MY HOMETOWN

MA VILLE NATALE



I was eight years old and runnig with a dime in my hand
Into the bus stop to pick up a paper for my old man
I'd sit on his lap in that big old Buick
And steer as we drove through town
He'd tousle my hair and say son take a good look around

This is your hometown, this is your hometown
...

In '65, tension was running high at my high school
There was a lot of fights between the black and white, there was nothing you could do
Two cars at a light on a Saturday night, on the backseat there was a gun
Words were passed in a shotgun blast
Troubled times had come

To my hometown, my hometown
...

Now Main Street's white washed windows and vacant stores
Seems like there ain't nobody wants to come down here no more
The'yre closing down the textile mill across the railroad tracks
Foreman says these jobs are going boys and they ain't coming back

To your hometown, your hometown
...

Last night, me and Kate we laid in bed
Talking about getting out
Packing up our bags, maybe heading south
I'm 35, we got a boy of our own now
Last night I sat him up behind the wheel
And said son take a good look around

This is your hometown

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J'avais huit ans et je courais avec une pièce de monnaie dans la main (1)
Jusqu'à l'arrêt de bus où je prenais le journal pour mon père
Je m'asseyais sur ses genoux dans cette vieille grosse Buick
Et je tournais le volant pendant que nous traversions la ville
Il m'ébouriffait les cheveux et me disait "Fiston, regarde bien autour de toi

C'est ta ville natale, c'est ta ville natale
..."

En 65, la tension montait dans mon lycée
Il y avait beaucoup de bagarres entre noirs et blancs, on ne pouvait rien y faire
Deux voitures arrêtées à un feu un samedi soir, sur le siège arrière un pistolet
Les mots se sont échangés à la vitesse d'une balle (2)
Une époque de troubles venait de s'emparer

De ma ville natale, ma ville natale
...

Aujourd'hui, la rue principale n'est que vitrines blanchies et boutiques vacantes
On a l'impression que plus personne ne souhaite venir par ici
Ils sont en train de fermer l'usine de textile de l'autre côté de la voie ferrée (3)
Le contremaitre nous a dit "Ces emplois disparaissent les gars, et ils ne reviendront pas

Dans votre ville natale, votre ville natale
..."

La nuit dernière, moi et Kate nous étions couchés
Nous parlions de partir d'ici
De faire nos valises pour peut-être aller vers le Sud
J'ai 35 ans, nous avons un fils à présent
La nuit dernière, je l'ai assis derrière le volant
Et je lui ai dit "Fiston, regarde bien autour de toi

C'est ta ville natale"

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NOTES

La version studio de My Hometown a été enregistrée le 29 juin 1983 au studio Hit Factory, à New York City.

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(1) Le dime est une pièce du système monétaire américain, qui équivaut à 10 cents, soit un dixième d'un dollar.

(2) "Words were passed in a shotgun blast" est un vers faisant référence à des évènements qui se sont déroulés à Freehold le 19 mai 1969. A la suite de l'interdiction par la municipalité d'une marche de rassemblement de la communauté noire, le centre-ville de Freehold a été saccagé par les jeunes de cette communauté. En représailles, à l'intersection de la Route 33 et de South Street, un jeune blanc a ouvert le feu depuis la banquette arrière d'une voiture, sur un véhicule en stationnement, blessant gravement deux jeunes noirs.

(3) "They're closing down the textile mill" est un vers décrivant la fermeture de l'usine A & M Karagheusian, une usine de tapis qui faisait travailler une grande partie de la population de Freehold - dont le père de Bruce Springsteen. L'usine a été vendue en 1964 après 60 ans d'activité et définitivement fermée en 1969.

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"My Hometown était basé sur des souvenirs d'enfance lorsque je descendais en voiture la rue principale sur les genoux de mon père, la fermeture de l'usine locale, et un incident racial qui s'est déroulé juste à côté de ma maison à Freehold durant mon adolescence" (Songs)

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"L'âpreté du Reaganisme, une Amérique post-industrielle, les souvenirs de mon enfance et ma ville" (Greatest Hits)

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"Devant notre jardin, à quelques mètres de notre porche, se tenait le plus grand arbre de la ville. C'était un hêtre pourpre magnifique, immense. Et les jours ensoleillés, je vivais sous ses branchages. Ses racines étaient un fort pour mes soldats et un corral pour mes chevaux. Et j'étais le premier du quartier à grimper sur ses hauteurs, laissant derrière moi un monde dont je ne me souciais déjà pas vraiment. Et en haut, près du sommet, j'avais le vent sur le visage, et j'avais toute la place que je voulais pour rêver. Les nuits d'été paisibles, je m’asseyais sous ses bras, avec mes copains, comme la cavalerie au crépuscule, écoutant et écoutant encore la sonnette du marchand de glaces, et la voix de ma grand-mère qui m'appelait pour aller au lit. J'habitais sur Randolph Street, avec ma sœur Virginia - elle avait un an de moins que moi - mes parents, Adèle et Douglas, mes grands-parents, Fred et Alice, et mon fidèle chien, Saddle. Nous habitions à deux pas de l'église Catholique, du presbytère du curé, du couvent des nonnes, de l'école élémentaire Sainte-Rose de Lima, tous à une encablure d'un champ d'herbes sauvages. J'ai littéralement grandi entouré par Dieu. Entouré par Dieu et par ma famille. Parce que nous avions des cousins, et des tantes, et des oncles, et des grands-mères, et des grands-pères, et des grands-grands-mères, et des grands-grands-pères, tout ce beau monde entassé dans cinq petites maisons, dans deux rues attenantes. Et lorsque les cloches de l'église sonnaient, le clan dans son ensemble se bousculait dans la rue pour assister à chaque mariage et à chaque enterrement, comme une grande occasion dans notre petit quartier. Ma sœur et moi, nous ramassions le riz jeté pendant les mariages, et le conservions à la maison dans des petits sacs en papier marron. Puis, nous remontions la rue en courant et le jetions au cours du mariage suivant, et au mariage suivant, et au mariage suivant. Nous étions aussi aux premières loges pour regarder les citadins dans leurs costumes du dimanche, emportant une série sans fin de caisses en bois sombre, qu'ils glissaient à l'arrière de la Cadillac, longue et noire, des pompes funèbres Freeman's Funeral, pour une courte promenade jusqu'au cimetière de Sainte-Rose, sur la colline, en bordure de ville. Et là, tous nos voisins Catholiques, tous les Zerilli, tous les McNicholas, tous les Springsteen, qui étaient venus plus tôt, nous attendaient patiemment. Le dimanche, pendant que ma mère s'occupait de nos tombes, ma sœur et moi, nous jouions à nous cacher entre les pierres tombales. Je t'ai vu ! Lorsqu'il pleut à Freehold, l'humidité enveloppe la ville entière d'une odeur de marc de café provenant de l'usine Nescafé, à la lisière Est de la ville. Je n'aime pas le café, mais j'aimais cette odeur. Elle était réconfortante. Elle unissait notre ville, tout comme le bruit métallique de notre usine de tapis, telle une expérience sensorielle commune. C'est ici. Vous pouviez l'entendre, vous pouviez la sentir. Un lieu où on vivait sa vie, et où on travaillait, et où on dansait, et où on appréciait les petits plaisirs, et où on jouait au baseball, et où on souffrait. Où on avait le cœur brisé, et où on faisait l'amour, où on avait des enfants, où on mourrait, et où on se soulait les soirs de printemps. Et où on faisait de notre mieux, du mieux possible, pour éloigner les démons, à l'extérieur et à l'intérieur, qui cherchaient à nous détruire, nous et nos familles, et notre ville. Ici, nous vivions dans l'ombre de ce clocher, maladroitement bénis dans la bonne miséricorde de Dieu, tous ensemble. Dans cette ville qui vous terrifie, qui vous stupéfie, qui provoque des émeutes raciales, qui déteste les excentriques, qui vous secoue l'âme, une ville de cul-terreux, qui vous fait peur et vous fait l'amour, qui vous brise le cœur... Freehold, New Jersey" (New York City, 17/18.07.2018)

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