New York, 03 mai 2009

Pete Seeger's 90



Madison Square Garden, New York - 03 mai 2009
"Alors que Pete et moi étions en route vers Washington pour le concert d'inauguration du Président Obama, il m'a raconté l'histoire complète de We Shall Overcome. Comment, à partir d'une chanson sur le mouvement ouvrier, et grâce à l'inspiration de Pete, elle s'était transformée et avait été adaptée par le Mouvement des droits civiques. Ce jour-là, alors que nous chantions This Land Is Your Land, j'ai jeté un regard vers Pete, le premier président noir des États-Unis était assis à sa droite, et j'ai pensé au formidable voyage qu'il avait fait. Le fait d'avoir grandi dans les années 60 dans des villes défigurées par des émeutes raciales a rendu cet instant presque invraisemblable et Pete avait derrière lui trente années supplémentaires de lutte et d'activisme véritable. Il était si heureux ce jour-là, ce sentiment que, Pete, tu as tenu plus longtemps que ces salauds, mec !... C'était si bien. La veille, pendant les répétitions, il faisait très froid, dans les 15 degrés (- 9° C) et Pete était là; il portait sa chemise en flanelle. Je lui dis, mon gars, tu ferais bien de porter quelque chose en plus de cette chemise en flanelle ! Il m'a dit, oui, j'ai mes caleçons longs sous ce truc.

Et je lui ai demandé comment il voulait aborder This Land Is Your Land. Cette chanson serait la dernière ou presque du spectacle et tout ce qu'il m'a dit c'est, "Et bien, je veux chanter tous les couplets, je veux chanter tous ceux que Woody a écrit, en particulier les deux qui ont été enlevés, sur la propriété privée et le bureau de l'aide financière". J'ai pensé que, bien sûr, c'est ce que Pete avait fait toute sa vie. Il chante tous les couplets tout le temps, en particulier ceux que nous aimerions enlever de notre histoire commune en tant que peuple. À un moment donné, Pete a décidé qu'il représenterait un témoignage marchant, chantant de toute l'histoire de l'Amérique. Il serait une archive vivante de la musique de l'Amérique et de sa conscience, un testament du pouvoir de la chanson et de la culture afin de faire avancer l'histoire, afin de pousser les évènements américains vers des buts plus humains et justifiés. Il avait l'audace et le courage de chanter avec la voix du peuple, et en dépit de son apparence quelque peu bénigne de grand-père, Pete est la créature d'un optimisme obstiné, rebelle et teigneux. Il porte en lui une endurance en acier qui contredit sa façade de grand-père et elle ne le laissera pas faire marche arrière sur ce en quoi il croit. À 90 ans, il reste un poignard furtif planté au cœur des illusions de notre pays sur lui-même. Pete Seeger chante tous les couplets tout le temps, et il nous rappelle aussi bien nos immenses échecs qu'il fait briller une lumière sur nos meilleurs anges et sur l'horizon, où le pays que nous avons imaginé et qui nous tient à cœur, nous attend.

De plus, il ne s'est jamais vanté. Il est devenu à l'aise et décontracté dans ce rôle immense. Il est très drôle et très excentrique. Tom va nous rejoindre, et la chanson que Tommy Morello et moi sommes sur le point de chanter, je l'ai écrite au milieu des années 90 et elle prend son origine dans une conversation que j'avais avec moi-même. C'était une tentative pour retrouver mes propres repères. Son dernier couplet est le magnifique discours que Tom Joad murmure à sa mère à la fin de The Grapes Of Wrath (Les raisins de la colère, ndt).

"... Partout où il y a un flic qui frappe un gars
Partout où un nouveau-né affamé pleure
Là où un combat contre le sang et la haine flotte dans l'air
Regarde dans leurs yeux, Maman, je serai là"


Et bien, Pete a toujours été là.

Pour moi, ce discours me sert toujours d'aspiration. Pour Pete, il a simplement été son mode de vie. Le chanteur dans ma chanson est à la recherche du fantôme de Tom Joad. Cet esprit qui a le courage et l'endurance de continuer à avancer, de se battre et de vivre ses idéaux.

Je suis heureux de vous informer que cet esprit, le fantôme-même de Tom Joad est avec nous en chair et en os, ce soir. Dans un instant, il sera sur cette scène, il ressemblera beaucoup à votre grand-père qui porte des chemises en flanelle et des drôles de chapeaux. Il ressemblera à votre grand-père si votre grand-père pouvait vous botter le cul.

Cette chanson est pour Pete..."

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NOTES

Ce discours a été prononcé sur la scène du Madison Square Garden de New York, à l'occasion d'un concert en hommage à Pete Seeger pour son 90ème anniversaire.
Madison Square Garden, New York - 03 mai 2009


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