Jon Stewart, star de la télé américaine, et son héros, Bruce Springsteen, évoquent Wrecking Ball, la mort de Clarence Clemons et le décalage entre l'american dream et la réalité américaine.
par Jon Stewart
par Jon Stewart
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ILS ONT BEAUCOUP DE CHOSES À SE RACONTER, CES DEUX HOMMES sérieux aux métiers un peu idiots. "Quand il s'adresse à son public", dit Jon Stewart, "il prend le temps de le faire. Il veut que sa musique parle vraiment de quelque chose". L'animateur du Daily Show nous parle non seulement de Bruce Springsteen, mais aussi de lui-même : tous deux ont donné du sens à leur vie en chantant des chansons ou en jouant des sketchs.
En ce jour glacial de janvier, Springsteen arrive à pied au studio du Daily Show, situé à Manhattan. Il s'est battu contre le vent depuis une douzaine de pâtés de maisons, du Lincoln Tunnel jusqu'à la 11ème Avenue, portant seulement une fine veste en cuir. "Il y avait des embouteillages", explique Springsteen, "alors Patti m'a lâché là". ("Le Freehold est connu pour ça", commente Stewart, s'imaginant ce trajet). Après l'enregistrement du Daily Show de ce soir-là, Stewart rejoint Springsteen dans son bureau encombré - où une photo des deux hommes posant ensemble est accrochée au mur - après avoir troqué son costume et sa cravate contre un tee-shirt kaki à manches longues. Ces dernières années, l'admiration de longue date de Stewart pour Springsteen s'est transformée en amitié. "Ce n'est en aucun cas surréaliste", ironise Stewart. "C'est la chose la plus naturelle au monde. C'est très dur de se résigner à s'assoir et à pêcher au bord d'un étang du New Jersey, avec une personne pour qui j'ai passé des années à faire de l'auto-stop, afin de le voir jouer à Philadelphie. Le seul groupe que j'ai vu sur scène plus que Bruce Springsteen est le tribute band de Springsteen, les Backstreets. J'essaye de ne pas lui montrer à quel point je suis pathétique".
Stewart a grandi à Lawrenceville, dans le New Jersey, à 30 miles au nord-ouest de la ville natale de Springsteen, Monmouth County. "Toutes les voitures dont il parle dans ses chansons, on les connaissait. On se disait: J'ai vu les mêmes dans la cour de la maison d'à côté". Son premier concert de Springsteen, c'était en 1978, lors de la tournée Darkness On The Edge Of Town, quand il avait 15 ans. "La première fois qu'on entend Darkness, on commence à se demander comment quitter le New Jersey", dit Stewart (Comme Springsteen, Stewart a fini par y revenir, et possède une maison dans l’État Jardin: "On réalise que le New Jersey, c'est pas mal, en fait !").
Les personnages du nouvel album du Boss, Wrecking Ball, ne veulent pas s'enfuir. Ils cherchent juste du boulot. Avec des titres radicalement populistes, comme Death To My Hometown et Jack Of All Trades, Springsteen brosse le tableau d'une Amérique où "Les banquiers s'engraissent / Et les ouvriers n'ont plus que la peau sur les os". Springsteen voulait que ses nouvelles chansons décrivent "ce qui se passe dans le tissu social du monde dans lequel nous vivons".
Les deux hommes parleront pendant près de deux heures, avec Springsteen partageant des détails sur son processus créatif, son chagrin suite à la perte de Clarence Clemons l'année dernière et le patriotisme enragé qui alimente Wrecking Ball. Leur conversation terminée, Stewart passera le dictaphone à l'équipe de Rolling Stone : "Voilà, on a l'essentiel".
"Attention, il y a beaucoup de chansons d'ivrognes" nous prévient Springsteen.
"La plupart sont en hébreu" dit Stewart.
En ce jour glacial de janvier, Springsteen arrive à pied au studio du Daily Show, situé à Manhattan. Il s'est battu contre le vent depuis une douzaine de pâtés de maisons, du Lincoln Tunnel jusqu'à la 11ème Avenue, portant seulement une fine veste en cuir. "Il y avait des embouteillages", explique Springsteen, "alors Patti m'a lâché là". ("Le Freehold est connu pour ça", commente Stewart, s'imaginant ce trajet). Après l'enregistrement du Daily Show de ce soir-là, Stewart rejoint Springsteen dans son bureau encombré - où une photo des deux hommes posant ensemble est accrochée au mur - après avoir troqué son costume et sa cravate contre un tee-shirt kaki à manches longues. Ces dernières années, l'admiration de longue date de Stewart pour Springsteen s'est transformée en amitié. "Ce n'est en aucun cas surréaliste", ironise Stewart. "C'est la chose la plus naturelle au monde. C'est très dur de se résigner à s'assoir et à pêcher au bord d'un étang du New Jersey, avec une personne pour qui j'ai passé des années à faire de l'auto-stop, afin de le voir jouer à Philadelphie. Le seul groupe que j'ai vu sur scène plus que Bruce Springsteen est le tribute band de Springsteen, les Backstreets. J'essaye de ne pas lui montrer à quel point je suis pathétique".
Stewart a grandi à Lawrenceville, dans le New Jersey, à 30 miles au nord-ouest de la ville natale de Springsteen, Monmouth County. "Toutes les voitures dont il parle dans ses chansons, on les connaissait. On se disait: J'ai vu les mêmes dans la cour de la maison d'à côté". Son premier concert de Springsteen, c'était en 1978, lors de la tournée Darkness On The Edge Of Town, quand il avait 15 ans. "La première fois qu'on entend Darkness, on commence à se demander comment quitter le New Jersey", dit Stewart (Comme Springsteen, Stewart a fini par y revenir, et possède une maison dans l’État Jardin: "On réalise que le New Jersey, c'est pas mal, en fait !").
Les personnages du nouvel album du Boss, Wrecking Ball, ne veulent pas s'enfuir. Ils cherchent juste du boulot. Avec des titres radicalement populistes, comme Death To My Hometown et Jack Of All Trades, Springsteen brosse le tableau d'une Amérique où "Les banquiers s'engraissent / Et les ouvriers n'ont plus que la peau sur les os". Springsteen voulait que ses nouvelles chansons décrivent "ce qui se passe dans le tissu social du monde dans lequel nous vivons".
Les deux hommes parleront pendant près de deux heures, avec Springsteen partageant des détails sur son processus créatif, son chagrin suite à la perte de Clarence Clemons l'année dernière et le patriotisme enragé qui alimente Wrecking Ball. Leur conversation terminée, Stewart passera le dictaphone à l'équipe de Rolling Stone : "Voilà, on a l'essentiel".
"Attention, il y a beaucoup de chansons d'ivrognes" nous prévient Springsteen.
"La plupart sont en hébreu" dit Stewart.
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Comment ça va, mec ?
Bien ! On vient de commencer les répétitions avec le groupe dans une base militaire désaffectée, à Fort Monmouth, New Jersey.
Je connais cet endroit. Chaque fois que je passe devant en voiture, je pense au Mystère Andromède, de Robert Wise. J'imagine toujours que c'est comme dans l'un de ces films d'horreur où il ne reste plus qu'une carcasse vide et quelque chose comme un esprit qui rôde.
C'est exactement ça. Il y a un studio de répétitions et nous sommes les seuls habitants ! Nous sommes le seul truc excitant qui se passe dans le coin. Pour l'anecdote, je jouais souvent là quand j'avais 16 ans, pour le club du lycée et celui des officiers. C'est drôle de revenir ici, alors que c'est complètement abandonné.
Wrecking Ball est plus un album solo qu'un album du E Street Band. Quelle en a été la genèse ?
Il a débuté comme un projet folk - avec moi et ma guitare, chantant ces chansons. Mais, en cours de route, j'avais déjà 50% des arrangements en tête. Alors dès que je me suis arrêté de jouer, j'ai pris tous mes instruments les uns après les autres et, au bout d'une heure, j'avais une ébauche de ce que j'entendais dans ma tête quand je chantais. Une bonne partie de cette base a été enregistrée avec la guitare acoustique, du chant et des samples, des boucles hip-hop et country-blues. Et les batteries sont arrivées plus tard - je n'avais pas d'idées préconçues sur l'instrumentation. Je pouvais aller n'importe où, faire n'importe quoi, utiliser tout ce que je voulais. C'était vraiment très ouvert.
Il y a des chansons où on a l'impression que vous allez boire une bière avec les Chieftains, et que vous vous décidez à jouer !
J'ai fait appel à mes racines et à des éléments de la musique celtique, car j'utilise la musique pour offrir un contexte historique à mes histoires. Death To My Hometown ressemble à la chanson d'un rebelle irlandais, mais fait référence à ce qui s'est passé il y a quatre ans seulement. Je veux faire comprendre aux gens que tout se répète, encore et encore : ce qui s'est déroulé en 2008 a déjà eu lieu juste avant le changement de siècle, et aussi juste après l'an 2000. C'est un cycle historique, dont les victimes sont toujours les mêmes.
Elles pourraient avoir été chantées en 1840, 1860...
Ou hier. Pour Shackled And Drawn, par exemple, c'est la même chose, elle aurait pu être chantée par les esclaves, dans les champs de coton.
Bien ! On vient de commencer les répétitions avec le groupe dans une base militaire désaffectée, à Fort Monmouth, New Jersey.
Je connais cet endroit. Chaque fois que je passe devant en voiture, je pense au Mystère Andromède, de Robert Wise. J'imagine toujours que c'est comme dans l'un de ces films d'horreur où il ne reste plus qu'une carcasse vide et quelque chose comme un esprit qui rôde.
C'est exactement ça. Il y a un studio de répétitions et nous sommes les seuls habitants ! Nous sommes le seul truc excitant qui se passe dans le coin. Pour l'anecdote, je jouais souvent là quand j'avais 16 ans, pour le club du lycée et celui des officiers. C'est drôle de revenir ici, alors que c'est complètement abandonné.
Wrecking Ball est plus un album solo qu'un album du E Street Band. Quelle en a été la genèse ?
Il a débuté comme un projet folk - avec moi et ma guitare, chantant ces chansons. Mais, en cours de route, j'avais déjà 50% des arrangements en tête. Alors dès que je me suis arrêté de jouer, j'ai pris tous mes instruments les uns après les autres et, au bout d'une heure, j'avais une ébauche de ce que j'entendais dans ma tête quand je chantais. Une bonne partie de cette base a été enregistrée avec la guitare acoustique, du chant et des samples, des boucles hip-hop et country-blues. Et les batteries sont arrivées plus tard - je n'avais pas d'idées préconçues sur l'instrumentation. Je pouvais aller n'importe où, faire n'importe quoi, utiliser tout ce que je voulais. C'était vraiment très ouvert.
Il y a des chansons où on a l'impression que vous allez boire une bière avec les Chieftains, et que vous vous décidez à jouer !
J'ai fait appel à mes racines et à des éléments de la musique celtique, car j'utilise la musique pour offrir un contexte historique à mes histoires. Death To My Hometown ressemble à la chanson d'un rebelle irlandais, mais fait référence à ce qui s'est passé il y a quatre ans seulement. Je veux faire comprendre aux gens que tout se répète, encore et encore : ce qui s'est déroulé en 2008 a déjà eu lieu juste avant le changement de siècle, et aussi juste après l'an 2000. C'est un cycle historique, dont les victimes sont toujours les mêmes.
Elles pourraient avoir été chantées en 1840, 1860...
Ou hier. Pour Shackled And Drawn, par exemple, c'est la même chose, elle aurait pu être chantée par les esclaves, dans les champs de coton.
Vers la fin du disque, écouter le saxo de Clarence Clemons, disparu en juin, sur Land Of Hope And Dreams prend aux tripes. C'est puissant.
Il jouait merveilleusement bien. C'est une perte que nous n'avons pas encore mesurée. Nous ne pourrons sans doute jamais l’accepter.
Sa disparition pouvait-elle te conduire à annuler la tournée ?
Non. Je savais que le groupe continuerait à jouer, coûte que coûte, et ce, pour deux raisons. Premièrement, les gens ont besoin de savoir que le groupe va bien, qu'il est toujours là pour les divertir. Deuxièmement, jouer sans Clarence permet de mieux réaliser à quel point il va leur manquer - tout autant qu'à moi.
Mais cela nous rappelle que les choses de la vie ont une influence même sur le pays des merveilles qu'est la pop music. En réalité, nous sommes comme tout le monde. Je ne sais pas ce qui va se passer le premier soir où nous monterons sur scène, ni le dixième soir, ni le suivant... Vraiment, nous ne pouvons pas le prévoir. C'est une expérience particulière que nous allons partager avec notre public sur cette tournée.
A quel point sa mort a-t-elle affecté l'album ?
Nous l'avions presque terminé, mis à part qu'il me manquait la partie de Clarence. La semaine précédent sa mort, je l'ai appelé pour lui proposer de venir et d'enregistrer à son retour de Los Angeles, où il travaillait alors avec Lady Gaga. Il commençait à ressentir une douleur au niveau de la main. Il se faisait du souci et m'a demandé s'il pouvait d'abord retourner en Floride pour se faire examiner. C'était la première fois qu'il reportait une séance d'enregistrement. J'ai évidemment accepté, pensant qu'il pourrait toujours nous rejoindre ensuite.
Une semaine plus tard, il était hospitalisé à la suite d'une attaque. J'ai pris l'avion pour la Floride et passé la semaine avec sa famille, à son chevet. Il n'a jamais vraiment repris connaissance, mais lors des premiers jours, il me serrait la main quand il entendait ma voix. Puis, son état a empiré. Après l'enterrement, je suis retourné en studio finir mon album. Ron Aniello [le producteur de Wrecking Ball] m'a salué et, tandis que nous étions assis à la table de mixage, il me dit: "Je suis vraiment désolé pour Clarence. Je ne savais pas quoi faire en apprenant la nouvelle, donc je suis rentré à la maison, à Los Angeles, et j'ai mis bout à bout ce passage à partir d'une des prises live de cette chanson". Il m'a fait écouter Land Of Hope And Dreams, et quand le solo de Clarence est arrivé, le saxo de Clarence a rempli la pièce. J'ai pleuré. C'est comme s'il était vraiment là, certes grâce à un tour de magie technique... mais il était bel et bien là.
Il jouait merveilleusement bien. C'est une perte que nous n'avons pas encore mesurée. Nous ne pourrons sans doute jamais l’accepter.
Sa disparition pouvait-elle te conduire à annuler la tournée ?
Non. Je savais que le groupe continuerait à jouer, coûte que coûte, et ce, pour deux raisons. Premièrement, les gens ont besoin de savoir que le groupe va bien, qu'il est toujours là pour les divertir. Deuxièmement, jouer sans Clarence permet de mieux réaliser à quel point il va leur manquer - tout autant qu'à moi.
Mais cela nous rappelle que les choses de la vie ont une influence même sur le pays des merveilles qu'est la pop music. En réalité, nous sommes comme tout le monde. Je ne sais pas ce qui va se passer le premier soir où nous monterons sur scène, ni le dixième soir, ni le suivant... Vraiment, nous ne pouvons pas le prévoir. C'est une expérience particulière que nous allons partager avec notre public sur cette tournée.
A quel point sa mort a-t-elle affecté l'album ?
Nous l'avions presque terminé, mis à part qu'il me manquait la partie de Clarence. La semaine précédent sa mort, je l'ai appelé pour lui proposer de venir et d'enregistrer à son retour de Los Angeles, où il travaillait alors avec Lady Gaga. Il commençait à ressentir une douleur au niveau de la main. Il se faisait du souci et m'a demandé s'il pouvait d'abord retourner en Floride pour se faire examiner. C'était la première fois qu'il reportait une séance d'enregistrement. J'ai évidemment accepté, pensant qu'il pourrait toujours nous rejoindre ensuite.
Une semaine plus tard, il était hospitalisé à la suite d'une attaque. J'ai pris l'avion pour la Floride et passé la semaine avec sa famille, à son chevet. Il n'a jamais vraiment repris connaissance, mais lors des premiers jours, il me serrait la main quand il entendait ma voix. Puis, son état a empiré. Après l'enterrement, je suis retourné en studio finir mon album. Ron Aniello [le producteur de Wrecking Ball] m'a salué et, tandis que nous étions assis à la table de mixage, il me dit: "Je suis vraiment désolé pour Clarence. Je ne savais pas quoi faire en apprenant la nouvelle, donc je suis rentré à la maison, à Los Angeles, et j'ai mis bout à bout ce passage à partir d'une des prises live de cette chanson". Il m'a fait écouter Land Of Hope And Dreams, et quand le solo de Clarence est arrivé, le saxo de Clarence a rempli la pièce. J'ai pleuré. C'est comme s'il était vraiment là, certes grâce à un tour de magie technique... mais il était bel et bien là.
Hope And Dreams et l'ensemble de la deuxième partie de l'album semblent passer du personnel et du politique à une thématique plus spirituelle.
Sur la première partie du disque, nous étions simplement énervés. Dans le premier morceau, We Take Care Of Our Own, je pose les questions auxquelles j'essaie de répondre par la suite. Le refrain de la chanson soulève une question fondamentale: Prenons-nous bien soin des nôtres ? Qu'est-il arrivé à ce fameux contrat social ? Où était-il passé ces 30 dernières années ? Comment a-t-il été si affreusement érodé ? Et comment se fait-il qu'on ait attendu si longtemps pour faire entendre nos voix ? J'écris sur ce sujet depuis trente ans, de Darkness On The Edge Of Town en passant par The Ghost Of Tom Joad, jusqu'à aujourd'hui. Tout est venu de la récession sous Jimmy Carter, à la fin des années 70. Et c'est un sujet sur lequel j'ai toujours écrit. Mon beau-frère a perdu son travail d'ouvrier dans le bâtiment et s'est retrouvé concierge dans un lycée du coin. Ça a changé sa vie.
Ce sont donc des problèmes qui reviennent inlassablement dans l'histoire et qui pèsent sur le dos des mêmes personnes. Si ma musique a un autre intérêt que celui de s'écouter en dansant, en s'amusant ou en passant l'aspirateur, c'est d'essayer de mesurer la distance entre l'american dream et la réalité américaine. . Le mantra que je suis dans le dernier couplet de We Take Care Of Our Own - ("Where are the eyes, where are the hearts ?") - c'est vraiment : "Que s'est-il passé lors de ces trente dernières années ? Qu'est-il arrivé au contrat social du monde dans lequel nous vivons ? Quel est le prix à payer au quotidien pour les gens ?" Le prix à payer au quotidien, c'est quelque chose que j'ai ressenti intensément étant enfant, et c'est sans doute pour cette raison que j'écris des chansons depuis si longtemps.
Sur la première partie du disque, nous étions simplement énervés. Dans le premier morceau, We Take Care Of Our Own, je pose les questions auxquelles j'essaie de répondre par la suite. Le refrain de la chanson soulève une question fondamentale: Prenons-nous bien soin des nôtres ? Qu'est-il arrivé à ce fameux contrat social ? Où était-il passé ces 30 dernières années ? Comment a-t-il été si affreusement érodé ? Et comment se fait-il qu'on ait attendu si longtemps pour faire entendre nos voix ? J'écris sur ce sujet depuis trente ans, de Darkness On The Edge Of Town en passant par The Ghost Of Tom Joad, jusqu'à aujourd'hui. Tout est venu de la récession sous Jimmy Carter, à la fin des années 70. Et c'est un sujet sur lequel j'ai toujours écrit. Mon beau-frère a perdu son travail d'ouvrier dans le bâtiment et s'est retrouvé concierge dans un lycée du coin. Ça a changé sa vie.
Ce sont donc des problèmes qui reviennent inlassablement dans l'histoire et qui pèsent sur le dos des mêmes personnes. Si ma musique a un autre intérêt que celui de s'écouter en dansant, en s'amusant ou en passant l'aspirateur, c'est d'essayer de mesurer la distance entre l'american dream et la réalité américaine. . Le mantra que je suis dans le dernier couplet de We Take Care Of Our Own - ("Where are the eyes, where are the hearts ?") - c'est vraiment : "Que s'est-il passé lors de ces trente dernières années ? Qu'est-il arrivé au contrat social du monde dans lequel nous vivons ? Quel est le prix à payer au quotidien pour les gens ?" Le prix à payer au quotidien, c'est quelque chose que j'ai ressenti intensément étant enfant, et c'est sans doute pour cette raison que j'écris des chansons depuis si longtemps.
Quelqu'un a écrit dans le New York Times que We Take Care Of Our Own était "patriotique".
Peu importe qui a écrit ça, mais ils ont besoin d'un critique musical un peu plus malin.
[Rires] Cette critique te ramène à l'époque de Born In The USA, qui avait été terriblement incompris ?
Tout à fait. Je ne l'ai pas ressenti sur cet album en particulier, mais vous écrivez le meilleur album possible, et vous le présentez, en attendant de voir ce qui va vous revenir au visage. Ces derniers temps, il semble que la polarisation de ce pays a été si extrême qu'on veut nous forcer à être des "patriotes" de pacotille ou des "apologistes" notoires. Un débat politique nuancé ou une simple expression créative sont devenus impossible, à cause du déclin de notre gouvernement et à l'infantilisation de notre discours national. Je ne peux pas approuver ça et encore moins écrire dans ce sens.
Peu importe qui a écrit ça, mais ils ont besoin d'un critique musical un peu plus malin.
[Rires] Cette critique te ramène à l'époque de Born In The USA, qui avait été terriblement incompris ?
Tout à fait. Je ne l'ai pas ressenti sur cet album en particulier, mais vous écrivez le meilleur album possible, et vous le présentez, en attendant de voir ce qui va vous revenir au visage. Ces derniers temps, il semble que la polarisation de ce pays a été si extrême qu'on veut nous forcer à être des "patriotes" de pacotille ou des "apologistes" notoires. Un débat politique nuancé ou une simple expression créative sont devenus impossible, à cause du déclin de notre gouvernement et à l'infantilisation de notre discours national. Je ne peux pas approuver ça et encore moins écrire dans ce sens.
Quelle est l'idée derrière Easy Money ?
C'est la criminalisation urbaine, née de la cohue financière de Wall Street. Ce mec dit: "Tout le monde gagne sa part, sans payer quoi que ce soit, et moi aussi, je veux sortir et obtenir ma part". Cette agitation a été légitimée durant ces quatre dernières années, quand nous avons atteint le plus haut niveau de soif d'argent chez les hauts dirigeants de l'industrie financière, et qu'on a pu voir des gens vivant tranquillement sans payer trop d’impôts et sans se sentir redevables. Ce manque de solidarité est un poison injecté directement dans le cœur de notre pays, et qui remonte au Watergate. Le Watergate a légitimé les manigances autour de l'argent - a légitimé le moindre voyou trainant dans le quartier. C'est ce qui a quasiment mis notre pays à terre. Aucun des hippies aux cheveux longs n'a autant fait sombrer les États-Unis que ces mecs en costumes à rayures.
Sans offrir de boulot, sans aider les victimes de saisies, sans réguler l'activité des banques, sans réforme sur la taxation, on ne peut pas maintenir un contrat social avec une telle inégalité de revenus. Cette inégalité, c'est ce qui coupe le pays en deux... Mitt Romney a payé 15% d’impôts ? Si nous ne soulevons pas une fois pour toutes le problème, je ne pense pas que le pays puisse rester soudé. Je comprends bien les effets de la globalisation, mais au bout du compte, on ne peut pas obtenir une société digne de ce nom sans un minimum de civisme, d'équité économique et un objectif de plein emploi.
C'est la criminalisation urbaine, née de la cohue financière de Wall Street. Ce mec dit: "Tout le monde gagne sa part, sans payer quoi que ce soit, et moi aussi, je veux sortir et obtenir ma part". Cette agitation a été légitimée durant ces quatre dernières années, quand nous avons atteint le plus haut niveau de soif d'argent chez les hauts dirigeants de l'industrie financière, et qu'on a pu voir des gens vivant tranquillement sans payer trop d’impôts et sans se sentir redevables. Ce manque de solidarité est un poison injecté directement dans le cœur de notre pays, et qui remonte au Watergate. Le Watergate a légitimé les manigances autour de l'argent - a légitimé le moindre voyou trainant dans le quartier. C'est ce qui a quasiment mis notre pays à terre. Aucun des hippies aux cheveux longs n'a autant fait sombrer les États-Unis que ces mecs en costumes à rayures.
Sans offrir de boulot, sans aider les victimes de saisies, sans réguler l'activité des banques, sans réforme sur la taxation, on ne peut pas maintenir un contrat social avec une telle inégalité de revenus. Cette inégalité, c'est ce qui coupe le pays en deux... Mitt Romney a payé 15% d’impôts ? Si nous ne soulevons pas une fois pour toutes le problème, je ne pense pas que le pays puisse rester soudé. Je comprends bien les effets de la globalisation, mais au bout du compte, on ne peut pas obtenir une société digne de ce nom sans un minimum de civisme, d'équité économique et un objectif de plein emploi.
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Depuis les années 70, tu écris sur les pauvres qui veulent devenir riches, et les riches qui veulent devenir rois. C'est ce que j'aime à propos de ce que tu disais tout à l'heure - c'est un problème universel et intemporel. Les motivations ne semblent pas changer.
J'ai vu s'aggraver les inégalités durant toute ma vie. Ce n'est apparu dans les journaux que depuis l'opération Occupy Wall Street, mais c'était sous-jacent depuis très longtemps. Pour le pire ou pour le meilleur, je les ai vécues en tant qu'enfant, et c'est quelque chose que je n'ai jamais pu oublier. Je sais ce que c'est lorsqu'un père de famille se démène au travail ou n'arrive pas à en trouver, pendant qu'une mère devient celle qui ramène le pain à la maison. C'était mon foyer.
C'est ce qui se passe aujourd'hui en Amérique dans tous les foyers: pour les ouvriers, les employés des usines, particulièrement ce type d'hommes, dont les métiers ont disparu soudainement. Leur attitude et leur éducation ne peuvent immédiatement s'adapter aux besoins de l'économie actuelle. C'est ce qui a dévasté la classe moyenne, et surtout les cols bleus. C'était aussi mon histoire, c'était l'histoire sur laquelle j'écris. Celle que je raconte depuis trente ans, parce que j'ai été témoin, jour après jour, de cette crise, et j'ai vu ses effets. J'ai vu ses ravages, j'ai vu la perte de la virilité de ces hommes. C'est un déchirement quotidien pour un enfant, un déchirement qui ne s'arrête jamais.
Je pense que les gens peuvent se dire : Doux Jésus, vous êtes à l'abri du besoin, comment pouvez-vous comprendre ça ? Mais c'est clairement quelque chose qui s'imprime, quasi génétiquement dans votre esprit. Ça n'a rien à voir.
Nous parlons, nous écrivons, nous pensons et, même à un âge comme le mien, nous agissons à travers le prisme de notre enfance. Ces années-là ne nous quittent jamais.
J'ai une métaphore pour l'expliquer. Tu es dans une voiture, tes nouvelles personnalités peuvent monter à bord, mais tes anciennes ne peuvent pas descendre. Tu peux offrir un nouveau sens à ta vie, mais tu ne peux pas oublier ce que tu as été, ce que tu as vu. De nouvelles personnes peuvent monter, mais personne ne descend jamais : l'enfant des années 50, il est toujours là. L'adolescent, personne ne peut descendre. Ils sont à tes côtés jusqu'à la fin du voyage, et tu vas passer le témoin à certains d'entre eux..
Et ils exercent une influence majeure sur toi.
La clé est, bien entendu, qui prend le volant ? Chaque jour que Dieu fait, on espère qu'un de vos meilleurs anges se mette derrière le volant. Ce n'est pas nécessairement toujours le cas, mais vous y travaillez. Pourquoi garde-t-on précieusement le moindre mouchoir jetable, comme si c'était le dernier ? Pourquoi ma belle-mère éteint-elle toutes les lumières de sa maison ? Elle est née pendant la Grande Dépression, quand ces putains de lumières s'éteignaient les unes après les autres, et qu'il fallait faire avec ce qui restait. Ces comportements économiques ont profondément marqués les esprits. Les gens qui surmontent cette douleur ne sont plus les mêmes ensuite - Pour ceux qui en souffrent, ils changent la façon dont vous grandissez et la façon dont vous pensez pour le reste de votre vie.
Vous perdez confiance.
Et ce sentiment reste en vous, même si l'économie se redresse, même si vous connaissez des jours meilleurs. L'effet cumulatif de ces récessions et de cette punition pour les gens est si profond, et donc ces choses-là ne vous quittent jamais.
J'ai vu s'aggraver les inégalités durant toute ma vie. Ce n'est apparu dans les journaux que depuis l'opération Occupy Wall Street, mais c'était sous-jacent depuis très longtemps. Pour le pire ou pour le meilleur, je les ai vécues en tant qu'enfant, et c'est quelque chose que je n'ai jamais pu oublier. Je sais ce que c'est lorsqu'un père de famille se démène au travail ou n'arrive pas à en trouver, pendant qu'une mère devient celle qui ramène le pain à la maison. C'était mon foyer.
C'est ce qui se passe aujourd'hui en Amérique dans tous les foyers: pour les ouvriers, les employés des usines, particulièrement ce type d'hommes, dont les métiers ont disparu soudainement. Leur attitude et leur éducation ne peuvent immédiatement s'adapter aux besoins de l'économie actuelle. C'est ce qui a dévasté la classe moyenne, et surtout les cols bleus. C'était aussi mon histoire, c'était l'histoire sur laquelle j'écris. Celle que je raconte depuis trente ans, parce que j'ai été témoin, jour après jour, de cette crise, et j'ai vu ses effets. J'ai vu ses ravages, j'ai vu la perte de la virilité de ces hommes. C'est un déchirement quotidien pour un enfant, un déchirement qui ne s'arrête jamais.
Je pense que les gens peuvent se dire : Doux Jésus, vous êtes à l'abri du besoin, comment pouvez-vous comprendre ça ? Mais c'est clairement quelque chose qui s'imprime, quasi génétiquement dans votre esprit. Ça n'a rien à voir.
Nous parlons, nous écrivons, nous pensons et, même à un âge comme le mien, nous agissons à travers le prisme de notre enfance. Ces années-là ne nous quittent jamais.
J'ai une métaphore pour l'expliquer. Tu es dans une voiture, tes nouvelles personnalités peuvent monter à bord, mais tes anciennes ne peuvent pas descendre. Tu peux offrir un nouveau sens à ta vie, mais tu ne peux pas oublier ce que tu as été, ce que tu as vu. De nouvelles personnes peuvent monter, mais personne ne descend jamais : l'enfant des années 50, il est toujours là. L'adolescent, personne ne peut descendre. Ils sont à tes côtés jusqu'à la fin du voyage, et tu vas passer le témoin à certains d'entre eux..
Et ils exercent une influence majeure sur toi.
La clé est, bien entendu, qui prend le volant ? Chaque jour que Dieu fait, on espère qu'un de vos meilleurs anges se mette derrière le volant. Ce n'est pas nécessairement toujours le cas, mais vous y travaillez. Pourquoi garde-t-on précieusement le moindre mouchoir jetable, comme si c'était le dernier ? Pourquoi ma belle-mère éteint-elle toutes les lumières de sa maison ? Elle est née pendant la Grande Dépression, quand ces putains de lumières s'éteignaient les unes après les autres, et qu'il fallait faire avec ce qui restait. Ces comportements économiques ont profondément marqués les esprits. Les gens qui surmontent cette douleur ne sont plus les mêmes ensuite - Pour ceux qui en souffrent, ils changent la façon dont vous grandissez et la façon dont vous pensez pour le reste de votre vie.
Vous perdez confiance.
Et ce sentiment reste en vous, même si l'économie se redresse, même si vous connaissez des jours meilleurs. L'effet cumulatif de ces récessions et de cette punition pour les gens est si profond, et donc ces choses-là ne vous quittent jamais.
Donc, en quoi ça façonne ton travail ?
Cette angoisse fait partie des choses qui m'exaspèrent le plus, que je veux le plus réparer. Ce sont des choses que je veux le plus guérir, ce sont des choses que je veux le plus arranger. Elles m'obsèdent, mais elles rendent mon art intéressant aux yeux des autres: "Mais qu'est-ce qui ronge cet homme ?". Hank Williams, comme toutes les personnes que j'ai le plus aimées, a aussi quelque chose qui le dévore de l'intérieur, quelque chose dont il n'arrive pas à se débarrasser. Qui rend votre art intéressant et rend une vie intéressante, si vous arrivez à tout mettre en forme. Ce qui, dans mon cas, m'a pris une vie entière. Parfois, on arrive à un moment où quelque chose en vous se soulève contre ça, où il y a quelque chose, là dehors, qui vous soulève contre ça. C'est ce qui est arrivé, cette dernière décennie. C'était le cas avec The Rising, et avec Magic, qui parlait des années de présidence Bush. Et cet album-ci, de manière étrange, est une opportunité - une opportunité de faire remonter à la surface les obsessions qui me hantent depuis si longtemps. Le problème que nous avons aujourd'hui, c'est que ces questions ne sont pas soulevées au niveau national. Elles commencent juste à se faire entendre. Je pense que le mouvement Occupy Wall Street a offert au président la possibilité de parler de l'égalité des ressources financières, des programmes qui aideraient le peuple - qui a été le plus lourdement touché par la crise. Mais ce n'est que le tout début. C'était un moment important, et je pense qu'il faut remercier les gens qui ont occupé Wall Street pour avoir changé le débat politique, ce qu'ils ont clairement fait, il me semble...
Cette angoisse fait partie des choses qui m'exaspèrent le plus, que je veux le plus réparer. Ce sont des choses que je veux le plus guérir, ce sont des choses que je veux le plus arranger. Elles m'obsèdent, mais elles rendent mon art intéressant aux yeux des autres: "Mais qu'est-ce qui ronge cet homme ?". Hank Williams, comme toutes les personnes que j'ai le plus aimées, a aussi quelque chose qui le dévore de l'intérieur, quelque chose dont il n'arrive pas à se débarrasser. Qui rend votre art intéressant et rend une vie intéressante, si vous arrivez à tout mettre en forme. Ce qui, dans mon cas, m'a pris une vie entière. Parfois, on arrive à un moment où quelque chose en vous se soulève contre ça, où il y a quelque chose, là dehors, qui vous soulève contre ça. C'est ce qui est arrivé, cette dernière décennie. C'était le cas avec The Rising, et avec Magic, qui parlait des années de présidence Bush. Et cet album-ci, de manière étrange, est une opportunité - une opportunité de faire remonter à la surface les obsessions qui me hantent depuis si longtemps. Le problème que nous avons aujourd'hui, c'est que ces questions ne sont pas soulevées au niveau national. Elles commencent juste à se faire entendre. Je pense que le mouvement Occupy Wall Street a offert au président la possibilité de parler de l'égalité des ressources financières, des programmes qui aideraient le peuple - qui a été le plus lourdement touché par la crise. Mais ce n'est que le tout début. C'était un moment important, et je pense qu'il faut remercier les gens qui ont occupé Wall Street pour avoir changé le débat politique, ce qu'ils ont clairement fait, il me semble...
Aussi sombre que puisse être ce disque, il y a une note d'espoir à la fin.
De toute évidence, ces problématiques ne vont pas se résoudre du jour au lendemain. J'ai la foi : en faisant pression, en étant vigilant, en défendant ses intérêts et en insistant sur le bien de tous, on peut faire évoluer le monde et le faire ressembler à celui qu'on voudrait offrir à nos enfants. Il faut y croire. Il faut ouvrir l’œil, tout en gardant le cœur et l'esprit disponibles. Car vous devez avoir l'esprit, vous devez avoir le cœur.
Si vous écoutez les personnages de Jack Of All Trades ou Rocky Ground, vous entendez des voix qui résistent, et des voix qui s'élèvent pour la génération future. A la fin de l'album, ces voix viennent vraiment d'un autre monde, elles viennent d'outre-tombe. Dans We Are Alive, ce sont des voix de personnes décédées, et même Land Of Hope And Dreams - un titre que j'ai écris il y a dix ans - offre la parole à ces esprits.
J'adore cette chanson. Comment as-tu réussi à l'intégrer au reste du disque ?
C'est drôle, parce que j'avais écrit l'intégralité de l'album, mais je n'avais pas de fin. Je me suis arrêté après Rocky Ground et je me suis dit, "Où cette chanson te mène ? Comment la transformes-tu en quelque chose qui apportera à la fois clarté et inspiration ?". Car, tout comme l'amusement et la distraction, je pense que c'est aussi une partie de mon travail. J'ai donc réfléchis et j'avais Land Of Hope And Dreams, une chanson que j'avais écrite lors de la reformation du E Street Band en 1998. Je l'avais écrite avant la tournée, comme un manifeste du groupe. En d'autres mots, nous nous sommes élevés contre les injustices, par le passé. Cette chanson est notre promesse de continuer à nous battre contre elles, à l'avenir. C'est l'essence même de notre groupe.
Mais c'était une chanson étrange car il y a ces voix semblant venir de l'au-delà, qui nous disent : "Tenez-vous prêts, un train arrive" - tout le monde sait à quoi se train se réfère. Il se réfère à la fois à quelque chose d'actuel: chargé d'égalité, de justice, de joie, de lutte ou je ne sais quoi d'autre. Il passe tous les jours dans votre vie. Et puis il y a le train dans lequel vous montez quand il passe. C'est le train dans lequel vous voyagez, dans lequel vos enfants voyageront bien longtemps après vous, munis d'un sens profond de ce que l'on trouve dans le gospel et dans la communauté noire, et qui forge un caractère tenace. Le train continuera sa route lorsque je serai parti, quand cette musique et cette époque ne seront plus que des souvenirs...
C'était sur ces idées que je voulais terminer mon album. C'était difficile de l'enregistrer, parce que nous avions une excellente version live, et je devais donc trouver une manière de la réinventer rythmiquement, et je dois beaucoup à la personne qui l'a produite avec moi, Ron Aniello, et Jon Landau, qui a également énormément apporté à ce disque.
L'album se termine sur We Are Alive. D'où vient cette chanson ?
Une fois arrivé à ce point, j'avais besoin d'une chanson supplémentaire - une espèce de fête un peu étrange. Et We Are Alive a rempli ce rôle. C'est une fête remplie de fantômes. C'est une fête remplie de morts, mais dont les voix et l'esprit et les idées restent avec nous... C'est la raison pour laquelle je parle des filles de Birmingham, des ouvriers du Maryland et des nouveaux immigrants traversant la frontière du Sud. Tous se rejoignent : le sang et les esprits de ces gens régénèrent ce qu'est l'Amérique, génération après génération, et parlent aux vivants. J'ai donc terminé le disque par une fête de fantômes. Des fantômes qui parlent aux vivants.
De toute évidence, ces problématiques ne vont pas se résoudre du jour au lendemain. J'ai la foi : en faisant pression, en étant vigilant, en défendant ses intérêts et en insistant sur le bien de tous, on peut faire évoluer le monde et le faire ressembler à celui qu'on voudrait offrir à nos enfants. Il faut y croire. Il faut ouvrir l’œil, tout en gardant le cœur et l'esprit disponibles. Car vous devez avoir l'esprit, vous devez avoir le cœur.
Si vous écoutez les personnages de Jack Of All Trades ou Rocky Ground, vous entendez des voix qui résistent, et des voix qui s'élèvent pour la génération future. A la fin de l'album, ces voix viennent vraiment d'un autre monde, elles viennent d'outre-tombe. Dans We Are Alive, ce sont des voix de personnes décédées, et même Land Of Hope And Dreams - un titre que j'ai écris il y a dix ans - offre la parole à ces esprits.
J'adore cette chanson. Comment as-tu réussi à l'intégrer au reste du disque ?
C'est drôle, parce que j'avais écrit l'intégralité de l'album, mais je n'avais pas de fin. Je me suis arrêté après Rocky Ground et je me suis dit, "Où cette chanson te mène ? Comment la transformes-tu en quelque chose qui apportera à la fois clarté et inspiration ?". Car, tout comme l'amusement et la distraction, je pense que c'est aussi une partie de mon travail. J'ai donc réfléchis et j'avais Land Of Hope And Dreams, une chanson que j'avais écrite lors de la reformation du E Street Band en 1998. Je l'avais écrite avant la tournée, comme un manifeste du groupe. En d'autres mots, nous nous sommes élevés contre les injustices, par le passé. Cette chanson est notre promesse de continuer à nous battre contre elles, à l'avenir. C'est l'essence même de notre groupe.
Mais c'était une chanson étrange car il y a ces voix semblant venir de l'au-delà, qui nous disent : "Tenez-vous prêts, un train arrive" - tout le monde sait à quoi se train se réfère. Il se réfère à la fois à quelque chose d'actuel: chargé d'égalité, de justice, de joie, de lutte ou je ne sais quoi d'autre. Il passe tous les jours dans votre vie. Et puis il y a le train dans lequel vous montez quand il passe. C'est le train dans lequel vous voyagez, dans lequel vos enfants voyageront bien longtemps après vous, munis d'un sens profond de ce que l'on trouve dans le gospel et dans la communauté noire, et qui forge un caractère tenace. Le train continuera sa route lorsque je serai parti, quand cette musique et cette époque ne seront plus que des souvenirs...
C'était sur ces idées que je voulais terminer mon album. C'était difficile de l'enregistrer, parce que nous avions une excellente version live, et je devais donc trouver une manière de la réinventer rythmiquement, et je dois beaucoup à la personne qui l'a produite avec moi, Ron Aniello, et Jon Landau, qui a également énormément apporté à ce disque.
L'album se termine sur We Are Alive. D'où vient cette chanson ?
Une fois arrivé à ce point, j'avais besoin d'une chanson supplémentaire - une espèce de fête un peu étrange. Et We Are Alive a rempli ce rôle. C'est une fête remplie de fantômes. C'est une fête remplie de morts, mais dont les voix et l'esprit et les idées restent avec nous... C'est la raison pour laquelle je parle des filles de Birmingham, des ouvriers du Maryland et des nouveaux immigrants traversant la frontière du Sud. Tous se rejoignent : le sang et les esprits de ces gens régénèrent ce qu'est l'Amérique, génération après génération, et parlent aux vivants. J'ai donc terminé le disque par une fête de fantômes. Des fantômes qui parlent aux vivants.
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A travers cet album, nous goûtons à plusieurs saveurs de Springsteen. Tu possèdes tellement de facettes différentes. Comment fais-tu ?
De manière générale, je fais ce que je veux quand je veux, et je laisse les gens trouver ce qui leur plaît. La seule chose que je dois garder en tête, c'est que je suis en plein milieu d'une longue conversation avec mon public, un dialogue de toute une vie, que j'essaie de suivre à la trace. Comme le dit Martin Scorsese, "Ton boulot, c'est de faire en sorte que ton public se préoccupe de tes obsessions". Si l'artiste perd le fil de la conversation avec son public, il peut le perdre pour toujours. Donc, j'essaye de garder le contact avec lui, tout en m'octroyant la liberté musicale dont j'ai besoin.
Tu ne veux exclure personne.
Non. Je vois les flics, les pompiers, les ouvriers du bâtiment, les conservateurs, les républicains, les démocrates... Chaque dimanche soir, les républicains et les démocrates de ma famille dînent ensemble, et personne n'y affiche ses opinions politiques. Je veux juste que les gens pensent par eux-mêmes, pour voir où leurs idées et leurs sentiments les mènent. Cette indépendance signifie beaucoup, car je respecte beaucoup le public qui vient me voir en concert. Je ne veux pas de moutons qui me suivent aveuglément.
De manière générale, je fais ce que je veux quand je veux, et je laisse les gens trouver ce qui leur plaît. La seule chose que je dois garder en tête, c'est que je suis en plein milieu d'une longue conversation avec mon public, un dialogue de toute une vie, que j'essaie de suivre à la trace. Comme le dit Martin Scorsese, "Ton boulot, c'est de faire en sorte que ton public se préoccupe de tes obsessions". Si l'artiste perd le fil de la conversation avec son public, il peut le perdre pour toujours. Donc, j'essaye de garder le contact avec lui, tout en m'octroyant la liberté musicale dont j'ai besoin.
Tu ne veux exclure personne.
Non. Je vois les flics, les pompiers, les ouvriers du bâtiment, les conservateurs, les républicains, les démocrates... Chaque dimanche soir, les républicains et les démocrates de ma famille dînent ensemble, et personne n'y affiche ses opinions politiques. Je veux juste que les gens pensent par eux-mêmes, pour voir où leurs idées et leurs sentiments les mènent. Cette indépendance signifie beaucoup, car je respecte beaucoup le public qui vient me voir en concert. Je ne veux pas de moutons qui me suivent aveuglément.
Est-ce devenu plus dure avec l'arrivée de temps plus agités ? N'est-ce pas trop difficile de préserver l'échange avec ton public ?
Le dialogue avec chaque individu qui compose mon public est celui que je veux avoir. C'est aussi celui qu'ils ont avec eux-mêmes, avec leurs amis, avec leur femme. C'est un terrain de jeux ouvert à tous. Nous avons déjà été hués par notre public.
J'étais là.
En 2000, aux Meadowlands, j'ai parlé de Bush, qui avait été récemment mis en accusation, et certaines personnes m'ont hué, et c'est bien.
Un dialogue peut être un débat. C'est quelque chose que je ne comprends pas. C'est le but de Thanksgiving - tu t'assois et toi et ta famille débattaient avec des points de vue différents, mais vous vous aimez toujours.
Oui. Je suis fier de notre groupe qui a su garder un public qui veut nous écouter, dans le sens où il s'intéresse, pas seulement à ce que nous disions en 85 ou en 80, mais aussi à notre discours d'aujourd'hui - Quelle est notre prochaine étape ensemble ? Sur quoi allons-nous être en désaccord ? De quoi allons-nous débattre ?
Comment traduis-tu tes idées politiques en chansons ?
Il ne suffit pas d'appuyer sur un bouton. On se met au travail et, si on a de la chance, la colère et l'expérience passées s'allient avec ce mystérieux facteur X qui permet de transformer certaines idées en un morceau de musique. Avant cet album, j'ai enregistré presque 40 chansons pour un autre disque sur lequel je travaillais, et qui n'avait rien à voir avec celui-ci. Arrivé à un certain point, je l'ai jeté à la poubelle. Je me suis dit, "Ce n'est pas ce qui me convient là, maintenant".
Délibérément docile. Pourrais-je l'écouter un de ces jours ?
(Rires) J'espère ! J'espère ne pas avoir perdu mon temps. J'ai passé près d'un an à l'écrire et à l'enregistrer. Mais les chansons n'avaient rien à voir avec ce qui se passait autour de moi, à ce moment-là. Elles étaient trop paisibles, je ne pouvais pas en faire un album. Je l'ai donc mis de côté et je me suis lancé dans ce disque, avec un rythme d'à peu près dix chansons en dix jours. C'est comme une révélation : on est debout toute la nuit, la guitare au pied du lit, on est encore éveillé à quatre heures du matin, on a un carnet à portée de main, l'enregistreur, et c'est parti pour une semaine ou deux. Après, c'est dans la boîte ! Parfois, ça se passe comme ça. Pour cet album, je suis allé tous les jours en studio pour enregistrer à chaque fois une nouvelle chanson. C'est parce que j'avais vraiment l'impression de tenir quelque chose une fois les bonnes questions posées, celles de We Take Care Of Our Own. J'ai pu ensuite me plonger dans le reste du disque. Tu le sens, quand tu attrapes la vague.
Le dialogue avec chaque individu qui compose mon public est celui que je veux avoir. C'est aussi celui qu'ils ont avec eux-mêmes, avec leurs amis, avec leur femme. C'est un terrain de jeux ouvert à tous. Nous avons déjà été hués par notre public.
J'étais là.
En 2000, aux Meadowlands, j'ai parlé de Bush, qui avait été récemment mis en accusation, et certaines personnes m'ont hué, et c'est bien.
Un dialogue peut être un débat. C'est quelque chose que je ne comprends pas. C'est le but de Thanksgiving - tu t'assois et toi et ta famille débattaient avec des points de vue différents, mais vous vous aimez toujours.
Oui. Je suis fier de notre groupe qui a su garder un public qui veut nous écouter, dans le sens où il s'intéresse, pas seulement à ce que nous disions en 85 ou en 80, mais aussi à notre discours d'aujourd'hui - Quelle est notre prochaine étape ensemble ? Sur quoi allons-nous être en désaccord ? De quoi allons-nous débattre ?
Comment traduis-tu tes idées politiques en chansons ?
Il ne suffit pas d'appuyer sur un bouton. On se met au travail et, si on a de la chance, la colère et l'expérience passées s'allient avec ce mystérieux facteur X qui permet de transformer certaines idées en un morceau de musique. Avant cet album, j'ai enregistré presque 40 chansons pour un autre disque sur lequel je travaillais, et qui n'avait rien à voir avec celui-ci. Arrivé à un certain point, je l'ai jeté à la poubelle. Je me suis dit, "Ce n'est pas ce qui me convient là, maintenant".
Délibérément docile. Pourrais-je l'écouter un de ces jours ?
(Rires) J'espère ! J'espère ne pas avoir perdu mon temps. J'ai passé près d'un an à l'écrire et à l'enregistrer. Mais les chansons n'avaient rien à voir avec ce qui se passait autour de moi, à ce moment-là. Elles étaient trop paisibles, je ne pouvais pas en faire un album. Je l'ai donc mis de côté et je me suis lancé dans ce disque, avec un rythme d'à peu près dix chansons en dix jours. C'est comme une révélation : on est debout toute la nuit, la guitare au pied du lit, on est encore éveillé à quatre heures du matin, on a un carnet à portée de main, l'enregistreur, et c'est parti pour une semaine ou deux. Après, c'est dans la boîte ! Parfois, ça se passe comme ça. Pour cet album, je suis allé tous les jours en studio pour enregistrer à chaque fois une nouvelle chanson. C'est parce que j'avais vraiment l'impression de tenir quelque chose une fois les bonnes questions posées, celles de We Take Care Of Our Own. J'ai pu ensuite me plonger dans le reste du disque. Tu le sens, quand tu attrapes la vague.
J'aime ce sentiment de se lever le matin avec une idée de sketch en tête. On se réveille, et tout est déjà là. C'est génial.
Et si vous prenez ce sketch et que vous êtes capable de l'intégrer à vos plus profondes convictions, il n'y a rien de meilleur.
Je me suis toujours demandé si ce n'était pas, au fond, une quête égocentrique, que ne fait que nous démanger.
C'est pour cette raison que nous sommes des narcissiques, des bâtards égoïstes. Nos femmes peuvent le confirmer. Mais parfois la magie opère.
Quand l'inspiration arrive, est-elle toujours bien accueillie ? Ne t'es-tu jamais inquiété de savoir si c'était la dernière fois ?
C'est exactement ça, mais je me suis sorti de cette situation. Je me souviens de la fois où j'ai écrit The River. J'avais 30 ans, et je me disais : "Je ne vais plus jamais écrire une autre bonne chanson. J'ai atteint le sommet, et ça ne m'arrivera plus". Mes enfants sont nés peu après, et Patti a dû m'aider à gérer le fait que je n'étais pas un père aussi attentif que j'aurais dû l'être. Mon argument, c'était: Mais tu ne comprends pas, je réfléchis à une chanson !
Tu es un artiste, tu ne peux pas élever des enfants en même temps !
"Je suis en train d'écrire une chanson, je dois pondre un autre tube, ou bien nous allons tous sombrer, et cet endroit va sombrer !". Un jour, je me suis dit, "Attends, j'ai compris, j'ai plus de musique dans ma tête que je n'ai de vies pour l'enregistrer". Mais votre fils ou votre fille, ils quitteront la maison demain, ou le jour d'après. J'ai réalisé qu'il y avait des choses qui restaient et d'autres qui partaient. La musique et l'art flotteront toujours à travers l'éther - ils sont éternels, mais la vie, la vie avance et disparait. La vie est condamnée à danser avec le temps, et tout comme l'art et le temps, les deux ne peuvent se séparer.
Après en avoir pris conscience, je me suis détendu. Si une musique me titille l'oreille et que je n'ai pas d'enregistreur sous la main, peut-être reviendra-t-elle plus tard, même un peu différemment. Ce qui se passe, c'est que l'idée s'infiltre en toi et devient concrète. Une fois qu'elle grandit, elle est là. Et j'ai mis du temps à le comprendre, juste parce que la peur de ne pas avoir de sketch drôle ou de ne pas réussir à écrire une bonne chanson est fondée sur un simple dégoût de soi. Ce qui peut s'avérer utile.
La première chanson, le premier sketch dit toujours, "C'est ce que je suis, c'est là où j'ai été élevé, c'est ce que sont mes parents". Puis le filon s'épuise, et tu es confronté à ce que tu dois écrire après. Et tu commences à être à l'affut. Mais cette transition est difficile à réaliser.
Tout dépend vraiment de la direction que tu prends. Tout dépend de la force avec laquelle tu es attentif. Quand je vois des artistes qui pensent avoir perdu leur mojo, parfois je me dis qu'ils n'ont pas été assez attentif. Ton enthousiasme à réfléchir avec conviction aux choses et à rester éveillé et intéressé au monde qui t'entoure est vraiment quelque chose d’essentiel au fur et à mesure que tu avances.
Et si vous prenez ce sketch et que vous êtes capable de l'intégrer à vos plus profondes convictions, il n'y a rien de meilleur.
Je me suis toujours demandé si ce n'était pas, au fond, une quête égocentrique, que ne fait que nous démanger.
C'est pour cette raison que nous sommes des narcissiques, des bâtards égoïstes. Nos femmes peuvent le confirmer. Mais parfois la magie opère.
Quand l'inspiration arrive, est-elle toujours bien accueillie ? Ne t'es-tu jamais inquiété de savoir si c'était la dernière fois ?
C'est exactement ça, mais je me suis sorti de cette situation. Je me souviens de la fois où j'ai écrit The River. J'avais 30 ans, et je me disais : "Je ne vais plus jamais écrire une autre bonne chanson. J'ai atteint le sommet, et ça ne m'arrivera plus". Mes enfants sont nés peu après, et Patti a dû m'aider à gérer le fait que je n'étais pas un père aussi attentif que j'aurais dû l'être. Mon argument, c'était: Mais tu ne comprends pas, je réfléchis à une chanson !
Tu es un artiste, tu ne peux pas élever des enfants en même temps !
"Je suis en train d'écrire une chanson, je dois pondre un autre tube, ou bien nous allons tous sombrer, et cet endroit va sombrer !". Un jour, je me suis dit, "Attends, j'ai compris, j'ai plus de musique dans ma tête que je n'ai de vies pour l'enregistrer". Mais votre fils ou votre fille, ils quitteront la maison demain, ou le jour d'après. J'ai réalisé qu'il y avait des choses qui restaient et d'autres qui partaient. La musique et l'art flotteront toujours à travers l'éther - ils sont éternels, mais la vie, la vie avance et disparait. La vie est condamnée à danser avec le temps, et tout comme l'art et le temps, les deux ne peuvent se séparer.
Après en avoir pris conscience, je me suis détendu. Si une musique me titille l'oreille et que je n'ai pas d'enregistreur sous la main, peut-être reviendra-t-elle plus tard, même un peu différemment. Ce qui se passe, c'est que l'idée s'infiltre en toi et devient concrète. Une fois qu'elle grandit, elle est là. Et j'ai mis du temps à le comprendre, juste parce que la peur de ne pas avoir de sketch drôle ou de ne pas réussir à écrire une bonne chanson est fondée sur un simple dégoût de soi. Ce qui peut s'avérer utile.
La première chanson, le premier sketch dit toujours, "C'est ce que je suis, c'est là où j'ai été élevé, c'est ce que sont mes parents". Puis le filon s'épuise, et tu es confronté à ce que tu dois écrire après. Et tu commences à être à l'affut. Mais cette transition est difficile à réaliser.
Tout dépend vraiment de la direction que tu prends. Tout dépend de la force avec laquelle tu es attentif. Quand je vois des artistes qui pensent avoir perdu leur mojo, parfois je me dis qu'ils n'ont pas été assez attentif. Ton enthousiasme à réfléchir avec conviction aux choses et à rester éveillé et intéressé au monde qui t'entoure est vraiment quelque chose d’essentiel au fur et à mesure que tu avances.
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Personnellement, comment gères-tu la disparition de Clarence ?
Perdre Clarence, c'était comme si la pluie disparaissait. Comme perdre quelque chose qui a été fondamental depuis toujours dans la vie. Soudain, tout s'écroule, tout semble vide. Notre relation était fondée sur ce genre de connexion chimique, immédiate, et ce, dès le premier soir à Asbury, quand je l'ai vu traverser la scène. Je me suis dit : "C'est l'homme qu'il me faut".
Le coup de foudre...
Oui, en tout cas pour moi. En fait, la première fois que je lui ai demandé de rejoindre le groupe, il m'a répondu qu'il avait déjà un emploi.
"Ça a l'air génial, mais non merci, mec. Je ne pense pas pouvoir assurer les deux".
Oui, il jouait avec Norman Seldin & The Joyful Noyze, et je n'avais pas encore de contrat avec un label ou de perspective immédiate. D'après mes souvenirs - et ceux de Clarence ont peut être été différents avec les années - je l'entends encore me dire: "Je ne sais pas, je tourne régulièrement et j'aime ça", et il a disparu.
J'ai envoyé mon disque chez Columbia Records, et Clive Davis me l'a renvoyé ne me disant qu'il n'y avait rien là-dedans qui puisse passer à la radio. Je me souviens aussi d'être allé à la plage et d'avoir écrit Spirit In The Night et Blinded By The Light, et d'avoir ensuite retrouvé Clarence. Garry Tallent avait joué avec lui dans un groupe appelé Little Melvin & The Invaders, un groupe exclusivement composé de musiciens noirs, qui jouaient dans des clubs noirs autour d'Asbury Park - Clarence était le saxophoniste et Garry était le seul membre blanc du groupe et c'était le bassiste.
Nous essayions toujours de localiser Clarence - il était le genre de personnage mystérieux sur lequel on n'arrive pas à mettre la main. Nous avons réussi à le trouver pour les deux dernières chansons de Greetings From Asbury Park. Il est arrivé et a simplement laissé agir la magie. Je lui ai dit: "Yeah, c'est mon son". Puis: "Je pars en tournée". Il m'a répondu : "Je suis prêt". Et c'est ainsi que nous nous sommes connectés.
Même si le premier soir, où nous avons joué ensemble, était déjà magique, il a été quelque peu hésitant au début, parce qu'il avait un travail régulier. C'était précieux à l'époque. Et il menait déjà une vie très différente : il avait deux enfants. Il était divorcé, il avait une pension. Il faisait partie du monde des adultes. Il avait été assistant social dans la maison de redressement pour jeunes garçons de Jamesburg.
J'ai joué là bas à cette époque ! J'étais dans un groupe, et j'ai joué pour les jeunes du collège. Nous jouions de la musique pour big-band - j'avais 9 ou 10 ans. Je jouais de la trompette. Je n'arrive pas à croire que je n'ai pas encore enregsitré pour toi. Nous jouions toutes ces chansons, telle que In The Mood et Take The A Train et Golden Earrings.
Tu peux toujours en jouer ?
L'embouchure est légèrement déformée à cause des années de cigarette, mais je pense que je pourrais faire quelques petits exercices et retrouvez la forme en peu de temps.
Nous avons une section de cuivres. Nous sommes prêts pour ta venue.
Ça doit être étrange de perdre quelque chose d'irremplaçable et de se retrouver face à des gens demandant: "Alors, comment vas-tu le remplacer ?"
Oui. Nous ne sommes pas les premiers à gérer ce genre de problème. Les choses sont ainsi. Avec Clarence, nous n'étions pas seulement dans le même groupe, nous formions un vrai duo, une équipe suffisamment puissante pour exister par elle-même, en dehors du E Street Band. C'est quelque chose qu'on ne peut pas remplacer, encore moins après quarante ans. Je peux juste remercier le ciel d'avoir vécu cette relation, d'avoir connu une personne comme lui dans ma vie. Et rendre hommage à ce que nous avons fait ensemble.
Tu rends cette perte partie prenante de la conversation que tu entretiens avec ton public.
Nous n'avons pas d'autre choix. Et c'est ce qui se passera dès le premier concert. Tout dépend de la façon dont tu l'abordes. Ce que nous voulons avant tout, ce sont des personnes qui comprennent le groupe. Tous sont d'excellents musiciens, mais ce n'est pas le plus important. Le plus important est de bien comprendre qui nous sommes et ce que nous faisons et ce que nous essayons de faire. Nous avons beaucoup, beaucoup de chance d'avoir Eddie Manion, qui a travaillé avec Southside Johnny pendant des années. Il était à mes côtés avec le Seeger Sessions Band, puis avec le E Street Band, en 1988. Il y a aussi Jake Clemons, le neveu de Clarence. Il a fait la dernière tournée avec nous pendant un petit moment avec "C" - il s'est mis au saxophone alors qu'il était enfant, après avoir vu son oncle en jouer à l'un de nos concerts, en 1988.
Il s'y est mis de cette façon-là ?
Oui. Il a été musicien presque toute sa vie et a travaillé dur. Avec ces deux hommes et une excellente section de cuivres, que nous amèneront avec nous la prochaine fois, je me sens vraiment en confiance devant ce qui nous attend.
Perdre Clarence, c'était comme si la pluie disparaissait. Comme perdre quelque chose qui a été fondamental depuis toujours dans la vie. Soudain, tout s'écroule, tout semble vide. Notre relation était fondée sur ce genre de connexion chimique, immédiate, et ce, dès le premier soir à Asbury, quand je l'ai vu traverser la scène. Je me suis dit : "C'est l'homme qu'il me faut".
Le coup de foudre...
Oui, en tout cas pour moi. En fait, la première fois que je lui ai demandé de rejoindre le groupe, il m'a répondu qu'il avait déjà un emploi.
"Ça a l'air génial, mais non merci, mec. Je ne pense pas pouvoir assurer les deux".
Oui, il jouait avec Norman Seldin & The Joyful Noyze, et je n'avais pas encore de contrat avec un label ou de perspective immédiate. D'après mes souvenirs - et ceux de Clarence ont peut être été différents avec les années - je l'entends encore me dire: "Je ne sais pas, je tourne régulièrement et j'aime ça", et il a disparu.
J'ai envoyé mon disque chez Columbia Records, et Clive Davis me l'a renvoyé ne me disant qu'il n'y avait rien là-dedans qui puisse passer à la radio. Je me souviens aussi d'être allé à la plage et d'avoir écrit Spirit In The Night et Blinded By The Light, et d'avoir ensuite retrouvé Clarence. Garry Tallent avait joué avec lui dans un groupe appelé Little Melvin & The Invaders, un groupe exclusivement composé de musiciens noirs, qui jouaient dans des clubs noirs autour d'Asbury Park - Clarence était le saxophoniste et Garry était le seul membre blanc du groupe et c'était le bassiste.
Nous essayions toujours de localiser Clarence - il était le genre de personnage mystérieux sur lequel on n'arrive pas à mettre la main. Nous avons réussi à le trouver pour les deux dernières chansons de Greetings From Asbury Park. Il est arrivé et a simplement laissé agir la magie. Je lui ai dit: "Yeah, c'est mon son". Puis: "Je pars en tournée". Il m'a répondu : "Je suis prêt". Et c'est ainsi que nous nous sommes connectés.
Même si le premier soir, où nous avons joué ensemble, était déjà magique, il a été quelque peu hésitant au début, parce qu'il avait un travail régulier. C'était précieux à l'époque. Et il menait déjà une vie très différente : il avait deux enfants. Il était divorcé, il avait une pension. Il faisait partie du monde des adultes. Il avait été assistant social dans la maison de redressement pour jeunes garçons de Jamesburg.
J'ai joué là bas à cette époque ! J'étais dans un groupe, et j'ai joué pour les jeunes du collège. Nous jouions de la musique pour big-band - j'avais 9 ou 10 ans. Je jouais de la trompette. Je n'arrive pas à croire que je n'ai pas encore enregsitré pour toi. Nous jouions toutes ces chansons, telle que In The Mood et Take The A Train et Golden Earrings.
Tu peux toujours en jouer ?
L'embouchure est légèrement déformée à cause des années de cigarette, mais je pense que je pourrais faire quelques petits exercices et retrouvez la forme en peu de temps.
Nous avons une section de cuivres. Nous sommes prêts pour ta venue.
Ça doit être étrange de perdre quelque chose d'irremplaçable et de se retrouver face à des gens demandant: "Alors, comment vas-tu le remplacer ?"
Oui. Nous ne sommes pas les premiers à gérer ce genre de problème. Les choses sont ainsi. Avec Clarence, nous n'étions pas seulement dans le même groupe, nous formions un vrai duo, une équipe suffisamment puissante pour exister par elle-même, en dehors du E Street Band. C'est quelque chose qu'on ne peut pas remplacer, encore moins après quarante ans. Je peux juste remercier le ciel d'avoir vécu cette relation, d'avoir connu une personne comme lui dans ma vie. Et rendre hommage à ce que nous avons fait ensemble.
Tu rends cette perte partie prenante de la conversation que tu entretiens avec ton public.
Nous n'avons pas d'autre choix. Et c'est ce qui se passera dès le premier concert. Tout dépend de la façon dont tu l'abordes. Ce que nous voulons avant tout, ce sont des personnes qui comprennent le groupe. Tous sont d'excellents musiciens, mais ce n'est pas le plus important. Le plus important est de bien comprendre qui nous sommes et ce que nous faisons et ce que nous essayons de faire. Nous avons beaucoup, beaucoup de chance d'avoir Eddie Manion, qui a travaillé avec Southside Johnny pendant des années. Il était à mes côtés avec le Seeger Sessions Band, puis avec le E Street Band, en 1988. Il y a aussi Jake Clemons, le neveu de Clarence. Il a fait la dernière tournée avec nous pendant un petit moment avec "C" - il s'est mis au saxophone alors qu'il était enfant, après avoir vu son oncle en jouer à l'un de nos concerts, en 1988.
Il s'y est mis de cette façon-là ?
Oui. Il a été musicien presque toute sa vie et a travaillé dur. Avec ces deux hommes et une excellente section de cuivres, que nous amèneront avec nous la prochaine fois, je me sens vraiment en confiance devant ce qui nous attend.
J'imagine les musiciens qui disent: "Continuez sans moi. Je suis claqué, je ne peux vraiment pas poursuivre, mais continuez sans moi !"
J'ai connu des moments très drôles sur scène. J'ai ainsi vu Max [Weinberg] s'étirer dans sa loge et, deux heures plus tard, au beau milieu de Badlands, jouer comme un banshee [elfe issu du folklore celte]. Je sais ce qu'il lui en a coûté. J'ai vu des mecs faire des trucs plutôt étranges. A la fin de la journée, un concert n'est qu'un concert. C'est une pièce de théâtre, une comédie. C'est ancré dans la réalité et dans vos sentiments, mais c'est avant tout une performance. Et tout ce que nous avons vécu durant ces deux dernières années devient plus grand, plus impressionnant encore. Cette véritable amitié entre nous ne fait pas partie de ce que les gens peuvent voir. Il y a une part de mysticisme, d'alchimie. J'avais l'âge de mon fils Evan quand j'ai rencontré Clarence : 22 ans. J'en ai 62 aujourd'hui. Il y a avait donc une relation très forte qui est née de l'imagination et des rêves de notre public.
J'ai hâte que les concerts commencent et soient des moments de bonheur, un moment de tristesse et de bonheur. Comme je l'ai dit, les gens ont besoin que Clarence leur manque, j'ai besoin qu'il me manque également. C'est ce qui va se passer.
As-tu une idée de la tournure que prend votre échange avec le public ? Souhaiterais-tu l'amener vers d'autres directions ou y mettre un terme ?
Cet échange ne va jamais s'arrêter. Jamais vous n'entendrez parler d'une tournée d'adieu du E Street Band. Jamais.
Il ne s’arrête même pas alors.
Non.
Est-ce que tu peux être encore artistiquement stimulé ? As-tu encore le nez fin ou est-ce que l'art doit être de plus en plus impressionnant pour t’intéresser ?
Nous n'avons qu'à vivre et à écouter. Par exemple, je connais mal le hip-hop. J'en ai une connaissance superficielle, mais il a trouvé sa place sur cet album. Il faut se laisser le temps de s'en imprégner. Il faut être ouvert d'esprit et, finalement, peut être des années plus tard, quelque chose vous interpellera dans une chanson et vous vous direz : "Voilà, c'est ce dont ce titre a besoin". Et il ne vous restera plus qu'à le cueillir.
Écouter, être ouvert, c'est supposé faire partie de l'évolution naturelle d'un adulte.
C'est ça l'évolution d'un adulte ? Je m'en doutais !
Nous apprenons avec le temps. Cette expérience plus large de notre monde, j'ai essayé de la faciliter à travers mes chansons : élargir la perspective des gens, élargir la vision des gens, les aider à mieux percevoir la réalité, la vérité intérieure des choses. Un spectacle, c'est essentiellement un cours de sociologie des médias.
C'est peut être la chose la plus gentille jamais dite sur notre métier.
C'est la réalité. Rien n'existe sous cette forme jusqu'à ce que tu le crées. Tu dois réapprendre tes bases, Mort Sahl...
J'ai connu des moments très drôles sur scène. J'ai ainsi vu Max [Weinberg] s'étirer dans sa loge et, deux heures plus tard, au beau milieu de Badlands, jouer comme un banshee [elfe issu du folklore celte]. Je sais ce qu'il lui en a coûté. J'ai vu des mecs faire des trucs plutôt étranges. A la fin de la journée, un concert n'est qu'un concert. C'est une pièce de théâtre, une comédie. C'est ancré dans la réalité et dans vos sentiments, mais c'est avant tout une performance. Et tout ce que nous avons vécu durant ces deux dernières années devient plus grand, plus impressionnant encore. Cette véritable amitié entre nous ne fait pas partie de ce que les gens peuvent voir. Il y a une part de mysticisme, d'alchimie. J'avais l'âge de mon fils Evan quand j'ai rencontré Clarence : 22 ans. J'en ai 62 aujourd'hui. Il y a avait donc une relation très forte qui est née de l'imagination et des rêves de notre public.
J'ai hâte que les concerts commencent et soient des moments de bonheur, un moment de tristesse et de bonheur. Comme je l'ai dit, les gens ont besoin que Clarence leur manque, j'ai besoin qu'il me manque également. C'est ce qui va se passer.
As-tu une idée de la tournure que prend votre échange avec le public ? Souhaiterais-tu l'amener vers d'autres directions ou y mettre un terme ?
Cet échange ne va jamais s'arrêter. Jamais vous n'entendrez parler d'une tournée d'adieu du E Street Band. Jamais.
Il ne s’arrête même pas alors.
Non.
Est-ce que tu peux être encore artistiquement stimulé ? As-tu encore le nez fin ou est-ce que l'art doit être de plus en plus impressionnant pour t’intéresser ?
Nous n'avons qu'à vivre et à écouter. Par exemple, je connais mal le hip-hop. J'en ai une connaissance superficielle, mais il a trouvé sa place sur cet album. Il faut se laisser le temps de s'en imprégner. Il faut être ouvert d'esprit et, finalement, peut être des années plus tard, quelque chose vous interpellera dans une chanson et vous vous direz : "Voilà, c'est ce dont ce titre a besoin". Et il ne vous restera plus qu'à le cueillir.
Écouter, être ouvert, c'est supposé faire partie de l'évolution naturelle d'un adulte.
C'est ça l'évolution d'un adulte ? Je m'en doutais !
Nous apprenons avec le temps. Cette expérience plus large de notre monde, j'ai essayé de la faciliter à travers mes chansons : élargir la perspective des gens, élargir la vision des gens, les aider à mieux percevoir la réalité, la vérité intérieure des choses. Un spectacle, c'est essentiellement un cours de sociologie des médias.
C'est peut être la chose la plus gentille jamais dite sur notre métier.
C'est la réalité. Rien n'existe sous cette forme jusqu'à ce que tu le crées. Tu dois réapprendre tes bases, Mort Sahl...
C'est drôle, car ce que tu disais à propos des chansons qui auraient pu être interprétées dans le passé, je ressens la même chose avec le Daily Show. Il y a toujours eu des gens pour faire ça, seule la forme change. Nous profitons seulement des nouvelles technologies.
C'est ce que les types de la Bear Stearns et ceux de Lehman Brothers ont sans doute oublié. Ils ont oublié qu'ils faisaient seulement partie de l'histoire, et que ce n'est pas une question de dollars qu'on gagne aujourd'hui et de manière dont on les dépense. Si tu n'as pas un sens civique, des responsabilités morales et la conscience de faire partie de l'avenir tout en appartenant au passé, tu finiras par devenir un de ces connards superficiels et radins, essayant juste de tirer profit de tout ce qu'ils peuvent trouver.
Tu viens de trouver un titre pour une chanson : Shallow Greedy Motherfuckers [Connards superficiels et radins] !
Je l'avais, mais j'ai laissé tomber.
J'aime le fait que tu ne prennes jamais la pose, ce qui est assez surprenant pour un rocker. je ne t'ai jamais vu dans un costume à la Ziggy Stardust. Tu n'as jamais été ce genre de mec.
J'aurais été grotesque là-dedans. A chaque fois que j'ai essayé de mettre autre chose que mes vêtements habituels, j'ai seulement eu l'air ridicule. Pourtant, j'aurais aimé avoir plus de style...
Quoi que tu aies pu porter jusqu'ici, je me souviens qu'en t'écoutant, mes amis et moi pensions: "Nous ne sommes pas seuls. C'est comme si ce gars nous connaissait". C'est peut-être ça, la magie de ton échange avec le public.
A la fin de la journée, c'est tout ce qui compte. En jouant dans ton show, c'est aussi ce que j'ai ressenti. Comme si je m'étais dit: Oh mon Dieu ! Enfin un peu de sérénité.
[Il marque une pause]
Je suppose que c'est là que nous devons nous embrasser [Rires].
C'est ce que les types de la Bear Stearns et ceux de Lehman Brothers ont sans doute oublié. Ils ont oublié qu'ils faisaient seulement partie de l'histoire, et que ce n'est pas une question de dollars qu'on gagne aujourd'hui et de manière dont on les dépense. Si tu n'as pas un sens civique, des responsabilités morales et la conscience de faire partie de l'avenir tout en appartenant au passé, tu finiras par devenir un de ces connards superficiels et radins, essayant juste de tirer profit de tout ce qu'ils peuvent trouver.
Tu viens de trouver un titre pour une chanson : Shallow Greedy Motherfuckers [Connards superficiels et radins] !
Je l'avais, mais j'ai laissé tomber.
J'aime le fait que tu ne prennes jamais la pose, ce qui est assez surprenant pour un rocker. je ne t'ai jamais vu dans un costume à la Ziggy Stardust. Tu n'as jamais été ce genre de mec.
J'aurais été grotesque là-dedans. A chaque fois que j'ai essayé de mettre autre chose que mes vêtements habituels, j'ai seulement eu l'air ridicule. Pourtant, j'aurais aimé avoir plus de style...
Quoi que tu aies pu porter jusqu'ici, je me souviens qu'en t'écoutant, mes amis et moi pensions: "Nous ne sommes pas seuls. C'est comme si ce gars nous connaissait". C'est peut-être ça, la magie de ton échange avec le public.
A la fin de la journée, c'est tout ce qui compte. En jouant dans ton show, c'est aussi ce que j'ai ressenti. Comme si je m'étais dit: Oh mon Dieu ! Enfin un peu de sérénité.
[Il marque une pause]
Je suppose que c'est là que nous devons nous embrasser [Rires].
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