Le leader du E Street Band parle de l'enregistrement de son disque le plus romantique depuis Born To Run.
par Joe Levy
par Joe Levy
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CET APRÈS-MIDI, BRUCE SPRINGSTEEN est préoccupé par plusieurs choses. Il y a les répétitions avec le groupe et la tournée de 37 dates qu'il commencera bientôt. Il y a le nouvel album, Magic, sa troisième production en 18 mois. Il y a aussi le contenu de l'album, des choses denses tels que la direction que prend notre démocratie et des choses plus légères, qui évoquent la période où les étincelles ont commencé à voler sur E Street, il y a plus de 30 ans. Et il y a aussi quelque chose d'autre: son fils aîné a un match de football à 16 heures 30.
La vie de Springsteen à 58 ans est centrée sur la famille et la musique. Tel n'a pas toujours été le cas. Pendant longtemps, il y a seulement eu la musique. Et puis pendant un certain temps, la famille seulement. L'équilibre qu'il a trouvé - et son élan de créativité, quatre albums en cinq ans - est relativement récent. "J'ai passé environ dix ans sans avoir de destination précise" dit-il, faisant allusion à l'époque où il s'est installé à Los Angeles, s'est marié pour la deuxième fois et a eu ses enfants. Lui et sa femme, Patti Scialfa, ont trois enfants, Evan, 17 ans, Jessica, 16 ans et Sam, 13 ans.
Les dix années que Springsteen mentionne correspondent grosso modo à la période durant laquelle le E Street Band était inactif, de 1988 à 1999. Durant cette période, Springsteen a redéfini sa carrière et sa musique plus radicalement que n'importe quel grand artiste, à l'exception de Dylan, éternel escroc. Ayant atteint un niveau de popularité interplanétaire, que sa musique et son ambition avaient toujours exigé, Springsteen s'est retiré. Le thème de ses chansons a changé, introspectif d'abord, puis extrospectif. Les albums les plus personnels qu'il ait jamais réalisés, Lucky Town et Human Touch, étaient, comme il l'a fait remarqué, ses plus heureux et ses moins réussis d'un point de vue commercial. En 1995, The Ghost Of Tom Joad, un album littéraire au message politique - Raymond Carver rencontre Woody Guthrie - sort après la naissance de son dernier enfant. Il est passé, en sept ans, des stades aux salles de concerts aux auditoriums, un homme seul avec sa guitare acoustique.
En 1999, juste avant l'anniversaire de ses cinquante ans, Springsteen est parti en tournée avec le E Street Band pour la première fois en plus de dix ans. Comme il l'a toujours fait, le groupe met des muscles et de la chair sur les mots, Springsteen reprenant contact avec le rock et la soul, qui ont été la première source de sa musique. C'est évident quand je regarde le groupe répéter leur nouvelle tournée, au Convention Hall d'Asbury Park, New Jersey - un grand groupe qui se retrouve dans une pièce de la taille d'un gymnase scolaire pour s'échauffer avant un grand marathon. Dans cette voix familière pleine de graviers, Springsteen trace dans l'air des parcours mélodiques à la Sam Cooke.
Dans Magic, on retrouve l'esprit d'Asbury Park, avec un grand son que Springsteen avait abandonné après Born To Run. "Récemment, j'ai eu une petite liaison amoureuse avec mes anciens morceaux" dit-il. "Il y avait beaucoup de liberté. Quand vous commencez et que vous finissez - c'est quand vous n'êtes plus sous pression. Au début, vous n'êtes pas assez connu pour être vraiment en compétition avec d'autres. Et à ce stade de ma carrière, je ne suis pas en compétition avec 50 Cents, je n'essaye pas de passer sur MTV. Je joue pour moi, pour mon groupe et pour mon public".
Comme il l'explique quand nous nous asseyons backstage au Convention Hall, Magic utilise les sons du boardwalk du passé pour mettre en avant le sentiment du présent: "le malaise de ces temps très difficiles". Souvent quand il parle, Springsteen rit en plein milieu d'une phrase, comme s'il était gêné de se prendre autant au sérieux. Mais pas quand il parle de la direction que le pays a prise sous George W. Bush et de la guerre en Irak. Là, le rire s'arrête net.
La vie de Springsteen à 58 ans est centrée sur la famille et la musique. Tel n'a pas toujours été le cas. Pendant longtemps, il y a seulement eu la musique. Et puis pendant un certain temps, la famille seulement. L'équilibre qu'il a trouvé - et son élan de créativité, quatre albums en cinq ans - est relativement récent. "J'ai passé environ dix ans sans avoir de destination précise" dit-il, faisant allusion à l'époque où il s'est installé à Los Angeles, s'est marié pour la deuxième fois et a eu ses enfants. Lui et sa femme, Patti Scialfa, ont trois enfants, Evan, 17 ans, Jessica, 16 ans et Sam, 13 ans.
Les dix années que Springsteen mentionne correspondent grosso modo à la période durant laquelle le E Street Band était inactif, de 1988 à 1999. Durant cette période, Springsteen a redéfini sa carrière et sa musique plus radicalement que n'importe quel grand artiste, à l'exception de Dylan, éternel escroc. Ayant atteint un niveau de popularité interplanétaire, que sa musique et son ambition avaient toujours exigé, Springsteen s'est retiré. Le thème de ses chansons a changé, introspectif d'abord, puis extrospectif. Les albums les plus personnels qu'il ait jamais réalisés, Lucky Town et Human Touch, étaient, comme il l'a fait remarqué, ses plus heureux et ses moins réussis d'un point de vue commercial. En 1995, The Ghost Of Tom Joad, un album littéraire au message politique - Raymond Carver rencontre Woody Guthrie - sort après la naissance de son dernier enfant. Il est passé, en sept ans, des stades aux salles de concerts aux auditoriums, un homme seul avec sa guitare acoustique.
En 1999, juste avant l'anniversaire de ses cinquante ans, Springsteen est parti en tournée avec le E Street Band pour la première fois en plus de dix ans. Comme il l'a toujours fait, le groupe met des muscles et de la chair sur les mots, Springsteen reprenant contact avec le rock et la soul, qui ont été la première source de sa musique. C'est évident quand je regarde le groupe répéter leur nouvelle tournée, au Convention Hall d'Asbury Park, New Jersey - un grand groupe qui se retrouve dans une pièce de la taille d'un gymnase scolaire pour s'échauffer avant un grand marathon. Dans cette voix familière pleine de graviers, Springsteen trace dans l'air des parcours mélodiques à la Sam Cooke.
Dans Magic, on retrouve l'esprit d'Asbury Park, avec un grand son que Springsteen avait abandonné après Born To Run. "Récemment, j'ai eu une petite liaison amoureuse avec mes anciens morceaux" dit-il. "Il y avait beaucoup de liberté. Quand vous commencez et que vous finissez - c'est quand vous n'êtes plus sous pression. Au début, vous n'êtes pas assez connu pour être vraiment en compétition avec d'autres. Et à ce stade de ma carrière, je ne suis pas en compétition avec 50 Cents, je n'essaye pas de passer sur MTV. Je joue pour moi, pour mon groupe et pour mon public".
Comme il l'explique quand nous nous asseyons backstage au Convention Hall, Magic utilise les sons du boardwalk du passé pour mettre en avant le sentiment du présent: "le malaise de ces temps très difficiles". Souvent quand il parle, Springsteen rit en plein milieu d'une phrase, comme s'il était gêné de se prendre autant au sérieux. Mais pas quand il parle de la direction que le pays a prise sous George W. Bush et de la guerre en Irak. Là, le rire s'arrête net.
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Le disque commence avec Radio Nowhere, une chanson parlant d'un mec sur la route, cherchant à établir un contact.
C'est un scénario de fin du monde - il voit l'apocalypse. Tous les moyens de communication sont morts: "J'essayais de trouver le chemin pour rentrer chez moi / Tout ce que j'entendais était un bourdonnement / Renvoyé par un satellite / Percutant la dernière nuit américaine". C'est mon boulot, c'est aussi simple que ça - essayer de rentrer en contact avec vous. C'est simplement essayer de rendre les gens heureux, qu'ils se sentent moins seuls, mais aussi être un fil conducteur d'un dialogue sur les évènements quotidiens, les problèmes qui affectent la vie des gens, personnels et sociaux et politiques et religieux. C'est ainsi que j'ai toujours vu le boulot de notre groupe. C'était mon service. A ce stade, je suis au milieu d'une très longue conversation avec mon public.
Et qu'entendez-vous du côté de leur conversation ?
Beaucoup de choses différentes. "Je préfère le vieux Bruce..." (rires). C'est un dialogue perpétuel sur la signification de la vie. Ce n'est pas un vrai dialogue entre deux personnes. C'est davantage ce que vous ressentez par rapport à ce qu'ils vous renvoient. Vous créez un espace ensemble. Vous êtes ensemble, impliqués dans un acte d'imagination, imaginant la vie que vous voulez vivre, le genre de pays où vous voulez vivre, le genre d'endroit que vous voulez laisser à vos enfants. Quelles sont les choses qui vous apportent extase et bonheur, quelles sont les choses qui vous assombrissent et que pouvons-nous faire ensemble pour lutter contre ces choses ? C'est le dialogue que j'ai dans mon imagination, quand j'écris. Je l'ai devant moi, quand je suis sur scène.
C'est une chose organique, vivante. Il y a quelque chose qui est dit légèrement différemment chaque soir. Mais vous essayez de définir et d'avoir un impact sur le monde et sur la vie que nous vivons. Je ne peux pas le faire tout seul. J'ai besoin de mon public. Quand j'aurai fini, ce voyage m'aura pris une vie entière.
Ce genre de dialogue demande un grand engagement. Qu'en tirez-vous ?
J'y prends du plaisir, mais bien plus que ça, j'en ai besoin. C'est la chose fondamentale qui me pousse vers la scène, qui me fait continuer à écrire tout au long de ma carrière. Par le passé, j'ai ressenti l'absence de ce dialogue dans ma vie, et c'était un vide terrible. Quand je m'y suis accroché, je m'y suis accroché comme à un radeau de sauvetage. Vous êtes dans cette salle ensemble, cette salle sombre ensemble. Les lumières s'éteignent, et vous êtes libres d'imaginer la personne, l'endroit où vous voulez être. Je suppose que quand vous partez, vous emmenez un peu de ça avec vous. Ça reste en nous.
Je me souviens de la naissance de mes enfants. C'était si bouleversant, un des rares moments où j'ai ressenti un amour total, sans peur. J'avais peur de le perdre après coup, sauf que vous ne le perdez jamais. Le souvenir de ce moment et les possibilités inhérentes à ce moment sont éternelles. Alors, lors d'un bon concert, quand le groupe joue vraiment bien, il y a un moment où vous faites partie d'un évènement collectif de l'imagination et quand vous quittez la scène, vous en emportez un petit morceau avec vous. Et vous le mettez en action selon vos besoins.
C'est un scénario de fin du monde - il voit l'apocalypse. Tous les moyens de communication sont morts: "J'essayais de trouver le chemin pour rentrer chez moi / Tout ce que j'entendais était un bourdonnement / Renvoyé par un satellite / Percutant la dernière nuit américaine". C'est mon boulot, c'est aussi simple que ça - essayer de rentrer en contact avec vous. C'est simplement essayer de rendre les gens heureux, qu'ils se sentent moins seuls, mais aussi être un fil conducteur d'un dialogue sur les évènements quotidiens, les problèmes qui affectent la vie des gens, personnels et sociaux et politiques et religieux. C'est ainsi que j'ai toujours vu le boulot de notre groupe. C'était mon service. A ce stade, je suis au milieu d'une très longue conversation avec mon public.
Et qu'entendez-vous du côté de leur conversation ?
Beaucoup de choses différentes. "Je préfère le vieux Bruce..." (rires). C'est un dialogue perpétuel sur la signification de la vie. Ce n'est pas un vrai dialogue entre deux personnes. C'est davantage ce que vous ressentez par rapport à ce qu'ils vous renvoient. Vous créez un espace ensemble. Vous êtes ensemble, impliqués dans un acte d'imagination, imaginant la vie que vous voulez vivre, le genre de pays où vous voulez vivre, le genre d'endroit que vous voulez laisser à vos enfants. Quelles sont les choses qui vous apportent extase et bonheur, quelles sont les choses qui vous assombrissent et que pouvons-nous faire ensemble pour lutter contre ces choses ? C'est le dialogue que j'ai dans mon imagination, quand j'écris. Je l'ai devant moi, quand je suis sur scène.
C'est une chose organique, vivante. Il y a quelque chose qui est dit légèrement différemment chaque soir. Mais vous essayez de définir et d'avoir un impact sur le monde et sur la vie que nous vivons. Je ne peux pas le faire tout seul. J'ai besoin de mon public. Quand j'aurai fini, ce voyage m'aura pris une vie entière.
Ce genre de dialogue demande un grand engagement. Qu'en tirez-vous ?
J'y prends du plaisir, mais bien plus que ça, j'en ai besoin. C'est la chose fondamentale qui me pousse vers la scène, qui me fait continuer à écrire tout au long de ma carrière. Par le passé, j'ai ressenti l'absence de ce dialogue dans ma vie, et c'était un vide terrible. Quand je m'y suis accroché, je m'y suis accroché comme à un radeau de sauvetage. Vous êtes dans cette salle ensemble, cette salle sombre ensemble. Les lumières s'éteignent, et vous êtes libres d'imaginer la personne, l'endroit où vous voulez être. Je suppose que quand vous partez, vous emmenez un peu de ça avec vous. Ça reste en nous.
Je me souviens de la naissance de mes enfants. C'était si bouleversant, un des rares moments où j'ai ressenti un amour total, sans peur. J'avais peur de le perdre après coup, sauf que vous ne le perdez jamais. Le souvenir de ce moment et les possibilités inhérentes à ce moment sont éternelles. Alors, lors d'un bon concert, quand le groupe joue vraiment bien, il y a un moment où vous faites partie d'un évènement collectif de l'imagination et quand vous quittez la scène, vous en emportez un petit morceau avec vous. Et vous le mettez en action selon vos besoins.
Cet acte collectif de l'imagination se retrouve dans Magic. Le genre de pays dans lequel nous voulons vivre est un thème récurrent.
La chanson Magic traite d'une époque où tout ce qui est vrai peut être présenté comme un mensonge et tout ce qui est un mensonge peut être présenté comme une vérité. Il y a certaines personnes qui ont adopté ce crédo. La phrase classique, apparue dans le New York Times, a été prononcée par une personne du clan Bush: "Nous fabriquons notre propre réalité. Vous, les journalistes, vous en parlez, nous, nous la fabriquons". Je pense détester cette affirmation - son incroyable stupidité et son arrogance - bien plus que je ne déteste "Mets-la sur le tapis" et "Mission accomplie".
Cette chanson traite entièrement de l'illusion: "Ne vous fiez pas à ce que vous entendez / Et encore moins à ce que vous voyez / Voilà ce qui arrivera" - nous la fabriquons. Jusqu'à ce que vous arriviez au dernier couplet: "Il y a un incendie plus bas / Mais il monte jusqu'à nous... Il y a des corps qui pendent aux arbres / Voilà ce qui arrivera". Le cœur de mon album se trouve exactement là.
Il y a un vers à la fin de cette chanson, "Emporte seulement ce que tu crains". Vous parlez de la politique de la peur, n'est-ce pas ?
Oui. Vous ne pouvez pas tuer pour obtenir un état de sécurité, et vous ne pouvez pas diriger en faisant peur aux gens. Peut-être que vous pouvez arriver parfois à convaincre des gens de voter pour vous, mais ce n'est pas la tactique qui donnera le genre d'autorité morale et le leadership qu'il faut pour communiquer dans le monde. C'est la solution du lâche.
Donc, vous dites que l'on peut gagner des élections de cette façon, mais qu'on ne peut pas gouverner ainsi.
Exactement. C'est la seule carte jouée, pratiquement dès le premier jour. Si les élections de 2004 avaient eu lieu six mois plus tard, ils auraient perdu. Les gens étaient toujours sous l'envoutement du 11-septembre et de la magie (rires) et du Swift Boating (mouvement de vétérans du Vietnam créé lors des élections de 2004, et qui a remis en question les états de service du candidat John Kerry pendant la guerre du Vietnam, ndt). Un des moments les plus satisfaisants de cette élection a été l'émission Nightline, quand Ted Koppel s'est attaqué aux Swift Boaters, environ une semaine avant les élections, quand ils sont allés dans le village au Vietnam où l'incident s'est passé et ont parlé aux témoins vietnamiens. Tout était là, mais ce n'était pas suffisant, et c'était trop tard.
La chose fondamentale est que si vous êtes membre de la presse et que vous croyez qu'une partie de votre responsabilité est de donner aux gens les informations dont ils ont besoin pour protéger leurs libertés, il existe une responsabilité journalistique. Mais cet aspect a été terriblement ignoré. Quand quelqu'un vous dit que vous allez diriger avec Anna Nicole Smith, vous devez vous demander si vous êtes dans la bonne profession. C'est devenu un business, et sur ce qui était censé être une des chaînes les plus crédibles, il y a, tous les jours, une parade sans fin de non-sens.
Vrai. Parce que durant les élections pour connaitre la vérité derrière les publicités des Swift Boaters, il fallait éviter les grandes chaînes et regarder directement The Daily Show.
Jon Stewart est une force si importante et si isolée à la télévision. Il travaille dans le but d'aider les gens à interpréter le monde moderne des médias. Il y a tellement de vacarme. Dans chacune de ses émissions, il lève le voile, et vous commencez à comprendre à quoi les choses ressemblent vraiment. C'est pourquoi les gens se sont tournés vers lui et ont confiance en lui.
La chanson Magic traite d'une époque où tout ce qui est vrai peut être présenté comme un mensonge et tout ce qui est un mensonge peut être présenté comme une vérité. Il y a certaines personnes qui ont adopté ce crédo. La phrase classique, apparue dans le New York Times, a été prononcée par une personne du clan Bush: "Nous fabriquons notre propre réalité. Vous, les journalistes, vous en parlez, nous, nous la fabriquons". Je pense détester cette affirmation - son incroyable stupidité et son arrogance - bien plus que je ne déteste "Mets-la sur le tapis" et "Mission accomplie".
Cette chanson traite entièrement de l'illusion: "Ne vous fiez pas à ce que vous entendez / Et encore moins à ce que vous voyez / Voilà ce qui arrivera" - nous la fabriquons. Jusqu'à ce que vous arriviez au dernier couplet: "Il y a un incendie plus bas / Mais il monte jusqu'à nous... Il y a des corps qui pendent aux arbres / Voilà ce qui arrivera". Le cœur de mon album se trouve exactement là.
Il y a un vers à la fin de cette chanson, "Emporte seulement ce que tu crains". Vous parlez de la politique de la peur, n'est-ce pas ?
Oui. Vous ne pouvez pas tuer pour obtenir un état de sécurité, et vous ne pouvez pas diriger en faisant peur aux gens. Peut-être que vous pouvez arriver parfois à convaincre des gens de voter pour vous, mais ce n'est pas la tactique qui donnera le genre d'autorité morale et le leadership qu'il faut pour communiquer dans le monde. C'est la solution du lâche.
Donc, vous dites que l'on peut gagner des élections de cette façon, mais qu'on ne peut pas gouverner ainsi.
Exactement. C'est la seule carte jouée, pratiquement dès le premier jour. Si les élections de 2004 avaient eu lieu six mois plus tard, ils auraient perdu. Les gens étaient toujours sous l'envoutement du 11-septembre et de la magie (rires) et du Swift Boating (mouvement de vétérans du Vietnam créé lors des élections de 2004, et qui a remis en question les états de service du candidat John Kerry pendant la guerre du Vietnam, ndt). Un des moments les plus satisfaisants de cette élection a été l'émission Nightline, quand Ted Koppel s'est attaqué aux Swift Boaters, environ une semaine avant les élections, quand ils sont allés dans le village au Vietnam où l'incident s'est passé et ont parlé aux témoins vietnamiens. Tout était là, mais ce n'était pas suffisant, et c'était trop tard.
La chose fondamentale est que si vous êtes membre de la presse et que vous croyez qu'une partie de votre responsabilité est de donner aux gens les informations dont ils ont besoin pour protéger leurs libertés, il existe une responsabilité journalistique. Mais cet aspect a été terriblement ignoré. Quand quelqu'un vous dit que vous allez diriger avec Anna Nicole Smith, vous devez vous demander si vous êtes dans la bonne profession. C'est devenu un business, et sur ce qui était censé être une des chaînes les plus crédibles, il y a, tous les jours, une parade sans fin de non-sens.
Vrai. Parce que durant les élections pour connaitre la vérité derrière les publicités des Swift Boaters, il fallait éviter les grandes chaînes et regarder directement The Daily Show.
Jon Stewart est une force si importante et si isolée à la télévision. Il travaille dans le but d'aider les gens à interpréter le monde moderne des médias. Il y a tellement de vacarme. Dans chacune de ses émissions, il lève le voile, et vous commencez à comprendre à quoi les choses ressemblent vraiment. C'est pourquoi les gens se sont tournés vers lui et ont confiance en lui.
Il y a un vers dans Long Walk Home sur le nouvel album qui a un pouvoir incroyable. Un père dit à son fils que le drapeau qui flotte sur le palais de justice signifie que "certaines choses sont gravées dans le marbre... Ce que nous ferons, et ce que nous ne ferons pas". Mais nous vivons un moment où ces choses ne sont plus gravées dans le marbre.
Non, parce que les choses ont été terriblement endommagées. Qui aurait pu croire que nous allions vivre dans un pays où nous n'avons pas le droit à l'Habeus Corpus ? C'est du George Orwell. C'est ce à quoi ressemble l'hystérie politique et son efficacité. Je l'ai ressentie. Vous avez peur pour votre famille, pour votre foyer. Et vous vous rendez compte comment des pays peuvent dévier du droit chemin, s'éloigner des idéaux démocratiques. Ajoutez-y un ou deux attentats terroristes, et le pays peut devenir un endroit très effrayant. Philip Roth l'a bien expliqué dans The Plot Against America: ça arrive d'une façon très américaine - le drapeau flotte au-dessus des libertés civiques, tandis qu'elles s'effritent. C'était un aperçu fascinant.
Vous avez mentionné Philip Roth. Est-ce qu'il y a d'autres choses que vous lisiez qui ont eu un impact sur l'album ?
Pas vraiment. Par le passé, j'ai beaucoup été influencé par des livres et des films, mais je dirais que pour ce disque, je suis retombé amoureux de la musique pop. Pete Seeger dit, "Je veux savoir, 'Quel est le but de cette chanson ? Quelle sorte de travail est-elle censée accomplir?'". Je porte en moi un peu de ça, mais je suis un enfant de la pop. J'ai grandi avec le Top 40. Parfois, le but d'une chanson réside simplement dans ce qu'elle vous fait ressentir. Sur ce disque, c'est ce que je voulais en majorité. Il y a des formes pop classiques des années 60. Des influences de rock californien - Pet Sounds et beaucoup des Byrds. Je voulais prendre des productions qui créent des univers pop parfaits et puis les corrompre avec les paroles - les remplir avec du vide et de la peur, le malaise de ces moments très difficiles.
Girls In Their Summer Clothes est une ballade de crooner, style années 60, mais elle crée une image idéale en juxtaposition avec ce qui se passe à l'intérieur de l'album. Il y a un restaurant dans deux chansons, et ils sont très différents. Il y a celui dans Girls In Their Summer Clothes - Frankie's Dinner, en périphérie de la ville, avec son enseigne lumineuse - et puis il y a celui avec la pancarte qui dit simplement "PARTI" (sur Long Walk Home). Je crois aux deux. Ce sont les paramètres dont je parle là, exactement.
Girls In Their Summer Clothes fait partie des chansons qui semblent reprendre les chansons de vos débuts.
Directement et complètement. Je ne pense pas avoir écrit d'une façon aussi romantique que la façon dont je me suis autorisé à la faire sur cette chanson depuis Born To Run. Pour cet album, je me suis senti libre de retourner vers le romantisme de mes premiers disques. J'ai doublé ma voix, j'ai chanté d'une voix plus forte. En fait, je me fais un grand plaisir à écrire un peu plus dans ce style, à utiliser certains des éléments que j'avais rejetés, parce que je voulais être certain que ma musique soit assez dure pour les sujets dont je voulais traiter. C'est ce que j'ai fait sur Darkness On The Edge Of Town et Nebraska et en partie sur The River. Mais maintenant, je me sens assez libre pour retourner et me ré-approprier ces jolis éléments de la pop à l'état pur et la chanson de trois minutes et demie bien ficelée, ce que j'adore faire.
Est-ce qu'avoir travaillé sur le trentième anniversaire de Born To Run vous a ouvert cette voie ?
J'avais oublié à quel point ce disque était bon. Je ne l'avais pas écouté depuis de longues, longues années. Born To Run a été critiqué parce que trop romantique. J'étais au stade de ma carrière où je réagissais. Quand on commence à s'intéresser à vous, vous réagissez... au succès peut-être, ou à quelque chose que vous avez entendu par hasard dans la rue. Et donc, je suis allé vers l'obscurité. Mais certaines choses dont j'avais peur sont les raisons pour lesquelles cette réaction a duré: parce que c'était romantique.
Mais même à ce moment-là, j'ai rempli le romantisme avec de l'obscurité. C'était un disque post-guerre du Vietnam, et vous entendez, une fois encore, le malaise et la peur et l'inquiétude pour l'avenir. Le vers classique de Thunder Road, que j'ai écrit quand j'avais 24 ans, c'était "On n'est plus si jeunes". C'est venu directement des dernières années de la guerre. Plus personne ne se sentait aussi jeune. Tout ça est là dedans. Il y a certaines de mes meilleures chansons sur ce disque. J'ai établi les paramètres du monde sur lequel j'allais enquêter.
C'est intéressant - je n'ai pas pensé à ça, mais j'ai réellement voulu ça. Tous les différents petits effets que nous avons eus. J'ai toujours aimé ces petites symphonies pop, et sur ce disque, j'ai eu l'occasion de m'amuser un peu avec ça. Your Own Worst Enemy a été une de mes plus grosses productions pop. Les paroles oscillent toujours vers les limites et c'est entièrement sur l'auto-subversion. Vous pouvez le prendre d'un point de vue personnel ou politique. C'est ce qui donne au disque sa tension, ces deux choses - l'univers pop parfait et puis ce qui est en son centre. Living In The Future a un son très boardwalk, mais la chanson parle de la façon dont les choses sont devenues terriblement merdiques. C'est une chanson sur l'apathie et sur la façon dont les choses que tu pensais ne jamais voir se passer, se sont déjà produites. J'ai essayé de combiner l'individuel avec le politique, pour qu'on puisse décrypter les chansons de ces deux façons. Vous pouvez lire le disque comme un commentaire sur ce qui se passe, ou vous pouvez le lire simplement comme des chansons sur des relations personnelles.
Ça marche. Il a un pouvoir allégorique.
Oui, malgré cette interview, je ne voulais pas faire un gros disque anti-Bush. Ça a été fait et ce n'est pas vraiment ce dont les gens avaient besoin, ou peut-être que ce n'est pas ce dont j'avais besoin à ce moment-là. Votre écriture doit être multidimensionnelle pour rester intéressante, pour avoir de la vie. Vous n'écrivez pas les gros titres. J'ai trouvé des façons pour exprimer mes préoccupations politiques et personnelles, et j'ai toujours trouvé que le mieux était de les combiner, parce que les gens vivent ainsi.
Non, parce que les choses ont été terriblement endommagées. Qui aurait pu croire que nous allions vivre dans un pays où nous n'avons pas le droit à l'Habeus Corpus ? C'est du George Orwell. C'est ce à quoi ressemble l'hystérie politique et son efficacité. Je l'ai ressentie. Vous avez peur pour votre famille, pour votre foyer. Et vous vous rendez compte comment des pays peuvent dévier du droit chemin, s'éloigner des idéaux démocratiques. Ajoutez-y un ou deux attentats terroristes, et le pays peut devenir un endroit très effrayant. Philip Roth l'a bien expliqué dans The Plot Against America: ça arrive d'une façon très américaine - le drapeau flotte au-dessus des libertés civiques, tandis qu'elles s'effritent. C'était un aperçu fascinant.
Vous avez mentionné Philip Roth. Est-ce qu'il y a d'autres choses que vous lisiez qui ont eu un impact sur l'album ?
Pas vraiment. Par le passé, j'ai beaucoup été influencé par des livres et des films, mais je dirais que pour ce disque, je suis retombé amoureux de la musique pop. Pete Seeger dit, "Je veux savoir, 'Quel est le but de cette chanson ? Quelle sorte de travail est-elle censée accomplir?'". Je porte en moi un peu de ça, mais je suis un enfant de la pop. J'ai grandi avec le Top 40. Parfois, le but d'une chanson réside simplement dans ce qu'elle vous fait ressentir. Sur ce disque, c'est ce que je voulais en majorité. Il y a des formes pop classiques des années 60. Des influences de rock californien - Pet Sounds et beaucoup des Byrds. Je voulais prendre des productions qui créent des univers pop parfaits et puis les corrompre avec les paroles - les remplir avec du vide et de la peur, le malaise de ces moments très difficiles.
Girls In Their Summer Clothes est une ballade de crooner, style années 60, mais elle crée une image idéale en juxtaposition avec ce qui se passe à l'intérieur de l'album. Il y a un restaurant dans deux chansons, et ils sont très différents. Il y a celui dans Girls In Their Summer Clothes - Frankie's Dinner, en périphérie de la ville, avec son enseigne lumineuse - et puis il y a celui avec la pancarte qui dit simplement "PARTI" (sur Long Walk Home). Je crois aux deux. Ce sont les paramètres dont je parle là, exactement.
Girls In Their Summer Clothes fait partie des chansons qui semblent reprendre les chansons de vos débuts.
Directement et complètement. Je ne pense pas avoir écrit d'une façon aussi romantique que la façon dont je me suis autorisé à la faire sur cette chanson depuis Born To Run. Pour cet album, je me suis senti libre de retourner vers le romantisme de mes premiers disques. J'ai doublé ma voix, j'ai chanté d'une voix plus forte. En fait, je me fais un grand plaisir à écrire un peu plus dans ce style, à utiliser certains des éléments que j'avais rejetés, parce que je voulais être certain que ma musique soit assez dure pour les sujets dont je voulais traiter. C'est ce que j'ai fait sur Darkness On The Edge Of Town et Nebraska et en partie sur The River. Mais maintenant, je me sens assez libre pour retourner et me ré-approprier ces jolis éléments de la pop à l'état pur et la chanson de trois minutes et demie bien ficelée, ce que j'adore faire.
Est-ce qu'avoir travaillé sur le trentième anniversaire de Born To Run vous a ouvert cette voie ?
J'avais oublié à quel point ce disque était bon. Je ne l'avais pas écouté depuis de longues, longues années. Born To Run a été critiqué parce que trop romantique. J'étais au stade de ma carrière où je réagissais. Quand on commence à s'intéresser à vous, vous réagissez... au succès peut-être, ou à quelque chose que vous avez entendu par hasard dans la rue. Et donc, je suis allé vers l'obscurité. Mais certaines choses dont j'avais peur sont les raisons pour lesquelles cette réaction a duré: parce que c'était romantique.
Mais même à ce moment-là, j'ai rempli le romantisme avec de l'obscurité. C'était un disque post-guerre du Vietnam, et vous entendez, une fois encore, le malaise et la peur et l'inquiétude pour l'avenir. Le vers classique de Thunder Road, que j'ai écrit quand j'avais 24 ans, c'était "On n'est plus si jeunes". C'est venu directement des dernières années de la guerre. Plus personne ne se sentait aussi jeune. Tout ça est là dedans. Il y a certaines de mes meilleures chansons sur ce disque. J'ai établi les paramètres du monde sur lequel j'allais enquêter.
C'est intéressant - je n'ai pas pensé à ça, mais j'ai réellement voulu ça. Tous les différents petits effets que nous avons eus. J'ai toujours aimé ces petites symphonies pop, et sur ce disque, j'ai eu l'occasion de m'amuser un peu avec ça. Your Own Worst Enemy a été une de mes plus grosses productions pop. Les paroles oscillent toujours vers les limites et c'est entièrement sur l'auto-subversion. Vous pouvez le prendre d'un point de vue personnel ou politique. C'est ce qui donne au disque sa tension, ces deux choses - l'univers pop parfait et puis ce qui est en son centre. Living In The Future a un son très boardwalk, mais la chanson parle de la façon dont les choses sont devenues terriblement merdiques. C'est une chanson sur l'apathie et sur la façon dont les choses que tu pensais ne jamais voir se passer, se sont déjà produites. J'ai essayé de combiner l'individuel avec le politique, pour qu'on puisse décrypter les chansons de ces deux façons. Vous pouvez lire le disque comme un commentaire sur ce qui se passe, ou vous pouvez le lire simplement comme des chansons sur des relations personnelles.
Ça marche. Il a un pouvoir allégorique.
Oui, malgré cette interview, je ne voulais pas faire un gros disque anti-Bush. Ça a été fait et ce n'est pas vraiment ce dont les gens avaient besoin, ou peut-être que ce n'est pas ce dont j'avais besoin à ce moment-là. Votre écriture doit être multidimensionnelle pour rester intéressante, pour avoir de la vie. Vous n'écrivez pas les gros titres. J'ai trouvé des façons pour exprimer mes préoccupations politiques et personnelles, et j'ai toujours trouvé que le mieux était de les combiner, parce que les gens vivent ainsi.
****
Je veux revenir un instant sur Radio Nowhere. Il y a une référence à Elvis, quand le narrateur "cherche un train mystérieux". Que recherche-t-il ?
Ce que tout le monde recherche. Cette partie de la vie qu'on n'arrive jamais à atteindre mais qui est bel et bien là, tout près de vos doigts, à peine visible, quelque part dans l'obscurité. Mais c'est là que se trouvent toute la vitalité physique à l'état pur et le sang et les os et la sueur de la vie. C'est la chose qui nous permet de croire, en fin de compte, qu'elle vaut la peine d'y goûter, même du bout de la langue. C'est notre histoire. C'est ce train qui continue de rouler depuis qu'ils ont débarqué ici, en provenance d'un bateau, et qui rugit en chacun de nous en ce moment. C'est ce que j'aime rechercher.
Votre sens de l'identité américaine et de la possibilité américaine - ça vient d'où ?
Les gens que j'ai aimés ont fait ça. C'étaient des chercheurs - Hank Williams, Frank Sinatra, Elvis, James Brown. Les gens que j'ai adorés - Woody Guthrie, Dylan - ils étaient à la frontière de l'imagination américaine, et ils changeaient le cours de l'histoire et nos propres idées sur la personne que nous étions. Et vous pouvez y inclure Martin Luther King et Malcom X.
C'était une partie de ce que j'imaginais dès le début, simplement parce que j'ai eu une inspiration incroyable et un sens des lieux que des artistes avaient imaginé avant moi. C'est quelque chose que je voulais tenter, ce qui m'a passionné et excité. Pour moi, j'ai commencé avec ce que j'avais. Je suis allé marcher sur la jetée en bois, à une centaine de mètres d'ici, et je suis entré dans un magasin de babioles. Il y avait un présentoir de cartes postales, et j'en ai pris une qui disait GREETINGS FROM ASBURY PARK. Je me suis dit, "C'est la couverture de mon album. C'est mon endroit".
Mes chansons, elle parlent toutes de l'identité américaine et de votre propre identité et les masques derrières les masques derrière les masques, à la fois pour le pays et pour vous-mêmes. Et essayer de s'accrocher à ce qui en vaut la peine, ce qui en fait un endroit spécial, parce que je crois toujours que c'est ce que c'est.
L'idée américaine a toujours un pouvoir énorme dans sa meilleure manifestation. Et dix George Bush ne peuvent pas détruire cette idée - cent ne peuvent pas détruire cette idée. Ce que nous traversons maintenant, nous allons en sortir à un moment. Mais cette idée reste, et c'est quelque chose qui m'a conditionné toute ma vie. En partie, c'est pour comprendre qui j'étais - d'où je venais et ce que j'avais vu et ce que j'ai vu arriver à des gens autour de moi.
Qu'est-ce que ça veut dire ?
Ma famille avait pas mal de problèmes. Je venais de... c'était une famille intéressante. Ma mère est italienne seulement de deuxième génération. Ma grand-mère a vécu jusqu'à 102 ans et n'a jamais parlé anglais. Quand j'allais dans sa chambre, j'allais en Italie. Tout: les vierges, les châles. Elle est arrivée dans ce pays quand elle avait une vingtaine d'années et n'a jamais appris l'anglais. Donc, il y avait une culture italienne, et puis la famille irlandaise qui était de la vieille école.
J'ai dû mettre de l'ordre dans tout ça. Alors, l'identité est devenue une partie importante de la musique que j'écrivais. Et puis à cause de l'époque où j'ai grandi, les années 60, notre identité nationale était en plein changement. Je me suis intéressé à "quel est le côté social de cette équation ?". En fin de compte, c'est vraiment ce dont parle toutes mes chansons: "Y-a-t-il quelqu'un de vivant par ici ?", une question que l'on pose constamment. Long Walk Home aurait pu être sur l'album Darkness On The Edge Of Town.
Vous avez joué Long Walk Home pendant la tournée "Seeger Sessions". Quelle est la différence entre la jouer avec le "Sessions" Band et le E Street Band ?
C'était notre premier concert à Londres. Vous êtes très conscient de votre identité américaine quand vous êtes en Europe, particulièrement en ces temps horribles. J'avais la chanson, et nous avons travaillé sur un arrangement assez souple. Il était très facile d'improviser avec ce groupe. On travaille un truc au soundcheck et on le joue le soir même - nous l'avons beaucoup fait. C'était un groupe fantastique, fantastique. J'ai eu le sentiment d'avoir les deux meilleurs groupes au monde.
J'ai écrit la plupart de l'album en tournée avec le Sessions Band. J'ai écrit à la minute où j'ai eu fini avec The Rising. Mon idée était de partir des conséquences politiques et sociales qui ont découlé de la tragédie du 11-septembre. Living In The Future, je l'avais depuis ce temps-là, et j'avais peut-être Radio Nowhere. J'avais quelques trucs mais je n'en avais pas assez. Je les ai alors mis de côté.
Quand j'ai fait la tournée avec le Sessions Band - vous jouez et vous rentrez chez vous, vous êtes dans votre chambre d'hôtel, et je prends ma guitare. C'est là où j'écris beaucoup de choses maintenant. Et puis j'écris quand je suis chez moi, quand j'ai du temps de libre. Ça ne me prend pas beaucoup de temps maintenant. C'est un processus assez fluide comparé à ce que c'était quand j'étais jeune, quand j'insistais à me tabasser aussi longtemps et aussi durement que je le pouvais, parce que je n'avais rien de mieux à faire. Aujourd'hui, j'ai trois ados et je suis plus occupé, donc j'écris pas mal pendant mon temps libre.
Ce que tout le monde recherche. Cette partie de la vie qu'on n'arrive jamais à atteindre mais qui est bel et bien là, tout près de vos doigts, à peine visible, quelque part dans l'obscurité. Mais c'est là que se trouvent toute la vitalité physique à l'état pur et le sang et les os et la sueur de la vie. C'est la chose qui nous permet de croire, en fin de compte, qu'elle vaut la peine d'y goûter, même du bout de la langue. C'est notre histoire. C'est ce train qui continue de rouler depuis qu'ils ont débarqué ici, en provenance d'un bateau, et qui rugit en chacun de nous en ce moment. C'est ce que j'aime rechercher.
Votre sens de l'identité américaine et de la possibilité américaine - ça vient d'où ?
Les gens que j'ai aimés ont fait ça. C'étaient des chercheurs - Hank Williams, Frank Sinatra, Elvis, James Brown. Les gens que j'ai adorés - Woody Guthrie, Dylan - ils étaient à la frontière de l'imagination américaine, et ils changeaient le cours de l'histoire et nos propres idées sur la personne que nous étions. Et vous pouvez y inclure Martin Luther King et Malcom X.
C'était une partie de ce que j'imaginais dès le début, simplement parce que j'ai eu une inspiration incroyable et un sens des lieux que des artistes avaient imaginé avant moi. C'est quelque chose que je voulais tenter, ce qui m'a passionné et excité. Pour moi, j'ai commencé avec ce que j'avais. Je suis allé marcher sur la jetée en bois, à une centaine de mètres d'ici, et je suis entré dans un magasin de babioles. Il y avait un présentoir de cartes postales, et j'en ai pris une qui disait GREETINGS FROM ASBURY PARK. Je me suis dit, "C'est la couverture de mon album. C'est mon endroit".
Mes chansons, elle parlent toutes de l'identité américaine et de votre propre identité et les masques derrières les masques derrière les masques, à la fois pour le pays et pour vous-mêmes. Et essayer de s'accrocher à ce qui en vaut la peine, ce qui en fait un endroit spécial, parce que je crois toujours que c'est ce que c'est.
L'idée américaine a toujours un pouvoir énorme dans sa meilleure manifestation. Et dix George Bush ne peuvent pas détruire cette idée - cent ne peuvent pas détruire cette idée. Ce que nous traversons maintenant, nous allons en sortir à un moment. Mais cette idée reste, et c'est quelque chose qui m'a conditionné toute ma vie. En partie, c'est pour comprendre qui j'étais - d'où je venais et ce que j'avais vu et ce que j'ai vu arriver à des gens autour de moi.
Qu'est-ce que ça veut dire ?
Ma famille avait pas mal de problèmes. Je venais de... c'était une famille intéressante. Ma mère est italienne seulement de deuxième génération. Ma grand-mère a vécu jusqu'à 102 ans et n'a jamais parlé anglais. Quand j'allais dans sa chambre, j'allais en Italie. Tout: les vierges, les châles. Elle est arrivée dans ce pays quand elle avait une vingtaine d'années et n'a jamais appris l'anglais. Donc, il y avait une culture italienne, et puis la famille irlandaise qui était de la vieille école.
J'ai dû mettre de l'ordre dans tout ça. Alors, l'identité est devenue une partie importante de la musique que j'écrivais. Et puis à cause de l'époque où j'ai grandi, les années 60, notre identité nationale était en plein changement. Je me suis intéressé à "quel est le côté social de cette équation ?". En fin de compte, c'est vraiment ce dont parle toutes mes chansons: "Y-a-t-il quelqu'un de vivant par ici ?", une question que l'on pose constamment. Long Walk Home aurait pu être sur l'album Darkness On The Edge Of Town.
Vous avez joué Long Walk Home pendant la tournée "Seeger Sessions". Quelle est la différence entre la jouer avec le "Sessions" Band et le E Street Band ?
C'était notre premier concert à Londres. Vous êtes très conscient de votre identité américaine quand vous êtes en Europe, particulièrement en ces temps horribles. J'avais la chanson, et nous avons travaillé sur un arrangement assez souple. Il était très facile d'improviser avec ce groupe. On travaille un truc au soundcheck et on le joue le soir même - nous l'avons beaucoup fait. C'était un groupe fantastique, fantastique. J'ai eu le sentiment d'avoir les deux meilleurs groupes au monde.
J'ai écrit la plupart de l'album en tournée avec le Sessions Band. J'ai écrit à la minute où j'ai eu fini avec The Rising. Mon idée était de partir des conséquences politiques et sociales qui ont découlé de la tragédie du 11-septembre. Living In The Future, je l'avais depuis ce temps-là, et j'avais peut-être Radio Nowhere. J'avais quelques trucs mais je n'en avais pas assez. Je les ai alors mis de côté.
Quand j'ai fait la tournée avec le Sessions Band - vous jouez et vous rentrez chez vous, vous êtes dans votre chambre d'hôtel, et je prends ma guitare. C'est là où j'écris beaucoup de choses maintenant. Et puis j'écris quand je suis chez moi, quand j'ai du temps de libre. Ça ne me prend pas beaucoup de temps maintenant. C'est un processus assez fluide comparé à ce que c'était quand j'étais jeune, quand j'insistais à me tabasser aussi longtemps et aussi durement que je le pouvais, parce que je n'avais rien de mieux à faire. Aujourd'hui, j'ai trois ados et je suis plus occupé, donc j'écris pas mal pendant mon temps libre.
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Quand vous dites que vous vous tabassiez quand vous étiez jeune, de quelle façon ?
Vous pensez qu'il y a une bonne façon de faire, ce qui est une erreur quand il s'agit de créer quelque chose. Donc là, vous avez des ennuis. Mais également, vous n'avez pas de vie. Alors, au lieu de traverser les mauvaises choses de votre vie quotidienne, vous préférez vivre dans les mauvaises choses de votre expérience créatrice. Les heures que j'y ai passé... C'était la seule façon dont je savais travailler. C'était drôle, mais c'était épuisant. Volontairement épuisant, je pense. J'ai fait beaucoup de bonne musique, mais tout est sorti sur Tracks. Il y a probablement un autre Tracks dans le coffre que je sortirai à un certain moment.
Cet élan créatif sur lequel vous êtes en ce moment est relativement récent, vu l'étendue de votre carrière. Il y a eu une période, il y a huit ou dix ans, où vous faisiez des disques et vous les mettiez au placard.
Oui, j'en ai fait un pour Streets Of Philadelphia que je n'ai pas sorti, mais que j'aurais aimé sortir. Il était intéressant, il y avait beaucoup de loops et d'autres petites choses. Un bon album, assez bien écrit. Ce n'était pas un album complet en fin de compte, c'est pourquoi je m'asseyais et appréciais quatre ou cinq chansons, et à la fin, me levais avec un sentiment d'insatisfaction.
De quoi parlaient ces chansons ?
De relations personnelles, pour la plupart. J'avais sorti Tunnel Of Love, et ce disque aurait été mon quatrième album sur le sujet, et j'ai pensé que c'était un de trop. Je ne savais pas ce que je voulais faire. Il fallait casser la narration dans laquelle j'étais, casser le contexte et aller à Los Angeles pour trois ou quatre ans, m'éloigner de toutes les choses en rapport avec moi-même.
Nous sommes allés à Los Angeles, et le changement de décor m'a été bénéfique. J'adore cette ville, en fait. J'adore les montagnes et le désert, et là-bas je peux avoir mes voitures et mes motos. J'ai essayé de vivre à New York pendant un moment, mais je n'arrivais pas à vivre dans une ville où il faut prendre un taxi. Ça, c'est trop tard pour moi.
Alors, je suis allé dans l'Ouest, où j'avais une petite maison sur les collines d'Hollywood depuis le milieu des années 80, et je m'y suis vraiment senti à l'aise. Ma sœur y habite, ma plus jeune sœur, mes parents habitaient au nord, à San Fransisco, et ça a été une période fascinante d'être là-bas, parce que c'est ce à quoi ressemble la Côte Est aujourd'hui. Si vous allez dans ma ville natale, à Freehold, il y a une grande influence hispanique et ça, c'était la Californie il y a quinze ans. Alors, quand j'ai écrit The Ghost Of Tom Joad et j'ai écrit beaucoup de choses sur ce qui se passait, j'avais ce sentiment: "C'est ce à quoi notre pays va ressembler dans dix ou quinze ans". Tous ces problèmes d'immigration que les gens essayent d'exploiter maintenant et vers lesquels ils pensent aller, étaient dans les médias et devant vous physiquement, au début des années 90 en Californie.
J'ai écrit des choses que je n'aurais jamais écrites si j'étais resté sur la Côte Est. Deux ou trois albums de chansons sur l'Ouest. The Ghost Of Tom Joad, Devils & Dust et un autre disque sur lequel je travaille. Donc, ce fut un vrai changement géographique, un endroit où trouver de nouvelles histoires.
Mais j'ai aussi vieilli de dix ans et j'ai appris à vivre, chose que je ne savais pas faire. J'avais 35 ans, et je n'en avais aucune idée. J'ai appris à vivre, et j'ai trouvé du bonheur dans ces choses.
Qu'avez-vous appris ?
La vie, je pense, en dehors du travail. C'est une vie professionnelle très gratifiante, mais elle fait partie d'un tout. Comment avoir une relation avec quelqu'un ? Comment s'engage-t-on pour toujours ? Comment se débarrasse-t-on de ses vieilles habitudes, ou de certaines d'entre elles ?
Si vous pouvez nous donner des secrets, vous pouvez me faire économiser beaucoup d'argent en thérapie.
J'y ai dépensé moi-même beaucoup d'argent, et j'y ai beaucoup appris. J'ai dû travailler dessus comme j'ai dû travailler pour jouer de la guitare quand j'ai commencé - beaucoup, beaucoup d'heures et une dévotion intense. Je me suis rendu compte que pour certains, ça venait naturellement, mais j'étais quelqu'un qui allait devoir apprendre, parce que tous mes instincts étaient mauvais. Tous mes instincts m'éloignaient des choses.
Parfois vous courez dans une direction différente parce que vous ne savez pas faire les choses différemment de celles que vous avez vues en grandissant.
Oui, c'est ça. Ainsi, vous vous rendez compte que vous devez dessiner votre propre carte, et en faisant ça, vous honorez vos parents en prenant les bonnes choses qu'ils vous ont données et en avançant avec elles, et en prenant les fardeaux et les poids et en les mettant de côté pour que vos enfants n'aient pas à les porter.
Mais ce changement a été extrême pour moi, et Patti était, a toujours été, patiente et plus que patiente. Je ne pouvais pas me lever le matin, je ne pouvais pas me coucher le soir. Ces choses élémentaires qui règlent l'horloge. Les gosses étaient petits - c'était "C'est six heures et demi maintenant". Ça, ça m'a pris quatre ou cinq ans pour le comprendre.
Est-ce que c'était parce qu'il fallait se déshabituer du rythme des tournées ?
Ça remonte à mon enfance. J'ai été élevé d'une façon bizarre où je restais éveillé toute la nuit quand j'avais, disons, six ans. Nous étions une famille très excentrique. On a jeté mon réveil quand j'étais tout petit. A cinq ou six ans, j'étais debout jusqu'à trois heures du matin. Je suis sûr que ce n'est pas par hasard que je sois devenu musicien, ainsi je pouvais être éveillé jusqu'à trois heures du matin, tout comme je l'étais dans mon enfance. Quand vos propres enfants arrivent, j'ai dit, "Bien, je dois changer ça". Tant de choses élémentaires. J'ai alors passé beaucoup de temps à apprendre à vivre. Je pense que Patti dirait que j'ai atteint un niveau confortable de tolérance.
Vous pensez qu'il y a une bonne façon de faire, ce qui est une erreur quand il s'agit de créer quelque chose. Donc là, vous avez des ennuis. Mais également, vous n'avez pas de vie. Alors, au lieu de traverser les mauvaises choses de votre vie quotidienne, vous préférez vivre dans les mauvaises choses de votre expérience créatrice. Les heures que j'y ai passé... C'était la seule façon dont je savais travailler. C'était drôle, mais c'était épuisant. Volontairement épuisant, je pense. J'ai fait beaucoup de bonne musique, mais tout est sorti sur Tracks. Il y a probablement un autre Tracks dans le coffre que je sortirai à un certain moment.
Cet élan créatif sur lequel vous êtes en ce moment est relativement récent, vu l'étendue de votre carrière. Il y a eu une période, il y a huit ou dix ans, où vous faisiez des disques et vous les mettiez au placard.
Oui, j'en ai fait un pour Streets Of Philadelphia que je n'ai pas sorti, mais que j'aurais aimé sortir. Il était intéressant, il y avait beaucoup de loops et d'autres petites choses. Un bon album, assez bien écrit. Ce n'était pas un album complet en fin de compte, c'est pourquoi je m'asseyais et appréciais quatre ou cinq chansons, et à la fin, me levais avec un sentiment d'insatisfaction.
De quoi parlaient ces chansons ?
De relations personnelles, pour la plupart. J'avais sorti Tunnel Of Love, et ce disque aurait été mon quatrième album sur le sujet, et j'ai pensé que c'était un de trop. Je ne savais pas ce que je voulais faire. Il fallait casser la narration dans laquelle j'étais, casser le contexte et aller à Los Angeles pour trois ou quatre ans, m'éloigner de toutes les choses en rapport avec moi-même.
Nous sommes allés à Los Angeles, et le changement de décor m'a été bénéfique. J'adore cette ville, en fait. J'adore les montagnes et le désert, et là-bas je peux avoir mes voitures et mes motos. J'ai essayé de vivre à New York pendant un moment, mais je n'arrivais pas à vivre dans une ville où il faut prendre un taxi. Ça, c'est trop tard pour moi.
Alors, je suis allé dans l'Ouest, où j'avais une petite maison sur les collines d'Hollywood depuis le milieu des années 80, et je m'y suis vraiment senti à l'aise. Ma sœur y habite, ma plus jeune sœur, mes parents habitaient au nord, à San Fransisco, et ça a été une période fascinante d'être là-bas, parce que c'est ce à quoi ressemble la Côte Est aujourd'hui. Si vous allez dans ma ville natale, à Freehold, il y a une grande influence hispanique et ça, c'était la Californie il y a quinze ans. Alors, quand j'ai écrit The Ghost Of Tom Joad et j'ai écrit beaucoup de choses sur ce qui se passait, j'avais ce sentiment: "C'est ce à quoi notre pays va ressembler dans dix ou quinze ans". Tous ces problèmes d'immigration que les gens essayent d'exploiter maintenant et vers lesquels ils pensent aller, étaient dans les médias et devant vous physiquement, au début des années 90 en Californie.
J'ai écrit des choses que je n'aurais jamais écrites si j'étais resté sur la Côte Est. Deux ou trois albums de chansons sur l'Ouest. The Ghost Of Tom Joad, Devils & Dust et un autre disque sur lequel je travaille. Donc, ce fut un vrai changement géographique, un endroit où trouver de nouvelles histoires.
Mais j'ai aussi vieilli de dix ans et j'ai appris à vivre, chose que je ne savais pas faire. J'avais 35 ans, et je n'en avais aucune idée. J'ai appris à vivre, et j'ai trouvé du bonheur dans ces choses.
Qu'avez-vous appris ?
La vie, je pense, en dehors du travail. C'est une vie professionnelle très gratifiante, mais elle fait partie d'un tout. Comment avoir une relation avec quelqu'un ? Comment s'engage-t-on pour toujours ? Comment se débarrasse-t-on de ses vieilles habitudes, ou de certaines d'entre elles ?
Si vous pouvez nous donner des secrets, vous pouvez me faire économiser beaucoup d'argent en thérapie.
J'y ai dépensé moi-même beaucoup d'argent, et j'y ai beaucoup appris. J'ai dû travailler dessus comme j'ai dû travailler pour jouer de la guitare quand j'ai commencé - beaucoup, beaucoup d'heures et une dévotion intense. Je me suis rendu compte que pour certains, ça venait naturellement, mais j'étais quelqu'un qui allait devoir apprendre, parce que tous mes instincts étaient mauvais. Tous mes instincts m'éloignaient des choses.
Parfois vous courez dans une direction différente parce que vous ne savez pas faire les choses différemment de celles que vous avez vues en grandissant.
Oui, c'est ça. Ainsi, vous vous rendez compte que vous devez dessiner votre propre carte, et en faisant ça, vous honorez vos parents en prenant les bonnes choses qu'ils vous ont données et en avançant avec elles, et en prenant les fardeaux et les poids et en les mettant de côté pour que vos enfants n'aient pas à les porter.
Mais ce changement a été extrême pour moi, et Patti était, a toujours été, patiente et plus que patiente. Je ne pouvais pas me lever le matin, je ne pouvais pas me coucher le soir. Ces choses élémentaires qui règlent l'horloge. Les gosses étaient petits - c'était "C'est six heures et demi maintenant". Ça, ça m'a pris quatre ou cinq ans pour le comprendre.
Est-ce que c'était parce qu'il fallait se déshabituer du rythme des tournées ?
Ça remonte à mon enfance. J'ai été élevé d'une façon bizarre où je restais éveillé toute la nuit quand j'avais, disons, six ans. Nous étions une famille très excentrique. On a jeté mon réveil quand j'étais tout petit. A cinq ou six ans, j'étais debout jusqu'à trois heures du matin. Je suis sûr que ce n'est pas par hasard que je sois devenu musicien, ainsi je pouvais être éveillé jusqu'à trois heures du matin, tout comme je l'étais dans mon enfance. Quand vos propres enfants arrivent, j'ai dit, "Bien, je dois changer ça". Tant de choses élémentaires. J'ai alors passé beaucoup de temps à apprendre à vivre. Je pense que Patti dirait que j'ai atteint un niveau confortable de tolérance.
Qu'est-ce qui vous a ramené dans le New Jersey ?
J'ai grandi autour d'une très grande famille. Je crois que Patti et moi avons peut-être 70 membres dans notre famille, simplement dans le coin, et il y a beaucoup d'Italiens et un côté Irlandais également. A un moment donné, quand les enfants ont eu l'âge d'aller à l'école, nous avons décidé que c'est ce que nous voulions pour nos enfants. Nous passions toujours la moitié de l'année ici de toute façon, même en ce temps-là. Alors, quand nous sommes revenus, mes enfants ont grandi près de mon oncle qui chasse, celui qui possède le pressing - des gens qui font tous des boulots différents et qui leur apportent toutes sortes de choses. L'aspect bizarre de mon boulot a été enlevé, et cela leur a permis de voir d'autres lieux et des exemples de personnes toutes différentes. C'était important.
Puis nous sommes revenus, et j'ai retrouvé la liberté qu'il y avait dans les narrations de mes débuts, et y compris dans ce bâtiment et cette ville et avec mon groupe. Je ne me suis jamais senti aussi libre dans ma vie sur le plan créatif. Je sens que j'ai repris le fil conducteur que je n'avais jamais abandonné, mais simplement mis de côté pour un moment.
Et je sens que nous y sommes en plein dedans, en ce moment. Ce sera le meilleur E Street Band que personne n'ait jamais vu. Vous préférerez peut-être certaines choses dans mon œuvre, vous avez peut-être votre concert préféré, mais si vous êtes un gosse et votre frère ou votre père nous a vus et vous venez nous voir aujourd'hui, vous pouvez dire, "Je les ai vus quand ils étaient à leur zénith". J'aime ça. J'aime le fait que tous les gars soient là et qu'il soient vivants. J'aime beaucoup ça. Ça aurait pu partir dans d'autres directions. Il y a eu des difficultés, le même type de problèmes que d'autres groupes ont, mais les gens se sont souciés les uns des autres, et tout le monde est là. Je ne peux exprimer la joie que j'ai à être au côté de ces mêmes personnes.
Certains sont avec vous depuis plus de trente ans.
J'ai rencontré Steve (Van Zandt) quand j'avais 16 ans. Maintenant j'en ai 58. Donc, ça fait plus de quarante ans. C'est une chose d'être là sur scène avec vos meilleurs amis et votre femme. Votre univers tout entier est là. Je pense que pour beaucoup de nos fans, une des choses importantes est que, quand le monde s'écroule, nous sommes là. C'est la raison pour laquelle les gens viennent vers nous. Il y a toujours eu un sens de stabilité et de continuité et de contact.
Cela semble être ce que vous avez été capable de donner à vos deux familles - celle de la scène et vos enfants.
A ce stade, vous devez avoir l'image complète. Vous avez besoin de tout ce que la vie offre. Sinon, c'est un exercice théorique. Vous ne voulez pas que les choses sur lesquelles vous écrivez et que vous chantez restent abstraites pour vous-même. J'ai toujours aimé la scène à la fin du film The Searchers (La prisonnière du désert, ndt): John Wayne ramène une fille chez elle, mais il ne peut pas entrer dans la maison. Extrêmement tragique. Une scène qui a toujours trouvé un écho en moi. J'ai grandi avec beaucoup de ça, des gens incapables d'entrer quelque part, et c'était toujours mon état naturel.
Je pense que parce que j'ai moi-même un cœur quelque peu chaotique, j'ai toujours cherché cette stabilité. C'est dans Leah, sur Devils & Dust: "Je parcours ce chemin avec un marteau et une lanterne incandescente / Avec cette main j'ai construit, et avec cette main j'ai brulé" . Je pense que tout le monde ressent ces deux sentiments. C'est simplement la façon dont nous les équilibrons. Il y a beaucoup de feu dans un bâtiment qui brule, mais il ne vous sert à rien si vous n'avez pas le marteau pour construire le bâtiment.
J'ai grandi autour d'une très grande famille. Je crois que Patti et moi avons peut-être 70 membres dans notre famille, simplement dans le coin, et il y a beaucoup d'Italiens et un côté Irlandais également. A un moment donné, quand les enfants ont eu l'âge d'aller à l'école, nous avons décidé que c'est ce que nous voulions pour nos enfants. Nous passions toujours la moitié de l'année ici de toute façon, même en ce temps-là. Alors, quand nous sommes revenus, mes enfants ont grandi près de mon oncle qui chasse, celui qui possède le pressing - des gens qui font tous des boulots différents et qui leur apportent toutes sortes de choses. L'aspect bizarre de mon boulot a été enlevé, et cela leur a permis de voir d'autres lieux et des exemples de personnes toutes différentes. C'était important.
Puis nous sommes revenus, et j'ai retrouvé la liberté qu'il y avait dans les narrations de mes débuts, et y compris dans ce bâtiment et cette ville et avec mon groupe. Je ne me suis jamais senti aussi libre dans ma vie sur le plan créatif. Je sens que j'ai repris le fil conducteur que je n'avais jamais abandonné, mais simplement mis de côté pour un moment.
Et je sens que nous y sommes en plein dedans, en ce moment. Ce sera le meilleur E Street Band que personne n'ait jamais vu. Vous préférerez peut-être certaines choses dans mon œuvre, vous avez peut-être votre concert préféré, mais si vous êtes un gosse et votre frère ou votre père nous a vus et vous venez nous voir aujourd'hui, vous pouvez dire, "Je les ai vus quand ils étaient à leur zénith". J'aime ça. J'aime le fait que tous les gars soient là et qu'il soient vivants. J'aime beaucoup ça. Ça aurait pu partir dans d'autres directions. Il y a eu des difficultés, le même type de problèmes que d'autres groupes ont, mais les gens se sont souciés les uns des autres, et tout le monde est là. Je ne peux exprimer la joie que j'ai à être au côté de ces mêmes personnes.
Certains sont avec vous depuis plus de trente ans.
J'ai rencontré Steve (Van Zandt) quand j'avais 16 ans. Maintenant j'en ai 58. Donc, ça fait plus de quarante ans. C'est une chose d'être là sur scène avec vos meilleurs amis et votre femme. Votre univers tout entier est là. Je pense que pour beaucoup de nos fans, une des choses importantes est que, quand le monde s'écroule, nous sommes là. C'est la raison pour laquelle les gens viennent vers nous. Il y a toujours eu un sens de stabilité et de continuité et de contact.
Cela semble être ce que vous avez été capable de donner à vos deux familles - celle de la scène et vos enfants.
A ce stade, vous devez avoir l'image complète. Vous avez besoin de tout ce que la vie offre. Sinon, c'est un exercice théorique. Vous ne voulez pas que les choses sur lesquelles vous écrivez et que vous chantez restent abstraites pour vous-même. J'ai toujours aimé la scène à la fin du film The Searchers (La prisonnière du désert, ndt): John Wayne ramène une fille chez elle, mais il ne peut pas entrer dans la maison. Extrêmement tragique. Une scène qui a toujours trouvé un écho en moi. J'ai grandi avec beaucoup de ça, des gens incapables d'entrer quelque part, et c'était toujours mon état naturel.
Je pense que parce que j'ai moi-même un cœur quelque peu chaotique, j'ai toujours cherché cette stabilité. C'est dans Leah, sur Devils & Dust: "Je parcours ce chemin avec un marteau et une lanterne incandescente / Avec cette main j'ai construit, et avec cette main j'ai brulé" . Je pense que tout le monde ressent ces deux sentiments. C'est simplement la façon dont nous les équilibrons. Il y a beaucoup de feu dans un bâtiment qui brule, mais il ne vous sert à rien si vous n'avez pas le marteau pour construire le bâtiment.