et, en fait, qui dit réellement, "Retrouve-moi chez Mary" ? Ça en fait partie aussi. A qui est cette voix ?
Elle apparaît à nouveau, à la fin de The Rising, "Je te vois Mary, dans le jardin aux mille soupirs". Une fois de plus, c’est comme la femme de quelqu’un, ou elle pourrait être une vision religieuse. Je pense que les chansons incitent à brouiller ces idées. D’une certaine façon, elles devaient combiner le religieux avec le quotidien, parce qu'il me semble que c’est l’une des seules réponses émotionnelles à cette expérience. Alors, cela flotte à travers le disque de nombreuses manières".
Ce sont des problèmes épineux à traiter sur un album rock, et Springsteen a mis ses observations les plus sombres dans la chanson titre. Par-dessus les explosions rugissantes du son du nouvel E Street Band façon O’Brien, les paroles sont en partie une mantra, en partie une prière, en partie une contemplation mystique et en partie un regard horrifié.
Alors, Bruce, qui est-elle cette fois-ci ? Est-ce la Mary de Thunder Road ? La Vierge Marie ?
"Oui, j’ai utilisé ce nom de nombreuses fois", dit-il en souriant. "Je suis sûr que c’est le catholique qui ressort chez moi, vous savez ? Ça a toujours été le plus beau des prénoms. Je l’ai utilisé dans Thunder Road, je l’ai utilisé dans l’album Tom Joad, et ce qui arrive si vous établissez une forme de continuité… Ce n’est pas forcément la même personne, et il y a un petit continuum qui s’opère pour les gens qui regardent ou qui écoutent. Le nom se glisse à travers mon œuvre et laisse sa propre trace par rapport aux lieux où vous êtes allé et où vous allez. Le prénom apparaît dans Mary’s Place et vraiment, vous avez raison, c’est comme du style, 'Bon, où se passe la fête ?'. Elle pourrait être ici ou là et, en fait, qui dit réellement, "Retrouve-moi chez Mary" ? Ça en fait partie aussi. A qui est cette voix ?
Elle apparaît à nouveau, à la fin de The Rising, "Je te vois Mary, dans le jardin aux mille soupirs". Une fois de plus, c’est comme la femme de quelqu’un, ou elle pourrait être une vision religieuse. Je pense que les chansons incitent à brouiller ces idées. D’une certaine façon, elles devaient combiner le religieux avec le quotidien, parce qu'il me semble que c’est l’une des seules réponses émotionnelles à cette expérience. Alors, cela flotte à travers le disque de nombreuses manières".
Ce sont des problèmes épineux à traiter sur un album rock, et Springsteen a mis ses observations les plus sombres dans la chanson titre. Par-dessus les explosions rugissantes du son du nouvel E Street Band façon O’Brien, les paroles sont en partie une mantra, en partie une prière, en partie une contemplation mystique et en partie un regard horrifié.
"Je pense que c’est une image naturelle du sacrifice", dit-il avec réflexion. "Une fois de plus, en allant vers l’imagerie religieuse pour expliquer certaines expériences quotidiennes. C’est inévitable jusqu’à un certain point, en raison de la nature et du type de sacrifice qui se sont produits. Je suis arrivé vers la fin de ce disque et je pense que je cherchais la voix de quelqu’un qui était mort, et je voulais avoir une voix qui s’adresse aux vivants. Alors, j’ai plus ou moins imaginé le personnage principal… je ne sais pas, qui parle à sa femme. A qui voudriez-vous parler ? A votre femme, et vous penseriez à vos enfants. Et puis, plus généralement à ceux que vous venez d’abandonner, je pense. Les différents couplets avancent lentement vers ce point de rencontre. The Rising, c’était ça, c’était le moment où les âmes s’élèvent".
Sa voix est de plus en plus calme et posée, alors qu’il prend la mesure de son sujet. Le poids de ce dernier commence à peser sur la pièce entière, même sur cette après-midi d’été immaculée. Il fait une pause pour boire de l’eau. Parfois, il reformule ses phrases deux ou trois fois, tandis qu’il cherche la nuance précise pour le sens.
Sa voix est de plus en plus calme et posée, alors qu’il prend la mesure de son sujet. Le poids de ce dernier commence à peser sur la pièce entière, même sur cette après-midi d’été immaculée. Il fait une pause pour boire de l’eau. Parfois, il reformule ses phrases deux ou trois fois, tandis qu’il cherche la nuance précise pour le sens.
"Au début, le premier couplet est assez désorientant et “Où suis-je ?”. Il commence: "Je ne vois rien devant moi / Je ne vois rien arriver par derrière… Je ne ressens rien à part cette chaîne qui me lie" - les liens avec ce que vous choisissez de l’appeler - le devoir, l’amour, la camaraderie, la peur - qui font avancer les gens. La chanson progresse. Le deuxième couplet est simplement l’endroit d’où arrive cette personne: "J'ai quitté la maison ce matin… Portant la croix de ma vocation". En fait, "C’est votre boulot", tout simplement, vous voyez ? C’est celle-là même que vous avez porté tous les jours et aujourd’hui ce sont ses responsabilités et c’est ce qu’elle exige. Le pont musical de la chanson est un moment où je pense que le chanteur prend conscience que sa mortalité est proche, et puis dans le dernier couplet, je l’imagine parler à sa femme ou à une vision religieuse, "Je te vois Mary dans le jardin...". Il me semblait que c’était une des choses auxquelles vous penseriez, et le désir d’un retour à une intimité physique - "Que je sente tes bras autour de moi" - le moi physique. La peur de perdre ce moi physique. "Que je sente ton sang se mêler au mien", le désir de maintenir l’intimité physique".
"Puis, "Un songe de vie m'apparaît / Tel un poisson-chat dansant au bout de ma ligne". C’était une ligne amusante - le poisson-chat m'est venu à l'esprit, parce qu’il m’arrive de pêcher et il y a ce moment où bing !, vous savez, vous êtes suspendu entre la vie et la mort, la vie incroyable et un instant de mort, et je pense vraiment que le reste de la chanson se transforme en cette mantra, "Ciel de noirceur et de chagrin / Ciel d’amour". C’est comme le yin et le yang de ce qui existe simplement. "Ciel de pitié, ciel de peur / Ciel de mémoire et d'ombre / Ciel de désir et de vide / Ciel de plénitude". Je pense que c’est la prise de conscience de ce que nous sommes sur le point de perdre. "Un songe de vie, un songe de vie, un songe de vie" - il se répète encore et encore. Tout est dans la magnitude de ce qu’on laisse derrière nous, de ce qu’on abandonne, et une dernière chance de parler aux gens qui comptent pour vous. Alors, c'est apparu vers la fin du disque. C’était en quelque sorte un rideau qu’on tire sur tout le reste. Je pense que beaucoup des autres chansons allaient dans cette direction".
"Puis, "Un songe de vie m'apparaît / Tel un poisson-chat dansant au bout de ma ligne". C’était une ligne amusante - le poisson-chat m'est venu à l'esprit, parce qu’il m’arrive de pêcher et il y a ce moment où bing !, vous savez, vous êtes suspendu entre la vie et la mort, la vie incroyable et un instant de mort, et je pense vraiment que le reste de la chanson se transforme en cette mantra, "Ciel de noirceur et de chagrin / Ciel d’amour". C’est comme le yin et le yang de ce qui existe simplement. "Ciel de pitié, ciel de peur / Ciel de mémoire et d'ombre / Ciel de désir et de vide / Ciel de plénitude". Je pense que c’est la prise de conscience de ce que nous sommes sur le point de perdre. "Un songe de vie, un songe de vie, un songe de vie" - il se répète encore et encore. Tout est dans la magnitude de ce qu’on laisse derrière nous, de ce qu’on abandonne, et une dernière chance de parler aux gens qui comptent pour vous. Alors, c'est apparu vers la fin du disque. C’était en quelque sorte un rideau qu’on tire sur tout le reste. Je pense que beaucoup des autres chansons allaient dans cette direction".
Le Springsteen barbu et aux cheveux frisés qui fréquentait Madame Marie, la diseuse de bonne aventure sur la promenade en bois d’Asbury Park, n’aurait probablement jamais imaginé qu’il finirait pas écrire sa propre version de la passion selon Saint-Mathieu, mais les racines de ses nouvelles chansons se distinguent nettement de son écriture passée. Sa volonté d’aborder la spiritualité et la métaphysique sera ce qui frappera le public en priorité dans The Rising, mais ce n’est pas un développement surgi de nulle part, par accident.
Il y a 10 ans, l’album Lucky Town se terminait avec Souls Of The Departed et My Beautiful Reward, deux chansons s’intéressant clairement à la vie après la mort. "C’est une prière pour les âmes des disparus / Ceux qui sont partis et ont laissé leur amour avec le cœur brisé", chante-t-il dans la première. Les Sœurs, qui ont été les professeurs du jeune Bruce Frederick Springsteen à l’école Sainte Rose de Lima à Freehold, doivent penser qu’elles ont fait un bon travail en instillant au jeune garçon l’angoisse sacrée et les mystères des rites catholiques.
Il y a 10 ans, l’album Lucky Town se terminait avec Souls Of The Departed et My Beautiful Reward, deux chansons s’intéressant clairement à la vie après la mort. "C’est une prière pour les âmes des disparus / Ceux qui sont partis et ont laissé leur amour avec le cœur brisé", chante-t-il dans la première. Les Sœurs, qui ont été les professeurs du jeune Bruce Frederick Springsteen à l’école Sainte Rose de Lima à Freehold, doivent penser qu’elles ont fait un bon travail en instillant au jeune garçon l’angoisse sacrée et les mystères des rites catholiques.
On peut aussi tracer une ligne nette entre My Beautiful Reward et la nouvelle chanson, Paradise. "Oui, elles partagent quelques-uns de ces mêmes sujets. Ce point de transition entre la vie et la mort. Quand j’ai écrit Paradise, je recherchais quelque chose de vraiment tranquille et je pense que c’était la semaine où cette jeune fille s’est faite sauter avec une bombe. C’était tragique, et le premier couplet m'est ainsi venu en pensant à cette idée, la perte de vie et le faux paradis. Puis, j’ai rencontré une femme qui avait perdu son mari au Pentagone, et elle est venue à Asbury un soir, ils étaient fans de longue date, je crois. Je crois que j’ai pensé à cette femme quand j’ai écrit la chanson, c’est pour cette raison que l’action s’éloigne de la Virginie, car je voulais quelque chose qui se situe en dehors des États-Unis, ce sentiment plus large des conséquences de ce qui se passe dans le monde en dehors des États-Unis. Encore une fois, j’ai pensé: 'Qu’est-ce qui vous manque ?' C’est la présence physique et la capacité de toucher quelqu’un qui vous manque".
"Des gens proches de moi sont morts. Je me souviens que lorsque j’étais jeune, ce besoin de vouloir toucher la personne encore une fois était très, très fort, et c’était très douloureux de réaliser que ça n’arriverait plus. Et le dernier couplet est celui du survivant, où je pense que le désir de rejoindre les gens que l’on a perdus est très fort. Vous avez cette situation où la personne se rend à la rivière, c’est la rivière de la transition entre la vie et la mort et ils pénètrent dans l’eau et ils s’immergent".
"Quelque part dans ce monde des ténèbres, ils voient la personne et c’est ce qu’on trouve dans le dernier vers, ils sont à la recherche d’une paisibilité que les gens imaginent venir avec la mort et le trépas, ou avec une version imaginaire du paradis que vous atteindrez, et ils s’en approchent assez près et ils ne voient que du vide. Les gens peuvent l’interpréter de nombreuses manières. J’ai toujours eu l’impression que c’était, 'Hé, la vie est ici'. C’est tout ce que vous avez et c’est ici et maintenant".
"Dans les deux derniers vers, le personnage nage vers la surface de l’eau et sent le soleil sur sa peau. C’était ma dernière chanson du disque".
"Des gens proches de moi sont morts. Je me souviens que lorsque j’étais jeune, ce besoin de vouloir toucher la personne encore une fois était très, très fort, et c’était très douloureux de réaliser que ça n’arriverait plus. Et le dernier couplet est celui du survivant, où je pense que le désir de rejoindre les gens que l’on a perdus est très fort. Vous avez cette situation où la personne se rend à la rivière, c’est la rivière de la transition entre la vie et la mort et ils pénètrent dans l’eau et ils s’immergent".
"Quelque part dans ce monde des ténèbres, ils voient la personne et c’est ce qu’on trouve dans le dernier vers, ils sont à la recherche d’une paisibilité que les gens imaginent venir avec la mort et le trépas, ou avec une version imaginaire du paradis que vous atteindrez, et ils s’en approchent assez près et ils ne voient que du vide. Les gens peuvent l’interpréter de nombreuses manières. J’ai toujours eu l’impression que c’était, 'Hé, la vie est ici'. C’est tout ce que vous avez et c’est ici et maintenant".
"Dans les deux derniers vers, le personnage nage vers la surface de l’eau et sent le soleil sur sa peau. C’était ma dernière chanson du disque".
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Une des marques de fabrique de la carrière de Springsteen a été sa manière d’avancer à pas prudents et logiques. S’il a traversé des moments de chaos et de dépression dans sa vie, il a pris soin de le faire loin des micros et hors d’atteinte des paparazzi. Son outil créatif le plus perspicace est d’utiliser sa propre vie comme matière première pour son œuvre, ainsi, tandis qu’il évolue progressivement au fil des années, ses chansons en font de même. Il est en évolution, plutôt qu’en révolution, et s’il semble parfois avoir été paralysé par une prudence excessive, cette approche lui a permis d’éviter de devenir un bouffon se pavanant à la manière d’un Rod Stewart, d’un Mick Jagger, ou même d’un George Michael.
Donc, malgré les circonstances qui ont immédiatement précédé leur composition, Springsteen est bien conscient que les nouvelles chansons sont "les prolongations d’histoires que j’écris depuis toujours", comme il le dit. "J’écris sur la vie de tous les jours depuis longtemps, et sur une certaine forme de… je ne trouve pas de meilleur mot, d’héroïsme ou de noblesse, dont j’ai le sentiment d’avoir été le témoin quand j’étais enfant, parmi les gens de mon quartier et dans mon foyer. C’était quelque chose qui, me semblait-il, n’avait jamais fait l’objet de chansons à l’époque, quand j’ai commencé à le faire, et c’était exactement ce qui comptait pour moi. Cela semblait réel et c’étaient les choses que j’étais ému de chanter. Nous vivons une époque aux États-Unis où certaines choses se passent, vous savez, et en tant qu’auteur on réagit aux événements quotidiens".
Donc, malgré les circonstances qui ont immédiatement précédé leur composition, Springsteen est bien conscient que les nouvelles chansons sont "les prolongations d’histoires que j’écris depuis toujours", comme il le dit. "J’écris sur la vie de tous les jours depuis longtemps, et sur une certaine forme de… je ne trouve pas de meilleur mot, d’héroïsme ou de noblesse, dont j’ai le sentiment d’avoir été le témoin quand j’étais enfant, parmi les gens de mon quartier et dans mon foyer. C’était quelque chose qui, me semblait-il, n’avait jamais fait l’objet de chansons à l’époque, quand j’ai commencé à le faire, et c’était exactement ce qui comptait pour moi. Cela semblait réel et c’étaient les choses que j’étais ému de chanter. Nous vivons une époque aux États-Unis où certaines choses se passent, vous savez, et en tant qu’auteur on réagit aux événements quotidiens".
"Ce qui s’est passé en septembre dernier était une chose sur laquelle il était naturel d’écrire, et il y avait beaucoup de choses qui étaient évidemment des sources d’inspiration qui se sont passées à l’époque. Vous essayez de contextualiser l’événement pour vous-même. Je pense que c’est là où ça commence. Ça commence quand vous le faites pour vous-même, et puis, au cours du processus, parce que j’ai appris le langage de l’écriture et la musique, j’essaie de communiquer et j’espère le faire pour les autres. Je fais simplement quelque chose qui m’est utile, et puis qui j’espère, d’une certaine manière, sera utile à mon public et lui rendra service".
Il semble incongru que l’immense carrière de Springsteen ait grandi à partir de détails aussi modestes, presque ennuyeux . A la manière dont il l’exprime, on dirait un plombier musical qui vient par là, avec un stylo derrière l’oreille et un bloc-notes, pour s’assurer que vous êtes bien servis sans fuites, ni bouchons. Mais ça a été sa réussite de prendre les vies de gens ordinaires qui ne sont pas des stars du rock et de les explorer jusqu’à en extraire un côté épique.
Les groupes punks avaient l’habitude de dire constamment qu’ils enlevaient les barrières entre le groupe et son public, mais d’une certaine façon, Springsteen a pu convaincre son public, même après avoir rassemblé ce dernier dans des stades de football avec des gens jetant des pétards et meuglant "Broooooce !", que le lien qu’ils pensaient avoir avec lui et avec sa musique était réel. Même après être devenu la plus grande vedette de rock blanche sur terre, il a trouvé le moyen de garder cette relation vivante, que ce soit grâce à de grands gestes bénévoles ou aux tournées d’Amnesty International, ou peut-être, de manière plus parlante, en faisant des apparitions surprises dans des petits clubs et chantant quelques vieilles pépites du rock, simplement parce qu’il en avait envie.
Il semble incongru que l’immense carrière de Springsteen ait grandi à partir de détails aussi modestes, presque ennuyeux . A la manière dont il l’exprime, on dirait un plombier musical qui vient par là, avec un stylo derrière l’oreille et un bloc-notes, pour s’assurer que vous êtes bien servis sans fuites, ni bouchons. Mais ça a été sa réussite de prendre les vies de gens ordinaires qui ne sont pas des stars du rock et de les explorer jusqu’à en extraire un côté épique.
Les groupes punks avaient l’habitude de dire constamment qu’ils enlevaient les barrières entre le groupe et son public, mais d’une certaine façon, Springsteen a pu convaincre son public, même après avoir rassemblé ce dernier dans des stades de football avec des gens jetant des pétards et meuglant "Broooooce !", que le lien qu’ils pensaient avoir avec lui et avec sa musique était réel. Même après être devenu la plus grande vedette de rock blanche sur terre, il a trouvé le moyen de garder cette relation vivante, que ce soit grâce à de grands gestes bénévoles ou aux tournées d’Amnesty International, ou peut-être, de manière plus parlante, en faisant des apparitions surprises dans des petits clubs et chantant quelques vieilles pépites du rock, simplement parce qu’il en avait envie.
D’un naturel conservateur (par caractère plutôt que politiquement) dans un médium qui était, au moins à une certaine époque, associé avec l’anarchie et l’insurrection, Springsteen a toujours été là pour le long terme. Pas du tout le genre de gars qui se consume et disparaît.
"Non, non", insiste-t-il. "Je voulais vivre vieux, très vieux, vous savez ? Je suis heureux que les Who puissent monter sur scène et chanter My Generation maintenant. J’aime voir Marlon Brandon bien vivant. J’ai compris que le culte de la mort faisait toujours partie intégrante du mythe du rock’n’roll, et peut-être parce qu’il y avait toute cette idée qui consiste à être à l’extrême limite et l’idée que la musique, c’était comme la vie et la mort. C’était comme la vie et la mort, c’est encore comme la vie et la mort pour moi, vous savez, mais pour moi et mon groupe, c’était quelque chose que j’ai interprété différemment. Je ne l’ai pas écartée, et elle fait grandement partie de ma musique, mais je l’ai interprétée différemment et, je pense, d'une certaine manière intégrée, comme une partie du travail que je faisais, et fondamentalement, notre histoire a toujours été: 'Hé, écoutez, tout ce que nous avons est là, voyons ce que nous pouvons en faire' ".
Il attribue son éthique du travail et son penchant pour le sacrifice de soi à sa mère, Adèle. Fervente catholique issue d’une famille napolitaine, les Zerilli, Madame Springsteen était une secrétaire travaillant dur et qui porta sur ses épaules la charge de la maison, quand son mari subissait de fréquentes périodes de chômage. Quand Springsteen parle d’elle, son visage s’illumine d’une expression d’émerveillement enfantin.
"Je tiens de ma mère, d’une certaine façon. Sa vie a été marquée par une constance incroyable: le travail, le travail, le travail, tous les jours et j’avais une grande admiration pour ça. J’admirais sa capacité à se présenter. Elle se levait le matin et la salle de bain était près de mon lit, et je l’entendais dans la salle de bain. Le robinet coulait, la trousse à maquillage sortait, les objets cliquetaient sur le lavabo, et j’écoutais, assis, ma mère en train de se préparer pour se présenter au monde. Et puis, ses talons hauts, le son qu’ils faisaient quand elle quittait la maison. J’avais un petit balcon sur lequel je dormais parfois, et j’entendais ses talons remonter la rue en direction du bureau".
"Le bureau était à deux pâtés de maison dans le centre et c’était le son de ma mère allant travailler, vous savez, allant travailler en marchant. Je lui rendais parfois visite au bureau, et il y avait plein d’hommes et de femmes qui semblaient avoir un but. Ils se présentaient d’une certaine manière, et j’ai trouvé beaucoup d’inspiration dans ces simples faits.Ça faisait partie de ce que vous donniez à la ville où vous viviez, et à la société et à votre famille, et ce n’était pas forcément facile à faire. Ma mère avait de jeunes enfants. Nous avions besoin d’un petit-déjeuner, nous avions besoin d’un dîner à la fin de sa journée de travail de 8 heures. Nous avions besoin que quelqu’un nous aide à faire nos devoirs et la journée était sans fin, vous savez, et tout cela était accompli quotidiennement, matin et soir, sans se plaindre. En grandissant, j’ai commencé à considérer ceci comme une chose noble, et j’ai réalisé que beaucoup de ces choses se passaient constamment dans ma petite ville".
"Non, non", insiste-t-il. "Je voulais vivre vieux, très vieux, vous savez ? Je suis heureux que les Who puissent monter sur scène et chanter My Generation maintenant. J’aime voir Marlon Brandon bien vivant. J’ai compris que le culte de la mort faisait toujours partie intégrante du mythe du rock’n’roll, et peut-être parce qu’il y avait toute cette idée qui consiste à être à l’extrême limite et l’idée que la musique, c’était comme la vie et la mort. C’était comme la vie et la mort, c’est encore comme la vie et la mort pour moi, vous savez, mais pour moi et mon groupe, c’était quelque chose que j’ai interprété différemment. Je ne l’ai pas écartée, et elle fait grandement partie de ma musique, mais je l’ai interprétée différemment et, je pense, d'une certaine manière intégrée, comme une partie du travail que je faisais, et fondamentalement, notre histoire a toujours été: 'Hé, écoutez, tout ce que nous avons est là, voyons ce que nous pouvons en faire' ".
Il attribue son éthique du travail et son penchant pour le sacrifice de soi à sa mère, Adèle. Fervente catholique issue d’une famille napolitaine, les Zerilli, Madame Springsteen était une secrétaire travaillant dur et qui porta sur ses épaules la charge de la maison, quand son mari subissait de fréquentes périodes de chômage. Quand Springsteen parle d’elle, son visage s’illumine d’une expression d’émerveillement enfantin.
"Je tiens de ma mère, d’une certaine façon. Sa vie a été marquée par une constance incroyable: le travail, le travail, le travail, tous les jours et j’avais une grande admiration pour ça. J’admirais sa capacité à se présenter. Elle se levait le matin et la salle de bain était près de mon lit, et je l’entendais dans la salle de bain. Le robinet coulait, la trousse à maquillage sortait, les objets cliquetaient sur le lavabo, et j’écoutais, assis, ma mère en train de se préparer pour se présenter au monde. Et puis, ses talons hauts, le son qu’ils faisaient quand elle quittait la maison. J’avais un petit balcon sur lequel je dormais parfois, et j’entendais ses talons remonter la rue en direction du bureau".
"Le bureau était à deux pâtés de maison dans le centre et c’était le son de ma mère allant travailler, vous savez, allant travailler en marchant. Je lui rendais parfois visite au bureau, et il y avait plein d’hommes et de femmes qui semblaient avoir un but. Ils se présentaient d’une certaine manière, et j’ai trouvé beaucoup d’inspiration dans ces simples faits.Ça faisait partie de ce que vous donniez à la ville où vous viviez, et à la société et à votre famille, et ce n’était pas forcément facile à faire. Ma mère avait de jeunes enfants. Nous avions besoin d’un petit-déjeuner, nous avions besoin d’un dîner à la fin de sa journée de travail de 8 heures. Nous avions besoin que quelqu’un nous aide à faire nos devoirs et la journée était sans fin, vous savez, et tout cela était accompli quotidiennement, matin et soir, sans se plaindre. En grandissant, j’ai commencé à considérer ceci comme une chose noble, et j’ai réalisé que beaucoup de ces choses se passaient constamment dans ma petite ville".
Vous aurez deviné que cette représentation d’un vitrail idéalisé d’Adèle Springsteen offrit au moins un modèle aux différentes représentations de Marie chez son fils. Cela a dû surprendre sa mère d’apprendre qu’elle était aussi un exemple pour le E Street Band. "La partie de travail dans ce que nous faisions s’inspirait grandement de ce qu’elle avait fait, et de la manière dont elle s’est comportée chaque jour", insiste Springsteen. "C’était comme si, 'Hé, on ne peut pas être mauvais un soir et bon le soir suivant. On doit être bons tous les soirs'. Quand quelqu’un achète un billet, c’est votre poignée de main, c’est la même histoire, et ils n’ont que ce soir. Ils se fichent que vous soyez bon le soir suivant. Et ce soir, vous savez ? Je pensais que ces choses-là étaient réelles et nous avons pris notre plaisir très au sérieux".
"Nous avons fait des concerts pour faire une grande fête, pour vous faire rire et danser et les membres du groupe faisaient les fous sur scène, mais derrière, il y avait aussi l’idée que vous apportiez une forme de service essentiel. Ces promesses silencieuses se font entre un public et un artiste, que vous les formuliez ou non, elles font partie du dialogue qui va avec ce boulot. Et c’est un dialogue précieux, un métier précieux, une chose précieuse à faire et en plus de cela, on s’amuse bien, la paye est bonne et on passe sa vie à faire un travail satisfaisant. Lors de notre dernière tournées, quelqu’un est venu vers moi et m’a dit: 'Hé, je vous ai vu en 75, lors d’un concert que vous aviez fait dans cette université'. Je me suis dit: 'Pourquoi quelqu’un se souvenait-il un soir de 1975 ?' et je me suis dit: 'Oui, c’était l’idée', j’essayais de rendre cette soirée mémorable".
"J’ai senti que cette constance faisait partie de ce que nous étions, et de ce que je voulais être. Je voulais être quelque chose sur laquelle on pouvait compter, du mieux possible. J’allais avoir mes fiascos, et faire mes bêtises et j’allais probablement faire des choses que vous ne vouliez pas que je fasse, mais fondamentalement, j’allais au moins être là, à rechercher cette route". Il s’interrompt avec un autre éclat de rire Brucien. "Et ça continue".
Mais quand il avait, disons 25 ans, et qu'il était sur le point de faire Born To Run, avait-il une idée claire de la direction qu’il prenait et de la manière dont il évoluerait ? "Eh bien, j’avais eu du succès au niveau local et j’aimais ça. Les filles vous remarquaient. Je m’étais fait un peu d’argent, pas beaucoup, mais je n’en avais pas besoin de beaucoup, et je me tapais un boulot que j’avais envie de faire. Je n’avais pas de compétences pratiques et je n’étais pas bon élève à l’école, alors je suis arrivé à apprendre ce métier qui me maintenait à flot. Ça m’excitait, et je savais que je voulais être musicien".
"Puis, le temps passant, nous avons joué devant beaucoup de gens et les gens ont applaudi. Nous étions plutôt bons. Quand on voyageait, je disais, 'Nous ne sommes pas seulement bons, nous sommes meilleurs que beaucoup de ces autres mecs que je vois' et j’allumais la radio et je disais, 'Et je suis aussi bon que beaucoup de ces mecs qui sont à la radio, alors pourquoi je ne passerais pas à la radio ?' Quoiqu’il en soit, je suis allé à New York et j’ai rencontré Mike Appel (son premier manager), et ça a enclenché la suite des événements qui me conduiraient maintenant à être un musicien qui fait des disques. Après la sortie de mon premier album, je me souviens que Mike m’a appelé et j’ai dit: 'Qu’est-ce que ça donne ?' , il a dit, 'Ça ne donne pas grand chose, on a vendu environ 20 000 disques'. J’ai dit, '20 000 disques ! C’est fabuleux ! Je ne connais pas 20 000 personnes'. Qui achèterait un disque de quelqu’un qu’il ne connaît pas du tout ?".
"Nous avons fait des concerts pour faire une grande fête, pour vous faire rire et danser et les membres du groupe faisaient les fous sur scène, mais derrière, il y avait aussi l’idée que vous apportiez une forme de service essentiel. Ces promesses silencieuses se font entre un public et un artiste, que vous les formuliez ou non, elles font partie du dialogue qui va avec ce boulot. Et c’est un dialogue précieux, un métier précieux, une chose précieuse à faire et en plus de cela, on s’amuse bien, la paye est bonne et on passe sa vie à faire un travail satisfaisant. Lors de notre dernière tournées, quelqu’un est venu vers moi et m’a dit: 'Hé, je vous ai vu en 75, lors d’un concert que vous aviez fait dans cette université'. Je me suis dit: 'Pourquoi quelqu’un se souvenait-il un soir de 1975 ?' et je me suis dit: 'Oui, c’était l’idée', j’essayais de rendre cette soirée mémorable".
"J’ai senti que cette constance faisait partie de ce que nous étions, et de ce que je voulais être. Je voulais être quelque chose sur laquelle on pouvait compter, du mieux possible. J’allais avoir mes fiascos, et faire mes bêtises et j’allais probablement faire des choses que vous ne vouliez pas que je fasse, mais fondamentalement, j’allais au moins être là, à rechercher cette route". Il s’interrompt avec un autre éclat de rire Brucien. "Et ça continue".
Mais quand il avait, disons 25 ans, et qu'il était sur le point de faire Born To Run, avait-il une idée claire de la direction qu’il prenait et de la manière dont il évoluerait ? "Eh bien, j’avais eu du succès au niveau local et j’aimais ça. Les filles vous remarquaient. Je m’étais fait un peu d’argent, pas beaucoup, mais je n’en avais pas besoin de beaucoup, et je me tapais un boulot que j’avais envie de faire. Je n’avais pas de compétences pratiques et je n’étais pas bon élève à l’école, alors je suis arrivé à apprendre ce métier qui me maintenait à flot. Ça m’excitait, et je savais que je voulais être musicien".
"Puis, le temps passant, nous avons joué devant beaucoup de gens et les gens ont applaudi. Nous étions plutôt bons. Quand on voyageait, je disais, 'Nous ne sommes pas seulement bons, nous sommes meilleurs que beaucoup de ces autres mecs que je vois' et j’allumais la radio et je disais, 'Et je suis aussi bon que beaucoup de ces mecs qui sont à la radio, alors pourquoi je ne passerais pas à la radio ?' Quoiqu’il en soit, je suis allé à New York et j’ai rencontré Mike Appel (son premier manager), et ça a enclenché la suite des événements qui me conduiraient maintenant à être un musicien qui fait des disques. Après la sortie de mon premier album, je me souviens que Mike m’a appelé et j’ai dit: 'Qu’est-ce que ça donne ?' , il a dit, 'Ça ne donne pas grand chose, on a vendu environ 20 000 disques'. J’ai dit, '20 000 disques ! C’est fabuleux ! Je ne connais pas 20 000 personnes'. Qui achèterait un disque de quelqu’un qu’il ne connaît pas du tout ?".
Petit à petit, il a compris que le succès qu’il atteindrait dépendrait de ses propres efforts. Il n’avait qu’une idée en tête: réussir.
"Je pense que je voulais être excellent, vous voyez. Je voulais vraiment être aussi bon que possible et je voulais tenir mes promesses auprès des gens qui avaient été mes héros. C’est comme lorsque Reggie Jackson est entré dans le Hall Of Fame du Baseball, il dit, 'C’est formidable d’être là ce jour-là, vous vous fichez que votre nom soit appelé en premier, en deuxième ou en dixième, mais c’est bien qu'à un moment donné, dans très longtemps, quand quelqu’un lira la liste, quelque part il tombera sur ton nom'. Je pense que c’était mon sentiment, "'Bon sang, j’aimerais bien en faire partie d’une manière ou d’une autre' ".
"Quand j’y repense, je voulais simplement jouer de la guitare rythmique. Je ne voulais pas être soliste. On veut juste être dans un groupe et faire partie de cette chose qui progresse, mais quelque part en chemin, elle devient intimement mêlée avec, bien entendu, une ambition folle, et on essaie de faire le meilleur et le plus formidable disque de rock qu’on pourra jamais faire. On essaie d’être le meilleur et votre égo vous pousse d’une façon qui vous permet de survivre et de continuer, et vous garde sur un chemin raisonnable, vous savez ?"
"Je pense que je voulais être excellent, vous voyez. Je voulais vraiment être aussi bon que possible et je voulais tenir mes promesses auprès des gens qui avaient été mes héros. C’est comme lorsque Reggie Jackson est entré dans le Hall Of Fame du Baseball, il dit, 'C’est formidable d’être là ce jour-là, vous vous fichez que votre nom soit appelé en premier, en deuxième ou en dixième, mais c’est bien qu'à un moment donné, dans très longtemps, quand quelqu’un lira la liste, quelque part il tombera sur ton nom'. Je pense que c’était mon sentiment, "'Bon sang, j’aimerais bien en faire partie d’une manière ou d’une autre' ".
"Quand j’y repense, je voulais simplement jouer de la guitare rythmique. Je ne voulais pas être soliste. On veut juste être dans un groupe et faire partie de cette chose qui progresse, mais quelque part en chemin, elle devient intimement mêlée avec, bien entendu, une ambition folle, et on essaie de faire le meilleur et le plus formidable disque de rock qu’on pourra jamais faire. On essaie d’être le meilleur et votre égo vous pousse d’une façon qui vous permet de survivre et de continuer, et vous garde sur un chemin raisonnable, vous savez ?"
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C’est l’arrivée de Jon Landau comme manager qui a permis au potentiel de Springsteen de se changer en résultats posés sur du cuivre et recouverts de platine. Landau a déclaré qu’il avait vu le "futur du rock’n’roll", mais quand il a vu Springsteen, il a su qu’il avait également vu son propre futur. Laissé à lui-même, il est fort possible que Springsteen aurait laissé son cœur gouverner sa tête. Dans le cas de Landau, l’équation était catégoriquement inversée. Faire des affaires avec Landau revient, paraît-il, à plonger sa tête dans un seau rempli de piranhas, mais il ne fait aucun doute qu’il a joué un rôle essentiel en soutenant la crédibilité et la créativité de Springsteen.
"La chose principale chez Jon, c’est que c’est quelqu’un à qui je pouvais faire confiance", explique Springsteen. "Il y avait beaucoup de choses que je détestais faire, comme les trucs d’argent, pour lesquelles j’avais prouvé que j’étais très mauvais avant de rencontrer Jon. Je n’étais pas seulement mauvais, je m’en fichais complètement. Je voulais simplement pouvoir faire ce que je voulais faire".
"Particulièrement quand j’étais plus jeune, tout le côté business m’aliénait et j’avais l’impression que m’y intéresser m’éloignait, d’une certaine façon, de mes idéaux de départ. Alors, quand Jon est arrivé, il s’en est occupé. Pendant longtemps, j’en suis resté éloigné, probablement jusque vers l’âge de 30 ans, et il a maintenu le bateau à flot. Il était lui-même auteur, et il a pris la barre parce que j’avais besoin d’un manager".
"Nous avons eu beaucoup de discussions à ce sujet au fil des années, où les gens faisaient bien les choses, où les gens faisaient mal les choses, et tout reposait toujours sur cette idée: 'Comment faire, cette fois-ci, le meilleur boulot avec ce disque ?'. C’était si simple. Il disait, 'Et bien, tu peux faire ceci, et jouer dans une salle de cette taille, et ça peut être formidable malgré tout'. Pour moi, il repoussait toujours un peu les limites, en permanence, ce dont j’avais besoin car j’avais peur, je me protégeais, pas inconsidérément mais parce qu’il le fallait. Il faut protéger son travail, sa musique et l’identité que vous avez durement travaillée pour la présenter'.
C’est cette conviction qui a conduit Springsteen devant un tribunal à Londres en 1998 pour empêcher Masquerade Music de sortir une collection de ses vieilles démos et de ses vieilles prises. "Ça ne m’empêche pas de dormir la nuit, mais je peux me montrer protecteur", comme il l’explique - et ce qui nous renseigne également sur son attitude, en voyant son travail s’échanger gratuitement sur internet.
"Ma position là-dessus en tant que musicien, c'est que je sais le temps que ça prend d’écrire une chanson, et c’est difficile, et on n’en écrit pas tant que ça et on y met son sang et sa sueur. Je pense vraiment que c’est du vol, vous savez. C’est ce que je pense. Où va-t-on ?, je ne sais pas. L’industrie de la musique est dans un grand état de transition en ce moment. Je ne connais personne qui sache où elle va aller. Où que ça aille, je travaillerai quelque part".
Il est possible que sa tendance à regarder en arrière et à faire le point ait été déclenchée par la mort de son père Doug, en 1998. Entre des emplois d’ouvrier d’usine, de gardien de prison et de chauffeur de bus, Springsteen Père s’est souvent retrouvé au chômage. L’amertume et le désenchantement l’ont souvent amené à se disputer avec un Bruce aux tendances bohémiennes pendant son adolescence, et les origines irlando-hollandaises de Doug étaient sûrement la pire combinaison possible quand il s’agissait de désamorcer des émotions bouillonnantes. Leur relation difficile a été illustrée dans plusieurs chansons, parmi les plus connues Independence Day, My Father’s House, et Adam Raised A Cain. A une époque, Springsteen parlait souvent de son père pendant ses longs monologues sur scène.
Le temps qui passe a considérablement amélioré les relations père-fils, au point qu’ils ont passé pas mal de temps ensemble à la fin. "Quand il est mort, j’ai probablement traversé plusieurs changements", dit Springsteen, après reflexion. "C’est un moment important, je pense. Du style, 'Ok, c’est toi le père maintenant'. Quand ton père meurt, je pense que ta propre conscience d’être adulte et ton sens des responsabilités et le rôle que tu joues dans ta famille, en général, augmente. Mais il est mort de manière assez paisible et nous savions que ça allait arriver depuis un bon moment, alors j’ai eu le temps d’aller passer du temps avec lui et de rester assis là, simplement. C’était dur, bien sûr, pour ma mère. Ils étaient mariés depuis 50 ans. Ça change la vision que vous avez de vous-même".
Retrouve-t-il Doug en lui-même maintenant ? "Oh oui, tout le temps", dit-il lentement. "Tout le temps. C’est marrant, j’ai commencé à lui ressembler un peu plus en vieillissant. Avant, je ressemblais plus à ma mère, mais si je… j’ai perdu un peu de poids, mais si je prends 5 ou 7 kilos, c’est lui qui me regarde dans la glace. Je dis, 'Te voilà !'. Vos traits changent. Quand j’étais jeune, je ressemblais à un Irlandais, quand j’étais enfant j’avais les traits irlandais, comme mes enfants, jusqu’à l’âge de 12 ou 13 ans, et puis zoom ! Le visage s’allonge et vous voyez des traits italiens. J’ai eu ça pendant presque toute ma vie, c’est en quelque sorte comme ça que je me suis habitué à me voir. Puis, en vieillissant, pour quelque raison, je vois un peu de l’irlandais revenir discrètement. Le visage s’arrondit, le front est un peu plus haut et parfois je regarde dans la glace et il est là, à me regarder".
"La chose principale chez Jon, c’est que c’est quelqu’un à qui je pouvais faire confiance", explique Springsteen. "Il y avait beaucoup de choses que je détestais faire, comme les trucs d’argent, pour lesquelles j’avais prouvé que j’étais très mauvais avant de rencontrer Jon. Je n’étais pas seulement mauvais, je m’en fichais complètement. Je voulais simplement pouvoir faire ce que je voulais faire".
"Particulièrement quand j’étais plus jeune, tout le côté business m’aliénait et j’avais l’impression que m’y intéresser m’éloignait, d’une certaine façon, de mes idéaux de départ. Alors, quand Jon est arrivé, il s’en est occupé. Pendant longtemps, j’en suis resté éloigné, probablement jusque vers l’âge de 30 ans, et il a maintenu le bateau à flot. Il était lui-même auteur, et il a pris la barre parce que j’avais besoin d’un manager".
"Nous avons eu beaucoup de discussions à ce sujet au fil des années, où les gens faisaient bien les choses, où les gens faisaient mal les choses, et tout reposait toujours sur cette idée: 'Comment faire, cette fois-ci, le meilleur boulot avec ce disque ?'. C’était si simple. Il disait, 'Et bien, tu peux faire ceci, et jouer dans une salle de cette taille, et ça peut être formidable malgré tout'. Pour moi, il repoussait toujours un peu les limites, en permanence, ce dont j’avais besoin car j’avais peur, je me protégeais, pas inconsidérément mais parce qu’il le fallait. Il faut protéger son travail, sa musique et l’identité que vous avez durement travaillée pour la présenter'.
C’est cette conviction qui a conduit Springsteen devant un tribunal à Londres en 1998 pour empêcher Masquerade Music de sortir une collection de ses vieilles démos et de ses vieilles prises. "Ça ne m’empêche pas de dormir la nuit, mais je peux me montrer protecteur", comme il l’explique - et ce qui nous renseigne également sur son attitude, en voyant son travail s’échanger gratuitement sur internet.
"Ma position là-dessus en tant que musicien, c'est que je sais le temps que ça prend d’écrire une chanson, et c’est difficile, et on n’en écrit pas tant que ça et on y met son sang et sa sueur. Je pense vraiment que c’est du vol, vous savez. C’est ce que je pense. Où va-t-on ?, je ne sais pas. L’industrie de la musique est dans un grand état de transition en ce moment. Je ne connais personne qui sache où elle va aller. Où que ça aille, je travaillerai quelque part".
Il est possible que sa tendance à regarder en arrière et à faire le point ait été déclenchée par la mort de son père Doug, en 1998. Entre des emplois d’ouvrier d’usine, de gardien de prison et de chauffeur de bus, Springsteen Père s’est souvent retrouvé au chômage. L’amertume et le désenchantement l’ont souvent amené à se disputer avec un Bruce aux tendances bohémiennes pendant son adolescence, et les origines irlando-hollandaises de Doug étaient sûrement la pire combinaison possible quand il s’agissait de désamorcer des émotions bouillonnantes. Leur relation difficile a été illustrée dans plusieurs chansons, parmi les plus connues Independence Day, My Father’s House, et Adam Raised A Cain. A une époque, Springsteen parlait souvent de son père pendant ses longs monologues sur scène.
Le temps qui passe a considérablement amélioré les relations père-fils, au point qu’ils ont passé pas mal de temps ensemble à la fin. "Quand il est mort, j’ai probablement traversé plusieurs changements", dit Springsteen, après reflexion. "C’est un moment important, je pense. Du style, 'Ok, c’est toi le père maintenant'. Quand ton père meurt, je pense que ta propre conscience d’être adulte et ton sens des responsabilités et le rôle que tu joues dans ta famille, en général, augmente. Mais il est mort de manière assez paisible et nous savions que ça allait arriver depuis un bon moment, alors j’ai eu le temps d’aller passer du temps avec lui et de rester assis là, simplement. C’était dur, bien sûr, pour ma mère. Ils étaient mariés depuis 50 ans. Ça change la vision que vous avez de vous-même".
Retrouve-t-il Doug en lui-même maintenant ? "Oh oui, tout le temps", dit-il lentement. "Tout le temps. C’est marrant, j’ai commencé à lui ressembler un peu plus en vieillissant. Avant, je ressemblais plus à ma mère, mais si je… j’ai perdu un peu de poids, mais si je prends 5 ou 7 kilos, c’est lui qui me regarde dans la glace. Je dis, 'Te voilà !'. Vos traits changent. Quand j’étais jeune, je ressemblais à un Irlandais, quand j’étais enfant j’avais les traits irlandais, comme mes enfants, jusqu’à l’âge de 12 ou 13 ans, et puis zoom ! Le visage s’allonge et vous voyez des traits italiens. J’ai eu ça pendant presque toute ma vie, c’est en quelque sorte comme ça que je me suis habitué à me voir. Puis, en vieillissant, pour quelque raison, je vois un peu de l’irlandais revenir discrètement. Le visage s’arrondit, le front est un peu plus haut et parfois je regarde dans la glace et il est là, à me regarder".
Les générations changent inexorablement, et Springsteen sent l’attraction de la gravité. "Bien sûr, il y a le comportement que l’on hérite de ses parents. Au fil des années, j’ai beaucoup fait en essayant d'y faire du tri. Il est évident que dans votre première réaction aux choses, vous réagissez de la manière dont ils réagissaient, vous savez ? Pour certaines choses, ça va, pour d’autres, vous voulez vous en affranchir. Mon avis sur la manière dont nous honorons nos parents, c’est que nous gardons les bonnes choses qu’ils nous ont enseignées et nous avons perdu les choses sur lesquelles ils se sont trompés. C’est la manière de les honorer après leur mort, et quand nous devenons parents à notre tour. C’est le boulot de votre vie. C’est ce que les gens sont censés faire d’une certaine manière".
En dehors d’enregistrer des albums et de partir en tournée, bien sûr. "Je suis un type de bientôt 53 ans, et l’industrie du disque est un peu hostile en ce moment", dit-il en ricanant . "Ça va, parce ce que je suis convaincu que c’est un de mes tous meilleurs albums. J’ai l’intime conviction qu’il est aussi bon que n’importe quel album que j’ai fait avec le groupe. J’ai le sentiment d’avoir fait mon travail, et je ne sais pas comment la radio y réagit, et je ne suis pas très à l’aise avec la manière dont la musique est diffusée en ce moment. J’ai un groupe en activité, nous allons tourner et nous allons travailler très dur en jouant, et nous allons jouer ce disque tous les soirs. Je ferai de mon mieux pour l’aider à trouver un foyer et une place dans le monde, et puis advienne que pourra !".
En dehors d’enregistrer des albums et de partir en tournée, bien sûr. "Je suis un type de bientôt 53 ans, et l’industrie du disque est un peu hostile en ce moment", dit-il en ricanant . "Ça va, parce ce que je suis convaincu que c’est un de mes tous meilleurs albums. J’ai l’intime conviction qu’il est aussi bon que n’importe quel album que j’ai fait avec le groupe. J’ai le sentiment d’avoir fait mon travail, et je ne sais pas comment la radio y réagit, et je ne suis pas très à l’aise avec la manière dont la musique est diffusée en ce moment. J’ai un groupe en activité, nous allons tourner et nous allons travailler très dur en jouant, et nous allons jouer ce disque tous les soirs. Je ferai de mon mieux pour l’aider à trouver un foyer et une place dans le monde, et puis advienne que pourra !".