Episode 6 - Lutter contre les fantômes : Les Hommes Américains

Renegades : Born In The U.S.A.



POTUS BARACK OBAMA: Le message que la culture Américaine transmet aux garçons sur ce que signifie qu'être un homme est un sujet constamment abordé par Bruce et moi, dans nos conversations. C'est un message qui, en dépit de tous les changements qui ont eu lieu dans notre société, n'a pas vraiment évolué depuis que nous sommes enfants : l'accent mis sur la force physique et sur les émotions à réprimer, la clé de la réussite définie essentiellement par ce que tu possèdes, et ta capacité à dominer, plutôt qu'à aimer, et à se soucier des autres. La tendance à traiter les femmes comme des objets à posséder plutôt que comme des partenaires et des concitoyennes à part entière.

Plus nous en avons parlé, plus il nous a paru évident que ces idées étroites et déformées sur la masculinité avaient contribué pour beaucoup aux tendances néfastes que nous continuons à observer dans le pays. Que ce soient les inégalité croissantes dans notre économie ou notre refus total à trouver des compromis dans nos prises de positions politiques. Et peut-être que Bruce et moi nous nous sommes rendus compte que nous étions plus sensibles à ces sujets-là, du fait des relations compliquées que nous avons entretenues avec nos pères respectifs - le problème de la figure paternelle défaillante que nous avons passé la plupart de notre vie à tenter de régler.

[Les cordes jouent]

****

BRUCE SPRINGSTEEN: Tu sais, mon père était le genre de type qui... Un jour, je m'en souviens encore, je lui ai apporté une caméra. Je lui ai dit, « Papa, je veux que tu me racontes l'histoire de ta vie ». La vidéo a duré cinq minutes [rires]

ENSEMBLE: [rires]

BRUCE SPRINGSTEEN: Et, en gros, il n'a rien dit. C'était juste un... Ce que je sais de mon père, je le tiens d'informations indirectes. C'était le côté irlandais de notre famille, très vieux jeu, très provinciale, très religieuse et impliquée dans l’Église catholique. Toutes les générations cohabitaient dans la même maison. On m'a dit qu'il avait grandi dans une ferme tellement éloignée de Freehold, qu'il devait se rendre en poney jusqu'à l'arrêt de bus du ramassage scolaire - et le poney savait rentrer seul à la maison. Il avait arrêté l'école à 16 ans, il avait travaillé dans une usine de tapis comme coursier, puis il était parti à la guerre. Ensuite, il est revenu à la maison, et il n'en a jamais plus bougé. Il n'en a jamais eu le désir. Il a rencontré ma mère par l’intermédiaire de parents. Ils se sont mariés assez vite, et sa seule promesse, c'était qu'il se trouverait un véritable emploi. Il a travaillé à la chaine chez Ford, il a exercé une flopée de boulots en usine, il a été conducteur de camions et gardien à la prison de Freehold pendant un certain temps. Toute sa vie, finalement, il est passé d'un emploi à un autre.

Le peu que j'ai fini par savoir sur mon père, je l'ai appris en l'observant et en écoutant ce que ma mère m'a dit de lui. Ce qui n'était pas grand chose, mais allait à l'encontre de ce que je croyais savoir de l'homme. Je n'ai eu absolument aucune information de la part de ma grand-mère et de mon grand-père, qui étaient aussi taiseux que lui. Il a fallu accepter le fait que je ne connaitrais jamais mon père. C'était un homme impossible à cerner, avec un grand penchant pour le secret. Et je pense qu'il tenait ce trait-là de son père, et la seule chose que je savais sur mon grand-père, c'était qu'il disparaissait parfois pendant quelque temps, puis revenait à la maison.

POTUS BARACK OBAMA: Et personne ne savait où il était ?

BRUCE SPRINGSTEEN: Non, non, non.

POTUS BARACK OBAMA: Ou ce qu'il faisait ?

BRUCE SPRINGSTEEN: Mon père a perpétué cette tradition du secret sur sa propre vie. Vraiment, quand j'y pense, mon père disparaissait une journée, une semaine, toujours tout seul, et ma mère était à la maison avec nous, et j'étais incapable de te dire où il allait ou ce qu'il faisait pendant ces absences. C'est un trait dont j'ai hérité, et il a fallu que je travaille dur pour ne pas reproduire ce schéma.

POTUS BARACK OBAMA: Tu vois, ce qui était marquant pour moi, c'était que je n'avais pas mon propre père à la maison. J'ai eu un beau-père pendant un moment.

BRUCE SPRINGSTEEN: Pendant combien de temps ?

POTUS BARACK OBAMA: Et bien, j'ai vécu avec lui pendant quatre ans, de l'âge de 6 ans jusqu'à mes 10 ans. C'était un homme gentil, qui m'a bien traité, qui m'a appris comment boxer et puis...

BRUCE SPRINGSTEEN: Que lui est-il arrivé ?

POTUS BARACK OBAMA: Il était indonésien. Nous avons déménagé en Indonésie. Nous avons habité là-bas pendant quatre ans. A l'âge de 10 ans, ma mère, qui s'inquiétait pour mon éducation, a pris une décision, « Ok, il faut envoyer Barry » - qui était mon surnom à cette époque-là - « J'ai besoin de l'envoyer à Hawaï pour qu'il suive ses études aux États-Unis ». Je suis donc revenu vivre avec mes grands-parents aux États-Unis, et à ce moment-là, le mariage entre ma mère et mon beau-père commençait déjà à battre de l'aile. Ils se sont séparés amicalement. Et, juste après, il a eu une affection du foie et il est mort très jeune.

BRUCE SPRINGSTEEN: Ohhh...

POTUS BARACK OBAMA: Et je me souviens avoir sangloté, tu sais, lorsqu'il est mort.

BRUCE SPRINGSTEEN: Oui.

POTUS BARACK OBAMA: Même si...

BRUCE SPRINGSTEEN: Et bien, si tu as pleuré lorsqu'il est mort...

POTUS BARACK OBAMA: Oui, il m'a marqué. Ce qui est particulier lorsqu'on ne grandit pas avec son père à la maison, c'est de ne pas avoir quelqu'un avec un métier ou une profession qui pourrait te donner envie de l'imiter.

BRUCE SPRINGSTEEN: Quel âge a ton grand-père à ce moment-là ?

POTUS BARACK OBAMA: Il était relativement jeune. Il avait probablement - ma mère avait 18 ans seulement quand elle m'a eu - donc il avait 45 ans lorsque je suis né, ce qui veut dire qu'à mes 10 ans, lorsque je suis devenu adolescent, il ne devait pas être beaucoup plus âgé que moi aujourd'hui. Bien qu'il paraissait beaucoup plus vieux.

BRUCE SPRINGSTEEN: Oui.

POTUS BARACK OBAMA: Il avait un mode de vie bien plus vieux, tu comprends ? Mais c'était aussi une question de génération.

BRUCE SPRINGSTEEN: Et tu te retrouves face à un homme blanc de 55 ans.

POTUS BARACK OBAMA: Oui, ce qui ne... Il y a... Je l'aimais profondément et je vois encore en moi certains traits de sa personnalité, mais il n'y avait rien en lui qui me faisait dire, « Oh, c'est ce que je devrais faire ». C'est quelqu'un qui, en fin de compte, n'était pas satisfait de sa vie.

BRUCE SPRINGSTEEN: Mhmm.

POTUS BARACK OBAMA: Parce qu'il avait eu de grands rêves qu'il n'avait jamais vraiment exaucés. C'était quelqu'un qui, lorsque j'avais 10 ans, le week-end, dessinait le type de maison qu'il aurait aimé construire.

BRUCE SPRINGSTEEN: Oui.

POTUS BARACK OBAMA: Et il faisait des dessins d'architecte qu'il avait appris à faire en regardant des magazines...

BRUCE SPRINGSTEEN: Mhmm.

POTUS BARACK OBAMA: ...avec d'infinis détails, mais la maison n'a jamais été construite.

BRUCE SPRINGSTEEN: Oui.

POTUS BARACK OBAMA: Et ma grand-mère, en revanche, elle était pragmatique. Elle avait gravi les échelons en travaillant, d'abord au guichet pour devenir ensuite vice-présidente de la banque locale, et c'est elle finalement qui faisait bouillir la marmite de notre famille, ce qui était pour cette génération, source de ressentiment.

BRUCE SPRINGSTEEN: Oui, comme ma mère.

POTUS BARACK OBAMA: Mais c'était tacite. Mais je raconte juste cette histoire pour revenir à ce dont nous parlions plus tôt, il n'y avait pas vraiment de figure paternelle évidente que je pouvais prendre comme modèle. Et le fait d'être à Hawaï, où il n'y avait quasiment aucun homme afro-américain, signifiait que je devais vraiment reconstituer ce puzzle par moi-même.

Donc, en tant qu'adolescent, j'essayais de me dire, « Ok, qu'est-ce que ça signifie qu'être un homme ? ». Ça signifie que tu dois être un athlète, d'accord ? Et le basket-ball est donc devenu mon obsession. Ça signifie que tu dois courir après les filles, avec succès ou pas [rires]

BRUCE SPRINGSTEEN: De mon côté, je n'y arrivais pas à cette période, mais avance, continue [rires]

POTUS BARACK OBAMA: On est d'accord ? Et combien de bières tu pouvais descendre ?

BRUCE SPRINGSTEEN: Oh mec.

POTUS BARACK OBAMA: Comment... Combien de joints tu pouvais fumer ?

BRUCE SPRINGSTEEN: Oui.

POTUS BARACK OBAMA: Tu pouvais te bagarrer ?

BRUCE SPRINGSTEEN: Oui.

POTUS BARACK OBAMA: D'accord ? Et la culture te disait que c'était ça la virilité. Et si tu n'avais pas de père au sein de ton foyer, tu choisissais tes modèles dans la culture populaire. Donc, tu regardes les films de James Bond ou tu regardes Shaft ou Superfly (1), comme dans mon cas, et plus particulièrement les athlètes - tout le monde adore Dr. J. (2) Le modèle de force et de calme.

BRUCE SPRINGSTEEN: Oui. Je pense que tu as raison, mais si j'avais pu faire la moindre des choses que tu as énuméré, je ne serais jamais devenu une rock star !

ENSEMBLE: [rires]

BRUCE SPRINGSTEEN: Jamais ! Ceux qui se lançaient dans mon métier étaient incapables de faire quoi que ce soit de tout ça, et c'est bien pour cette raison qu'ils devaient donc suivre une route alternative.

POTUS BARACK OBAMA: [rires] Pour sortir avec des filles.

BRUCE SPRINGSTEEN: Pour sortir avec des filles. Picoler. Dominer. Vraiment, tu sais... j'avais... Ma trajectoire professionnelle a été assez amusante, car c'est quand j'ai été au sommet de ma gloire que mon image a été la plus en décalage avec ce que j'étais réellement, tu comprends ?

[Extrait de concert de Bruce Springsteen & E Street Band jouant Stand On It: « Donc, vous pensez que vous pouvez nous avoir ? »]

POTUS BARACK OBAMA: J'aime à penser que je suis une personne qui a beaucoup travaillé sur ces questions-là, et qu'aujourd'hui, je suis quelqu'un de sensible, connecté à ses émotions, le mâle éclairé, tu vois ?

BRUCE SPRINGSTEEN: Vu de loin, et comme on se connait un peu, laisse-moi te dire que c'est le cas.

POTUS BARACK OBAMA: C'est ce que j'aimerais penser, et pourtant, de temps à autre, il y a des moments où, lorsque nous sommes à table, ou lorsque nous jouons à des jeux de société, le comportement de mâle-alpha ressurgit. Alors, Michelle me regarde, et me dit, « Tu es vraiment un... »

BRUCE SPRINGSTEEN: « Un enfoiré »

POTUS BARACK OBAMA: Les filles lèvent les yeux au ciel et disent, « Tu sais, tu es vraiment un garçon, toi »

BRUCE SPRINGSTEEN: Moi j'avais une image très mâle-alpha.

[Extrait de concert de Bruce Springsteen & E Street Band jouant Stand On It: « Donc, vous pensez que vous êtes des durs ici en Californie ? » (acclamations)]

BRUCE SPRINGSTEEN: En plein milieu des années 80, période Reagan.

POTUS BARACK OBAMA: Le Boss !

BRUCE SPRINGSTEEN: Juste. Et cette vision des États-Unis comme un pays puissant et dominateur connaissait un nouvel essor.

[Extrait de concert de Bruce Springsteen & E Street Band jouant Stand On It: “Well Jimmy Lee was hookin' 'round the far turn of a funky southern Florida dirt track... He had mud caked on his goggles and a screamin' 350 stacked up on his back...]

BRUCE SPRINGSTEEN: C'est drôle, en y repensant, je me rends compte qu'à ma manière, j'étais moi-même à la poursuite de cet archétype-là. Je veux dire, quoi de plus dominateur que de monter sur la scène d'un stade devant 50,000 spectateurs.

POTUS BARACK OBAMA: Avec roulements de tambours et fumigènes [rires]

BRUCE SPRINGSTEEN: C'est comme un gladiateur, non ? [rires] C'est une expérience de gladiateur, d'une certaine manière.

POTUS BARACK OBAMA: Oui.

BRUCE SPRINGSTEEN: Je ne peux donc pas nier cet aspect qui a joué sur moi et qui m'a apporté de la satisfaction.

[Extrait de concert de Bruce Springsteen & E Street Band jouant Stand On It: “Come on boy…. Stand on it…]

****

POTUS BARACK OBAMA: Ce qui est intéressant, c'est de voir à quel point cet archétype est toujours en vigueur aujourd'hui.

BRUCE SPRINGSTEEN: Oui.

POTUS BARACK OBAMA: Alors que le monde du travail s'ouvrait nettement aux femmes, alors qu'elles commençaient à avoir voix au chapitre et à gagner davantage de pouvoir, beaucoup de facteurs guidant nos politiques s'enracinaient aussi dans cette peur : « Est-on en train de m'émasculer ? » On le voit dans la culture populaire, et on le voit, d'une certaine façon, dans les archétypes qui sont véhiculés. On le voit, de toute évidence, chez Donald Trump. Dans cette caricature de...

BRUCE SPRINGSTEEN: Virilité.

POTUS BARACK OBAMA: Ne jamais s'excuser, aucune faiblesse, aucune émotion...

BRUCE SPRINGSTEEN: Tu ne laisses rien transparaitre. Tu restes donc isolé et seul, surtout si tu traverses une période difficile.

POTUS BARACK OBAMA: On le voit également dans les statistiques sur le suicide et la consommation d'opiacés. Et dans ce qui est arrivé à la communauté afro-américaine, alors que les hommes perdaient leur boulot, à cause de la désindustrialisation et des fermetures d'usines. Et aujourd'hui, on le voit dans les communautés ouvrières blanches où, pour la première fois, on constate une baisse de l'espérance de vie chez les hommes blancs de la classe ouvrière. Et il y a de la solitude, particulièrement chez les personnes âgées. Michelle me le fait constamment remarquer, elle qui est capable de tenir une conversation pendant dix heures avec ses amies. Elles sont ensemble et elles discutent de tout.

Moi, je parle beaucoup avec mes amis, mais au bout d'une heure, nous avons fait le tour, nous allumons alors la tv pour regarder un match, ou nous faisons un basket, nous faisons quelque chose ensemble. Mais échanger, communiquer - ce n'est pas ce qu'on apprend aux garçons.

BRUCE SPRINGSTEEN: Tout petit, j'ai vécu avec mon père qui souffrait de ce déclassement, et je l'ai constaté au quotidien. Tout était lié à l'absence d'un boulot, à l'irrégularité de ses emplois, et j'ai vu ce que c'était de ne pas avoir confiance en soi. C'était ma vie quotidienne lorsque je vivais sous le même toit que mon père. J'en ai tiré une leçon : le travail est essentiel. C'est pour cette raison que si nous n'arrivons pas à faire en sorte que les gens travaillent dans ce pays, le résultat sera terrible à voir.

POTUS BARACK OBAMA: Absolument. Le travail compte énormément dans la façon dont les citoyens se définissent, en termes de confiance en soi. Et je pense aux jeunes hommes des générations futures. Avec tous les changements qui ont eu lieu aux États-Unis, quand la question se pose de savoir ce que signifie être un homme. Je vois aujourd'hui cette même confusion et les mêmes mesures étriquées de la virilité qu'à mon époque. Et c'est aussi vrai pour les garçons afro-américains que pour les garçons blancs. Ils n'ont pas de rituels, de feuilles de route ou de rites d'initiation permettant d'accéder à une vision claire de la force et de l'énergie mâles, qui soit positive, et non simplement dominatrice.

Je lis des articles, je parle avec les amis de mes filles, des garçons à l'adolescence, et il y a tellement d'éléments de la culture populaire qui leur dit que la seule chose évidente qui définit un homme, c'est la virilité, c'est d'exceller en sport et en conquêtes sexuelles. Et...

BRUCE SPRINGSTEEN: Et la violence.

POTUS BARACK OBAMA: ...et la violence. Ce sont ces trois choses-là. La violence, du moins si elle est saine, est englobée dans le sport.

BRUCE SPRINGSTEEN: Mhmm.

POTUS BARACK OBAMA: Plus tard, tu ajoutes à ces critères : gagner de l'argent. Non ? Combien d'argent peux-tu gagner ? L'homme américain stéréotypé avait certaines qualités, digne de louanges et digne d'émulation. Le sens des responsabilités, qui signifie que tu es prêt à affronter les épreuves et à faire des sacrifices pour ta famille ou pour les générations futures. C'est ce que nous a montré encore et encore la Génération Grandiose. Et cette notion de gérer ses affaires... Cette notion de responsabilité... D'être un adulte.

BRUCE SPRINGSTEEN: Mhmm.

POTUS BARACK OBAMA: Mais il y a beaucoup de choses que nous n'avons pas pris en compte – tu le vois émerger aujourd'hui avec la vague MeToo (3) - avec les femmes qui réclament à travail égal une rémunération égale, avec ce à quoi nous faisons encore face avec les violences conjugales et la maltraitance. Um... Il n'y a jamais eu de pleine prise en compte de...

BRUCE SPRINGSTEEN: Non.

POTUS BARACK OBAMA: ...de ce que nos pères... de ce qu'étaient nos pères, de ce qu'ils avaient en eux.

BRUCE SPRINGSTEEN: Oui.

POTUS BARACK OBAMA: Comment devons-nous le comprendre et en parler. Quelles leçons devrions-nous retenir. Tout semble avoir été enfoui.

BRUCE SPRINGSTEEN: Oui, mais nous avons fini par être les versions...

ENSEMBLE: ...années 60

BRUCE SPRINGSTEEN: ...de nos pères [rires]

POTUS BARACK OBAMA: Non ?

BRUCE SPRINGSTEEN: Portant tous en nous ce même sexisme.

POTUS BARACK OBAMA: Oui. Oui, portant tous ces mêmes valises. Toutes les mêmes. La même colère, les mêmes frustrations refoulées.

BRUCE SPRINGSTEEN: Oui.

POTUS BARACK OBAMA: Tous ces mêmes messages. Et il y a un autre précepte qui va te parler, je le sais, c'était que tu ne devais pas montrer de faiblesse.

BRUCE SPRINGSTEEN: C'est exact.

POTUS BARACK OBAMA: Tu ne montrais pas d'émotion, tu ne parlais pas trop de ce que tu ressentais, tes peurs, tes doutes, tes déceptions. On projette une image générale.

BRUCE SPRINGSTEEN: Tout à fait.

POTUS BARACK OBAMA: Du genre, « J'assure ». J'ai la situation en main, je vais bien. Pas d'inquiétude.

BRUCE SPRINGSTEEN: Dans mon cas, c'était plus tempéré, ayant un père qui était assez sérieusement malade mentalement. Au lycée, j'ai commencé à devenir assez conscient de cette faiblesse, même si, vu de l'extérieur, c'était un homme corpulent, avec un côté brutal, complètement en phase avec cet archétype.

POTUS BARACK OBAMA: D'accord.

BRUCE SPRINGSTEEN: Mais les choses ont commencé à se gâter au cours de mes dernières années de lycée, et au cours des dernières années où j'ai vécu avec lui, dans notre maison. Il y avait quelque chose dans sa maladie ou dans ce qu'il était, qui l'amenait à nier ses liens familiaux. Ce qui, pour moi, a engendré un énorme problème, quand j'ai été plus vieux, parce que j'étais incapable d'accepter l'idée d'un attachement familial.

Je me souviens encore qu'il se plaignait tout le temps : s'il n'avait pas eu une famille, il aurait pu accepter tel ou tel travail, ou bien prendre la route, mais... C'était une opportunité manquée. Et il restait assis devant son pack de bières, soir après soir après soir après soir, et c'était sa seule réponse, tu vois ? Alors nous nous sentions coupable. Et le modèle de la masculinité que j'ai eu, c'était cette image-là jusqu'à mes 30 ans, quand j'ai commencé à essayer d'y réfléchir. Parce que je ne pouvais établir de relation amoureuse durable. Rien qu'avoir une femme à mes côtés... J'étais embarrassé.

[Le synthétiseur joue]

Je ne pouvais pas. J'étais dans l'impossibilité de construire ma vie avec l'exemple qu'il m'avait légué, et j'essayais, encore et encore.

[Le synthétiseur joue et s'estompe]

[PAUSE]

****

BRUCE SPRINGSTEEN: Les premières années où j'étais avec Patti, lorsque nous étions en public, j'étais très, très anxieux. Et je n'arrivais pas à régler ce problème, et j'ai réalisé, « Et bien, oui, ce sont les signaux que j'ai reçu lorsque j'étais très jeune, ceux qui te disent qu'une famille ne te renforce pas, elle t’affaiblit. Elle t'éloigne de tes opportunités. Elle t'enlève ta virilité ».

POTUS BARACK OBAMA: « Elle... elle te castre »

BRUCE SPRINGSTEEN: « Elle te castre ». Exactement.

POTUS BARACK OBAMA: « Elle te limite »

BRUCE SPRINGSTEEN: Et je me suis trimballé cette idée pendant très, très longtemps. J'ai vécu dans la peur de cette castration, si bien que j'ai vécu sans amour, sans compagnie, sans foyer. Et tu as ton petit sac de vêtements, et tu pars sur la route et tu vas d'un endroit à un autre, et ainsi de suite.

POTUS BARACK OBAMA: « Et tu es libre »

BRUCE SPRINGSTEEN: Tu penses l'être.

POTUS BARACK OBAMA: C'est l'idée.

BRUCE SPRINGSTEEN: Exactement. Tu penses l'être. Et je pensais l'être.

POTUS BARACK OBAMA: Mhmm.

BRUCE SPRINGSTEEN: Pendant longtemps, je pensais l'être jusqu'à ce que j'essaye d'avoir quelque chose... [rires] Quelque chose de plus que ce qui m'était autorisé. Au-delà de ce que je m'autorisais. Et tu ne t'en rends pas compte quand tu as 20 ans. Mais vers la trentaine, tu te rends compte que quelque chose ne tourne pas rond. Est-ce que tu as vécu quelque chose de similaire ?

POTUS BARACK OBAMA: Tu sais... Il y a des choses que nous avons en commun, et puis il y a des choses qui diffèrent. Mon père est parti lorsque j'avais 2 ans.

BRUCE SPRINGSTEEN: Oui.

POTUS BARACK OBAMA: Et je ne l'ai plus revu jusqu'à l'âge de 10 ans, lorsqu'il est venu un mois à Hawaï.

BRUCE SPRINGSTEEN: Qu'est-ce qui l'a amené à venir te voir huit ans après être parti ?

POTUS BARACK OBAMA: Alors, voici l'histoire.

[Les cordes jouent]

Mon père a grandi dans un petit village à l'ouest... Dans le nord-ouest du Kenya. Et il est passé de berger d'un troupeau de chèvres à un avion qui l'emmène à Hawaï, puis jusqu'à Harvard, pour devenir d'un coup d'un seul, un économiste.

BRUCE SPRINGSTEEN: D'accord, d'accord. Incroyable, incroyable.

[Les cordes jouent en fond]

POTUS BARACK OBAMA: Et dans ce grand écart, dans ce saut entre une société agricole, très rurale, et sa volonté de se faire passer pour un homme du monde, un homme de la ville, je pense que quelque chose s'est perdu en chemin. Quelque chose s'est évanoui. Et donc, bien qu'il soit extraordinairement confiant, charismatique et, aux dires de tous, impressionnant sur le plan intellectuel...

BRUCE SPRINGSTEEN: D'accord.

[Les cordes jouent en fond puis s'estompent]

POTUS BARACK OBAMA: En revanche, émotionnellement, il avait des blessures. Je peux seulement en parler d'après les histoires que j'ai entendu par la suite, car je ne le connaissais pas vraiment. En tout cas, lorsqu'il étudiait à Hawaï, il a rencontré ma mère. Je suis conçu. Je crois que le mariage arrive juste après.

BRUCE SPRINGSTEEN: D'accord.

POTUS BARACK OBAMA: Puis, il obtient une bourse pour aller à Harvard et il se dit, « C'est là-bas que j'ai besoin d'aller ». Il a dans l'idée d'amener ma mère et moi, mais je crois qu'il y a des complications financières, et ils se séparent. Mais ils restent en contact. Il retourne au Kenya, obtient un travail au sein du gouvernement et se remarie et a d'autres enfants.

BRUCE SPRINGSTEEN: Quand il revient te voir, il a une autre famille ?

POTUS BARACK OBAMA: Il a une autre famille. Mais je pense que lui et sa femme sont dans une mauvaise passe.

BRUCE SPRINGSTEEN: Je vois.

POTUS BARACK OBAMA: Il revient, sans doute, pour voir ma mère, qui porte sur lui le même regard qu'avant, quand tout était possible. Et je pense qu'il essayait probablement de reconquérir ma mère pour qu'elle revienne et qu'il puisse nous emmener avec lui au Kenya, ma mère et moi. Et ma mère, qui l'aimait encore, a fait preuve de sagesse pour réaliser que c'était probablement une très mauvaise idée. Mais je l'ai alors vu pendant un mois. Et je ne savais pas quoi penser de lui.

BRUCE SPRINGSTEEN: Mhmm.

POTUS BARACK OBAMA: Parce que c'est vraiment un étranger [rires] Il avait un accent britannique, il avait cette voix retentissante et il prenait beaucoup de place. Et tout le monde s'inclinait devant lui, car il avait une forte personnalité, tout simplement.

BRUCE SPRINGSTEEN: Oui.

POTUS BARACK OBAMA: Et il essayait de me dire ce que je devais faire.

BRUCE SPRINGSTEEN: Oh... ho ho.

POTUS BARACK OBAMA: Tu vois ? Il disait, « Anna » - c'est comme ça qu'il appelait ma mère, qui se prénommait Ann - « Anna, je crois que ce garçon... Il regarde trop la télévision. Il devrait faire ses devoirs ». Et du coup, je n'étais pas spécialement ravi qu'il soit là. 

BRUCE SPRINGSTEEN: D'accord.

POTUS BARACK OBAMA: Et j'étais impatient qu'il s'en aille.

BRUCE SPRINGSTEEN: Ah.

POTUS BARACK OBAMA: Parce que je n'arrivais pas à me connecter à lui. Cet homme est... Tu comprends, c'est... Cet homme est un étranger qui se trouve être tout à coup dans notre maison. Puis, il est parti. Et je ne l'ai plus jamais revu. Nous nous sommes écrits. Lorsque j'étais à l'université, je me suis dit, « Si je veux mieux me connaître, j'ai besoin de mieux le connaître, lui ». Alors, je lui ai écrit et je lui ai dit, « Écoute, je vais venir au Kenya. J'aimerais passer du temps avec toi ». Il m'a répondu, « Ah oui. Je pense que c'est une sage décision que tu viennes ici ». Et puis j'ai reçu un coup de fil, probablement six mois avant que j'y aille, ou une année avant que j'y aille, et il avait été tué dans un accident de la route. Mais deux choses que j'ai découvertes plus tard ou que j'ai comprises plus tard. La première, c'est l'influence déterminante que ce seul mois a eu sur moi.

BRUCE SPRINGSTEEN: Dingue.

POTUS BARACK OBAMA: D'une manière que je n'avais même pas réalisé.

BRUCE SPRINGSTEEN: Oui.

POTUS BARACK OBAMA: Il m'a offert mon premier ballon de basket. Donc...

BRUCE SPRINGSTEEN: Wow.

POTUS BARACK OBAMA: Je suis soudainement devenu obsédé par le basket-ball mais...

BRUCE SPRINGSTEEN: [rires]

POTUS BARACK OBAMA: Comment est-ce possible, hein ?

BRUCE SPRINGSTEEN: Oui.

POTUS BARACK OBAMA: Je me souviens qu'il... La seule chose que nous avons faite ensemble, c'est qu'il avait décidé de m'amener voir un concert de Dave Brubeck (4).

[Take Five de Dave Brubeck est joué en fond]

C'est un exemple qui te montre pourquoi je ne pouvais pas accrocher avec cet homme, car tu es un enfant américain de 10 ans.

BRUCE SPRINGSTEEN: [rires]

POTUS BARACK OBAMA: Et un type veut t'emmener voir un concert de Jazz.

BRUCE SPRINGSTEEN: Take Five – tu ne vas pas adorer [rires]

POTUS BARACK OBAMA: Take Five ! Je suis donc assis là dans la salle et je ne sais pas ce que je fais là.

[Take Five de Dave Brubeck est joué en fond]

Ce n'est que plus tard que j'y ai repensé et que je me suis dit, « Je suis devenu un des seuls gamins de mon école intéressé par le Jazz ».

[Take Five de Dave Brubeck s'estompe]

Et en grandissant, ma mère regardait la façon dont je croisais les jambes ou elle regardait mes gestes.

BRUCE SPRINGSTEEN: D'accord.

POTUS BARACK OBAMA: Et elle disait, « La ressemblance est frappante » La seconde chose que j'ai apprise en regardant les autres enfants de mon père – que j'ai connu plus tard lorsque je suis allé au Kenya et que je les ai rencontrés, j'ai réalisé que, d'une certaine façon, c'était probablement une bonne chose de ne pas avoir vécu avec lui. Parce que de la même manière que le tien, mon père luttait contre plein de choses, et il avait semé chaos et destruction et colère et blessure et... Des blessures durables auxquelles j'ai échappé.

BRUCE SPRINGSTEEN: Ce qui est fascinant, c'est l'impact qu'il a eu sur toi en un mois. Juste en un mois.

POTUS BARACK OBAMA: Oui.

BRUCE SPRINGSTEEN: Ce qui se passe, c'est que lorsque nous ne pouvons obtenir l'amour que nous voulons d'un parent... comment... comment peut-on créer... Comment obtient-on l'intimité dont on a besoin ? Je ne peux l'obtenir de mon père et je ne peux pas l'avoir. Alors je serai lui. Voilà ce que je vais faire. Être lui... Je n'ai pas encore 30 ans quand je comprends que c'est mon mode de fonctionnement. Je suis sur scène. Je porte des habits d'ouvrier. Moi qui n'ai jamais travaillé de ma vie.

POTUS BARACK OBAMA: [rires]

BRUCE SPRINGSTEEN: Moi j'ai joué de la guitare toute ma putain de vie [rires] Je prends 10 ou 15 kilos en allant à la salle de gym. Mon père était costaud, c'était un type corpulent. D'où ça vient ? Pourquoi je passe des heures à soulever des poids sans raison particulière, pour aucune raison particulière ? Non ? [rires]

[La guitare joue en fond]

La totalité de mon œuvre, tout ce qui compte à mes yeux, tout ce que j'ai écrit provient de l'histoire de sa vie à lui. Pas de la mienne, qui est secondaire. D'abord de la sienne. J'ai emprunté des routes qui ne m'ont pas mené là où je voulais être. Je pense avoir atteint mon but, en tant qu'homme, à partir du moment où Patti est entrée dans ma vie, et elle m'a alors éduqué sur certaines choses pour lesquelles j'avais de sérieux besoins d'être éduqué [rires]

[La guitare s'estompe]

[PAUSE]

****

BRUCE SPRINGSTEEN: Là où j'ai eu de la chance, c'est qu'à 32 ans, j'entame une intense thérapie. Je n'aurais pas mes enfants avant l'âge de 40 ans, j'ai donc huit ans pour réfléchir à ces questions-là, parce que j'ai découvert que cet archétype était putain de destructeur dans ma vie.

POTUS BARACK OBAMA: [rires]

BRUCE SPRINGSTEEN: J'ai chassé de ma vie les personnes auxquelles je tenais. Je me suis empêché de me connaître moi-même. Et j'ai réalisé, « Et bien, si tu veux suivre cette route, vas-y. Mais tu finiras, tu finiras tout seul, l'ami. Tu comprends ? Et si tu veux inviter des personnes dans ta vie, tu ferais mieux d'apprendre comment faire ».

Et il n'existe qu'une seule et unique façon de procéder : tu dois ouvrir les portes. Or, cet archétype-là ne laisse pas beaucoup de place à cette ouverture, car c'est l'archétype d'un homme fermé. Ton moi intime reste à jamais secret et inconnu, stoïque, silencieux, ne révélant rien de ses sentiments. Et tu dois te débarrasser de toutes ces choses-là si tu veux nouer des liens solides. Si tu veux fonder une vraie famille et être capable de leur fournir une subsistance et de la nourriture et de la place pour grandir, être eux-mêmes, et trouver une vie de plénitude. Alors, tu as intérêt à te débarrasser de cet archétype-là, mon ami.

Laisse-moi ajouter cette chanson à cette douleur [rires]

[Springsteen gratte sa guitare et joue de l'harmonica]

BRUCE SPRINGSTEEN: [Il chante] La nuit dernière j'ai rêvé que j'étais enfant... Là où les grands pins poussent librement... J'essayais de rentrer chez moi à travers la forêt... Avant que l'obscurité ne tombe...

BRUCE SPRINGSTEEN: Il y a eu un moment où...

BRUCE SPRINGSTEEN: [Il chante] J'ai entendu le vent bruisser...

BRUCE SPRINGSTEEN: ...j'ai commencé à réaliser... Tu sais...

BRUCE SPRINGSTEEN: [Il chante] A travers les arbres...

BRUCE SPRINGSTEEN: ...que tu portes une croix à soulever, mon père...

BRUCE SPRINGSTEEN: [Il chante] Et des voix de fantômes...

BRUCE SPRINGSTEEN: Tu sais, il ne m'a jamais vraiment parlé jusqu'à sa mort. Il ne savait vraiment pas comment faire.

BRUCE SPRINGSTEEN: [Il chante] J'ai couru le cœur battant...

BRUCE SPRINGSTEEN: Sincèrement, il n'avait pas... Il n'avait pas le mode d'emploi, semble-t-il.

BRUCE SPRINGSTEEN: [Il chante] Qui m'appelle dans la nuit...

BRUCE SPRINGSTEEN: Et une fois que j'ai compris à quel point il était malade, beaucoup de choses ont été pardonnées. Mais lorsque tu es un enfant de 6 ans ou de 8 ans ou de 9 ans...

BRUCE SPRINGSTEEN: [Il chante] Brillant au-dessus de cette route sombre...

BRUCE SPRINGSTEEN: Tu ne comprends pas que ton père est en souffrance.

BRUCE SPRINGSTEEN: [Il chante] Où nos pêchés restent inexpiés...

[Springsteen gratte sa guitare et joue de l'harmonica]

POTUS BARACK OBAMA: Tu finis par lutter contre des fantômes.

BRUCE SPRINGSTEEN: Je suppose que c'est ce que nous faisons tous.

POTUS BARACK OBAMA: Et les fantômes sont sournois, car tu te mesures à quelqu'un qui n'est pas là... Et dans certains cas, je pense que ceux dont le père n'est pas là, et dont les mères peuvent éprouver une amertume liée à l'absence du père... Ce qu'ils absorbent, c'est juste à quel point cet homme pouvait être odieux, et tu ne souhaites pas ressembler à ce type-là.

BRUCE SPRINGSTEEN: Exactement.

POTUS BARACK OBAMA: Pour ce qui concerne ma mère, elle a eu une approche différente, dans le sens où elle ne m'a présenté mon père qu'uniquement sous un jour favorable.

BRUCE SPRINGSTEEN: C'est intéressant.

POTUS BARACK OBAMA: En gommant ses pires défauts. Et d'une certaine façon, c'était bénéfique car je n'ai jamais senti le poids d'une hérédité imparfaite.

BRUCE SPRINGSTEEN: Mhmm.

POTUS BARACK OBAMA: Quelque chose qui m'aurait transformé en un homme alcoolique ou un mari violent ou...

BRUCE SPRINGSTEEN: Exactement.

POTUS BARACK OBAMA: ...ou quoi que ce soit dans le genre. Mais au lieu de ça, j'ai continué à me dire, « Mec, je dois être à la hauteur ». Tu vois ?

BRUCE SPRINGSTEEN: Oui.

POTUS BARACK OBAMA: Chaque homme essaye d'être à la hauteur des attentes de son père ou à la hauteur de ses erreurs. Tu sais, Michelle me demande souvent, « Pourquoi te sens-tu obligé d'accomplir toutes ces choses compliquées ? Pourquoi... Quel est ce vide en toi qui fait que tu ne tiens pas en place ? »

BRUCE SPRINGSTEEN: [rires] Oui.

POTUS BARACK OBAMA: Et je pense que, assez tôt, j'ai eu cette sensation de me dire, « Mec, je dois être à la hauteur de ceci. Je dois prouver cela. Il faut que je fasse mes preuves. Peut-être que s'il est parti, c'est qu'il n'estimait pas que rester pour moi en valait la chandelle et je lui montrerai qu'il avait fait une erreur de ne pas rester là. Parce que je valais la peine qu'il investisse sur moi ».

BRUCE SPRINGSTEEN: Tu essayes toujours de prouver que tu es à la hauteur.

POTUS BARACK OBAMA: Oui.

BRUCE SPRINGSTEEN: C'est le voyage d'une vie à essayer de prouver que tu es à la hauteur de...

POTUS BARACK OBAMA: ...quelqu'un qui n'est pas là.

BRUCE SPRINGSTEEN: ...quelqu'un qui n'est plus là.

POTUS BARACK OBAMA: Et qui n'a peut-être pas pensé à toi, non pas parce que c'était de ta faute, mais parce qu'il était lui-même confus et perdu et abîmé de différentes façons.

BRUCE SPRINGSTEEN: Mais comme tu dis, « Nous finissons par lutter contre des fantômes ». Le truc, c'est que tu dois transformer tes fantômes en ancêtres.

POTUS BARACK OBAMA: [rires]

BRUCE SPRINGSTEEN: Les fantômes te hantent. Les ancêtres marchent à tes côtés et t'apportent du réconfort et une vision de la vie qui deviendra la tienne. Aujourd'hui, mon père marche à mes côtés comme un ancêtre. Et il a fallu du temps pour y arriver.

[La guitare électrique joue et s'estompe]

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NOTES

(1) Shaft (Les Nuits rouges de Harlem, 1971), film américain réalisé par Gordon Parks, et Superfly (1972), film américain réalisé par Gordon Parks Jr sont deux films considérés comme les plus emblématiques du genre Blaxploitation.

(2) Julius Winfield Erving II, surnommé Dr. J est un des plus grands joueurs de basket-ball de l'histoire, dont la carrière s'étala de 1971 à 1986, d'abord dans la défunte ligue professionnelle ABA, puis en NBA à partir de 1976.

(3) Le mouvement #MeToo est un mouvement social encourageant la prise de parole des femmes, afin de faire savoir que le viol et les agressions sexuelles sont plus courants que ce qui est souvent supposé, et permettre ainsi aux victimes de s'exprimer sur le sujet. Ce mouvement a débuté en 2017, à la suite de l'affaire Weinstein.

(4) David Brubeck (1920-2012) était un pianiste et compositeur américain de jazz.

Cet épisode a été diffusé pour la première fois le 22 mars 2021.

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Renegades: Born in the U.S.A. is a Spotify Original

Presented and produced by Higher Ground Audio in collaboration with Dustlight Productions.
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