Il est de retour, en tournée en Europe. Le Boss. Mais ne l'appelez pas comme ça. Et que personne ne danse dans les allées. En fait, fermez-la et écoutez, tout simplement. Portant le bouc, débitant du Steinbeck, un BRUCE SPRINGSTEEN aux paroles moribondes a quelque chose à dire. Et ce n'est pas nécessairement distingué. GAVIN MARTIN parle des icônes gays, de sobriété, de réalité et de chaussettes avec celui qui (ne) serait (pas) le Roi Du Rock.
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On se souviendra de lui comme le performer le plus insensé de l'histoire du rock'n'roll. Ses disques vous ont fait pénétrer un monde d’honnêteté nue et de conviction passionnée et ses concerts marathon avaient pour socle la profonde empathie pour son public. Mais il devait certainement y avoir autre chose - un instinct coriace - pour le porter jusqu'à l'endroit où il voulait aller, pour faire de lui Le Boss ?
Bruce Springsteen rigole - en partie d'un air amusé, en partie en signe de protestation. "Le Boss était un surnom ridicule. C'est le fléau de ma carrière. J'ai appris à vivre avec mais je l'ai détesté, vous savez. En gros, le nom est resté par accident. Quelqu'un en a fait mention un jour de distribution de chèques, à la fin du mois, et ce surnom stupide est resté dans les têtes. Mais, hey, c'est ainsi.
"Lorsque j'étais jeune, j'étais un jeune homme sérieux, je considérais le rock comme une chose sérieuse. Je croyais également que le rock devait être amusant - danser, baiser, prendre du bon temps, mais... je le croyais aussi capable d'exprimer des idées très sérieuses et je pensais que les gens qui l'écoutaient étaient en quête de quelque chose.
"Et sans doute parce qu'à l'âge de 15 ans, je n'avais que lui pour seule culture, il a réussi à devenir une énorme source d'inspiration pour moi, au cours de toute mon adolescence. Il m'a vraiment ouvert au monde.
"Je me rappelle avoir été très ému en entendant la voix du chanteur des Drifters chantant Saturday Night At The Movies, (2) et avoir compris la notion du monde tel qu'il était réellement, non pas la façon dont il m'était expliqué, mais la façon dont il était "réellement" et la façon dont le monde tournait réellement.
"Donc, lorsque mon tour de chanter est arrivé, je me suis dit, 'Je veux essayer d'être à la hauteur de ce que je percevais, si j'en suis capable, et puis j'aurais cette sensation de faire bien plus qu'occuper mon espace', vous comprenez ?"
Bruce Springsteen rigole - en partie d'un air amusé, en partie en signe de protestation. "Le Boss était un surnom ridicule. C'est le fléau de ma carrière. J'ai appris à vivre avec mais je l'ai détesté, vous savez. En gros, le nom est resté par accident. Quelqu'un en a fait mention un jour de distribution de chèques, à la fin du mois, et ce surnom stupide est resté dans les têtes. Mais, hey, c'est ainsi.
"Lorsque j'étais jeune, j'étais un jeune homme sérieux, je considérais le rock comme une chose sérieuse. Je croyais également que le rock devait être amusant - danser, baiser, prendre du bon temps, mais... je le croyais aussi capable d'exprimer des idées très sérieuses et je pensais que les gens qui l'écoutaient étaient en quête de quelque chose.
"Et sans doute parce qu'à l'âge de 15 ans, je n'avais que lui pour seule culture, il a réussi à devenir une énorme source d'inspiration pour moi, au cours de toute mon adolescence. Il m'a vraiment ouvert au monde.
"Je me rappelle avoir été très ému en entendant la voix du chanteur des Drifters chantant Saturday Night At The Movies, (2) et avoir compris la notion du monde tel qu'il était réellement, non pas la façon dont il m'était expliqué, mais la façon dont il était "réellement" et la façon dont le monde tournait réellement.
"Donc, lorsque mon tour de chanter est arrivé, je me suis dit, 'Je veux essayer d'être à la hauteur de ce que je percevais, si j'en suis capable, et puis j'aurais cette sensation de faire bien plus qu'occuper mon espace', vous comprenez ?"
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Ces derniers temps, il ne prend pas autant d'espace, pas ici dans cette modeste loge au Rudi-Seimayer Halle de Munich. Pas sur scène, au cours de sa première tournée en solitaire, entouré de trois ou quatre guitares acoustiques et d'une rangée d'harmonicas. Le dévouement de Springsteen pour les questions importantes n'a jamais été testé avec autant de force avant, ni n'a jamais semblé être si résolu que sur cette tournée, la tournée Né pour S'asseoir, aka la tournée Fermez-là et Écoutez. Une progression naturelle à la suite de The Ghost Of Tom Joad - l'album le plus terrifiant, le plus âpre de sa carrière, sorti en septembre de l'année dernière - la tournée solo de Springsteen parcourt actuellement l'Europe après trois mois aux États-Unis.
Il joue dans de petites salles, de 2 000 à 4 000 places, la plupart sur le circuit traditionnel, ré-établissant des liens avec les réseaux locaux des banques alimentaires et des organisations pour sans-abris, forgés au cours de ses années de mégastar. Mais à présent, la clameur est moins frénétique et les cibles plus concentrées. C'est de cette façon qu'il souhaite travailler; une réflexion sur la lassitude du monde et sur la notion de fatalisme que dénonce Tom Joad.
A Détroit, Bruce a parlé sur scène d'un conflit dans un quotidien local qui dure depuis un an et, bien qu'il ait fait une donation aux grévistes, il a fait attention de ne pas porter de jugements de moralité, sur ceux qui ont été forcés par les circonstances de franchir les piquets de grève. Puis, le jour où il a joué à Austin, Texas, une ordonnance municipale qui rendait illégal, et de manière stupéfiante, le fait d'être sans abri, a été mise en pratique. A Atlanta, les organisations humanitaires de la ville ont raconté la pression que mettaient le milieu économique local sur la police et les politiciens afin de nettoyer les rues de la ville des vagabonds, en préparation des Jeux Olympiques de cet été.
Et quand il a joué à Youngstown, Ohio, la ville de l'acier à la population décimée, en pleine dépression, dont la chanson éponyme permettait de donner la voix à tous ces estimables sacrifiés par le capitalisme américain de la fin de XXème siècle, il parait qu'on entendait le battement du cœur de la ville dans la salle, quand il a chanté cette chanson.
Springsteen dit que rien n'est plus gratifiant que d'aller à la rencontre des gens en jouant chez eux, dans leur ville. Il dit qu'il n'y a rien qui surpasse le fait d'être là, en fait. Après tout, c'est un musicien qui reste en contact avec ses fans - et leurs mères. Comme cette femme qu'il a rencontré en 1981, après être allé dans un cinéma à Saint Louis.
Il joue dans de petites salles, de 2 000 à 4 000 places, la plupart sur le circuit traditionnel, ré-établissant des liens avec les réseaux locaux des banques alimentaires et des organisations pour sans-abris, forgés au cours de ses années de mégastar. Mais à présent, la clameur est moins frénétique et les cibles plus concentrées. C'est de cette façon qu'il souhaite travailler; une réflexion sur la lassitude du monde et sur la notion de fatalisme que dénonce Tom Joad.
A Détroit, Bruce a parlé sur scène d'un conflit dans un quotidien local qui dure depuis un an et, bien qu'il ait fait une donation aux grévistes, il a fait attention de ne pas porter de jugements de moralité, sur ceux qui ont été forcés par les circonstances de franchir les piquets de grève. Puis, le jour où il a joué à Austin, Texas, une ordonnance municipale qui rendait illégal, et de manière stupéfiante, le fait d'être sans abri, a été mise en pratique. A Atlanta, les organisations humanitaires de la ville ont raconté la pression que mettaient le milieu économique local sur la police et les politiciens afin de nettoyer les rues de la ville des vagabonds, en préparation des Jeux Olympiques de cet été.
Et quand il a joué à Youngstown, Ohio, la ville de l'acier à la population décimée, en pleine dépression, dont la chanson éponyme permettait de donner la voix à tous ces estimables sacrifiés par le capitalisme américain de la fin de XXème siècle, il parait qu'on entendait le battement du cœur de la ville dans la salle, quand il a chanté cette chanson.
Springsteen dit que rien n'est plus gratifiant que d'aller à la rencontre des gens en jouant chez eux, dans leur ville. Il dit qu'il n'y a rien qui surpasse le fait d'être là, en fait. Après tout, c'est un musicien qui reste en contact avec ses fans - et leurs mères. Comme cette femme qu'il a rencontré en 1981, après être allé dans un cinéma à Saint Louis.
"Cette soirée en particulier était amusante parce que j'assistais à une projection de Stardust Memories (3), le film de Woody Allen, où on le voit taper sur ses fans. Il y avait un gamin assis à côté de moi et il s'est tourné vers moi et m'a dit 'Hey, c'est ce que vous pensez ?' et je lui ai dit, 'Non'. J'étais tout seul, j'étais à Saint Louis et il était 22 heures. Il m'a dit, 'Venez à la maison rencontrer ma mère et elle vous préparera quelque chose à manger'.
"A mes yeux, cet épisode est le genre de plaisir simple que je tire de ma vie sur la route - les gens te demandent d'entrer dans leur vie. C'est toujours amusant, intéressant et fascinant. J'ai vu la mère du gamin il y a à peine deux semaines à Saint Louis. Je la vois toujours, elle assiste à tous mes concerts depuis 15 ans. Elle vient dans ma loge, me donne à manger et m'embrasse. Son fils est avocat aujourd'hui.
"J'ai toujours aimé cette possibilité d'entrer dans la vie des gens. J'ai toujours pensé qu'une partie de mon travail consistait à quitter son hôtel, pour aller traîner en ville et certains soirs vous pouviez vous perdre et rencontrer des gens et ils vous faisaient entrer dans leur vie et c'était... Je ne sais pas, une façon de se connecter aux choses."
"A mes yeux, cet épisode est le genre de plaisir simple que je tire de ma vie sur la route - les gens te demandent d'entrer dans leur vie. C'est toujours amusant, intéressant et fascinant. J'ai vu la mère du gamin il y a à peine deux semaines à Saint Louis. Je la vois toujours, elle assiste à tous mes concerts depuis 15 ans. Elle vient dans ma loge, me donne à manger et m'embrasse. Son fils est avocat aujourd'hui.
"J'ai toujours aimé cette possibilité d'entrer dans la vie des gens. J'ai toujours pensé qu'une partie de mon travail consistait à quitter son hôtel, pour aller traîner en ville et certains soirs vous pouviez vous perdre et rencontrer des gens et ils vous faisaient entrer dans leur vie et c'était... Je ne sais pas, une façon de se connecter aux choses."
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A Munich, comme pour n'importe quelle autre soirée, il y a une annonce polie avant le spectacle, réitérant ce que Springsteen a déjà dit à la presse locale - le silence est partie intégrante de la musique qu'il va jouer, et la coopération du public est appréciée. Dès le début du set, il l'exprime de manière plus crue: "Oui, les gars, c'est une communion, donc si une personne assise à vos côtés fait trop de bruit pourquoi ne pas vous rassembler tous ensemble et lui dire poliment PUTAIN FERME-LA !"
L'attention et la réaction au discours du chanteur au cours de ces deux soirées à Munich et à Hambourg suggèrent que les qualités appréciées ne concernent pas uniquement les paroles, mais les inflexions poétiques qui parcourent la voix de Springsteen, une affection pour les cadences et les rythmes de ses personnages; la façon dont chaque respiration, soupir, halètement ou lamentation est entendu et compte dans cette perception globale.
Il y a quelques années, Springsteen a raconté à un journaliste qu'il était "genre travailleur", qui n'imprimait pas sa marque en un vif éclair de génie, mais au fur et à mesure d'un voyage au long court de '20 à 25 ans'. La tournée Tom Joad, en lui permettant d'élargir son talent artistique vocal et l'éloquence de son jeu de guitare comme jamais auparavant, porte les fruits de cette approche. Mais ce n'est pas tout de dire que le nouveau spectacle n'est qu'une promenade sombre. La vivacité mature d'un homme excité, dans la force de l'âge, qui est devenu père à trois reprises depuis son quarantième anniversaire, est bien mis en évidence dans les introductions de It's The Little Things That Count et de Sell It And They Will Come - des chansons inédites ayant pour thème ses propres "petits fantasmes sexuels sordides".
Un mélange fascinant entre le showman enjoué et l'artiste dévoué, Springsteen est évidemment conscient de la valeur de ce contraste. Ainsi, les interludes moqueurs entre les chansons ne font que mettre en valeur la profondeur du supplice et du chagrin qui se trouve au cœur du spectacle - que ce soit un Born In The U.S.A. réarrangé à la sauce d'un Delta-blues redoutable, la confession déprimée de Highway 29, l'impressionnant inédit, Brothers Under The Bridge ou l'innocence violée des gamins de Balboa Park.
L'attention et la réaction au discours du chanteur au cours de ces deux soirées à Munich et à Hambourg suggèrent que les qualités appréciées ne concernent pas uniquement les paroles, mais les inflexions poétiques qui parcourent la voix de Springsteen, une affection pour les cadences et les rythmes de ses personnages; la façon dont chaque respiration, soupir, halètement ou lamentation est entendu et compte dans cette perception globale.
Il y a quelques années, Springsteen a raconté à un journaliste qu'il était "genre travailleur", qui n'imprimait pas sa marque en un vif éclair de génie, mais au fur et à mesure d'un voyage au long court de '20 à 25 ans'. La tournée Tom Joad, en lui permettant d'élargir son talent artistique vocal et l'éloquence de son jeu de guitare comme jamais auparavant, porte les fruits de cette approche. Mais ce n'est pas tout de dire que le nouveau spectacle n'est qu'une promenade sombre. La vivacité mature d'un homme excité, dans la force de l'âge, qui est devenu père à trois reprises depuis son quarantième anniversaire, est bien mis en évidence dans les introductions de It's The Little Things That Count et de Sell It And They Will Come - des chansons inédites ayant pour thème ses propres "petits fantasmes sexuels sordides".
Un mélange fascinant entre le showman enjoué et l'artiste dévoué, Springsteen est évidemment conscient de la valeur de ce contraste. Ainsi, les interludes moqueurs entre les chansons ne font que mettre en valeur la profondeur du supplice et du chagrin qui se trouve au cœur du spectacle - que ce soit un Born In The U.S.A. réarrangé à la sauce d'un Delta-blues redoutable, la confession déprimée de Highway 29, l'impressionnant inédit, Brothers Under The Bridge ou l'innocence violée des gamins de Balboa Park.
L'impression d'un homme à l'aise avec lui-même et avec son nouveau rang, plus minimaliste, dans le Cirque de la Célébrité, est visible lorsque nous le rencontrons dans les coulisses, 15 minutes environ après son rappel final à Hambourg. Springsteen est petit et trapu, poli et déférent. Avec son bouc et ses cheveux éparses lissés en arrière, dans ce qui ressemble moins à une queue de cheval qu'à celle d'un moineau, il ne semble pas si différent du type qui pourrait changer votre huile ou réparer vos pneus dans n'importe quelle ville occidentale.
Puis, lorsqu'il sourit et que son visage se plisse, il vous fait penser à Rober De Niro - un autre travailleur italo-américain, dont l'art est centré sur les combats de l'âme et le comportement obsessionnel.
En conversation, Springsteen est sujet à des gloussements d’auto-dérision, mais de la même façon qu'il glissera vers une voix trainante, longue, lente, réfléchie, recommençant et réécrivant ses significations; une approche minutieuse pas si différente que celle qui a produit l'essentiel de sa œuvre enregistrée.
Il met au service d'une courte session photo son "répertoire limité" de poses, à condition que ses chaussettes ne soient pas visibles.
"C'est l'unique règle que j'impose concernant les photos et je suis très strict là-dessus" sourit-il.
Le photographe mentionne Nick Cave et Springsteen l'interrompt: "Oh, il a certainement de belles paires de chaussettes - il insiste pour que vous montriez ses chaussettes, n'est-ce pas ?"
La session photo terminée, il sert deux verres de Jack Daniel's et des glaçons. Desserrant la ceinture autour de son pantalon plissé, il essaye - sans succès - d'ouvrir une bouteille de Corona. Alors, il ouvre la porte et fait levier avec la serrure pour ouvrir la bouteille, mais la bière se met à mousser et gicle sur son pantalon et sa chemise.
"C'est le problème quand on le fait de cette manière" dit-il, faisant un rapide détour par la salle de bain.
Finalement, taché de bière mais prêt, Springsteen s'assoit, posant ses verres sur la table basse à côté d'un portefeuille argenté, quelques Deutshmarks, une montre couteuse et un porte-clés de biker. 90 minutes plus tard, Bruce - qui admet qu'il buvait juste "pour la sensation" - n'a toujours pas touché à sa bière, ni à son Jack Daniel's.
Puis, lorsqu'il sourit et que son visage se plisse, il vous fait penser à Rober De Niro - un autre travailleur italo-américain, dont l'art est centré sur les combats de l'âme et le comportement obsessionnel.
En conversation, Springsteen est sujet à des gloussements d’auto-dérision, mais de la même façon qu'il glissera vers une voix trainante, longue, lente, réfléchie, recommençant et réécrivant ses significations; une approche minutieuse pas si différente que celle qui a produit l'essentiel de sa œuvre enregistrée.
Il met au service d'une courte session photo son "répertoire limité" de poses, à condition que ses chaussettes ne soient pas visibles.
"C'est l'unique règle que j'impose concernant les photos et je suis très strict là-dessus" sourit-il.
Le photographe mentionne Nick Cave et Springsteen l'interrompt: "Oh, il a certainement de belles paires de chaussettes - il insiste pour que vous montriez ses chaussettes, n'est-ce pas ?"
La session photo terminée, il sert deux verres de Jack Daniel's et des glaçons. Desserrant la ceinture autour de son pantalon plissé, il essaye - sans succès - d'ouvrir une bouteille de Corona. Alors, il ouvre la porte et fait levier avec la serrure pour ouvrir la bouteille, mais la bière se met à mousser et gicle sur son pantalon et sa chemise.
"C'est le problème quand on le fait de cette manière" dit-il, faisant un rapide détour par la salle de bain.
Finalement, taché de bière mais prêt, Springsteen s'assoit, posant ses verres sur la table basse à côté d'un portefeuille argenté, quelques Deutshmarks, une montre couteuse et un porte-clés de biker. 90 minutes plus tard, Bruce - qui admet qu'il buvait juste "pour la sensation" - n'a toujours pas touché à sa bière, ni à son Jack Daniel's.
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Vous préparez-vous pour cette tournée solo depuis longtemps ?
"J'y ai pensé depuis Nebraska, mais Nebraska est arrivé comme par hasard. Une sorte de hasard planifié, mais d'une manière assez hasardeuse pour que je ne pense pas vraiment que c'était quelque chose avec lequel j'allais partir en tournée. J'y ai pensé à nouveau quand j'ai enregistré Tunnel Of Love, mais Tunnel Of Love se trouvait à mi-chemin entre un disque de groupe et un disque solo, et encore une fois, je n'arrivais pas imaginer me présenter seul sur scène à ce stade-là.
"Nous avons fait des répétitions où il n'y avait que moi et un groupe assis et - je déteste utiliser ce mot - une sorte de spectacle style-unplugged. L'idée n'allait pas, s'il y a un groupe sur scène, le public vient pour vous voir chanter, 'Une, deux, trois, quatre', vous saisissez ? Nous avons donc fini par mettre sur pieds une grande tournée tous ensemble.
"Alors, quand Tom Joad est sorti, je me suis dit, 'C'est la chance qui me permettra de faire ce que j'attends de faire depuis longtemps'. Je voulais également une alternative aux tournées avec le groupe et tout ce que ce système impliquait. Je l'ai fait pendant de longues années et j'ai senti qu'au mieux, si je me présentais sur scène avec un groupe, je n'aurais pas quelque chose de complètement nouveau à dire, car, si vous vous trouvez là avec un groupe de personnes, automatiquement, vous allez vouloir entendre, A, B et C.
"En fait, le facteur décisif est que, au cours des années 90, la voix que j'ai trouvé, la voix qui me convient le mieux et qui m'a semblé vitale, a été ma voix folk, fondamentalement. Et non pas celle que j'utilise pour le rock.
"A l'origine, j'ai décroché un contrat en tant que chanteur folk et donc, c'est quelque chose d'amusant. John Hammond (le regretté légendaire dénicheur de talents de chez CBS, qui a signé Billie Holliday, Bob Dylan et Bruce) serait plié en deux aujourd'hui, car il m'a toujours dit, 'Tu devrais faire un album seul à la guitare'.
"J'y ai pensé depuis Nebraska, mais Nebraska est arrivé comme par hasard. Une sorte de hasard planifié, mais d'une manière assez hasardeuse pour que je ne pense pas vraiment que c'était quelque chose avec lequel j'allais partir en tournée. J'y ai pensé à nouveau quand j'ai enregistré Tunnel Of Love, mais Tunnel Of Love se trouvait à mi-chemin entre un disque de groupe et un disque solo, et encore une fois, je n'arrivais pas imaginer me présenter seul sur scène à ce stade-là.
"Nous avons fait des répétitions où il n'y avait que moi et un groupe assis et - je déteste utiliser ce mot - une sorte de spectacle style-unplugged. L'idée n'allait pas, s'il y a un groupe sur scène, le public vient pour vous voir chanter, 'Une, deux, trois, quatre', vous saisissez ? Nous avons donc fini par mettre sur pieds une grande tournée tous ensemble.
"Alors, quand Tom Joad est sorti, je me suis dit, 'C'est la chance qui me permettra de faire ce que j'attends de faire depuis longtemps'. Je voulais également une alternative aux tournées avec le groupe et tout ce que ce système impliquait. Je l'ai fait pendant de longues années et j'ai senti qu'au mieux, si je me présentais sur scène avec un groupe, je n'aurais pas quelque chose de complètement nouveau à dire, car, si vous vous trouvez là avec un groupe de personnes, automatiquement, vous allez vouloir entendre, A, B et C.
"En fait, le facteur décisif est que, au cours des années 90, la voix que j'ai trouvé, la voix qui me convient le mieux et qui m'a semblé vitale, a été ma voix folk, fondamentalement. Et non pas celle que j'utilise pour le rock.
"A l'origine, j'ai décroché un contrat en tant que chanteur folk et donc, c'est quelque chose d'amusant. John Hammond (le regretté légendaire dénicheur de talents de chez CBS, qui a signé Billie Holliday, Bob Dylan et Bruce) serait plié en deux aujourd'hui, car il m'a toujours dit, 'Tu devrais faire un album seul à la guitare'.
"Quand Jonathan Demme (réalisateur de Philadelphia) m'a demandé une chanson (Streets Of Philadelphia), il m'a focalisé sur l'extérieur et puis, travailler avec le groupe m'a fait le même effet car ils sont la manifestation vivante de la communauté sur laquelle j'écris.
"Les musiciens sont étranges. Quand vous êtes chez vous, vous n'êtes pas véritablement partie intégrante de votre propre communauté, donc vous créez la votre. J'ai alors créé le groupe et de vrais liens se créent et quelque chose nous unit, une force collective, la manifestation vivante d'une communauté, qu'elle que soit celle que vous imaginez ou celle à propos de laquelle vous chantez, et je crois que le public le sent, qu'il est très réceptif à cette unité. Et c'est la raison pour laquelle le groupe possède cette puissance et c'est la raison pour laquelle il est et a été important.
"Cette notion d'amitié, de loyauté, chacun est différent mais malgré tout rassemblé; c'est la raison pour laquelle l'idée de groupe a toujours été l'idée centrale du rock; c'est la raison pour laquelle les groupes émergent. Que ce soient les frères d'Oasis ou je ne sais qui, la magie opère toujours car LE GROUPE, C'EST LA VIE. Les gens s'identifient à lui, et veulent s'unir ou monter leur propre groupe. C'est la raison pour laquelle les groupes sont puissants".
Suivez-vous les jeunes groupes ?
"Pas tant que ça, j'écoute des trucs en passant. De temps en temps, je vais dans un magasin et j'achète des disques à l'instinct, par curiosité. Depuis le début des années 80, mes influences musicales... en fin de compte, elles ont été plus... je retourne en arrière en quelque sorte. Il y avait Hank Williams et des vieux bluesmen et des chanteurs folk, mais les films et les écrivains et les romans ont probablement influencés mon travail en priorité".
"Les musiciens sont étranges. Quand vous êtes chez vous, vous n'êtes pas véritablement partie intégrante de votre propre communauté, donc vous créez la votre. J'ai alors créé le groupe et de vrais liens se créent et quelque chose nous unit, une force collective, la manifestation vivante d'une communauté, qu'elle que soit celle que vous imaginez ou celle à propos de laquelle vous chantez, et je crois que le public le sent, qu'il est très réceptif à cette unité. Et c'est la raison pour laquelle le groupe possède cette puissance et c'est la raison pour laquelle il est et a été important.
"Cette notion d'amitié, de loyauté, chacun est différent mais malgré tout rassemblé; c'est la raison pour laquelle l'idée de groupe a toujours été l'idée centrale du rock; c'est la raison pour laquelle les groupes émergent. Que ce soient les frères d'Oasis ou je ne sais qui, la magie opère toujours car LE GROUPE, C'EST LA VIE. Les gens s'identifient à lui, et veulent s'unir ou monter leur propre groupe. C'est la raison pour laquelle les groupes sont puissants".
Suivez-vous les jeunes groupes ?
"Pas tant que ça, j'écoute des trucs en passant. De temps en temps, je vais dans un magasin et j'achète des disques à l'instinct, par curiosité. Depuis le début des années 80, mes influences musicales... en fin de compte, elles ont été plus... je retourne en arrière en quelque sorte. Il y avait Hank Williams et des vieux bluesmen et des chanteurs folk, mais les films et les écrivains et les romans ont probablement influencés mon travail en priorité".
Sur la pochette de l'album et au cours des monologues sur scène, vous laissez entendre que c'est le film de John Ford, plutôt que le livre de John Steinbeck, Les Raisins de la colère, qui a servi de base à Tom Joad.
"Chronologiquement, c'est ce qui s'est passé : j'ai vu le film avant de lire le livre, qui est incroyable. Je l'ai relu récemment, et vous avez cette magnifique dernière scène. Le livre se termine sur une action singulière d'une richesse et d'une humanité formidables - le livre entier converge vers cette scène. Qui a eu une signification importante à mes yeux au moment où je relisais le livre car je cherchais à dépasser les platitudes ou peu importe la façon dont vous appelez ça.
"Je cherchais une manière de rendre réel, à l'instant présent, la lumière qui inonde ce monde. Je me suis donc retrouvé à la fin du disque comme une personne prenant une décision. Je pense que les choses que j'utilise pour mettre de la lumière dans ce spectacle sont ce genre de choses, c'est pour cette raison que je joue Spare Parts et Galveston Bay. A mes yeux, ces choses sont possibles, ce sont des choses qui... n'importe quel spectateur peut quitter la salle et entrevoir la journée suivante avec l'idée de cette possibilité".
La thérapie que vous avez suivi a-t-elle affecté votre travail récent ?
"Non, cette thérapie a eu un effet sur ma vie personnelle et sur mes choix; elle m'a permis de mieux gérer ma vie, d'exercer un contrôle plus grand sur tout ce que je fais. Quand j'étais plus jeune, je ne connaissais qu'une manière de vivre. Un mode de vie dont j'étais prisonnier. C'était d'être sur la route, j'étais incapable d'entreprendre des relations durables avec les gens ou de m'installer quelque part".
A cette époque, aviez-vous conscience de ce qui vous arrivait ?
"Non, j'avais 25 ans et je ne comprenais strictement rien à ce qui m'arrivait. J'avais seulement une impression de course continuelle. A cette époque, j'avais l'impression - c'est une course".
En tant qu'athlète du rock'n'roll, Springsteen est peut être unique - il n'y a jamais eu d'histoires sur des problèmes de drogues, par exemple.
"Non, je n'ai jamais touché aux drogues.
Cependant, vos chansons suggère une personne bien consciente d'une tentation à l'auto-destruction.
"J'ai bien connu quelques moments où l'autodestruction me tentait, mais sans pour autant être attiré par les drogues. Je n'en ai jamais fait une question de principe; simplement, je n'ai jamais touché à quelque drogue que ce soit. Il ne s'agit pas d'avoir un point de vue moral sur les drogues - je n'y connais rien. Je n'en ai pas pris pour des raisons qui me sont propres, qui étaient probablement... Je ne sais pas quel genre de type je deviendrais sous l'emprise des drogues. J'ai eu peur de ma propre vie intérieure.
"J'ai habité dans une maison où la perte de contrôle était le lot quotidien et le souvenir n'est pas particulièrement agréable. J'ai eu peur que ce soit moi, si je fais A, B, C, D ou E.
"Je trainais avec beaucoup de personnes qui prenaient de la drogue et je ne peux pas dire que j'ai aimé les voir défoncés, la plupart du temps. Soit il devenaient cons ou alors incompréhensibles. C'est mon expérience - et elle ne m'a pas intéressée.
"Et puis, depuis que je suis gamin, j'ai une passion sans limite pour la musique, qui a provoqué chez moi une sorte d'extase, tout simplement, en jouant. C'était quelque chose que j'aimais faire, tout simplement".
Mais vous preniez des montée d'adrénaline entre les sets au cours des spectacles dans les stades ?
"J'imagine oui, si besoin", rigole-t-il.
"Chronologiquement, c'est ce qui s'est passé : j'ai vu le film avant de lire le livre, qui est incroyable. Je l'ai relu récemment, et vous avez cette magnifique dernière scène. Le livre se termine sur une action singulière d'une richesse et d'une humanité formidables - le livre entier converge vers cette scène. Qui a eu une signification importante à mes yeux au moment où je relisais le livre car je cherchais à dépasser les platitudes ou peu importe la façon dont vous appelez ça.
"Je cherchais une manière de rendre réel, à l'instant présent, la lumière qui inonde ce monde. Je me suis donc retrouvé à la fin du disque comme une personne prenant une décision. Je pense que les choses que j'utilise pour mettre de la lumière dans ce spectacle sont ce genre de choses, c'est pour cette raison que je joue Spare Parts et Galveston Bay. A mes yeux, ces choses sont possibles, ce sont des choses qui... n'importe quel spectateur peut quitter la salle et entrevoir la journée suivante avec l'idée de cette possibilité".
La thérapie que vous avez suivi a-t-elle affecté votre travail récent ?
"Non, cette thérapie a eu un effet sur ma vie personnelle et sur mes choix; elle m'a permis de mieux gérer ma vie, d'exercer un contrôle plus grand sur tout ce que je fais. Quand j'étais plus jeune, je ne connaissais qu'une manière de vivre. Un mode de vie dont j'étais prisonnier. C'était d'être sur la route, j'étais incapable d'entreprendre des relations durables avec les gens ou de m'installer quelque part".
A cette époque, aviez-vous conscience de ce qui vous arrivait ?
"Non, j'avais 25 ans et je ne comprenais strictement rien à ce qui m'arrivait. J'avais seulement une impression de course continuelle. A cette époque, j'avais l'impression - c'est une course".
En tant qu'athlète du rock'n'roll, Springsteen est peut être unique - il n'y a jamais eu d'histoires sur des problèmes de drogues, par exemple.
"Non, je n'ai jamais touché aux drogues.
Cependant, vos chansons suggère une personne bien consciente d'une tentation à l'auto-destruction.
"J'ai bien connu quelques moments où l'autodestruction me tentait, mais sans pour autant être attiré par les drogues. Je n'en ai jamais fait une question de principe; simplement, je n'ai jamais touché à quelque drogue que ce soit. Il ne s'agit pas d'avoir un point de vue moral sur les drogues - je n'y connais rien. Je n'en ai pas pris pour des raisons qui me sont propres, qui étaient probablement... Je ne sais pas quel genre de type je deviendrais sous l'emprise des drogues. J'ai eu peur de ma propre vie intérieure.
"J'ai habité dans une maison où la perte de contrôle était le lot quotidien et le souvenir n'est pas particulièrement agréable. J'ai eu peur que ce soit moi, si je fais A, B, C, D ou E.
"Je trainais avec beaucoup de personnes qui prenaient de la drogue et je ne peux pas dire que j'ai aimé les voir défoncés, la plupart du temps. Soit il devenaient cons ou alors incompréhensibles. C'est mon expérience - et elle ne m'a pas intéressée.
"Et puis, depuis que je suis gamin, j'ai une passion sans limite pour la musique, qui a provoqué chez moi une sorte d'extase, tout simplement, en jouant. C'était quelque chose que j'aimais faire, tout simplement".
Mais vous preniez des montée d'adrénaline entre les sets au cours des spectacles dans les stades ?
"J'imagine oui, si besoin", rigole-t-il.
****
Cette époque remonte aux années où il était le Boss. Une création presque-surhumaine, trainant une extravagance de plus de quatre heure d'euphorie, de monologues sans queue ni tête, d'histoires à la fin douce-amère, drôles, des ballades mortuaires et des héroïques durement gagné. La marche de la victoire prolongée par l'homme qui voulait que le cœur et l'âme de la musique se déchaine dans la nuit. Peut-il imaginer le faire à nouveau ?
"Je ne sais pas. J'arrive à m'imaginer jouer avec le groupe à nouveau. Je ne sais pas si je jouerais aussi longtemps aujourd'hui. Je crois que je "pourrais", mais je crois que j'aimerais créer une spectacle plus ciblé lors de mes prochaines tournées.
"Mais c'est très délicat car j'ai pensé la même chose la dernière fois où je suis monté sur scène, certainement les cinq dernières fois, puis tout à coup, vous regardez la montre et trois heures se sont écoulées. Donc, vous savez, je vais monter sur scène et voir ce qui se passe.
"Tant que les autres trucs tournent, c'est comme si j'avais une énorme énergie à dépenser. J'ai toujours senti que le E Street Band m’alimentait en énergie. Nous nous amusions et nous prenions du plaisir, mais de manière presque dramatique, comme si notre vie en dépendait. C'est pour ça que ce groupe affiche deux facettes bien distinctes : l'une plutôt sombre, l'autre qui explose de joie et de bonheur - que ce soit d'être en vie ou d'être avec tes amis ou avec le public à un instant donné. C'était réel, mais c'était un plaisir avec le diable à nos trousses - rire et courir, vous comprenez ce que je veux dire ?"
Les choses ont-elles évolué lorsque Patti Sciafla (musicienne originaire du New Jersey et, depuis 1991, la seconde - et il en est certain - dernière Mme Springsteen), a rejoint le groupe ?
"Quand Patti nous a rejoint, je voulais que le groupe soit plus en phase avec notre public - j'ai dit, 'Hey, nous avons besoin d'une femme dans le groupe !'. Le groupe me ressemblait. Nous étions des types d'environ 35 ans et je me suis dit, 'Il est temps de s'en occuper. Le groupe comme une sorte de club fermé est une grande institution - le niveau général de misogynie et d’hostilité et ce concept, comme étant tout le temps un endroit derrière lequel se retrancher'. Mais je voulais changer cette idée, je ne voulais pas être comme les autres."
"Je ne sais pas. J'arrive à m'imaginer jouer avec le groupe à nouveau. Je ne sais pas si je jouerais aussi longtemps aujourd'hui. Je crois que je "pourrais", mais je crois que j'aimerais créer une spectacle plus ciblé lors de mes prochaines tournées.
"Mais c'est très délicat car j'ai pensé la même chose la dernière fois où je suis monté sur scène, certainement les cinq dernières fois, puis tout à coup, vous regardez la montre et trois heures se sont écoulées. Donc, vous savez, je vais monter sur scène et voir ce qui se passe.
"Tant que les autres trucs tournent, c'est comme si j'avais une énorme énergie à dépenser. J'ai toujours senti que le E Street Band m’alimentait en énergie. Nous nous amusions et nous prenions du plaisir, mais de manière presque dramatique, comme si notre vie en dépendait. C'est pour ça que ce groupe affiche deux facettes bien distinctes : l'une plutôt sombre, l'autre qui explose de joie et de bonheur - que ce soit d'être en vie ou d'être avec tes amis ou avec le public à un instant donné. C'était réel, mais c'était un plaisir avec le diable à nos trousses - rire et courir, vous comprenez ce que je veux dire ?"
Les choses ont-elles évolué lorsque Patti Sciafla (musicienne originaire du New Jersey et, depuis 1991, la seconde - et il en est certain - dernière Mme Springsteen), a rejoint le groupe ?
"Quand Patti nous a rejoint, je voulais que le groupe soit plus en phase avec notre public - j'ai dit, 'Hey, nous avons besoin d'une femme dans le groupe !'. Le groupe me ressemblait. Nous étions des types d'environ 35 ans et je me suis dit, 'Il est temps de s'en occuper. Le groupe comme une sorte de club fermé est une grande institution - le niveau général de misogynie et d’hostilité et ce concept, comme étant tout le temps un endroit derrière lequel se retrancher'. Mais je voulais changer cette idée, je ne voulais pas être comme les autres."
Qu'est-ce qui vous a changé ?
"Vieillir, tout simplement, et réaliser, comme au bon vieux temps - tu peux fuir mais tu ne peux pas te cacher. A un certain moment, si vous n'essayez pas de résoudre ces problèmes, votre vie devient alors limitée. Vous pouvez voler et peu vous importe. Mais à la fin, ce sera une vie avec expérience limitée - tout du moins, c'est ainsi que je l'ai ressenti.
"Je ne voulais pas seulement tout expérimenter - l'amour, l'intimité, peu importe comment vous la nommez, ou l'inclusion, tout simplement. Pour créer un groupe qui puisse être inclusif - que quelqu'un regarde et puisse dire, 'Hey, c'est moi !'. C'est ce que font les groupes. C'est la raison pour laquelle les gens viennent et la raison pour laquelle votre énergie est soutenue: parce que les gens vous reconnaissent, se reconnaissent, et reconnaissent le monde dans lequel ils vivent."
Avant l'album Tunnel Of Love, vous n'aviez jamais vraiment parlé de sexe dans vos chansons. Pourquoi avoir évité le sujet jusqu'à maintenant ?
"Je n'avais pas évité le sexe, mais j'avais évité d'écrire sur le sujet. Le thème a été une partie confuse de ma vie pendant trente ou trente-cinq ans. Jusqu'à cet âge-là, je n'ai connu que la vie sur la route avec les gars, et les femmes se trouvaient, en quelque sorte, en périphérie. A un moment donné, vers mes 35 ans, cette façon de vivre ne m'a plus semblé acceptable. Je n'avais pas envie de vieillir et de devenir un type de 50 ans qui continue à traîner entre copains. Je trouvais ce destin ennuyeux. Ennuyeux et tragique."
Sur Lucky Town vous chantez, "C'est un dénouement étrange et triste que de se voir soi-même jouer un rôle / Une homme riche dans la peau d'un homme pauvre". Sur Tom Joad, la métaphore est encore plus explicite: vous êtes un propriétaire californien millionnaire, écrivant sur les laissés-pour-compte, les immigrés illégaux ou les enfants qui se prostituent - des individus aussi éloignés que possible de vous sur l'échelle socio-économique. Est-ce que c'est le but de l'écriture ? Établir des liens qui ne sont pas supposés possibles ?
"L'idée est, prenez les enfants de Balboa Park, ce sont vos enfants, c'est ce que j'essaye de dire. J'ai les miens, vous avez les vôtres et ces sont des enfants, également. En tant qu'auteur, ces sujets m'ont attiré, pour des raisons personnelles, j'en suis certain. Je n'ai pas de grandes idées.
"Je ne ressens pas le besoin de délivrer des grandes thèses, comme les hommes politiques. Je crois que mon travail vient de l'intérieur. Mon approche n'est pas extérieure - "Mesdames et messieurs, j'ai une déclaration à vous faire." Je n'aime pas le coté 'estrade publique', donc je commence par des choses qui me touchent, personnellement et peut-être, des parcelles de ma vie.
"J'ai vécu dans une maison où tous menaient un combat : pour trouver un travail, se trouver une place dans la société. Fatalement, ceux qui n'y parvenaient pas sombraient dans la colère, la violence, le manque total de confiance en soi.
"Et en grandissant, je me suis dit, 'Hey, c'est ma chanson', parce que c'était peut-être mon expérience à un moment particulier de ma vie. Et ces idées, ces questions, ces thèmes étaient des sujets sur lesquels j'ai écris toute ma carrière. Je me sens encore motivé par ces sujets et mon meilleur travail tourne probablement autour de ces thèmes, parce que j'ai baigné là-dedans pendant longtemps, comme une lumière qui me guide.
"Vieillir, tout simplement, et réaliser, comme au bon vieux temps - tu peux fuir mais tu ne peux pas te cacher. A un certain moment, si vous n'essayez pas de résoudre ces problèmes, votre vie devient alors limitée. Vous pouvez voler et peu vous importe. Mais à la fin, ce sera une vie avec expérience limitée - tout du moins, c'est ainsi que je l'ai ressenti.
"Je ne voulais pas seulement tout expérimenter - l'amour, l'intimité, peu importe comment vous la nommez, ou l'inclusion, tout simplement. Pour créer un groupe qui puisse être inclusif - que quelqu'un regarde et puisse dire, 'Hey, c'est moi !'. C'est ce que font les groupes. C'est la raison pour laquelle les gens viennent et la raison pour laquelle votre énergie est soutenue: parce que les gens vous reconnaissent, se reconnaissent, et reconnaissent le monde dans lequel ils vivent."
Avant l'album Tunnel Of Love, vous n'aviez jamais vraiment parlé de sexe dans vos chansons. Pourquoi avoir évité le sujet jusqu'à maintenant ?
"Je n'avais pas évité le sexe, mais j'avais évité d'écrire sur le sujet. Le thème a été une partie confuse de ma vie pendant trente ou trente-cinq ans. Jusqu'à cet âge-là, je n'ai connu que la vie sur la route avec les gars, et les femmes se trouvaient, en quelque sorte, en périphérie. A un moment donné, vers mes 35 ans, cette façon de vivre ne m'a plus semblé acceptable. Je n'avais pas envie de vieillir et de devenir un type de 50 ans qui continue à traîner entre copains. Je trouvais ce destin ennuyeux. Ennuyeux et tragique."
Sur Lucky Town vous chantez, "C'est un dénouement étrange et triste que de se voir soi-même jouer un rôle / Une homme riche dans la peau d'un homme pauvre". Sur Tom Joad, la métaphore est encore plus explicite: vous êtes un propriétaire californien millionnaire, écrivant sur les laissés-pour-compte, les immigrés illégaux ou les enfants qui se prostituent - des individus aussi éloignés que possible de vous sur l'échelle socio-économique. Est-ce que c'est le but de l'écriture ? Établir des liens qui ne sont pas supposés possibles ?
"L'idée est, prenez les enfants de Balboa Park, ce sont vos enfants, c'est ce que j'essaye de dire. J'ai les miens, vous avez les vôtres et ces sont des enfants, également. En tant qu'auteur, ces sujets m'ont attiré, pour des raisons personnelles, j'en suis certain. Je n'ai pas de grandes idées.
"Je ne ressens pas le besoin de délivrer des grandes thèses, comme les hommes politiques. Je crois que mon travail vient de l'intérieur. Mon approche n'est pas extérieure - "Mesdames et messieurs, j'ai une déclaration à vous faire." Je n'aime pas le coté 'estrade publique', donc je commence par des choses qui me touchent, personnellement et peut-être, des parcelles de ma vie.
"J'ai vécu dans une maison où tous menaient un combat : pour trouver un travail, se trouver une place dans la société. Fatalement, ceux qui n'y parvenaient pas sombraient dans la colère, la violence, le manque total de confiance en soi.
"Et en grandissant, je me suis dit, 'Hey, c'est ma chanson', parce que c'était peut-être mon expérience à un moment particulier de ma vie. Et ces idées, ces questions, ces thèmes étaient des sujets sur lesquels j'ai écris toute ma carrière. Je me sens encore motivé par ces sujets et mon meilleur travail tourne probablement autour de ces thèmes, parce que j'ai baigné là-dedans pendant longtemps, comme une lumière qui me guide.
****
Pour l'écriture de Tom Joad, vous êtes vous documenté, avez-vous mené des recherches ?
"Les histoires prennent leur origine dans plein d'endroits. En Arizona, j'ai rencontré un type qui m'a raconté l'histoire de son frère qui traînait avec un gang de motards, les Verges, dans la San Freehand Valley. Un type que je rencontre sur le bord de la route, dans ce petit motel. Je ne sais pas pourquoi, son histoire est longtemps restée en moi, et quand j'ai commencé à écrire sur cette histoire-là, je continuais à entendre sa voix.
"Quand vous vous trouvez à Los Angeles, vous avez à disposition une immense quantité d'informations sur la frontière. L'immigration et la vie de la frontière font presque partie intégrante de cette ville. C'est en partie la raison pour laquelle, au cours de ces cinq dernières années, je viens en Californie chaque année, la moitié de l'année. C'est un endroit très, très puissant; un endroit où les enjeux qui sont en cours en Amérique se passent ici et maintenant. Un endroit qui représente ce vers quoi le pays se transforme; un endroit où vous pouvez voir les machinations politiques sur la façon dont sont utilisés les thèmes de l'immigration, et toutes ces conneries qui, souvent, l'accompagnent. C'est le lieu que l'Amérique, qu'elle soit prête ou pas, va devenir."
Votre réputation a toujours été celle d'un artiste incroyablement prolifique, qui sort autant de bonnes chansons que celles qu'il garde pour lui-même. Avez-vous connu une période au cours de laquelle vous n'avez pas été capable d'écrire ?
"Si j'étais "si" prolifique, j'aurais sorti plus d'albums. Je crois qu'il y a prolifique dans l'écriture de beaucoup de chansons et il y a prolifique dans l'écriture de beaucoup de "bonnes" chansons ! J'ai écris quantité de chansons, mais à mes yeux, beaucoup n'ont pas été à la hauteur, car j'ai écris avec une idée en tête. L'idée n'était pas d'avoir les dix prochaines chansons, sortir un album et monter sur scène. J'ai écrit avec un but en tête, j'ai donc fait beaucoup de coupes dans la musique que j'écrivais. Et quand je sentais que j'avais un nombre de chansons qui collaient à mon point de vue, je les sortais sur disque. La plupart du temps, je n'ai pas sorti d'album jusqu'à ce que j'arrive à cette idée-là, car mon but premier n'était pas de sortir une collection de "hits". J'avais une idée en tête, et je suivais le fil de cette idée, quand je pensais que j'avais quelque chose de valeur à proposer à mes fans, quelque chose d'agréable, quelque chose de divertissant, quelque chose qui ne leur ferait pas perdre leur temps. J'aurais pu sortir beaucoup plus de disque informel mais, à ce moment-là, vous rognez une sorte d'identité."
Une image ?
"Une image ? En quelque sorte, je suppose. C'est une partie à un certain degré, mais c'est comme la partie visible - le côté vaporeux."
Avez-vous beaucoup de fans dans la communauté homosexuelle ?
"Pas à ma connaissance."
Il y a toujours eu quelque chose de très tranché pendant la période Born In The USA, avec l'image du type baraqué, en jeans, avec sa casquette de base-ball rangée dans une poche arrière....
"J'ai sans doute commis quelques erreurs à cette époque-là. Je ne sais pas, j'essayais peut-être de mettre un terme à mes propres inquiétudes. Cette image en particulier est la seule fois où quand je regarde mes vieilles photos avec le groupe, j'ai l'impression que c'est une caricature de moi.
"Tout ce qui est avant ou après cette période, ce ne sont que des gens ordinaires, mais à cette période précise je me suis toujours dit, 'Mon Dieu', vous comprenez ? Je ne pouvais pas vous dire ce que cette image représentait.
"Les histoires prennent leur origine dans plein d'endroits. En Arizona, j'ai rencontré un type qui m'a raconté l'histoire de son frère qui traînait avec un gang de motards, les Verges, dans la San Freehand Valley. Un type que je rencontre sur le bord de la route, dans ce petit motel. Je ne sais pas pourquoi, son histoire est longtemps restée en moi, et quand j'ai commencé à écrire sur cette histoire-là, je continuais à entendre sa voix.
"Quand vous vous trouvez à Los Angeles, vous avez à disposition une immense quantité d'informations sur la frontière. L'immigration et la vie de la frontière font presque partie intégrante de cette ville. C'est en partie la raison pour laquelle, au cours de ces cinq dernières années, je viens en Californie chaque année, la moitié de l'année. C'est un endroit très, très puissant; un endroit où les enjeux qui sont en cours en Amérique se passent ici et maintenant. Un endroit qui représente ce vers quoi le pays se transforme; un endroit où vous pouvez voir les machinations politiques sur la façon dont sont utilisés les thèmes de l'immigration, et toutes ces conneries qui, souvent, l'accompagnent. C'est le lieu que l'Amérique, qu'elle soit prête ou pas, va devenir."
Votre réputation a toujours été celle d'un artiste incroyablement prolifique, qui sort autant de bonnes chansons que celles qu'il garde pour lui-même. Avez-vous connu une période au cours de laquelle vous n'avez pas été capable d'écrire ?
"Si j'étais "si" prolifique, j'aurais sorti plus d'albums. Je crois qu'il y a prolifique dans l'écriture de beaucoup de chansons et il y a prolifique dans l'écriture de beaucoup de "bonnes" chansons ! J'ai écris quantité de chansons, mais à mes yeux, beaucoup n'ont pas été à la hauteur, car j'ai écris avec une idée en tête. L'idée n'était pas d'avoir les dix prochaines chansons, sortir un album et monter sur scène. J'ai écrit avec un but en tête, j'ai donc fait beaucoup de coupes dans la musique que j'écrivais. Et quand je sentais que j'avais un nombre de chansons qui collaient à mon point de vue, je les sortais sur disque. La plupart du temps, je n'ai pas sorti d'album jusqu'à ce que j'arrive à cette idée-là, car mon but premier n'était pas de sortir une collection de "hits". J'avais une idée en tête, et je suivais le fil de cette idée, quand je pensais que j'avais quelque chose de valeur à proposer à mes fans, quelque chose d'agréable, quelque chose de divertissant, quelque chose qui ne leur ferait pas perdre leur temps. J'aurais pu sortir beaucoup plus de disque informel mais, à ce moment-là, vous rognez une sorte d'identité."
Une image ?
"Une image ? En quelque sorte, je suppose. C'est une partie à un certain degré, mais c'est comme la partie visible - le côté vaporeux."
Avez-vous beaucoup de fans dans la communauté homosexuelle ?
"Pas à ma connaissance."
Il y a toujours eu quelque chose de très tranché pendant la période Born In The USA, avec l'image du type baraqué, en jeans, avec sa casquette de base-ball rangée dans une poche arrière....
"J'ai sans doute commis quelques erreurs à cette époque-là. Je ne sais pas, j'essayais peut-être de mettre un terme à mes propres inquiétudes. Cette image en particulier est la seule fois où quand je regarde mes vieilles photos avec le groupe, j'ai l'impression que c'est une caricature de moi.
"Tout ce qui est avant ou après cette période, ce ne sont que des gens ordinaires, mais à cette période précise je me suis toujours dit, 'Mon Dieu', vous comprenez ? Je ne pouvais pas vous dire ce que cette image représentait.
"Tout ce que je peux vous dire, c'est que quand j'ai écrit Streets Of Philadelphia, et que j'ai eu quelques contacts avec des homosexuels pour qui la chanson signifiait beaucoup, j'ai senti que cette image, à cette époque-là, pouvait avoir été mal interprétée, vous voyez ? C'est quelque chose que j'ai regretté et continue de regretter, à un certain point.
"Mais je pense, en même temps, que c'est une image facile sur laquelle s'accrocher. Peut-être qu'elle a quelque chose à voir avec la raison pour laquelle elle était puissante, ou ce qu'elle représentait. Mais elle était limite et à la fois proche - si ce n'est déjà - trop simple. C'était certainement beaucoup trop simpliste si vous regardez l'image, et que vous n'allez pas au concerts, et ne touchiez pas du doigt l'endroit à partir duquel l'image découlait, et ce qu'elle représentait. Elle avait des implications que je n'ai pas réglé à cette époque-là, et dont je ne pense pas qu'elle soit une partie fondamentale de mon travail.
Existe-t-il une part de surréalisme à jouer au Rock'n'Roll Hall Of Fame et se trouver aux côtés de héros en chair et en os, que vous vénériez de loin autrefois ?
"Oui, un soir j'étais sur scène entre George Harrison et Mick Jagger et vous savez, j'écoutais leur disque dans ma chambre, j'apprenais à jouer de la guitare avec ces disques. J'ai étudié chaque riff et la façon dont ils les jouaient et mes premières groupes les avaient pris pour modèles. Il y a toujours eu ce, 'Hey, qu'est-ce que je fais ici ?' Vous réalisez qu'il y a des millions et des millions de gosses qui ont eu ce rêve en particulier ou appelez-le comme vous voulez.
"Mais je suis heureux d'avoir une place générationnelle, où je peux me tenir sur scène avec ces personnes. C'est une immense source de plaisir que de pouvoir accompagner Chuck Berry, un des plus grands auteurs américains, un GRAND auteur américain. Il a capturé une part essentielle du pays d'une manière que personne d'autre avant ou après lui avait réussi à faire."
Êtes-vous triste que cette période créative n'ait duré qu'un court laps de temps ?
"C'est ainsi. Je n'ai aucune idée de la façon dont fonctionnent les instincts créatifs. Je suis heureux du travail qu'ils ont fait, c'est tout. Ce travail a beaucoup influencé ma musique, parce qu'il y avait beaucoup de détails dans l'écriture, des images fondamentales que j'ai prises pour l'inclure dans ma propre musique.
"C'est le cours de la musique rock. C'est très atypique de se trouver sur le devant de la scène pendant 20 ou 25 ans et continuer à faire un travail vital. Je pense que la raison est, il faut une énorme dose de foi quand vous accédez au succès, une dose de conscience, et l’habilité pour comprendre ce qui est essentiel et ce qui relève de la connerie, ce qui est très important.
"L'argent rentre dans le caisses - formidable ! On va pouvoir se payer du bon temps, on va pouvoir s'éclater avec. Mais si vous pensez que l'argent va couler à flot pendant les vingt prochaines années que vous passerez sur la route, vous allez au devant de grosses surprises.
"Aujourd'hui, je n'ai pas besoin d'être en tête des hit-parades. Je n'ai pas non plus besoin de vendre mes disques à des millions d'exemplaires. J'ai avant tout besoin d'écrire et d'enregistrer des disques qui correspondent à quelque chose de vrai, de vital, qui m'ancre dans le présent, pour que je n'ai pas à monter sur scène le soir et dépendre de mon histoire ou d'une chanson que j'ai écrite il y a 20 ans. Aujourd'hui, ce qui m'intéresse, c'est trouver ma place dans le monde tel qu'il est en ce moment. C'est ce qui est vital à mes yeux et ce qui vous soutiens et vous donne l'engagement et la motivation pour partir en tournée et présenter votre travail. C'est tout ce que je sais, après 20 ou 25 ans sur le devant de la scène."
"Mais je pense, en même temps, que c'est une image facile sur laquelle s'accrocher. Peut-être qu'elle a quelque chose à voir avec la raison pour laquelle elle était puissante, ou ce qu'elle représentait. Mais elle était limite et à la fois proche - si ce n'est déjà - trop simple. C'était certainement beaucoup trop simpliste si vous regardez l'image, et que vous n'allez pas au concerts, et ne touchiez pas du doigt l'endroit à partir duquel l'image découlait, et ce qu'elle représentait. Elle avait des implications que je n'ai pas réglé à cette époque-là, et dont je ne pense pas qu'elle soit une partie fondamentale de mon travail.
Existe-t-il une part de surréalisme à jouer au Rock'n'Roll Hall Of Fame et se trouver aux côtés de héros en chair et en os, que vous vénériez de loin autrefois ?
"Oui, un soir j'étais sur scène entre George Harrison et Mick Jagger et vous savez, j'écoutais leur disque dans ma chambre, j'apprenais à jouer de la guitare avec ces disques. J'ai étudié chaque riff et la façon dont ils les jouaient et mes premières groupes les avaient pris pour modèles. Il y a toujours eu ce, 'Hey, qu'est-ce que je fais ici ?' Vous réalisez qu'il y a des millions et des millions de gosses qui ont eu ce rêve en particulier ou appelez-le comme vous voulez.
"Mais je suis heureux d'avoir une place générationnelle, où je peux me tenir sur scène avec ces personnes. C'est une immense source de plaisir que de pouvoir accompagner Chuck Berry, un des plus grands auteurs américains, un GRAND auteur américain. Il a capturé une part essentielle du pays d'une manière que personne d'autre avant ou après lui avait réussi à faire."
Êtes-vous triste que cette période créative n'ait duré qu'un court laps de temps ?
"C'est ainsi. Je n'ai aucune idée de la façon dont fonctionnent les instincts créatifs. Je suis heureux du travail qu'ils ont fait, c'est tout. Ce travail a beaucoup influencé ma musique, parce qu'il y avait beaucoup de détails dans l'écriture, des images fondamentales que j'ai prises pour l'inclure dans ma propre musique.
"C'est le cours de la musique rock. C'est très atypique de se trouver sur le devant de la scène pendant 20 ou 25 ans et continuer à faire un travail vital. Je pense que la raison est, il faut une énorme dose de foi quand vous accédez au succès, une dose de conscience, et l’habilité pour comprendre ce qui est essentiel et ce qui relève de la connerie, ce qui est très important.
"L'argent rentre dans le caisses - formidable ! On va pouvoir se payer du bon temps, on va pouvoir s'éclater avec. Mais si vous pensez que l'argent va couler à flot pendant les vingt prochaines années que vous passerez sur la route, vous allez au devant de grosses surprises.
"Aujourd'hui, je n'ai pas besoin d'être en tête des hit-parades. Je n'ai pas non plus besoin de vendre mes disques à des millions d'exemplaires. J'ai avant tout besoin d'écrire et d'enregistrer des disques qui correspondent à quelque chose de vrai, de vital, qui m'ancre dans le présent, pour que je n'ai pas à monter sur scène le soir et dépendre de mon histoire ou d'une chanson que j'ai écrite il y a 20 ans. Aujourd'hui, ce qui m'intéresse, c'est trouver ma place dans le monde tel qu'il est en ce moment. C'est ce qui est vital à mes yeux et ce qui vous soutiens et vous donne l'engagement et la motivation pour partir en tournée et présenter votre travail. C'est tout ce que je sais, après 20 ou 25 ans sur le devant de la scène."
Existe-t-il un sentiment de peur attaché à votre travail ?
"Évidemment, c'est un sentiment attaché à tout. Je crois qu'il existe de la peur, c'est une peur que les choses vous échappent. Je ne parle pas de l'industrie musicale traditionnelle. Ce disque en particulier, je savais, en l'enregistrant, qu'il allait très peu passer à la radio et il n'est pas passé ! Fondamentalement, il n'allait pas faire partie de l’industrie musicale traditionnelle et actuelle, aux États-Unis".
Nous avons tous vu Spinal Tap (4) , avec cette idée d'un public devenant plus sélectif.
"(Rires) J'imagine qu'il y a cette notion de protection de ta vie artistique et de ton élan créatif, de tes instincts créatifs, de ta vitalité créative. C'est quelque chose que j'ai appris depuis que j'ai déchiré les posters en 1975 (lors de sa première visite en Angleterre, Springsteen a saccagé les posters le proclamant comme "l'avenir du rock'n'roll" sur la façade de l'Hammersmith Odeon) et c'est quelque chose que je ressens fortement encore aujourd'hui."
Est-ce qu'il y a des moments ou vous êtes surpris ou déçus de vous-même ?
"Toujours. Vous regardez en arrière et vous vous dites, 'Ceci, je l'ai bien fait, cela, je ne l'ai pas fait, ici j'ai bien communiqué, mais pas là'. C'est sans fin, vous comprenez ? C'est l'idée maitresse, c'est la raison pour laquelle vous avez toujours un peu d'espace pour le lendemain. C'est la raison pour laquelle cette musique n'est pas rock, elle n'est pas acoustique, c'est autre chose. Je ne sais même pas si je dois appelle mon spectacle un spectacle folk. De manière étrange, les chansons ont le rock pour socle, mais je suppose qu'elles sont basées sur le nouveau disque."
Est-ce que votre travail actuel est une réaction ou une extension du travail accompli par le passé ?
"Évidemment, car le travail de l'artiste, à mes yeux, est d'essayer de répondre aux questions que pose l'ensemble de votre œuvre, ou du moins, essayer de poser de nouvelles questions. Avec ce disque, c'est ce que j'essaye de faire.
"Depuis une dizaine d'années, j'ai senti que j'ai mis de côté ces questions car j'écrivais sur d'autres choses. Je réagissais à l'expérience Born In The USA, car je devais trouver ma voie dans cette nouvelle vie, en quelque sorte."
"Évidemment, c'est un sentiment attaché à tout. Je crois qu'il existe de la peur, c'est une peur que les choses vous échappent. Je ne parle pas de l'industrie musicale traditionnelle. Ce disque en particulier, je savais, en l'enregistrant, qu'il allait très peu passer à la radio et il n'est pas passé ! Fondamentalement, il n'allait pas faire partie de l’industrie musicale traditionnelle et actuelle, aux États-Unis".
Nous avons tous vu Spinal Tap (4) , avec cette idée d'un public devenant plus sélectif.
"(Rires) J'imagine qu'il y a cette notion de protection de ta vie artistique et de ton élan créatif, de tes instincts créatifs, de ta vitalité créative. C'est quelque chose que j'ai appris depuis que j'ai déchiré les posters en 1975 (lors de sa première visite en Angleterre, Springsteen a saccagé les posters le proclamant comme "l'avenir du rock'n'roll" sur la façade de l'Hammersmith Odeon) et c'est quelque chose que je ressens fortement encore aujourd'hui."
Est-ce qu'il y a des moments ou vous êtes surpris ou déçus de vous-même ?
"Toujours. Vous regardez en arrière et vous vous dites, 'Ceci, je l'ai bien fait, cela, je ne l'ai pas fait, ici j'ai bien communiqué, mais pas là'. C'est sans fin, vous comprenez ? C'est l'idée maitresse, c'est la raison pour laquelle vous avez toujours un peu d'espace pour le lendemain. C'est la raison pour laquelle cette musique n'est pas rock, elle n'est pas acoustique, c'est autre chose. Je ne sais même pas si je dois appelle mon spectacle un spectacle folk. De manière étrange, les chansons ont le rock pour socle, mais je suppose qu'elles sont basées sur le nouveau disque."
Est-ce que votre travail actuel est une réaction ou une extension du travail accompli par le passé ?
"Évidemment, car le travail de l'artiste, à mes yeux, est d'essayer de répondre aux questions que pose l'ensemble de votre œuvre, ou du moins, essayer de poser de nouvelles questions. Avec ce disque, c'est ce que j'essaye de faire.
"Depuis une dizaine d'années, j'ai senti que j'ai mis de côté ces questions car j'écrivais sur d'autres choses. Je réagissais à l'expérience Born In The USA, car je devais trouver ma voie dans cette nouvelle vie, en quelque sorte."
Sur le livret de votre Greatest Hits, vous décrivez Born To Run comme votre tentative de créer, à 25 ans, "le plus grand disque de rock jamais enregistré" . Qu'en pensez-vous aujourd'hui ?
"Oh, je ne sais pas, je n'arrive pas à l'écouter objectivement, ce disque est trop impliqué dans ma vie. Je n'écoute pas mon travail, je deviendrais fou si je le faisais, je deviendrais malade. Je l'apprécie comme un disque mais, au jour d'aujourd'hui, il est difficile pour moi de l'écouter car il est lié à tant d'autres choses.
"C'est vraiment une bonne chanson, je l'enregistrerais aujourd'hui d'une manière différente, probablement pas aussi bien qu'à l'époque, car j'aurais peur d'en faire trop, et il y a des périodes où vous pouvez en rajouter et aller jusqu'à la limite des choses".
Votre relation à Born In The USA est comme celle de Dylan avec Like A Roling Stone, vous efforçant de vous emparer à nouveau de la véritable signification de la chanson, plutôt que de la laisser devenir un hymne anonyme. Il n'y avait pas que Ronald Reagan (qui a essayé de la réclamer comme un soutien effectif dans son programme chauvin) qui a interprété à tort la chanson.
"A mes yeux, l'enregistrement de cette chanson est toujours aussi bon, et je ne le changerais pas ou ne voudrais pas en faire un autre. Je ne voulais pas que la version que je joue aujourd'hui sorte à cette époque-là. A cette période, j'entendais ce titre de cette façon et elle a été enregistré en deux prises.
"Vous sortez votre musique et elle vous revient de différentes manières à travers votre public. Mais un compositeur a toujours l'opportunité de monter sur scène et de re-clarifier ou de récupérer son travail; ce qui vous pousse à être inventif. Je crois que la version que je joue en ce moment... pour moi, c'est la meilleure version que j'ai faite de cette chanson, j'imagine que c'est la plus juste, vous comprenez. Elle a tout - tout ce qu'elle a besoin pour être comprise à cet instant".
Vous écrivez beaucoup sur les tueurs - des personnages comme le condamné à mort joué par Sean Penn dans Dead Man Walking (la chanson-titre du film de Tim Robbins vient d'être nominée aux Oscars) et le tueur en série de Nebraska. Avez-vous déjà rencontré de vrais tueurs ? Est-ce nécessaire pour votre travail ?
"Non, vous n'essayez pas de recréer cette expérience, vous essayez de recréer les émotions et ces choses qui se sont mises en marche lors de ces actions. Ce sont des choses que chacun comprend, ce sont des choses que chacun a en soi. L'action est le symptôme, c'est ce qui est arrivé, mais les choses qui ont amené à faire ce geste, c'est ce que chacun connait - vous savez, je sais. C'est à l'intérieur de chaque être humain.
"Ce sont des choses que vous devez vous approprier, c'est le puits dans lequel vous devez puiser, et si vous le faites, vous allez capturer le caractère central et fondamental de ces personnages."
C'est donc simplement une coïncidence que vous ressembliez au personnage que joue Sean Penn dans le film ?
"Ah bon ? Je n'avais pas réalisé. Aidez-moi, je rentre à la maison... D'abord, je n'ai pas autant de cheveux que lui".
Gavin Martin
© New Musical Express
"Oh, je ne sais pas, je n'arrive pas à l'écouter objectivement, ce disque est trop impliqué dans ma vie. Je n'écoute pas mon travail, je deviendrais fou si je le faisais, je deviendrais malade. Je l'apprécie comme un disque mais, au jour d'aujourd'hui, il est difficile pour moi de l'écouter car il est lié à tant d'autres choses.
"C'est vraiment une bonne chanson, je l'enregistrerais aujourd'hui d'une manière différente, probablement pas aussi bien qu'à l'époque, car j'aurais peur d'en faire trop, et il y a des périodes où vous pouvez en rajouter et aller jusqu'à la limite des choses".
Votre relation à Born In The USA est comme celle de Dylan avec Like A Roling Stone, vous efforçant de vous emparer à nouveau de la véritable signification de la chanson, plutôt que de la laisser devenir un hymne anonyme. Il n'y avait pas que Ronald Reagan (qui a essayé de la réclamer comme un soutien effectif dans son programme chauvin) qui a interprété à tort la chanson.
"A mes yeux, l'enregistrement de cette chanson est toujours aussi bon, et je ne le changerais pas ou ne voudrais pas en faire un autre. Je ne voulais pas que la version que je joue aujourd'hui sorte à cette époque-là. A cette période, j'entendais ce titre de cette façon et elle a été enregistré en deux prises.
"Vous sortez votre musique et elle vous revient de différentes manières à travers votre public. Mais un compositeur a toujours l'opportunité de monter sur scène et de re-clarifier ou de récupérer son travail; ce qui vous pousse à être inventif. Je crois que la version que je joue en ce moment... pour moi, c'est la meilleure version que j'ai faite de cette chanson, j'imagine que c'est la plus juste, vous comprenez. Elle a tout - tout ce qu'elle a besoin pour être comprise à cet instant".
Vous écrivez beaucoup sur les tueurs - des personnages comme le condamné à mort joué par Sean Penn dans Dead Man Walking (la chanson-titre du film de Tim Robbins vient d'être nominée aux Oscars) et le tueur en série de Nebraska. Avez-vous déjà rencontré de vrais tueurs ? Est-ce nécessaire pour votre travail ?
"Non, vous n'essayez pas de recréer cette expérience, vous essayez de recréer les émotions et ces choses qui se sont mises en marche lors de ces actions. Ce sont des choses que chacun comprend, ce sont des choses que chacun a en soi. L'action est le symptôme, c'est ce qui est arrivé, mais les choses qui ont amené à faire ce geste, c'est ce que chacun connait - vous savez, je sais. C'est à l'intérieur de chaque être humain.
"Ce sont des choses que vous devez vous approprier, c'est le puits dans lequel vous devez puiser, et si vous le faites, vous allez capturer le caractère central et fondamental de ces personnages."
C'est donc simplement une coïncidence que vous ressembliez au personnage que joue Sean Penn dans le film ?
"Ah bon ? Je n'avais pas réalisé. Aidez-moi, je rentre à la maison... D'abord, je n'ai pas autant de cheveux que lui".
Gavin Martin
© New Musical Express
****
NOTES
(1) Ce titre est un jeu de mots faisant référence au premier vers de Hey Jude, la chanson des Beatles (Hey Jude, don't make it bad)
(2) Saturday Night At The Movies est une chanson des Drifters de 1964, composée par Barry Mann et Cynthia Weil.
(3) Stardust Memories (1980) est un film américain de Woody Allen, dans lequel un cinéaste reconnu traverse une crise existentielle et ne supporte plus les exigences de la célébrité.
(4) Spinal Tap (1984) est un film américain parodique de Rob Reiner. Il s'agit d'un faux documentaire sur un groupe de hardrock.
(2) Saturday Night At The Movies est une chanson des Drifters de 1964, composée par Barry Mann et Cynthia Weil.
(3) Stardust Memories (1980) est un film américain de Woody Allen, dans lequel un cinéaste reconnu traverse une crise existentielle et ne supporte plus les exigences de la célébrité.
(4) Spinal Tap (1984) est un film américain parodique de Rob Reiner. Il s'agit d'un faux documentaire sur un groupe de hardrock.