THE WISH

LE VŒU



16 The Wish.mp3  (12.15 Mo)

Dirty old street all slushed up in the rain and snow
Little boy and his ma shivering outside a rundown music store window
That night on top of a Christmas tree shines one beautiful star
And lying underneath a brand new Japanese guitar

I remember in the morning, ma, hearing your alarm clock ring
I'd lie in bed and listen to you gettin' ready for work, the sound of your makeup case on the sink
And the ladies at the office, all lipstick, perfume and rustlin' skirts
And how proud and happy you always looked walking home from work

If pa's eyes were windows into a world so deadly and true
You couldn't stop me from looking but you kept me from crawling through
And it's a funny old world, mama, where a little boy's wishes come true
Well I got a few left in my pocket and a special one just for you

It ain't no phone call on Sunday, flowers or a mother's day card
It ain't no house on a hill with a garden and a nice little yard
I got my hot rod down on Bond Street, I'm older but you'll know me in a glance
We'll find us a little rock and roll bar and baby we'll go out and dance

Well it was me in my Beatle boots, you in pink curlers and matador pants
Pullin' me up of the couch to do the twist for my uncles and aunts
Well I found a girl of my own now, ma, I popped the question on your birthday
She stood waiting on the front porch while you were telling me to get out there and say what it was that I had to say

Last night we all sat around laughing at the things that guitar brought us
And I layed awake thinking 'bout the other things it's brought us
Well tonight I'm takin's requests here in the kitchen, this one's for you, ma, let me come right out and say it
It's overdue, but baby, if you're looking for a sad song, well I ain't gonna play it

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Une vieille rue toute salie par la pluie et la neige
Un petit garçon et sa maman grelottent devant une vitrine délabrée d’un magasin de musique
Ce soir-là, brille une belle étoile au sommet d'un sapin de Noël
Et en dessous, une guitare japonaise flambant neuve

Je me souviens le matin, maman, j'entendais la sonnerie de ton réveil
Je restais allongé au lit et je t'écoutais te préparer pour aller au travail, le son de ta trousse à maquillage sur le lavabo
Et les femmes au bureau, toutes avec du rouge à lèvres, du parfum et des jupes qui bruissent
Et comme tu étais toujours fière et heureuse quand tu rentrais du travail en marchant

Si les yeux de papa étaient des fenêtres ouvertes sur un monde si implacable et si vrai
Tu ne pouvais pas m'arrêter de regarder, mais tu m'empêchais d’y ramper
Et c'est un drôle de vieux monde, maman, dans lequel les vœux d'un petit garçon deviennent réalité
Il m'en reste quelques-uns dans la poche et j'en ai un de spécial juste pour toi

Ce n’est pas un coup de téléphone le dimanche, des fleurs ou une carte de Fête des Mères
Ce n'est pas une maison sur une colline avec un jardin et une jolie petite cour
J'ai mon bolide sur Bond Street (1), j’ai vieilli mais tu me reconnaîtras au premier coup d'œil
Nous nous trouverons un petit bar rock'n'roll et nous irons danser

C'était moi avec mes bottes à la Beatles, toi avec des bigoudis roses et des pantalons matador
Tu me tirais du canapé pour danser le twist devant mes oncles et mes tantes
J'ai trouvé une fille à présent, maman, et je lui ai demandé sa main le jour de ton anniversaire
Elle attendait sur la véranda pendant que tu me disais de sortir pour aller lui dire ce que j'avais à dire

La nuit dernière, nous étions tous assis en train de rire des choses que la guitare nous avait apportés
Et je suis resté allongé en pensant aux autres choses qu'elle nous avait apportés
Ce soir, ici dans la cuisine, je prends des dédicaces, celle-là est pour toi, maman, laisse-moi te l'affirmer haut et fort
C'est un peu tard, mais si tu veux une chanson triste, et bien je ne la jouerai pas

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NOTES

La version studio de The Wish a été enregistrée le 22 février 1987 au studio Thrill Hill East, à Rumson, par Bruce Springsteen (voix, guitare, basse, synthétiseurs, et percussions), puis retravaillée en 1988 (avec Gary Mallaber à la batterie).



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(1) Bond Street est une rue d'Asbury Park (NJ)

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"Hier soir, j'ai chanté une chanson sur mon père. Ce soir, ce sera différent. J'ai écris cette chanson il y a un moment déjà, et je ne l'ai jamais complètement enregistrée. C'est une chanson sur ma mère. C'est marrant, parce que j'avais cette chanson, et je me suis dit, "Mince, dans la musique rock, dans le rock'n'roll, personne ne chante sur sa mère". Et je me suis demandé pourquoi. C'est contraire à toute cette posture machiste que tu dois prendre, et des trucs comme ça... Je me suis dit, "Attends, attends une minute". C'est un vrai problème que j'ai essayé de comprendre. Je suis allé voir un psychiatre - c'est une histoire vraie - et je lui ai dit que j'avais un problème avec cette chanson sur ma mère, et que je ne l'avais pas chantée, à cause de cette posture machiste que je devais avoir... Il m'a dit qu'il avait compris, il m'a dit, "Vous devez savoir que tous les hommes ont peur de leur mère. On dit que le meilleur ami d'un garçon, c'est sa mère, mais vraiment, tous les hommes ont peur de leur mère" Vous savez, j'ai payé pour cette conclusion, alors que vous avez ce conseil gratuitement ce soir... Je lui ai alors dit, "C'est la raison pour laquelle lorsqu'un homme et une femme se disputent, la femme dit toujours : Est-ce que je ressemble à ta mère ?... Je ne suis pas ta mère... Je suis supposée être ta mère ?... Et c'est pourquoi les hommes disent toujours : Arrête de me materner... Ma mère faisait ceci ou cela..." Ce genre de choses. Alors, j'ai réalisé la vérité de ce truc, et je me suis dit, "Je suis assez grand pour chanter sur ma mère" Je n'ai pas peur. Un petit peu quand même, c'est pour ça que je parle si longtemps avant de chanter cette chanson. Mais je vais sauter dans le vide, dans la grande lignée des amoureux de leur mère : Richard Nixon, Elvis Presley, Merle Haggard et tous les chanteurs de country que vous connaissez. Maman, si tu es là.... J'espère que la chanson en vaut la peine" (Los Angeles, 17.11.1990)

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"Ma mère était lumineuse et heureuse. Elle pouvait joyeusement tenir une conversation avec un manche à balai. Elle croyait qu'en chacun, il y avait une foi, un cœur, un espoir, plein de bonté. Elle a donné au monde beaucoup plus d'estime qu'il ne le méritait, peut-être, mais elle était ainsi. Le matin les jours d'école... Je détestais l'école. Dans mon métier, si vous ne détestez pas l'école, gardez votre satané travail quotidien s'il vous plait, d'accord ? Parce que c'est un signe. C'est un signe, mon frère, que tu n'iras nulle part. Nulle part. Tu dois avoir cette haine dans ton cœur pour arriver au sommet, là où je suis. Tu dois détester. Donc, évidemment, je détestais me lever. Et le matin, ma mère avait cette technique qu'elle avait perfectionnée, elle se tenait au-dessus de mon lit avec un verre d'eau glacée, et elle me donnait un ultimatum de 30 secondes. Vous savez, "Cinq, quatre, trois, deux..." Boom ! Les chutes du Niagara ! Je m'habillais, je dévalais les escaliers pour le petit-déjeuner, pendant lequel je faisais un festin quotidien avec un énorme bol de Sugar Pops. Un délicieux produit, avec juste un problème : ils ne mettaient pas assez de sucre dans ces Sugar Pops. Je n'étais donc pas satisfait tant que je n'avais pas recouvert mes Sugar Pops d'une montagne de sucre, jusqu'à ce qu'ils ressemblent à l’Himalaya. Et puis, "Mmmm, bon". Dans l'effervescence, et après un baiser de ma mère, j'étais dehors avec ma sœur, marchant d'un pas lourd dans la rue avec nos cartables plein de livres, alors que les talons de ma mère claquaient avec légèreté dans l'autre direction vers la Lawyers Title Insurance Company, qui se trouvait en ville. Elle était secrétaire juridique. C'est le travail qu'elle a fait lorsqu'elle a quitté le lycée, et les 50 ans qui ont suivi. Elle allait au travail, sans jamais manquer un jour, sans jamais être malade, sans jamais être fatiguée, sans jamais se plaindre. Le travail n'était pas un fardeau pour elle, mais sa source d’énergie et de plaisir social. Certains soirs, je rejoignais ma mère à l'heure de la fermeture, et nous étions les derniers à quitter le bâtiment. Pour moi, c'était toujours un grand privilège. J'avais ma mère rien que pour moi. Et avec l'immeuble vide, ses hauts talons résonnaient dans le long couloir en lino. Avec les lumières fluorescentes éteintes, les bureaux vides des avocats, les bureaux vides des secrétaires, les machines à écrire recouvertes, tout était silencieux. Le bâtiment était si calme après toute cette agitation de la journée. C'est comme si le bâtiment lui-même se reposait après une longue journée de travail au service de notre ville. Et puis, nous franchissions d'un coup la porte d'entrée, et nous nous retrouvions dans la cohue de 17 heures sur Main Street. Et elle marchait à grandes enjambées, sculpturale, et je courrais à ses côtés pour essayer de garder son rythme et je la regardais. C'est un regard que je n'ai jamais, jamais oublié. Ma mère sur le chemin du retour du travail. Un impact éternel sur moi. Elle avait toujours ces attributs très ethniques. Elle avait des cheveux noirs comme du charbon, une peau mate d'italienne, et lorsqu'elle était jeune, elle portait ce rouge à lèvres très à la mode dans les années 50. Et elle me regardait avec un regard qui, pour moi, portait la grâce de Marie. Elle me faisait comprendre pour la première fois comme il était bon de se sentir fier de quelqu'un que tu aimais, et qui t’aimait en retour. Vous savez, elle faisait savoir à la ville que nous étions des membres responsables et beaux de ce trou à merde, portant notre propre poids sur les épaules en faisant ce qui devait être fait jour après jour. Nous avons une place ici que nous avons mérité ! Et nous avons une bonne raison d'ouvrir les yeux en grand au lever de chaque jour, et de respirer une vie stable et bonne. Ma mère personnifiait l'honnêteté, la cohérence, la bonne humeur, le professionnalisme, la grâce, la gentillesse, l'optimisme, la politesse, l'équité, la fierté de soi-même, la responsabilité, l'amour, la foi en sa famille, l'engagement, la joie dans son travail, et une soif immodérée de vivre, pour vivre et pour la vie. Et plus important, pour la danse. Ma mère et ses deux sœurs étaient des machines à danser. Elles ont grandi dans les années 40, avec les grands orchestres et les swing bands, et elles ont appris le jitterburg et... C'était en elles. Ma mère est atteinte d'Alzheimer depuis sept ans. Et elle a 93 ans. Mais danser et la volonté et le besoin de danser, c'est quelque chose qui ne l'a jamais quitté. Une part essentielle de celle qu'elle est. C'est au-delà du langage. C'est plus puissant que la mémoire. Et quand elle franchit la porte, nous faisons en sorte qu'il y ait de la musique. Elle veut danser, vous savez. Ces choses-là ont été l'incarnation de ma mère. Elles étaient son cœur. Elle a continué et elle continue, comme si elles ne l'avaient jamais, jamais quittées" (New York City, 17/18.07.2018)


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