par Jerry Gilbert
Bruce Springsteen était confiné dans le New Jersey à la vie sur le boardwalk (1). Il vivait au-dessus d'un drugstore "dans toute la folie du centre-ville", priait pour que l'été arrive, cherchait un sanctuaire sur la plage d'Asbury.
Greetings From Asbury Park, NJ, son intro carte postale sur la vie en ville, ressemble à une publicité de vacances pour Blackpool (2). En chemin, il a mis Springsteen sur la route de la célébrité - en même temps que ses amis du New Jersey. Il est arrivé comme Bob Dylan, toute cette imagerie branchée et lui, un oursin fragile de la ville avec une barbe broussailleuse, des cheveux ébouriffés et des vêtements qu'il pourrait ne pas avoir quittés durant ces six derniers mois. Springsteen ne parle pas, il marmonne, il ne marche pas, il traîne les pieds.
Il a passé quelques années à étancher sa soif insatiable pour la ville en faisant la navette entre Asbury Park et le centre de New York - surtout au Café Wha (3) dans le [Greenwich] Village; à dépenser l'avance faite par CBS afin qu'il monte un groupe.
Le New Jersey, reculant devant le poids grandissant de New York, n'avait jamais pu être honoré pour aucun personnage et il était fort peu probable que Springsteen devienne important tant qu'il se contenterait de jouer dans les bars du New Jersey. L'album Greetings les a mis tous les deux sur la carte.
"Le New Jersey est un endroit assez laid" dit Springsteen. "Ce que je veux dire, c'est que c'est pas mal, c'est chez moi, mais chaque endroit est un trou paumé. Je pense qu'il a simplement fallu beaucoup de temps pour que quelqu'un trouve quelque chose à écrire à son sujet mais Asbury Park a beaucoup influencé la tonalité du premier album".
Il a été salué comme un génie en herbe - inévitablement le nouveau Dylan, mais quand la pression a disparu, il a eu tendance à s'améliorer.
Mais à ce moment précis, il est 04 heures 30 du matin et Springsteen vient de terminer son deuxième concert à l'Université de Georgetown, Washington DC (4), un scénario pour l'Exorciste. Il est malade - toussant à cracher du sang, l'obligeant à annuler les deux concerts précédents. Il tousse encore beaucoup et s'abreuve d'une bouteille de sirop pour la toux, que le médecin lui a prescrite en même temps que la piqûre de rigueur. Qu'est ce qui n'allait pas, Bruce ? Une question futile quand vous êtes en tournée 90 % du temps.
"Le docteur sait que je vais le voir seulement quand quelque chose ne va pas" dit-il, et compte qu'il a fait plus de 200 concerts cette année. Il met son vieux blouson noir, s'assure que les pans de sa chemise à carreaux dépassent. A 04 heures 30 du matin, il se traîne vers le piano dans la loge pour jouer, sur demande, une nouvelle chanson, et à 05 heures, il décide que nous devrions aller manger. Les flics nous dirigent vers un café dans le métro qui dit "Ouvert pour le petit-déjeuner", mais les portes sont fermées et nous redescendons "M" Street en voiture en direction de Georgetown et du dernier fast-food restant. Springsteen se plaint du manque de bonne nourriture avec un geste tacite au nom de son corps malade et prie pour qu'arrivent l'été et les sports nautiques.
Six heures du matin. Springsteen décide que le hamburger sera suffisant pour lui donner une bonne journée de sommeil avant d'attraper le train pour la Nouvelle Orléans. A son hôtel, Mike O'Mahony de CBS informe Bruce que j'ai fait 25 000 kilomètres pour voir son groupe deux fois - à Los Angeles l'année dernière et à Washington ce soir. "Sûr que j'apprécie" dit-il en tendant la main, et il disparaît au lit.
Greetings From Asbury Park, NJ, son intro carte postale sur la vie en ville, ressemble à une publicité de vacances pour Blackpool (2). En chemin, il a mis Springsteen sur la route de la célébrité - en même temps que ses amis du New Jersey. Il est arrivé comme Bob Dylan, toute cette imagerie branchée et lui, un oursin fragile de la ville avec une barbe broussailleuse, des cheveux ébouriffés et des vêtements qu'il pourrait ne pas avoir quittés durant ces six derniers mois. Springsteen ne parle pas, il marmonne, il ne marche pas, il traîne les pieds.
Il a passé quelques années à étancher sa soif insatiable pour la ville en faisant la navette entre Asbury Park et le centre de New York - surtout au Café Wha (3) dans le [Greenwich] Village; à dépenser l'avance faite par CBS afin qu'il monte un groupe.
Le New Jersey, reculant devant le poids grandissant de New York, n'avait jamais pu être honoré pour aucun personnage et il était fort peu probable que Springsteen devienne important tant qu'il se contenterait de jouer dans les bars du New Jersey. L'album Greetings les a mis tous les deux sur la carte.
"Le New Jersey est un endroit assez laid" dit Springsteen. "Ce que je veux dire, c'est que c'est pas mal, c'est chez moi, mais chaque endroit est un trou paumé. Je pense qu'il a simplement fallu beaucoup de temps pour que quelqu'un trouve quelque chose à écrire à son sujet mais Asbury Park a beaucoup influencé la tonalité du premier album".
Il a été salué comme un génie en herbe - inévitablement le nouveau Dylan, mais quand la pression a disparu, il a eu tendance à s'améliorer.
Mais à ce moment précis, il est 04 heures 30 du matin et Springsteen vient de terminer son deuxième concert à l'Université de Georgetown, Washington DC (4), un scénario pour l'Exorciste. Il est malade - toussant à cracher du sang, l'obligeant à annuler les deux concerts précédents. Il tousse encore beaucoup et s'abreuve d'une bouteille de sirop pour la toux, que le médecin lui a prescrite en même temps que la piqûre de rigueur. Qu'est ce qui n'allait pas, Bruce ? Une question futile quand vous êtes en tournée 90 % du temps.
"Le docteur sait que je vais le voir seulement quand quelque chose ne va pas" dit-il, et compte qu'il a fait plus de 200 concerts cette année. Il met son vieux blouson noir, s'assure que les pans de sa chemise à carreaux dépassent. A 04 heures 30 du matin, il se traîne vers le piano dans la loge pour jouer, sur demande, une nouvelle chanson, et à 05 heures, il décide que nous devrions aller manger. Les flics nous dirigent vers un café dans le métro qui dit "Ouvert pour le petit-déjeuner", mais les portes sont fermées et nous redescendons "M" Street en voiture en direction de Georgetown et du dernier fast-food restant. Springsteen se plaint du manque de bonne nourriture avec un geste tacite au nom de son corps malade et prie pour qu'arrivent l'été et les sports nautiques.
Six heures du matin. Springsteen décide que le hamburger sera suffisant pour lui donner une bonne journée de sommeil avant d'attraper le train pour la Nouvelle Orléans. A son hôtel, Mike O'Mahony de CBS informe Bruce que j'ai fait 25 000 kilomètres pour voir son groupe deux fois - à Los Angeles l'année dernière et à Washington ce soir. "Sûr que j'apprécie" dit-il en tendant la main, et il disparaît au lit.
****
Douze heures auparavant, nous étions arrivés à l'université Jésuite, avions trouvé le grand amphi et étions entrés en plein soundcheck (5) ... "Spirits in the night, all night, in the night, all night..." COUPEZ. Retour à cette intro blues et discordante, reprise du début, chanson fantastique.
Comme la plupart des chansons de Springsteen, elle s'est améliorée avec l'âge. Je veux dire qu'il y a des morceaux sur le nouvel album que vous auriez du mal à reconnaître si vous les entendiez sur scène maintenant - New York City Serenade, par exemple, tandis que Kitty's Back, un morceau remarquable, est rallongé par une intro marathon au piano de David Sancious, terriblement enjolivé à outrance mais un succès garanti auprès du public.
"Je ne l'ai jamais entendu jouer une chanson deux fois de la même manière" s'exclame un fan de Springsteen qui le suit en tournée. Et pendant que nous observons l'ensemble des instruments et le groupe incongru de musiciens de bar qui sont sur le point de les utiliser, vous vous demandez comment Springsteen peut leur imposer une discipline qui inciterait à le comparer à Van Morrison.
En tout cas, il est sur la scène et il est accueilli comme une pop star - la foule hurle son nom mais s'arrête net afin de déchiffrer l'introduction qu'il marmonne, un monologue assez drôle, ponctué de temps en temps par un rire et un rare mot compréhensible. Il s'empare de la guitare acoustique. Danny Federici est à l'accordéon et Garry Tallent soulève le tuba prêt à jouer, entre temps le public a déjà prédit que ce serait Wild Billy's Circus Story.
Peu à peu, il progresse à travers les nouvelles chansons - Incident On 57th Street, qu'il appelle "Spanish Johnny", New York City Serenade, puis Spirit In The Night, dont il joue à présent lui-même l'introduction à l'harmonica à l'unisson avec le saxophone de Clarence Clemons.
Alors que le concert monte en intensité, Springsteen s'empare finalement de sa guitare Stratocaster et le groupe se lance immédiatement d'une façon rock dans le E Street Shuffle, la chanson phare de son nouvel album, ralentit le rythme pour sa magnifique chanson d'amour 4th Of July, Asbury Park (Sandy), que j'ai toujours et uniquement entendu appeler "Sandy". C'est du Springsteen, à son plus évocateur, plus détendu et pour une fois, Springsteen résiste à la tentation de mélanger trois styles de musique radicalement différents dans une seule composition. C'est une chanson de carnaval, avec Federici à l'accordéon et Bruce se déchaînant sur les allusions au boardwalk.
Mais il a toujours envie de jouer du rock et attaque Blinded By The Light, la chanson qui l'a vraiment fait démarrer, avec un tel enthousiasme, que c'est seulement au troisième vers que j'ai reconnu la chanson.
Il demande un mouchoir au public et se lance dans une nouvelle pitrerie, héritage de l'amuseur des bars, et sur ce coup-là, son rhume génère ce qui est devenu une caractéristique régulière de son jeu de comédie.
Puis il a enchaîné avec cette impérieuse intro à la guitare de Kitty's Back, qui inspire l'autorité, comme si c'était le thème musical d'un film épique. De toute façon, c'est à ce moment que le groupe commence à vraiment chauffer, l'orgue et le saxophone dans une masse de son tourbillonnante, le son de la guitare de Springsteen s'élevant en complète harmonie, et le nouveau batteur Ernest "Boom" Carter attaquant un superbe solo, quatre concerts seulement après le départ de Vini Lopez, compagnon de longue date de Bruce.
Le public se déchaîne et exige un rappel. Bruce y répond avec Rosalita, une de ses chansons préférées du nouvel album, et l'unique titre qu'il lui reste à jouer. Sancious et Federici s'échangent leurs claviers alors que le concert de 90 minutes touche à sa fin.
Comme la plupart des chansons de Springsteen, elle s'est améliorée avec l'âge. Je veux dire qu'il y a des morceaux sur le nouvel album que vous auriez du mal à reconnaître si vous les entendiez sur scène maintenant - New York City Serenade, par exemple, tandis que Kitty's Back, un morceau remarquable, est rallongé par une intro marathon au piano de David Sancious, terriblement enjolivé à outrance mais un succès garanti auprès du public.
"Je ne l'ai jamais entendu jouer une chanson deux fois de la même manière" s'exclame un fan de Springsteen qui le suit en tournée. Et pendant que nous observons l'ensemble des instruments et le groupe incongru de musiciens de bar qui sont sur le point de les utiliser, vous vous demandez comment Springsteen peut leur imposer une discipline qui inciterait à le comparer à Van Morrison.
En tout cas, il est sur la scène et il est accueilli comme une pop star - la foule hurle son nom mais s'arrête net afin de déchiffrer l'introduction qu'il marmonne, un monologue assez drôle, ponctué de temps en temps par un rire et un rare mot compréhensible. Il s'empare de la guitare acoustique. Danny Federici est à l'accordéon et Garry Tallent soulève le tuba prêt à jouer, entre temps le public a déjà prédit que ce serait Wild Billy's Circus Story.
Peu à peu, il progresse à travers les nouvelles chansons - Incident On 57th Street, qu'il appelle "Spanish Johnny", New York City Serenade, puis Spirit In The Night, dont il joue à présent lui-même l'introduction à l'harmonica à l'unisson avec le saxophone de Clarence Clemons.
Alors que le concert monte en intensité, Springsteen s'empare finalement de sa guitare Stratocaster et le groupe se lance immédiatement d'une façon rock dans le E Street Shuffle, la chanson phare de son nouvel album, ralentit le rythme pour sa magnifique chanson d'amour 4th Of July, Asbury Park (Sandy), que j'ai toujours et uniquement entendu appeler "Sandy". C'est du Springsteen, à son plus évocateur, plus détendu et pour une fois, Springsteen résiste à la tentation de mélanger trois styles de musique radicalement différents dans une seule composition. C'est une chanson de carnaval, avec Federici à l'accordéon et Bruce se déchaînant sur les allusions au boardwalk.
Mais il a toujours envie de jouer du rock et attaque Blinded By The Light, la chanson qui l'a vraiment fait démarrer, avec un tel enthousiasme, que c'est seulement au troisième vers que j'ai reconnu la chanson.
Il demande un mouchoir au public et se lance dans une nouvelle pitrerie, héritage de l'amuseur des bars, et sur ce coup-là, son rhume génère ce qui est devenu une caractéristique régulière de son jeu de comédie.
Puis il a enchaîné avec cette impérieuse intro à la guitare de Kitty's Back, qui inspire l'autorité, comme si c'était le thème musical d'un film épique. De toute façon, c'est à ce moment que le groupe commence à vraiment chauffer, l'orgue et le saxophone dans une masse de son tourbillonnante, le son de la guitare de Springsteen s'élevant en complète harmonie, et le nouveau batteur Ernest "Boom" Carter attaquant un superbe solo, quatre concerts seulement après le départ de Vini Lopez, compagnon de longue date de Bruce.
Le public se déchaîne et exige un rappel. Bruce y répond avec Rosalita, une de ses chansons préférées du nouvel album, et l'unique titre qu'il lui reste à jouer. Sancious et Federici s'échangent leurs claviers alors que le concert de 90 minutes touche à sa fin.
****
Music Hall, Houston (TX) - 09 mars 1974
C'était après le deuxième concert, dépassant les 02 heures et comprenant de vieux classiques tels que Let The Four Winds Blow et Walking The Dog, que je me suis installé pour parler à Springsteen dans sa loge austère. Les membres du groupe étaient partis, ainsi que le manager/producteur Mike Appel, et Springsteen lui-même regrettait, qu'en dépit de son marathon sur scène, il avait été impossible de jouer tout ce que les gens voulaient entendre. "Nous jouons principalement les chansons que nous avons enregistrées parce que le batteur est avec nous depuis seulement quatre concerts". Quant au départ de Vini Lopez, Springsteen reste volontairement vague. "Il était avec moi depuis quatre ans" dit-il. "Il y avait diverses pressions - la décision a été difficile à prendre".
Il se met de nouveau à tousser et maudit la malchance qui l'a obligée à annuler ces deux concerts. "Nous ne le faisons jamais à moins d'y être vraiment forcés" explique-t-il - et en plus, ces concerts étaient dans le New Jersey, là où il est le plus populaire. "Je veux dire, vous jouez tout le temps à moitié malade, mais il est arrivé un moment où je ne pouvais plus jouer du piano. Je crachais du sang. Je ne suis pas souvent malade mais cette année, nous l'avons été. Nous avons fait tellement de concerts cette année que nous commençons à accumuler... la fatigue... c'est pourquoi travailler sur de nouvelles chansons est une bonne chose et à chaque fois que j'ai la discipline pour me forcer à écrire, j'écris. J'écrivais tous les jours, dans les bus, dans la rue... mais j'ai tendance à être plus critique maintenant, c'est la raison pour laquelle, récemment, je n'ai pas écrit grand chose".
Il est satisfait du résultat de son nouvel album, The Wild, The Innocent & The E Street Shuffle, mais tout comme CBS, il se demande pourquoi les ventes de l'album sont en-dessous de l'attente des journalistes puisqu'il a reçu des critiques élogieuses de tout le monde. "Le nouvel album ressemblait un peu plus à ce que je voulais faire - le groupe a été plus impliqué sur celui-là et les chansons ont été écrites de la façon dont je voulais le faire. Mais j'ai tendance à constamment modifier les arrangements afin de présenter le meilleur matériel, de la meilleure façon, même si le résultat convient souvent au style du groupe. J'essaye simplement de changer un peu les choses pour que tout le monde reste intéressé, comme pour Sandy par exemple. J'aime la version de l'album mais elle était complètement différente jusqu'au soir-même où je l'ai enregistrée et puis je l'ai modifiée".
Bruce affirme qu'en général ses chansons préférées sont celles qu'il a écrites dans un court laps de temps. "For You a vraiment été écrite très vite et The Angel a été écrite en dix ou quinze minutes et c'est une de mes chansons favorites car c'est une des choses les plus sophistiquées que j'ai écrites. "Hey Bus Driver" (Does This Bus Stop At 82nd Street) a été faite vraiment très vite et Blinded By The Light, je l'ai écrite en partie un matin et en partie dans l'après-midi. En fait, la seule chose qui a pris du temps sur le premier album était Spirit In The Night]i".
Il reconnaît que l'environnement de son écriture est différent à présent - cette vie sur le boardwalk lui manque et peut-être que la tournée ne se trouve pas être l'endroit idéal où écrire pour une personne du talent de Springsteen. Mais jusqu'à quel point la confusion dont il parle dans ses chansons est-elle une véritable réflexion de la vie à Asbury ?
"Je vois ces situations se produire quand je les chante" admet-il, "et je connais bien les personnages. Je les utilise dans diverses chansons et je vois leurs silhouettes - ils sont probablement inspirés de gens que je connais où bien ils sont tout simplement là. Il y a beaucoup d'activité dans mes chansons, tout un tas de personnes. C'est comme si vous marchiez dans la rue, c'est ce que vous voyez, mais beaucoup de mes chansons ont été écrites sans aucune musique - c'est juste que j'aime vraiment chanter les paroles !".
Il se met à jouer un morceau qu'il est sur le point de terminer et puis expose ses projets pour l'avenir. "Je voudrais ajouter des filles dans le groupe pour le prochain album, parce que j'ai quelques bonnes idées qui seraient bien plus que des chœurs. Mais en ce moment, je n'ai pas l'argent pour le faire".
Les chansons de Springsteen sont souvent une réflexion alarmante sur la vie dans les rues de New York. "Elles sont écrites pour être plus larges que la vie" dit-il, mais en même temps, il admet ne pas avoir plus d'idées sur la question que quiconque.
"Je n'ai pas vraiment passé beaucoup de temps à New York - le New Jersey était si intense, vous ne pouviez même pas marcher dans la rue. Je suis donc allé à New York et j'ai surtout traîné dans le Village, mais aussi un peu dans le nord de Manhattan. J'étais seul la plupart du temps sans endroit précis où aller mais parfois je traînais avec cet autre type".
Cependant, il était essentiellement un musicien de groupe et il y a quelques mois à peine, il traînait dans les bars, jouant du blues et du rock'n'roll. "Puis, j'ai écrit les premières chansons et si rien ne s'était produit, à ce moment-là, je serais probablement retourné dans les bars".
Il a vite surmonté les problèmes d'égo de ses débuts, se rendant compte de l'influence auto-destructive qu'il avait sur lui-même. "L'erreur se produit quand vous commencez à penser que vous êtes vos chansons" dit-il. "Pour moi, une chanson est une vision, un flash, et ce que je vois, ce sont des personnages et des situations. J'ai assisté à des fêtes foraines à minuit quand ils commencent à tout ranger (Wild Billy's Circus Story) et j'avais peur, j'ai rencontré des gens dangereux. Quant à la situation de Spanish Johnny, et bien, je n'ai jamais été dans ce genre de situation, mais je connais des gens qui ont vécu cette vie".
En ce moment, Bruce travaille avec un groupe assez stable "un groupe de types vraiment bizarres", qui ont envie de venir en Europe, mais sans grand espoir. "Ici, la cadence est continuelle, encore et toujours".
Pour combien de temps pourra-t-il continuer à ce rythme - sur scène tous les soirs, à jouer devant un public de plus en plus nombreux, obsédé par l'idée "que le chanteur est la chanson" - personne ne le sait vraiment.
Mais si j'ai fait 25 000 kilomètres pour voir Springsteen et son groupe par deux fois, il parcourt probablement cette distance en un seul mois - la plupart du temps en train !
Il se met de nouveau à tousser et maudit la malchance qui l'a obligée à annuler ces deux concerts. "Nous ne le faisons jamais à moins d'y être vraiment forcés" explique-t-il - et en plus, ces concerts étaient dans le New Jersey, là où il est le plus populaire. "Je veux dire, vous jouez tout le temps à moitié malade, mais il est arrivé un moment où je ne pouvais plus jouer du piano. Je crachais du sang. Je ne suis pas souvent malade mais cette année, nous l'avons été. Nous avons fait tellement de concerts cette année que nous commençons à accumuler... la fatigue... c'est pourquoi travailler sur de nouvelles chansons est une bonne chose et à chaque fois que j'ai la discipline pour me forcer à écrire, j'écris. J'écrivais tous les jours, dans les bus, dans la rue... mais j'ai tendance à être plus critique maintenant, c'est la raison pour laquelle, récemment, je n'ai pas écrit grand chose".
Il est satisfait du résultat de son nouvel album, The Wild, The Innocent & The E Street Shuffle, mais tout comme CBS, il se demande pourquoi les ventes de l'album sont en-dessous de l'attente des journalistes puisqu'il a reçu des critiques élogieuses de tout le monde. "Le nouvel album ressemblait un peu plus à ce que je voulais faire - le groupe a été plus impliqué sur celui-là et les chansons ont été écrites de la façon dont je voulais le faire. Mais j'ai tendance à constamment modifier les arrangements afin de présenter le meilleur matériel, de la meilleure façon, même si le résultat convient souvent au style du groupe. J'essaye simplement de changer un peu les choses pour que tout le monde reste intéressé, comme pour Sandy par exemple. J'aime la version de l'album mais elle était complètement différente jusqu'au soir-même où je l'ai enregistrée et puis je l'ai modifiée".
Bruce affirme qu'en général ses chansons préférées sont celles qu'il a écrites dans un court laps de temps. "For You a vraiment été écrite très vite et The Angel a été écrite en dix ou quinze minutes et c'est une de mes chansons favorites car c'est une des choses les plus sophistiquées que j'ai écrites. "Hey Bus Driver" (Does This Bus Stop At 82nd Street) a été faite vraiment très vite et Blinded By The Light, je l'ai écrite en partie un matin et en partie dans l'après-midi. En fait, la seule chose qui a pris du temps sur le premier album était Spirit In The Night]i".
Il reconnaît que l'environnement de son écriture est différent à présent - cette vie sur le boardwalk lui manque et peut-être que la tournée ne se trouve pas être l'endroit idéal où écrire pour une personne du talent de Springsteen. Mais jusqu'à quel point la confusion dont il parle dans ses chansons est-elle une véritable réflexion de la vie à Asbury ?
"Je vois ces situations se produire quand je les chante" admet-il, "et je connais bien les personnages. Je les utilise dans diverses chansons et je vois leurs silhouettes - ils sont probablement inspirés de gens que je connais où bien ils sont tout simplement là. Il y a beaucoup d'activité dans mes chansons, tout un tas de personnes. C'est comme si vous marchiez dans la rue, c'est ce que vous voyez, mais beaucoup de mes chansons ont été écrites sans aucune musique - c'est juste que j'aime vraiment chanter les paroles !".
Il se met à jouer un morceau qu'il est sur le point de terminer et puis expose ses projets pour l'avenir. "Je voudrais ajouter des filles dans le groupe pour le prochain album, parce que j'ai quelques bonnes idées qui seraient bien plus que des chœurs. Mais en ce moment, je n'ai pas l'argent pour le faire".
Les chansons de Springsteen sont souvent une réflexion alarmante sur la vie dans les rues de New York. "Elles sont écrites pour être plus larges que la vie" dit-il, mais en même temps, il admet ne pas avoir plus d'idées sur la question que quiconque.
"Je n'ai pas vraiment passé beaucoup de temps à New York - le New Jersey était si intense, vous ne pouviez même pas marcher dans la rue. Je suis donc allé à New York et j'ai surtout traîné dans le Village, mais aussi un peu dans le nord de Manhattan. J'étais seul la plupart du temps sans endroit précis où aller mais parfois je traînais avec cet autre type".
Cependant, il était essentiellement un musicien de groupe et il y a quelques mois à peine, il traînait dans les bars, jouant du blues et du rock'n'roll. "Puis, j'ai écrit les premières chansons et si rien ne s'était produit, à ce moment-là, je serais probablement retourné dans les bars".
Il a vite surmonté les problèmes d'égo de ses débuts, se rendant compte de l'influence auto-destructive qu'il avait sur lui-même. "L'erreur se produit quand vous commencez à penser que vous êtes vos chansons" dit-il. "Pour moi, une chanson est une vision, un flash, et ce que je vois, ce sont des personnages et des situations. J'ai assisté à des fêtes foraines à minuit quand ils commencent à tout ranger (Wild Billy's Circus Story) et j'avais peur, j'ai rencontré des gens dangereux. Quant à la situation de Spanish Johnny, et bien, je n'ai jamais été dans ce genre de situation, mais je connais des gens qui ont vécu cette vie".
En ce moment, Bruce travaille avec un groupe assez stable "un groupe de types vraiment bizarres", qui ont envie de venir en Europe, mais sans grand espoir. "Ici, la cadence est continuelle, encore et toujours".
Pour combien de temps pourra-t-il continuer à ce rythme - sur scène tous les soirs, à jouer devant un public de plus en plus nombreux, obsédé par l'idée "que le chanteur est la chanson" - personne ne le sait vraiment.
Mais si j'ai fait 25 000 kilomètres pour voir Springsteen et son groupe par deux fois, il parcourt probablement cette distance en un seul mois - la plupart du temps en train !
Liberty Hall, Houston (TX) - mars 1974
****
NOTES
(1) Le boardwalk représente le bord de mer d'Asbury Park, New Jersey.
(2) Blackpool est une station balnéaire du Nord-Ouest de l'Angleterre.
(3) Le café Wha ? est un établissement de Greenwich Village, à Manhattan, ouvert dans les années cinquante et qui a connu une très grande popularité au début des années 60, avec une scène ouverte librement à tous les artistes.
(4) Le concert mentionné est celui du 03 mars 1974 à Washington DC, à Georgetown University.
(5) Le soundcheck est une répétition d'avant concert pour régler le son.
(2) Blackpool est une station balnéaire du Nord-Ouest de l'Angleterre.
(3) Le café Wha ? est un établissement de Greenwich Village, à Manhattan, ouvert dans les années cinquante et qui a connu une très grande popularité au début des années 60, avec une scène ouverte librement à tous les artistes.
(4) Le concert mentionné est celui du 03 mars 1974 à Washington DC, à Georgetown University.
(5) Le soundcheck est une répétition d'avant concert pour régler le son.
****
Photographies John Rockwood