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POTUS BARACK OBAMA: Benjamin Franklin (1) – qui a joliment gagné sa vie à son époque – est censé avoir dit, je cite, « L'argent n'a jamais rendu un homme heureux, et ne le fera pas... Plus un homme possède, plus il veut posséder. Au lieu de combler un vide, l'argent en crée un ».
[La guitare acoustique joue]
Sage homme, ce M. Franklin. Quand nous étions petits, dans les années 60 et au début des années 70, ma famille et celle de Bruce n'avaient pas grand chose. Et pour ce qui concerne l'argent, nous n'en attendions pas beaucoup. Mais nous avions suffisamment. La société américaine d'alors n'était pas si stratifiée. Pour beaucoup, la vie était toujours une lutte, et les portes de l'opportunité étaient trop souvent fermées aux femmes et aux gens de couleur.
[La guitare acoustique joue en fond]
Mais grâce à des syndicats puissants et à l'investissement de l’État, l'ascension sociale n'était pas un mythe. Le dur labeur permettait non seulement d'accéder à une stabilité financière, avec la promesse d'une vie meilleure pour vos enfants, mais apportait également une touche de dignité et d'estime de soi. C'est un sujet sur lequel Bruce et moi avons passé beaucoup de temps à réfléchir : la façon dont l'économie américaine a changé, dont l'Amérique est devenue plus inégalitaire. Et comment la quête du dollar tout puissant nous a fait perdre certaines des valeurs en lien avec la communauté, la solidarité, et le bien commun, dont nous allons avoir besoin pour nous sentir à nouveau réconciliés.
[La guitare acoustique s'estompe]
[La guitare acoustique joue]
Sage homme, ce M. Franklin. Quand nous étions petits, dans les années 60 et au début des années 70, ma famille et celle de Bruce n'avaient pas grand chose. Et pour ce qui concerne l'argent, nous n'en attendions pas beaucoup. Mais nous avions suffisamment. La société américaine d'alors n'était pas si stratifiée. Pour beaucoup, la vie était toujours une lutte, et les portes de l'opportunité étaient trop souvent fermées aux femmes et aux gens de couleur.
[La guitare acoustique joue en fond]
Mais grâce à des syndicats puissants et à l'investissement de l’État, l'ascension sociale n'était pas un mythe. Le dur labeur permettait non seulement d'accéder à une stabilité financière, avec la promesse d'une vie meilleure pour vos enfants, mais apportait également une touche de dignité et d'estime de soi. C'est un sujet sur lequel Bruce et moi avons passé beaucoup de temps à réfléchir : la façon dont l'économie américaine a changé, dont l'Amérique est devenue plus inégalitaire. Et comment la quête du dollar tout puissant nous a fait perdre certaines des valeurs en lien avec la communauté, la solidarité, et le bien commun, dont nous allons avoir besoin pour nous sentir à nouveau réconciliés.
[La guitare acoustique s'estompe]
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POTUS BARACK OBAMA: Ce que démontre en partie l'histoire de ton appel sous les drapeaux, c'est que tu réalises soudain qu'il existe une histoire de classe sociale derrière tout ça. Où... Comment se fait-il que les jeunes qui vont à l'université ne soient pas obligés de s'engager ? Et c'est ce qui distingue, dans une certaine mesure, la génération de la Seconde Guerre Mondiale, cette Génération Grandiose (2), de la Génération du Vietnam, cette prise de conscience que, « Nous allons y aller pour que les privilégiés n'aient pas à faire de sacrifices, à cause des mauvaises décisions prises à Washington ».
BRUCE SPRINGSTEEN: Oui.
POTUS BARACK OBAMA: Et je pense qu'il y a une prise de conscience de cette injustice-là, qui finit également par provoquer la désillusion du peuple.
BRUCE SPRINGSTEEN: A cet âge-là, c'était une évidence pour nous.
POTUS BARACK OBAMA: Oui.
BRUCE SPRINGSTEEN: Cette idée que, hey, nous ne sommes pas en haut, nous sommes en bas [rires]
POTUS BARACK OBAMA: Oui.
BRUCE SPRINGSTEEN: Et nous jouons avec les règles en vigueur pour le peuple d'en bas.
POTUS BARACK OBAMA: Oui.
BRUCE SPRINGSTEEN: Tu vois ? Et si nous ne voulons pas y aller, il va falloir jouer comme on l'apprend dans la rue pour y échapper, ce qui impliquera de faire de belles conneries, tu vois ? Personne n'avait les moyens de s'offrir un dossier médical par un médecin ou le ceci... ou le cela.
POTUS BARACK OBAMA: D'accord.
BRUCE SPRINGSTEEN: Ou bien faire marche arrière, et intégrer une université. J'avais réussi à y être admis une première fois, mais de justesse. A cette époque-là, je ne me souviens même pas en avoir été contrarié.
POTUS BARACK OBAMA: Oui, tu n'éprouvais pas un ressentiment lié à ta classe sociale.
BRUCE SPRINGSTEEN: Non, non, tu ne...
POTUS BARACK OBAMA: Tu te disais juste, « Oui, il est évident que les enfants de riches auront un traitement différent ».
BRUCE SPRINGSTEEN: Oui ! Oui.
POTUS BARACK OBAMA: Est-ce que... Mais tu ne penses pas que ça soulève des questions sur le mythe du Rêve Américain, dans son ensemble, de l'ascenseur social et du "chacun a sa chance" ?
BRUCE SPRINGSTEEN: Je pense que nous avions perdu foi en la vie, en la liberté et en la quête d'un sens pour tous. Nous n'y croyions plus.
[La guitare acoustique joue]
Je n'avais pas imaginé que je pourrais connaitre un grand succès parce que je n'avais jamais rencontré qui que ce soit ayant connu le moindre succès. Il n'y avait pas d'histoires de grande réussite dans mon quartier. Tout le monde était col bleu, de la classe ouvrière. Je ne connaissais personne ayant signé un contrat discographique - absolument personne. Je ne connaissais personne ayant déjà pris l'avion. Avec les enfants de mon quartier, nous étions comme les tribus perdues. On regardait les avions passer dans le ciel, on savait qu'il y avait des passagers à l'intérieur. Mais tout était en dehors du périmètre de notre expérience. Tu ne faisais qu'avancer, sans te laisser démonter. Et tu avais ce sentiment, « Ooooh, c'est un peu chacun pour soi ». Tu vois ?
La situation économique de Freehold, dans mon enfance, cette image des années 50 était très, très différente de l'image économique qui prévaut aujourd'hui dans le pays. Si tu faisais partie de la classe moyenne à Freehold ou si tu faisais partie des habitants les plus riches de Freehold, il y avait une rue où tu habitais. Je me souviens qu'il s'agissait de l'Avenue Brinckerhoff. Il s'agissait d'une rue bordée d'arbres, la plus large de la ville. Et pour trouver de la pauvreté, tu devais vraiment la chercher.
[La guitare acoustique s'estompe]
La pauvreté existait, mais généralement dans les communautés des habitants de couleur, mais les inégalités de revenus étaient beaucoup moins prononcées. Je sais que mes parents vivaient au jour le jour. Ils dépensaient tout l'argent qu'ils gagnaient chaque semaine, attendaient la semaine suivante d'avoir de l'argent, le dépensaient, et ainsi de suite, nous vivions tous de cette façon-là. Nous n'estimions pas survivre ou... Nous étions habillés, nous avions à manger, tu vois, et nous avions un toit au-dessus de nos têtes, même si notre maison était assez vétuste.
ENSEMBLE: [rires]
BRUCE SPRINGSTEEN: Mais c'était... Ma maison se trouvait au milieu d'autres maisons qui n'étaient pas dramatiquement différentes.
POTUS BARACK OBAMA: Tu n'avais pas honte de ta maison, ou tu ne te disais pas, « Mince, nous avons besoin de rideaux plus jolis ou - »
BRUCE SPRINGSTEEN: Dans notre maison, je n'avais pas de problème de rideaux.
ENSEMBLE: [rires]
BRUCE SPRINGSTEEN: J'avais un peu honte de notre maison, oui. Parce que je vivais dans une des plus vieilles maisons de la ville et étrangement ahhh... Notre maison était assez délabrée. Mais même là, je ne me suis jamais senti comme un enfant pauvre, jusqu'à ce que mon père dise, « Ce soir, on va au cinéma, il faut vendre la roue de secours ».
POTUS BARACK OBAMA: C'est vraiment arrivé ?
BRUCE SPRINGSTEEN: Oui.
POTUS BARACK OBAMA: Mais on ne te balançait pas au visage que tu avais moins que les autres ?
BRUCE SPRINGSTEEN: Non. Je vivais au milieu d'un quartier de la classe moyenne.
POTUS BARACK OBAMA: Ce que tu dis, c'est que si tu grandis là comme gamin et que tu regardes autour de toi, tu te dis, « D'accord, je suis dans une situation plus ou moins comparable à celle de n'importe qui d'autre ».
BRUCE SPRINGSTEEN: Pareil que Bobby Duncan qui vit dans la même rue, ou pareil que Richie Blackwell là bas... (3)
POTUS BARACK OBAMA: Oui, et peut-être que son père est directeur de banque, alors que mon père est employé de la banque, ou bien travaille à l'usine.
BRUCE SPRINGSTEEN: Oui.
POTUS BARACK OBAMA: Mais tu n'as pas l'impression d'être en dehors du cercle, de regarder ce qui se passe à l'extérieur.
BRUCE SPRINGSTEEN: Non, tu ne te sens pas comme... Tu ne te sens pas victimisé ou tu ne te considères pas comme une victime, tu comprends ?
POTUS BARACK OBAMA: D'accord, d'accord.
BRUCE SPRINGSTEEN: Évidemment, tu es conscient qu'il existe des différences de classes sociales. Mais elles semblent dramatiquement moins importantes que celles d'aujourd'hui.
POTUS BARACK OBAMA: Mais est-ce qu'il y avait des types dans le quartier, que ce soient tes amis ou des gosses qui disaient, « Je vais partir d'ici parce que je veux gagner beaucoup d'argent. Tu vois, je veux m'acheter le dernier modèle de chez Chevrolet, et ce sera un signe. Ce sera le marqueur de ma réussite ». Juste cette idée que tu avais besoin d'acquérir une certaine somme d'argent ou un certain nombre de bien matériels, sinon tu aurais échoué ou tu aurais reculé ou tu n'aurais pas été assez ambitieux. Est-ce qu'il y avait cette sorte de sensibilité ?
BRUCE SPRINGSTEEN: D'après mon expérience, c'est un phénomène qui est beaucoup plus moderne. Tu vois ?
POTUS BARACK OBAMA: D'accord.
BRUCE SPRINGSTEEN: Je ne me souviens pas qu'il s'agissait du grand, grand sujet de conversation au lycée. Tout le monde voulait gagner sa vie et...
POTUS BARACK OBAMA: D'accord.
BRUCE SPRINGSTEEN: Si tu voulais t'en sortir, tu allais à l'université.
POTUS BARACK OBAMA: D'accord. C'était le marqueur social.
BRUCE SPRINGSTEEN: Un marqueur social important. Un marqueur immense. Immense !
POTUS BARACK OBAMA: Aller à l'université démontrait quelque chose de légèrement différent.
BRUCE SPRINGSTEEN: Tu étais spécial.
POTUS BARACK OBAMA: Mhmm.
BRUCE SPRINGSTEEN: Tu vois ? Mais tout s'est modifié drastiquement au cours des années 70 aux États-Unis, et évidemment dans les années 80.
POTUS BARACK OBAMA: Oui.
BRUCE SPRINGSTEEN: La période dorée des années 80.
BRUCE SPRINGSTEEN: Oui.
POTUS BARACK OBAMA: Et je pense qu'il y a une prise de conscience de cette injustice-là, qui finit également par provoquer la désillusion du peuple.
BRUCE SPRINGSTEEN: A cet âge-là, c'était une évidence pour nous.
POTUS BARACK OBAMA: Oui.
BRUCE SPRINGSTEEN: Cette idée que, hey, nous ne sommes pas en haut, nous sommes en bas [rires]
POTUS BARACK OBAMA: Oui.
BRUCE SPRINGSTEEN: Et nous jouons avec les règles en vigueur pour le peuple d'en bas.
POTUS BARACK OBAMA: Oui.
BRUCE SPRINGSTEEN: Tu vois ? Et si nous ne voulons pas y aller, il va falloir jouer comme on l'apprend dans la rue pour y échapper, ce qui impliquera de faire de belles conneries, tu vois ? Personne n'avait les moyens de s'offrir un dossier médical par un médecin ou le ceci... ou le cela.
POTUS BARACK OBAMA: D'accord.
BRUCE SPRINGSTEEN: Ou bien faire marche arrière, et intégrer une université. J'avais réussi à y être admis une première fois, mais de justesse. A cette époque-là, je ne me souviens même pas en avoir été contrarié.
POTUS BARACK OBAMA: Oui, tu n'éprouvais pas un ressentiment lié à ta classe sociale.
BRUCE SPRINGSTEEN: Non, non, tu ne...
POTUS BARACK OBAMA: Tu te disais juste, « Oui, il est évident que les enfants de riches auront un traitement différent ».
BRUCE SPRINGSTEEN: Oui ! Oui.
POTUS BARACK OBAMA: Est-ce que... Mais tu ne penses pas que ça soulève des questions sur le mythe du Rêve Américain, dans son ensemble, de l'ascenseur social et du "chacun a sa chance" ?
BRUCE SPRINGSTEEN: Je pense que nous avions perdu foi en la vie, en la liberté et en la quête d'un sens pour tous. Nous n'y croyions plus.
[La guitare acoustique joue]
Je n'avais pas imaginé que je pourrais connaitre un grand succès parce que je n'avais jamais rencontré qui que ce soit ayant connu le moindre succès. Il n'y avait pas d'histoires de grande réussite dans mon quartier. Tout le monde était col bleu, de la classe ouvrière. Je ne connaissais personne ayant signé un contrat discographique - absolument personne. Je ne connaissais personne ayant déjà pris l'avion. Avec les enfants de mon quartier, nous étions comme les tribus perdues. On regardait les avions passer dans le ciel, on savait qu'il y avait des passagers à l'intérieur. Mais tout était en dehors du périmètre de notre expérience. Tu ne faisais qu'avancer, sans te laisser démonter. Et tu avais ce sentiment, « Ooooh, c'est un peu chacun pour soi ». Tu vois ?
La situation économique de Freehold, dans mon enfance, cette image des années 50 était très, très différente de l'image économique qui prévaut aujourd'hui dans le pays. Si tu faisais partie de la classe moyenne à Freehold ou si tu faisais partie des habitants les plus riches de Freehold, il y avait une rue où tu habitais. Je me souviens qu'il s'agissait de l'Avenue Brinckerhoff. Il s'agissait d'une rue bordée d'arbres, la plus large de la ville. Et pour trouver de la pauvreté, tu devais vraiment la chercher.
[La guitare acoustique s'estompe]
La pauvreté existait, mais généralement dans les communautés des habitants de couleur, mais les inégalités de revenus étaient beaucoup moins prononcées. Je sais que mes parents vivaient au jour le jour. Ils dépensaient tout l'argent qu'ils gagnaient chaque semaine, attendaient la semaine suivante d'avoir de l'argent, le dépensaient, et ainsi de suite, nous vivions tous de cette façon-là. Nous n'estimions pas survivre ou... Nous étions habillés, nous avions à manger, tu vois, et nous avions un toit au-dessus de nos têtes, même si notre maison était assez vétuste.
ENSEMBLE: [rires]
BRUCE SPRINGSTEEN: Mais c'était... Ma maison se trouvait au milieu d'autres maisons qui n'étaient pas dramatiquement différentes.
POTUS BARACK OBAMA: Tu n'avais pas honte de ta maison, ou tu ne te disais pas, « Mince, nous avons besoin de rideaux plus jolis ou - »
BRUCE SPRINGSTEEN: Dans notre maison, je n'avais pas de problème de rideaux.
ENSEMBLE: [rires]
BRUCE SPRINGSTEEN: J'avais un peu honte de notre maison, oui. Parce que je vivais dans une des plus vieilles maisons de la ville et étrangement ahhh... Notre maison était assez délabrée. Mais même là, je ne me suis jamais senti comme un enfant pauvre, jusqu'à ce que mon père dise, « Ce soir, on va au cinéma, il faut vendre la roue de secours ».
POTUS BARACK OBAMA: C'est vraiment arrivé ?
BRUCE SPRINGSTEEN: Oui.
POTUS BARACK OBAMA: Mais on ne te balançait pas au visage que tu avais moins que les autres ?
BRUCE SPRINGSTEEN: Non. Je vivais au milieu d'un quartier de la classe moyenne.
POTUS BARACK OBAMA: Ce que tu dis, c'est que si tu grandis là comme gamin et que tu regardes autour de toi, tu te dis, « D'accord, je suis dans une situation plus ou moins comparable à celle de n'importe qui d'autre ».
BRUCE SPRINGSTEEN: Pareil que Bobby Duncan qui vit dans la même rue, ou pareil que Richie Blackwell là bas... (3)
POTUS BARACK OBAMA: Oui, et peut-être que son père est directeur de banque, alors que mon père est employé de la banque, ou bien travaille à l'usine.
BRUCE SPRINGSTEEN: Oui.
POTUS BARACK OBAMA: Mais tu n'as pas l'impression d'être en dehors du cercle, de regarder ce qui se passe à l'extérieur.
BRUCE SPRINGSTEEN: Non, tu ne te sens pas comme... Tu ne te sens pas victimisé ou tu ne te considères pas comme une victime, tu comprends ?
POTUS BARACK OBAMA: D'accord, d'accord.
BRUCE SPRINGSTEEN: Évidemment, tu es conscient qu'il existe des différences de classes sociales. Mais elles semblent dramatiquement moins importantes que celles d'aujourd'hui.
POTUS BARACK OBAMA: Mais est-ce qu'il y avait des types dans le quartier, que ce soient tes amis ou des gosses qui disaient, « Je vais partir d'ici parce que je veux gagner beaucoup d'argent. Tu vois, je veux m'acheter le dernier modèle de chez Chevrolet, et ce sera un signe. Ce sera le marqueur de ma réussite ». Juste cette idée que tu avais besoin d'acquérir une certaine somme d'argent ou un certain nombre de bien matériels, sinon tu aurais échoué ou tu aurais reculé ou tu n'aurais pas été assez ambitieux. Est-ce qu'il y avait cette sorte de sensibilité ?
BRUCE SPRINGSTEEN: D'après mon expérience, c'est un phénomène qui est beaucoup plus moderne. Tu vois ?
POTUS BARACK OBAMA: D'accord.
BRUCE SPRINGSTEEN: Je ne me souviens pas qu'il s'agissait du grand, grand sujet de conversation au lycée. Tout le monde voulait gagner sa vie et...
POTUS BARACK OBAMA: D'accord.
BRUCE SPRINGSTEEN: Si tu voulais t'en sortir, tu allais à l'université.
POTUS BARACK OBAMA: D'accord. C'était le marqueur social.
BRUCE SPRINGSTEEN: Un marqueur social important. Un marqueur immense. Immense !
POTUS BARACK OBAMA: Aller à l'université démontrait quelque chose de légèrement différent.
BRUCE SPRINGSTEEN: Tu étais spécial.
POTUS BARACK OBAMA: Mhmm.
BRUCE SPRINGSTEEN: Tu vois ? Mais tout s'est modifié drastiquement au cours des années 70 aux États-Unis, et évidemment dans les années 80.
POTUS BARACK OBAMA: Oui.
BRUCE SPRINGSTEEN: La période dorée des années 80.
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POTUS BARACK OBAMA: Donc... Avance rapide, au cours des années 70, je suis au collège, et puis au lycée. Et je vois tout ça par le prisme de mes grands-parents avec lesquels je vivais la plupart du temps. Et ils avaient connu l'époque de la Grande Dépression dans les années 30, et la Seconde Guerre Mondiale.
BRUCE SPRINGSTEEN: D'accord, tout comme mes grands-parents.
POTUS BARACK OBAMA: Et nous vivions dans un appartement à Honolulu, de peut-être 110 mètres carré. Je me souviens y être retourné, adulte, et me faire la réflexion, « Oui, c'est... très modeste ». Mais à cette époque-là, je ne me suis jamais, jamais dit, « Je n'ai pas beaucoup ».
BRUCE SPRINGSTEEN: Non.
POTUS BARACK OBAMA: Nous n'étions pas des cols bleus, dans le sens où mes grands-parents travaillaient dans des bureaux. Ma grand-mère était une "employée à col rose". Elle avait commencé au guichet d'une banque. Elle avait beau être d'une grande intelligence, elle n'avait pas de diplôme universitaire. Rosie-la-Riveteuse (4) ne pouvait prétendre au G.I. Bill (5), qui finançait les études des vétérans de l'armée. Elle avait travaillé en usine pendant que mon grand-père était à la guerre. Quand il est revenu, il a bénéficié du G.I. Bill, il est allé à l'université pendant presque un an et demi, puis il a laissé tomber. Ma grand-mère n'a pas eu le loisir d'aller à l'université, mais elle a fini vice-présidente de banque - la Bank of Hawaï. Quant à mon grand-père, il est devenu représentant. Ils faisaient partie de la classe moyenne à Hawaï, même en étant plutôt en bas de l'échelle des revenus.
Moi, je suis allé dans un lycée privé préparant aux études supérieures. On peut dire qu'au lycée, 80% des élèves étaient issus d'un milieu plus aisé que le mien. Mais, ce qui est intéressant, c'est que nous ne nous sentions pas pauvres. Et je ne considérais pas que le monde m'était exclu parce que je n'étais pas issu d'un milieu aisé.
BRUCE SPRINGSTEEN: D'accord.
POTUS BARACK OBAMA: Mes grands-parents, ils voulaient que j'aille à l'université et ils se sont sacrifiés pour que j'aille dans ce lycée privé pour s'assurer plus ou moins, à moins qu'on me jette pour alcoolisme...
ENSEMBLE: [rires]
BRUCE SPRINGSTEEN: Mhmm.
POTUS BARACK OBAMA: ...que je sois admis à l'université.
BRUCE SPRINGSTEEN: [rires]
POTUS BARACK OBAMA: Je raconte cette histoire, tu sais, je ne veux pas...
BRUCE SPRINGSTEEN: Oui.
POTUS BARACK OBAMA: Je veux dire, nous ressemblons à deux vieux.
BRUCE SPRINGSTEEN: [rires] C'est horrible. C'est tellement triste.
POTUS BARACK OBAMA: « Mec, j'avais l'habitude d'aller à l'école pieds nus » et bla bla bla.
BRUCE SPRINGSTEEN: [rires] C'est tellement triste.
POTUS BARACK OBAMA: Quand je m'installe à Chicago, je travaille avec des ouvriers qui ont perdu leur boulot, parce que l'aciérie a été délocalisée. Et c'est là que je distingue très clairement l'intersection entre couleur de peau et classe sociale, parce que l'histoire que tu décris à Freehold n'a jamais été totalement accessible aux afro-américains, ou alors dans une version plus pauvre, plus dangereuse, plus précaire.
BRUCE SPRINGSTEEN: Exact.
POTUS BARACK OBAMA: Les parents de Michelle, par exemple, étaient en mesure d'aspirer à la vie de la classe ouvrière. Une vie de travailleurs de la classe moyenne, que tu décris à Freehold. Mais c'est toujours un peu plus précaire. Et les barreaux de l'échelle sont toujours un peu plus glissants. Je me souviens d'avoir parlé à des habitants du quartier de South Side quand je suis arrivé à Chicago, et ils me confiaient que c'était vraiment important pour eux, par exemple, d'être employé dans un bureau de poste. Parce que c’était synonyme de salaire régulier, et puis tu avais une retraite.
BRUCE SPRINGSTEEN: Oui. Quand mon père travaillait à l'usine, c'était extrêmement important.
POTUS BARACK OBAMA: Mais je pense que toi et moi avons ce même sentiment, le changement a eu lieu autour des années 80.
BRUCE SPRINGSTEEN: Oui.
POTUS BARACK OBAMA: Début des années 80. Juste après l’élection de Reagan, tu sais quand il brise le syndicat des contrôleurs aériens (6). Nous avons une stagflation.
BRUCE SPRINGSTEEN: Exactement. Et c'est le début des émissions à la télévision, du genre, « Comment vivent les riches et célèbres », amenant la culture du matérialisme dans chaque foyer, 24 heures/24. Et tout à coup, on s'entend dire, « Tu as raté ta vie, si tu ne possèdes pas ceci ou cela ».
[Un synthétiseur joue]
POTUS BARACK OBAMA: C'est précisément l'époque où j'emménage à New York. Et New York venait juste d'échapper à la banqueroute. Mais Wall Street a le vent en poupe. C'est l'époque de la sortie du film Wall Street, « Vive la cupidité » (7)
BRUCE SPRINGSTEEN: Exact.
POTUS BARACK OBAMA: Michael Douglas en chemise bleue à col blanc.
BRUCE SPRINGSTEEN: Mhmmm. Et le...
ENSEMBLE: Et les énormes téléphones portables.
BRUCE SPRINGSTEEN: [rires] De la taille d'un sac à dos !
POTUS BARACK OBAMA: Et...
[Extrait de Wall Street - Gordon Gecco: « La cupidité, retenez ce que je dis, ne sauvera pas seulement Teldar Paper, mais aussi cette autre entreprise malade appelée U.S.A. Merci beaucoup (Applaudissements)]
[Le synthétiseur s'estompe]
POTUS BARACK OBAMA: Manhattan en 81, 82, 83 est le perchoir idéal pour observer ce changement culturel. C'était l'épicentre, en quelque sorte. Et comme tu le dis, tu te le prends en pleine figure, d'un coup d'un seul. Comme dans cette pièce de David Mamet, Glengarry Glen Ross (8)
BRUCE SPRINGSTEEN: Oui.
POTUS BARACK OBAMA: Où tu as une équipe de commerciaux. Le patron dit, « Première place, tu gagnes une Cadillac. Ah seconde place, le set de couteaux à viande. Troisième place, tu es viré »
ENSEMBLE: [rires]
POTUS BARACK OBAMA: Exact ?
BRUCE SPRINGSTEEN: Exact. C'est...
POTUS BARACK OBAMA: Il y a soudain ce sentiment que, « Hey – Tu vois...
[Le synthétiseur joue en fond]
BRUCE SPRINGSTEEN: Impitoyable !
POTUS BARACK OBAMA: « ...Dans ce jeu capitaliste, soit tu perdras, soit tu gagneras, mais tu n'as pas envie d'être à la traine ». Ce que j'ai observé à l'époque chez mes collègues, c'était ce changement de mentalité, « Si je ne vais pas à Wall Street ou dans un grand cabinet d'avocats ou de conseil financier pour jouer le jeu de la promotion sociale, alors je peux commencer à descendre de l'échelle ».
Entre-temps, moi je nage à contre-courant avec une idée différente de l'Amérique. Et mon idée de l'Amérique a été définie par les Freedom Riders, par les mineurs et les employés des centres d’accueil, à Chicago, par Jane Addams (9). Mon idée de l'Amérique, ce sont les soldats de la Seconde Guerre Mondiale, qui ont combattu le fascisme et se sont sacrifiés. Donc, dans mon esprit, cohabitent ces deux visions antagonistes de l'Amérique : celle qui prône l’accumulation, et le chacun pour soi, et l'autre qui dit, « On construit la grange tous ensemble, chacun y met du sien ». J'arrive à l'âge adulte pendant la période Reagan. Et donc, quand je pense à l'Amérique, et quand je pense à la place que j'y occupe, plutôt que de voir autour de moi une culture du service, du sacrifice et de la communauté, je vois un pays défini par la cupidité.
[Le synthétiseur s'estompe]
BRUCE SPRINGSTEEN: Laisse-moi te donner un « exemple »... Mes enfants vont à l'école. Une belle petite école primaire de l'autre côté de la rue, devant chez moi. J'y vais pour la journée d’accueil des parents.
POTUS BARACK OBAMA: D'accord.
BRUCE SPRINGSTEEN: Présentation.
POTUS BARACK OBAMA: D'accord.
BRUCE SPRINGSTEEN: Je m'assois. La première chose que le directeur fait, il se lève et dit, « Mesdames et Messieurs les parents d'élève, vous n'avez pas d'inquiétude à vous faire pour le premier jour de votre enfant à la banque Bear Stearns... » (10)
POTUS BARACK OBAMA: [rires]
BRUCE SPRINGSTEEN: [rires] Et c'est la première salve.
POTUS BARACK OBAMA: [rires]
BRUCE SPRINGSTEEN: Mon fils avait juste 4 ans ! [rires] Tu vois ? Mais c'était dans l'air du temps à ce moment-là.
POTUS BARACK OBAMA: Oui, c'était palpable, cette anxiété. Lorsque je disais que j'allais travailler comme travailleur social pour la communauté (11), personne ne comprenait que...
BRUCE SPRINGSTEEN: [rires]
POTUS BARACK OBAMA: ...ayant été diplômé d'une université, j'empruntais un chemin professionnel différent, qui n'avait aucun sens. Alors, qu'en toile de fond les entreprises se délocalisent massivement, les syndicats sont démantelés. Le PDG, qui gagnait en moyenne 30 fois plus, au cours des années 50 et 60...
BRUCE SPRINGSTEEN: Exactement.
POTUS BARACK OBAMA: ...que le travailleur ou travailleuse à la chaîne, gagne aujourd'hui 300 fois plus.
BRUCE SPRINGSTEEN: Exactement.
POTUS BARACK OBAMA: Donc ce qui passe, tout à coup, pendant les années 80... Tu as une politique menée par Ronald Reagan, qui présente l’État comme un problème. « Réduisons les impôts, réduisons le service public ». Ce qui implique également de réduire le nombre de postes de fonctionnaires, de réduire le nombre des représentants syndicaux, et ce qui signifiait... Cette combinaison, d'un côté, entre les emplois dans l'industrie qui diminuent, et de l'autre côté, les emplois du secteur public qui diminuent, réduit drastiquement les chances de trouver un emploi pour les femmes et les hommes noirs. Et finalement, au moment où la porte semblait s'ouvrir, après le Mouvement des Droits Civiques...
BRUCE SPRINGSTEEN: Exactement.
POTUS BARACK OBAMA: ...alors que certains allaient pouvoir accéder à des boulots qui leur avaient été précédemment interdits, l'herbe leur est coupée sous le pied. Il y a donc un vrai changement dans la façon dont le capitalisme opère, et il y a une stagnation des salaires et les inégalités se creusent grandement. C'est donc juste...
BRUCE SPRINGSTEEN: Et la classe moyenne...
POTUS BARACK OBAMA: ...un changement de mentalité qui devient une réalité à proprement parler.
BRUCE SPRINGSTEEN: ...devient écrasée.
POTUS BARACK OBAMA: Oui.
BRUCE SPRINGSTEEN: Tu vois ?
POTUS BARACK OBAMA: Elle devient écrasée.
BRUCE SPRINGSTEEN: Et donc, la question est, ou une des questions est, Est-ce que les années 40 et 50, et dans une certaine mesure les années 60, ont juste été une pause entre deux Ages d'Or ?
POTUS BARACK OBAMA: Et la réponse est un grand oui.
[Bruce Springsteen gratte les cordes d'une guitare]
BRUCE SPRINGSTEEN: Donc, j'ai écrit cette chanson en 1982 ou 1981, peut-être. Elle s'appelle Atlantic City.
[Bruce Springsteen gratte sa guitare]
BRUCE SPRINGSTEEN: [Il chante] Ils ont fait sauté Chiken Man la nuit dernière à Philly... Ils ont aussi fait sauter sa maison... Sur la promenade ils se préparent au combat... On va voir ce que ces racketteurs sont capables de faire... Aujourd'hui, il y a des gangs qui arrivent d'autres États...
BRUCE SPRINGSTEEN: Au début... Pendant les années 80, il y a une peur qui flotte dans l'air.
POTUS BARACK OBAMA: Oui.
[Bruce Springsteen joue Atlantic City en fond]
BRUCE SPRINGSTEEN: Vraiment. On peut peut-être remonter l'origine à la fin de la Guerre du Vietnam, et... Mais il y a une peur qui flotte dans l'air et dans l'idée du Rêve Américain, une peur qui n'existait pas avant. J'ai écrit un album très particulier au début des années 80, dont le titre est Nebraska
POTUS BARACK OBAMA: Oui, magnifique.
BRUCE SPRINGSTEEN: C'était un disque très intime qui traitait de tous ces sujets de l'époque, tu vois ? Même si je n'en étais pas si conscient. En fait, je me contente de suivre ce que je sens flotter dans l'air.
POTUS BARACK OBAMA: D'accord.
[Bruce Springsteen joue de l'harmonica]
BRUCE SPRINGSTEEN: [Il chante] J'avais un boulot et j'ai essayé de mettre mon argent de côté... Mais j'avais des dettes qu'aucun honnête homme ne pouvait rembourser... Alors, j'ai retiré ce que j'avais à la Central Trust... Et je nous ai acheté deux billets pour ce bus de la Côte... Tout meurt...
BRUCE SPRINGSTEEN: Combiné à la vie de mon père, de mon expérience à Freehold, où j'ai vu ce qui se passe lorsqu'il y a des problèmes avec les syndicats, que l'usine est délocalisée dans le Sud en un clin d’œil, avec tous les employés se retrouvant sans emploi, et le prix que...
[Bruce Springsteen joue Atlantic City en fond]
...Et le prix qui était payé par les familles en ville et par la mienne, m'a donné matière à écrire. Et vraiment, comme je l'ai dit, je n'écrivais pas avec l'idée en tête d'établir un constat social ou avec une sorte de conscience. Je racontais juste les histoires qui m'inspiraient à cette époque-là. Tu comprends ?
POTUS BARACK OBAMA: Oui.
BRUCE SPRINGSTEEN: [Il chante] Nous allons là où le sable se transforme en or... Alors, mets tes bas ma chérie, car la nuit devient fraîche... Et tout meurt ma chérie, c'est une évidence... Mais peut-être que tout ce qui meurt un jour revient...
[Bruce Springsteen joue Atlantic City et la musique s'estompe]
[PAUSE]
BRUCE SPRINGSTEEN: D'accord, tout comme mes grands-parents.
POTUS BARACK OBAMA: Et nous vivions dans un appartement à Honolulu, de peut-être 110 mètres carré. Je me souviens y être retourné, adulte, et me faire la réflexion, « Oui, c'est... très modeste ». Mais à cette époque-là, je ne me suis jamais, jamais dit, « Je n'ai pas beaucoup ».
BRUCE SPRINGSTEEN: Non.
POTUS BARACK OBAMA: Nous n'étions pas des cols bleus, dans le sens où mes grands-parents travaillaient dans des bureaux. Ma grand-mère était une "employée à col rose". Elle avait commencé au guichet d'une banque. Elle avait beau être d'une grande intelligence, elle n'avait pas de diplôme universitaire. Rosie-la-Riveteuse (4) ne pouvait prétendre au G.I. Bill (5), qui finançait les études des vétérans de l'armée. Elle avait travaillé en usine pendant que mon grand-père était à la guerre. Quand il est revenu, il a bénéficié du G.I. Bill, il est allé à l'université pendant presque un an et demi, puis il a laissé tomber. Ma grand-mère n'a pas eu le loisir d'aller à l'université, mais elle a fini vice-présidente de banque - la Bank of Hawaï. Quant à mon grand-père, il est devenu représentant. Ils faisaient partie de la classe moyenne à Hawaï, même en étant plutôt en bas de l'échelle des revenus.
Moi, je suis allé dans un lycée privé préparant aux études supérieures. On peut dire qu'au lycée, 80% des élèves étaient issus d'un milieu plus aisé que le mien. Mais, ce qui est intéressant, c'est que nous ne nous sentions pas pauvres. Et je ne considérais pas que le monde m'était exclu parce que je n'étais pas issu d'un milieu aisé.
BRUCE SPRINGSTEEN: D'accord.
POTUS BARACK OBAMA: Mes grands-parents, ils voulaient que j'aille à l'université et ils se sont sacrifiés pour que j'aille dans ce lycée privé pour s'assurer plus ou moins, à moins qu'on me jette pour alcoolisme...
ENSEMBLE: [rires]
BRUCE SPRINGSTEEN: Mhmm.
POTUS BARACK OBAMA: ...que je sois admis à l'université.
BRUCE SPRINGSTEEN: [rires]
POTUS BARACK OBAMA: Je raconte cette histoire, tu sais, je ne veux pas...
BRUCE SPRINGSTEEN: Oui.
POTUS BARACK OBAMA: Je veux dire, nous ressemblons à deux vieux.
BRUCE SPRINGSTEEN: [rires] C'est horrible. C'est tellement triste.
POTUS BARACK OBAMA: « Mec, j'avais l'habitude d'aller à l'école pieds nus » et bla bla bla.
BRUCE SPRINGSTEEN: [rires] C'est tellement triste.
POTUS BARACK OBAMA: Quand je m'installe à Chicago, je travaille avec des ouvriers qui ont perdu leur boulot, parce que l'aciérie a été délocalisée. Et c'est là que je distingue très clairement l'intersection entre couleur de peau et classe sociale, parce que l'histoire que tu décris à Freehold n'a jamais été totalement accessible aux afro-américains, ou alors dans une version plus pauvre, plus dangereuse, plus précaire.
BRUCE SPRINGSTEEN: Exact.
POTUS BARACK OBAMA: Les parents de Michelle, par exemple, étaient en mesure d'aspirer à la vie de la classe ouvrière. Une vie de travailleurs de la classe moyenne, que tu décris à Freehold. Mais c'est toujours un peu plus précaire. Et les barreaux de l'échelle sont toujours un peu plus glissants. Je me souviens d'avoir parlé à des habitants du quartier de South Side quand je suis arrivé à Chicago, et ils me confiaient que c'était vraiment important pour eux, par exemple, d'être employé dans un bureau de poste. Parce que c’était synonyme de salaire régulier, et puis tu avais une retraite.
BRUCE SPRINGSTEEN: Oui. Quand mon père travaillait à l'usine, c'était extrêmement important.
POTUS BARACK OBAMA: Mais je pense que toi et moi avons ce même sentiment, le changement a eu lieu autour des années 80.
BRUCE SPRINGSTEEN: Oui.
POTUS BARACK OBAMA: Début des années 80. Juste après l’élection de Reagan, tu sais quand il brise le syndicat des contrôleurs aériens (6). Nous avons une stagflation.
BRUCE SPRINGSTEEN: Exactement. Et c'est le début des émissions à la télévision, du genre, « Comment vivent les riches et célèbres », amenant la culture du matérialisme dans chaque foyer, 24 heures/24. Et tout à coup, on s'entend dire, « Tu as raté ta vie, si tu ne possèdes pas ceci ou cela ».
[Un synthétiseur joue]
POTUS BARACK OBAMA: C'est précisément l'époque où j'emménage à New York. Et New York venait juste d'échapper à la banqueroute. Mais Wall Street a le vent en poupe. C'est l'époque de la sortie du film Wall Street, « Vive la cupidité » (7)
BRUCE SPRINGSTEEN: Exact.
POTUS BARACK OBAMA: Michael Douglas en chemise bleue à col blanc.
BRUCE SPRINGSTEEN: Mhmmm. Et le...
ENSEMBLE: Et les énormes téléphones portables.
BRUCE SPRINGSTEEN: [rires] De la taille d'un sac à dos !
POTUS BARACK OBAMA: Et...
[Extrait de Wall Street - Gordon Gecco: « La cupidité, retenez ce que je dis, ne sauvera pas seulement Teldar Paper, mais aussi cette autre entreprise malade appelée U.S.A. Merci beaucoup (Applaudissements)]
[Le synthétiseur s'estompe]
POTUS BARACK OBAMA: Manhattan en 81, 82, 83 est le perchoir idéal pour observer ce changement culturel. C'était l'épicentre, en quelque sorte. Et comme tu le dis, tu te le prends en pleine figure, d'un coup d'un seul. Comme dans cette pièce de David Mamet, Glengarry Glen Ross (8)
BRUCE SPRINGSTEEN: Oui.
POTUS BARACK OBAMA: Où tu as une équipe de commerciaux. Le patron dit, « Première place, tu gagnes une Cadillac. Ah seconde place, le set de couteaux à viande. Troisième place, tu es viré »
ENSEMBLE: [rires]
POTUS BARACK OBAMA: Exact ?
BRUCE SPRINGSTEEN: Exact. C'est...
POTUS BARACK OBAMA: Il y a soudain ce sentiment que, « Hey – Tu vois...
[Le synthétiseur joue en fond]
BRUCE SPRINGSTEEN: Impitoyable !
POTUS BARACK OBAMA: « ...Dans ce jeu capitaliste, soit tu perdras, soit tu gagneras, mais tu n'as pas envie d'être à la traine ». Ce que j'ai observé à l'époque chez mes collègues, c'était ce changement de mentalité, « Si je ne vais pas à Wall Street ou dans un grand cabinet d'avocats ou de conseil financier pour jouer le jeu de la promotion sociale, alors je peux commencer à descendre de l'échelle ».
Entre-temps, moi je nage à contre-courant avec une idée différente de l'Amérique. Et mon idée de l'Amérique a été définie par les Freedom Riders, par les mineurs et les employés des centres d’accueil, à Chicago, par Jane Addams (9). Mon idée de l'Amérique, ce sont les soldats de la Seconde Guerre Mondiale, qui ont combattu le fascisme et se sont sacrifiés. Donc, dans mon esprit, cohabitent ces deux visions antagonistes de l'Amérique : celle qui prône l’accumulation, et le chacun pour soi, et l'autre qui dit, « On construit la grange tous ensemble, chacun y met du sien ». J'arrive à l'âge adulte pendant la période Reagan. Et donc, quand je pense à l'Amérique, et quand je pense à la place que j'y occupe, plutôt que de voir autour de moi une culture du service, du sacrifice et de la communauté, je vois un pays défini par la cupidité.
[Le synthétiseur s'estompe]
BRUCE SPRINGSTEEN: Laisse-moi te donner un « exemple »... Mes enfants vont à l'école. Une belle petite école primaire de l'autre côté de la rue, devant chez moi. J'y vais pour la journée d’accueil des parents.
POTUS BARACK OBAMA: D'accord.
BRUCE SPRINGSTEEN: Présentation.
POTUS BARACK OBAMA: D'accord.
BRUCE SPRINGSTEEN: Je m'assois. La première chose que le directeur fait, il se lève et dit, « Mesdames et Messieurs les parents d'élève, vous n'avez pas d'inquiétude à vous faire pour le premier jour de votre enfant à la banque Bear Stearns... » (10)
POTUS BARACK OBAMA: [rires]
BRUCE SPRINGSTEEN: [rires] Et c'est la première salve.
POTUS BARACK OBAMA: [rires]
BRUCE SPRINGSTEEN: Mon fils avait juste 4 ans ! [rires] Tu vois ? Mais c'était dans l'air du temps à ce moment-là.
POTUS BARACK OBAMA: Oui, c'était palpable, cette anxiété. Lorsque je disais que j'allais travailler comme travailleur social pour la communauté (11), personne ne comprenait que...
BRUCE SPRINGSTEEN: [rires]
POTUS BARACK OBAMA: ...ayant été diplômé d'une université, j'empruntais un chemin professionnel différent, qui n'avait aucun sens. Alors, qu'en toile de fond les entreprises se délocalisent massivement, les syndicats sont démantelés. Le PDG, qui gagnait en moyenne 30 fois plus, au cours des années 50 et 60...
BRUCE SPRINGSTEEN: Exactement.
POTUS BARACK OBAMA: ...que le travailleur ou travailleuse à la chaîne, gagne aujourd'hui 300 fois plus.
BRUCE SPRINGSTEEN: Exactement.
POTUS BARACK OBAMA: Donc ce qui passe, tout à coup, pendant les années 80... Tu as une politique menée par Ronald Reagan, qui présente l’État comme un problème. « Réduisons les impôts, réduisons le service public ». Ce qui implique également de réduire le nombre de postes de fonctionnaires, de réduire le nombre des représentants syndicaux, et ce qui signifiait... Cette combinaison, d'un côté, entre les emplois dans l'industrie qui diminuent, et de l'autre côté, les emplois du secteur public qui diminuent, réduit drastiquement les chances de trouver un emploi pour les femmes et les hommes noirs. Et finalement, au moment où la porte semblait s'ouvrir, après le Mouvement des Droits Civiques...
BRUCE SPRINGSTEEN: Exactement.
POTUS BARACK OBAMA: ...alors que certains allaient pouvoir accéder à des boulots qui leur avaient été précédemment interdits, l'herbe leur est coupée sous le pied. Il y a donc un vrai changement dans la façon dont le capitalisme opère, et il y a une stagnation des salaires et les inégalités se creusent grandement. C'est donc juste...
BRUCE SPRINGSTEEN: Et la classe moyenne...
POTUS BARACK OBAMA: ...un changement de mentalité qui devient une réalité à proprement parler.
BRUCE SPRINGSTEEN: ...devient écrasée.
POTUS BARACK OBAMA: Oui.
BRUCE SPRINGSTEEN: Tu vois ?
POTUS BARACK OBAMA: Elle devient écrasée.
BRUCE SPRINGSTEEN: Et donc, la question est, ou une des questions est, Est-ce que les années 40 et 50, et dans une certaine mesure les années 60, ont juste été une pause entre deux Ages d'Or ?
POTUS BARACK OBAMA: Et la réponse est un grand oui.
[Bruce Springsteen gratte les cordes d'une guitare]
BRUCE SPRINGSTEEN: Donc, j'ai écrit cette chanson en 1982 ou 1981, peut-être. Elle s'appelle Atlantic City.
[Bruce Springsteen gratte sa guitare]
BRUCE SPRINGSTEEN: [Il chante] Ils ont fait sauté Chiken Man la nuit dernière à Philly... Ils ont aussi fait sauter sa maison... Sur la promenade ils se préparent au combat... On va voir ce que ces racketteurs sont capables de faire... Aujourd'hui, il y a des gangs qui arrivent d'autres États...
BRUCE SPRINGSTEEN: Au début... Pendant les années 80, il y a une peur qui flotte dans l'air.
POTUS BARACK OBAMA: Oui.
[Bruce Springsteen joue Atlantic City en fond]
BRUCE SPRINGSTEEN: Vraiment. On peut peut-être remonter l'origine à la fin de la Guerre du Vietnam, et... Mais il y a une peur qui flotte dans l'air et dans l'idée du Rêve Américain, une peur qui n'existait pas avant. J'ai écrit un album très particulier au début des années 80, dont le titre est Nebraska
POTUS BARACK OBAMA: Oui, magnifique.
BRUCE SPRINGSTEEN: C'était un disque très intime qui traitait de tous ces sujets de l'époque, tu vois ? Même si je n'en étais pas si conscient. En fait, je me contente de suivre ce que je sens flotter dans l'air.
POTUS BARACK OBAMA: D'accord.
[Bruce Springsteen joue de l'harmonica]
BRUCE SPRINGSTEEN: [Il chante] J'avais un boulot et j'ai essayé de mettre mon argent de côté... Mais j'avais des dettes qu'aucun honnête homme ne pouvait rembourser... Alors, j'ai retiré ce que j'avais à la Central Trust... Et je nous ai acheté deux billets pour ce bus de la Côte... Tout meurt...
BRUCE SPRINGSTEEN: Combiné à la vie de mon père, de mon expérience à Freehold, où j'ai vu ce qui se passe lorsqu'il y a des problèmes avec les syndicats, que l'usine est délocalisée dans le Sud en un clin d’œil, avec tous les employés se retrouvant sans emploi, et le prix que...
[Bruce Springsteen joue Atlantic City en fond]
...Et le prix qui était payé par les familles en ville et par la mienne, m'a donné matière à écrire. Et vraiment, comme je l'ai dit, je n'écrivais pas avec l'idée en tête d'établir un constat social ou avec une sorte de conscience. Je racontais juste les histoires qui m'inspiraient à cette époque-là. Tu comprends ?
POTUS BARACK OBAMA: Oui.
BRUCE SPRINGSTEEN: [Il chante] Nous allons là où le sable se transforme en or... Alors, mets tes bas ma chérie, car la nuit devient fraîche... Et tout meurt ma chérie, c'est une évidence... Mais peut-être que tout ce qui meurt un jour revient...
[Bruce Springsteen joue Atlantic City et la musique s'estompe]
[PAUSE]
****
[Un piano joue]
POTUS BARACK OBAMA: C'est un point que nous avons en commun : nous avons démarré, tous les deux, sans beaucoup penser à l'argent. Avec en tête, dans ton cas, la musique et l'art, et, moi, délibérément, je me suis dis que je ne m'engagerais pas sur ce chemin-là.
BRUCE SPRINGSTEEN: C'est un choix important que tu as fait, étant donné les études que tu as faites, et compte tenu des chances qui se présentaient à toi.
POTUS BARACK OBAMA: Exactement.
BRUCE SPRINGSTEEN: Comment en es-tu arrivé à faire ce choix ?
POTUS BARACK OBAMA: Tu sais... Je pense que c'est en partie parce que ma mère était libre-penseuse.
BRUCE SPRINGSTEEN: Oh, oui, oui, d'accord.
POTUS BARACK OBAMA: Elle a eu un parcours sinueux, elle est devenue anthropologue.
BRUCE SPRINGSTEEN: D'accord.
POTUS BARACK OBAMA: Elle s'est investie dans le développement rural. Pour commencer, elle n'était pas pragmatique, mais plutôt romantique. Et je suis certain qu'elle avait... qu'elle a glissé ce trait de caractère en moi. Mais c'était aussi en partie lié au constat que le Rêve Américain n'avait jamais été pleinement accessible aux noirs. Lorsque je pensais aux filières qui s'offraient à moi...
BRUCE SPRINGSTEEN: Mhmm.
POTUS BARACK OBAMA: ...je ne me disais pas, « Mec, je veux être Jay Rockfeller ».
BRUCE SPRINGSTEEN: D'accord.
POTUS BARACK OBAMA: Je me disais, « Regardez John Lewis ».
BRUCE SPRINGSTEEN: D'accord.
POTUS BARACK OBAMA: « Regardez Dr. (Martin Luther) King. Regardez ces individus qui se démènent pour améliorer le monde et faire en sorte d'offrir des opportunités aux autres ». J'avais donc le besoin de connaitre celui que j'étais en tant que...
BRUCE SPRINGSTEEN: D'accord.
POTUS BARACK OBAMA: ...noir Américain. Ce chemin s'imposait à moi. Mon salut se trouvait là.
BRUCE SPRINGSTEEN: « Salut » est un mot intéressant.
POTUS BARACK OBAMA: Oui.
BRUCE SPRINGSTEEN: Parce qu'il transforme tes actes en un exercice rédempteur.
POTUS BARACK OBAMA: Exactement. Et dans mon cas, c'est de ça qu'il s'agissait.
BRUCE SPRINGSTEEN: Oui.
POTUS BARACK OBAMA: Je me retrouve à Chicago à travailler avec des personnes qui traversent de grandes difficultés, et qui essayent, de façon très concrète, de réfléchir à la manière dont ils vont s'y prendre : comment vais-je trouver un travail, et comment vais-je trouver un travail pour mes enfants ? Comment vais-je faire pour envoyer mes enfants à l'université, ou qu'ils trouvent au moins un métier ? Qu'arrive-t-il à la valeur de ma maison ? Ils traversent ces épreuves-là et je le vois de façon concrète. Ce qui devient rédempteur pour moi, parce que mon histoire fusionne avec leurs histoires.
BRUCE SPRINGSTEEN: D'accord.
POTUS BARACK OBAMA: Et avec l'histoire, au sens large, de l'Amérique. Et si je peux arriver à aider cette communauté à laquelle je deviens un membre, et au sein de laquelle ma femme, ma future femme a grandi...
BRUCE SPRINGSTEEN: Mhmm.
POTUS BARACK OBAMA: ...alors je peux peut-être aussi apporter la rédemption à un morceau d'Amérique, et y trouver ma place. Ce qui devient mon approche.
BRUCE SPRINGSTEEN: Il s'agissait fondamentalement de mes propres motivations. Et se pose une question plus profonde, qui est de savoir quelle en est l'origine, parce que c'est forcément une réaction à quelque chose.
POTUS BARACK OBAMA: Nous essayons de comprendre : comment trouver l'harmonie en soi, comment faire en sorte que le monde, autour de nous, soit en harmonie...
BRUCE SPRINGSTEEN: Oui.
POTUS BARACK OBAMA: L'harmonie, tu es d'accord ?
BRUCE SPRINGSTEEN: Bien dit.
[Une guitare électrique joue]
POTUS BARACK OBAMA: Mais ce qui est intéressant, c'est que, Michelle, en partie parce qu'elle était très lucide sur la personne qu'elle était - avec des parents aimants, un sens de la famille, de la communauté – elle n'éprouvait pas ce besoin de rédemption. Elle se disait simplement, « J'ai juste besoin d'argent ».
BRUCE SPRINGSTEEN: [rires]
POTUS BARACK OBAMA: Donc, lorsque je l'ai rencontré... Lorsque je l'ai rencontré, elle conduisait une Saab.
BRUCE SPRINGSTEEN: Mhmm.
POTUS BARACK OBAMA: Et elle venait de rejoindre un club d'œnologie.
BRUCE SPRINGSTEEN: D'accord.
POTUS BARACK OBAMA: Tu sais, de son point de vue de départ, elle joue le jeu de la promotion sociale.
BRUCE SPRINGSTEEN: Mhmm.
POTUS BARACK OBAMA: Et je me souviens de la première fois où elle m'invite à une soirée avec ses amis, et ce sont déjà de jeunes exerçant tous des professions libérales. Moi, je suis le marginal, tu vois, parce qu'à cette époque-là, je...
BRUCE SPRINGSTEEN: Mhmm.
POTUS BARACK OBAMA: Je prenais le contre-pied, et je me dirigeais dans la direction opposée.
BRUCE SPRINGSTEEN: Oui !
POTUS BARACK OBAMA: J'étais... J'avais...
BRUCE SPRINGSTEEN: Tu as refusé [rires]
POTUS BARACK OBAMA: J'avais trois tee-shirts. J'avais une assiette. Et j'habitais dans des appartements miteux.
BRUCE SPRINGSTEEN: [rires]
POTUS BARACK OBAMA: Et tous mes meubles venaient de la rue, tu sais, de la récupération.
BRUCE SPRINGSTEEN: Mhmm.
POTUS BARACK OBAMA: Je savais qu'il existait une tentation à portée de main. Mais si je cherchais à accumuler certaines choses matérielles...
BRUCE SPRINGSTEEN: Mhmm.
POTUS BARACK OBAMA: ...ce serait comme la roue du hamster dans laquelle tu ne peux pas descendre.
BRUCE SPRINGSTEEN: D'accord.
POTUS BARACK OBAMA: Je suis donc entouré de tous ces jeunes cadres. Ils ressemblent tous à Richard Gere dans American Gigolo
BRUCE SPRINGSTEEN: C'était le look de l'époque ! [rires]
POTUS BARACK OBAMA: Et ah... Et j'arrive, et je suis comme... J'avais une veste de sport qui n'était pas à ma taille.
BRUCE SPRINGSTEEN: [rires]
POTUS BARACK OBAMA: Une veste que j'avais acheté dans un magasin de fringues d'occasion. Ironiquement, je pense sincèrement que c'était une partie de ma force en tant que politicien. Les citoyens ont pu sentir ce que Michelle et moi avions traversé, ce que c'était que d'avoir des prêts étudiants à rembourser, ce que c'était que d'être à découvert, ce que c'était que d'avoir à dire non à certaines choses. Et ce n'était pas une apparence, tu comprends ?
BRUCE SPRINGSTEEN: Oui.
POTUS BARACK OBAMA: Je suis curieux de savoir comment tu as géré les questions d'argent. Tu as commencé uniquement pour la musique, mais...
BRUCE SPRINGSTEEN: J'ai géré ça de façon vraiment, vraiment simplement. Au début... [rires]
POTUS BARACK OBAMA: Mais quand tu arrives à l'âge de 27, 28, 30 ans, il arrive un moment où...
BRUCE SPRINGSTEEN: J'avais 30 ans.
POTUS BARACK OBAMA: Quel est le moment où tu te dis soudain, « Merde, je suis riche ».
BRUCE SPRINGSTEEN: 30 ans... Je dirais 32, 33. Ce qui est arrivé, c'est que j'avais signé des contrats discographiques si foireux que dix ans après mon premier enregistrement, j'étais... complètement fauché, tu vois [rires]
Je te donne un exemple. On était en 1972, et je n'avais pas un sou en poche. Mon manager m'avait promis que si je venais à New York, il pourrait me donner 35 dollars. Alors, je me dis, « J'y vais ». Je fouille dans mes tiroirs, je récupère toutes les petites pièces, je rassemble la somme exacte dont j'aurai besoin pour aller à New York... Juste assez. Ma copine me prête sa voiture, c'est une transmission avec les boutons pour les changements de vitesse. J'arrive au péage du Lincoln Tunnel. Le prix était de 1 dollar et j'avais cent pièces d'un penny (12). Je donne toutes mes pièces, et la dame me dit, « Je ne peux pas accepter ces petites pièces ». Il y avait une pancarte qui disait : « Nous ne prenons pas les pennies ». J'ai insisté, « Madame, c'est tout l'argent que j'ai, je n'ai pas assez d'essence pour rentrer chez moi. Il faut absolument que j'aille à New York, alors on va compter tous les pennies ». Alors, elle les recompte minutieusement, et finalement, elle me dit, « Vous ne pouvez pas passer, il y a un penny canadien ». Je me suis dit qu'il n'y avait pas une seule voiture au monde où on ne trouverait pas une petite pièce, quelque part, sous un siège. Je suis donc sorti de cette bagnole, tout le monde klaxonnait derrière, je l'ai passé au peigne fin, et j'ai trouvé un penny. J'ai finalement pris le tunnel et je suis entré dans New York. Mais j'ai appris une bonne leçon : en Amérique, 99 cents ne te permettent pas d'aller là où tu veux. Il te faut le dollar, mon ami.
POTUS BARACK OBAMA: Tu n'as pas couvert d'insultes cette dame ?
BRUCE SPRINGSTEEN: Non, non. je devais juste trouver ce penny manquant. Je ne sais pas ce qui ce serait passé, d'ailleurs...
Et donc, quand j'ai atteint la trentaine, plusieurs choses sont arrivées. La première : l'industrie des concerts a commencé à devenir très...
POTUS BARACK OBAMA: Lucrative.
BRUCE SPRINGSTEEN: ...lucrative. Nous faisions beaucoup de concerts, et j'avais finalement remboursé la plupart de mes dettes liées à mes erreurs stupides. Et puis tout à coup, je suis rentré chez moi un jour et je me suis dit, « Je suis riche ! » - au milieu d'une tournée. J'avais 20,000 dollars sur mon compte en banque, dix ans après avoir signé mon premier contrat discographique. Puis je suis rentré chez moi à la fin de la tournée, avec encore beaucoup plus d'argent que ça et je me suis dit, « Oh mon Dieu. Selon moi, je suis riche ». Seconde pensée, « Je me déteste ! »
ENSEMBLE: [rires]
BRUCE SPRINGSTEEN: Parce que maintenant, je suis piégé ! Tu sais, avant ça... Je suis là, et... Mon premier luxe a été le luxe d'ignorer l'argent que j'avais.
[La guitare électrique joue]
Et je me souviens que j'ai acheté une seule nouvelle chose. J'ai acheté une Chevrolet Camaro neuve à 10,000 dollars. A chaque fois que je montais dedans, j'avais l'impression de conduire une Rolls Royce plaquée or, et j'avais honte.
POTUS BARACK OBAMA: Tu ne te sentais pas bien de l'avoir achetée.
BRUCE SPRINGSTEEN: Non.
POTUS BARACK OBAMA: Tu te sentais mal à l'aise.
BRUCE SPRINGSTEEN: Très mal à l'aise.
[La guitare électrique joue en fond]
POTUS BARACK OBAMA: En fait, c'est contraire à ta façon de faire.
BRUCE SPRINGSTEEN: Oui.
POTUS BARACK OBAMA: L'autre chose, c'est que c'est en contradiction avec ton image, vis à vis de ce que tu considères comme ton public et tes thématiques.
[La guitare s'estompe]
BRUCE SPRINGSTEEN: Oui ! Par rapport à celui que je suis, tu vois ? Je ne veux donc pas m'en contenter. Je veux ce sentiment de plénitude, cette harmonie dont tu parlais.
POTUS BARACK OBAMA: Mhmm.
BRUCE SPRINGSTEEN: C'est ce que je recherche.
POTUS BARACK OBAMA: D'accord.
BRUCE SPRINGSTEEN: Tu vois ?
POTUS BARACK OBAMA: La rédemption.
BRUCE SPRINGSTEEN: Correct [rires]
POTUS BARACK OBAMA: Le salut.
BRUCE SPRINGSTEEN: J'étais donc très... J'ai fait preuve d'un certain scepticisme quand ma condition dans la société a changé.
POTUS BARACK OBAMA: D'accord.
BRUCE SPRINGSTEEN: Tu vois ? Et...
POTUS BARACK OBAMA: Alors même que l'atmosphère générale s'était accélérée, non ? Pendant les années 80, et au début des années 90.
BRUCE SPRINGSTEEN: Boom ! Boom ! Boom ! Boom !
POTUS BARACK OBAMA: Non seulement tu gagnes de plus en plus d'argent, mais les tentations pour dépenser ton argent deviennent de plus en plus fortes. Et tes pairs, qui sont dans la même stratosphère musicale que toi, ne se sont pas tous autant maîtrisés, en ce qui concerne leur façon de dépenser leur argent.
BRUCE SPRINGSTEEN: Ahhh... Chacun a une attitude différente en la matière. Et je ne tiens vraiment à juger personne, tout ce que je sais, c'est que...
POTUS BARACK OBAMA: Je m'interroge tout simplement, je sais, je sais, je ne dis pas que tu juges qui que ce soit.
BRUCE SPRINGSTEEN: Oui.
POTUS BARACK OBAMA: Je dis juste que durant cette période, tu te dis peut-être...
BRUCE SPRINGSTEEN: Comment je gère ?
POTUS BARACK OBAMA: « Pourquoi je n'achète pas un immense manoir ? »
BRUCE SPRINGSTEEN: J'y pense, et je n'ai pas la réponse, ce qui est devenu un problème. Parce que j'étais arrivé à un point où je me disais, « Je veux une maison ».
POTUS BARACK OBAMA: Mhmm.
BRUCE SPRINGSTEEN: « Avoir une maison participe de cette plénitude ».
POTUS BARACK OBAMA: D'accord.
BRUCE SPRINGSTEEN: « Je n'en trouve pas. Je n'arrive pas à en trouver une. Je ne peux pas en acheter une ». Et je me suis rendu compte, « Oh, j'ai compris. J'ai compris. J'ai compris. Je ne peux pas en acheter une parce que je ne la mérite pas... ». Et la voiture... Pourquoi je me sens mal à l'aise dans ma voiture ? « Je ne la mérite pas ». Pourquoi n'ai-je pas une compagne, une vie de famille, des enfants et des satisfactions personnelles ? « Et bien, je ne mérite rien de tout ça ».
Quand j'ai enfin commencé à gagner de l'argent, j'ai été obligé de m'interroger sur la personne que j'étais. Je me souviens m'être senti déraciné et dissocié, apeuré à l'idée de perdre celui que j'étais, de me couper des origines auxquelles j'étais attaché. Mes valeurs fondamentales. Et je me suis dit, « Ma foi, je pourrais invoquer les libertés individuelles, le droit d'agir à ma guise et en faire un mode de vie, mais je ne crois pas que ce soit ce qui compte vraiment ». Je pense que ce qui compte, c'est d'être au sein de la communauté. Ce qui m'intéresse, c'est : 1. Faire partie de cette communauté, ce qui est pour moi très difficile à faire. 2. Comprendre la structure sociale qui exerce un impact sur la vie des gens. 3. Écrire sur cette existence et la décrire avec authenticité, uniquement parce que, dans le fond, je pense que c'est ce que je suis encore.
J'ai donc été amené à me demander ce que nous nous devions les uns les autres. En fin de compte, si tu vois l'Amérique comme cette communauté bien-aimée, alors tu dois quelque chose à tes voisins et ils te doivent quelque chose. Reconnaissons-nous les uns les autres pour ceux que nous sommes. Voyons-nous tel que nous sommes. Continuons collectivement à bâtir un pays dont tous les citoyens bénéficieront des bienfaits. J'ai profité de mon succès comme n'importe qui. Mais j'ai considéré que je ne devais pas renoncer à ces idées, à ces valeurs.
Je suis resté physiquement, émotionnellement, mentalement, spirituellement un membre de la communauté au sein de laquelle j'étais issu. C'était très important pour moi. Je suis resté dans le New Jersey. Je traînais dans les mêmes bars, lorsque je le pouvais, je jouais dans les mêmes bars les week-ends. J'avais le même groupe d'amis, et probablement que j'ai poussé les choses à l'extrême. Mais en regardant dans le rétroviseur, j'ai préféré pousser ces choses-là à l’extrême, plutôt que de leur tourner le dos. Je m'intéressais à l'histoire que je voulais raconter, et je sais que cette histoire-là, et la personne que je suis, sont inextricablement connectés à la communauté, aux personnes et à l'endroit d'où je viens.
POTUS BARACK OBAMA: D'accord.
BRUCE SPRINGSTEEN: Et si je coupe ce lien...
POTUS BARACK OBAMA: D'accord.
BRUCE SPRINGSTEEN: ...je perds quelque chose, et je perds quelque chose d'essentiel. Je reste donc sceptique, j'avance très, très prudemment, un petit pas après l'autre, jusqu'à - je m'en souviens – jusqu'à acheter une maison dans la communauté la plus exclusive de ce petit bout du New Jersey.
POTUS BARACK OBAMA: [rires]
BRUCE SPRINGSTEEN: Et je culpabilise.
ENSEMBLE: [rires]
POTUS BARACK OBAMA: D'accord.
BRUCE SPRINGSTEEN: Ok ? La première nuit où je dors dans cette maison, je me dis, « Bordel, qu'est-ce qu'il se passe !? J'ai perdu la tête, putain ?! »
POTUS BARACK OBAMA: [rires]
BRUCE SPRINGSTEEN: « Est-ce que je suis devenu fou !? Qu'est-ce que je fais ici !? » Mais ce que j'ai réalisé, avec le recul, c'était que, si tu passais en voiture devant la maison, tu voyais une belle pelouse, une belle maison, haut de gamme.
POTUS BARACK OBAMA: D'accord. Mais ce n'est pas le Château Hearst (13).
BRUCE SPRINGSTEEN: Non ! Ce n'est pas le cas. Et donc... Et j'ai réalisé qu'il s'agissait d'une grande maison, mais qu'est-ce que j'espérais faire ? La remplir. C'est la raison pour laquelle je l'ai achetée. Je l'avais achetée pour la remplir.
[Un synthétiseur joue]
POTUS BARACK OBAMA: D'accord.
BRUCE SPRINGSTEEN: Pour ressentir cette plénitude que je cherchais.
POTUS BARACK OBAMA: D'accord.
BRUCE SPRINGSTEEN: Nous y avons élevé nos enfants dedans pendant 30 ans.
[Le synthétiseur joue en fond]
POTUS BARACK OBAMA: C'est un point que nous avons en commun : nous avons démarré, tous les deux, sans beaucoup penser à l'argent. Avec en tête, dans ton cas, la musique et l'art, et, moi, délibérément, je me suis dis que je ne m'engagerais pas sur ce chemin-là.
BRUCE SPRINGSTEEN: C'est un choix important que tu as fait, étant donné les études que tu as faites, et compte tenu des chances qui se présentaient à toi.
POTUS BARACK OBAMA: Exactement.
BRUCE SPRINGSTEEN: Comment en es-tu arrivé à faire ce choix ?
POTUS BARACK OBAMA: Tu sais... Je pense que c'est en partie parce que ma mère était libre-penseuse.
BRUCE SPRINGSTEEN: Oh, oui, oui, d'accord.
POTUS BARACK OBAMA: Elle a eu un parcours sinueux, elle est devenue anthropologue.
BRUCE SPRINGSTEEN: D'accord.
POTUS BARACK OBAMA: Elle s'est investie dans le développement rural. Pour commencer, elle n'était pas pragmatique, mais plutôt romantique. Et je suis certain qu'elle avait... qu'elle a glissé ce trait de caractère en moi. Mais c'était aussi en partie lié au constat que le Rêve Américain n'avait jamais été pleinement accessible aux noirs. Lorsque je pensais aux filières qui s'offraient à moi...
BRUCE SPRINGSTEEN: Mhmm.
POTUS BARACK OBAMA: ...je ne me disais pas, « Mec, je veux être Jay Rockfeller ».
BRUCE SPRINGSTEEN: D'accord.
POTUS BARACK OBAMA: Je me disais, « Regardez John Lewis ».
BRUCE SPRINGSTEEN: D'accord.
POTUS BARACK OBAMA: « Regardez Dr. (Martin Luther) King. Regardez ces individus qui se démènent pour améliorer le monde et faire en sorte d'offrir des opportunités aux autres ». J'avais donc le besoin de connaitre celui que j'étais en tant que...
BRUCE SPRINGSTEEN: D'accord.
POTUS BARACK OBAMA: ...noir Américain. Ce chemin s'imposait à moi. Mon salut se trouvait là.
BRUCE SPRINGSTEEN: « Salut » est un mot intéressant.
POTUS BARACK OBAMA: Oui.
BRUCE SPRINGSTEEN: Parce qu'il transforme tes actes en un exercice rédempteur.
POTUS BARACK OBAMA: Exactement. Et dans mon cas, c'est de ça qu'il s'agissait.
BRUCE SPRINGSTEEN: Oui.
POTUS BARACK OBAMA: Je me retrouve à Chicago à travailler avec des personnes qui traversent de grandes difficultés, et qui essayent, de façon très concrète, de réfléchir à la manière dont ils vont s'y prendre : comment vais-je trouver un travail, et comment vais-je trouver un travail pour mes enfants ? Comment vais-je faire pour envoyer mes enfants à l'université, ou qu'ils trouvent au moins un métier ? Qu'arrive-t-il à la valeur de ma maison ? Ils traversent ces épreuves-là et je le vois de façon concrète. Ce qui devient rédempteur pour moi, parce que mon histoire fusionne avec leurs histoires.
BRUCE SPRINGSTEEN: D'accord.
POTUS BARACK OBAMA: Et avec l'histoire, au sens large, de l'Amérique. Et si je peux arriver à aider cette communauté à laquelle je deviens un membre, et au sein de laquelle ma femme, ma future femme a grandi...
BRUCE SPRINGSTEEN: Mhmm.
POTUS BARACK OBAMA: ...alors je peux peut-être aussi apporter la rédemption à un morceau d'Amérique, et y trouver ma place. Ce qui devient mon approche.
BRUCE SPRINGSTEEN: Il s'agissait fondamentalement de mes propres motivations. Et se pose une question plus profonde, qui est de savoir quelle en est l'origine, parce que c'est forcément une réaction à quelque chose.
POTUS BARACK OBAMA: Nous essayons de comprendre : comment trouver l'harmonie en soi, comment faire en sorte que le monde, autour de nous, soit en harmonie...
BRUCE SPRINGSTEEN: Oui.
POTUS BARACK OBAMA: L'harmonie, tu es d'accord ?
BRUCE SPRINGSTEEN: Bien dit.
[Une guitare électrique joue]
POTUS BARACK OBAMA: Mais ce qui est intéressant, c'est que, Michelle, en partie parce qu'elle était très lucide sur la personne qu'elle était - avec des parents aimants, un sens de la famille, de la communauté – elle n'éprouvait pas ce besoin de rédemption. Elle se disait simplement, « J'ai juste besoin d'argent ».
BRUCE SPRINGSTEEN: [rires]
POTUS BARACK OBAMA: Donc, lorsque je l'ai rencontré... Lorsque je l'ai rencontré, elle conduisait une Saab.
BRUCE SPRINGSTEEN: Mhmm.
POTUS BARACK OBAMA: Et elle venait de rejoindre un club d'œnologie.
BRUCE SPRINGSTEEN: D'accord.
POTUS BARACK OBAMA: Tu sais, de son point de vue de départ, elle joue le jeu de la promotion sociale.
BRUCE SPRINGSTEEN: Mhmm.
POTUS BARACK OBAMA: Et je me souviens de la première fois où elle m'invite à une soirée avec ses amis, et ce sont déjà de jeunes exerçant tous des professions libérales. Moi, je suis le marginal, tu vois, parce qu'à cette époque-là, je...
BRUCE SPRINGSTEEN: Mhmm.
POTUS BARACK OBAMA: Je prenais le contre-pied, et je me dirigeais dans la direction opposée.
BRUCE SPRINGSTEEN: Oui !
POTUS BARACK OBAMA: J'étais... J'avais...
BRUCE SPRINGSTEEN: Tu as refusé [rires]
POTUS BARACK OBAMA: J'avais trois tee-shirts. J'avais une assiette. Et j'habitais dans des appartements miteux.
BRUCE SPRINGSTEEN: [rires]
POTUS BARACK OBAMA: Et tous mes meubles venaient de la rue, tu sais, de la récupération.
BRUCE SPRINGSTEEN: Mhmm.
POTUS BARACK OBAMA: Je savais qu'il existait une tentation à portée de main. Mais si je cherchais à accumuler certaines choses matérielles...
BRUCE SPRINGSTEEN: Mhmm.
POTUS BARACK OBAMA: ...ce serait comme la roue du hamster dans laquelle tu ne peux pas descendre.
BRUCE SPRINGSTEEN: D'accord.
POTUS BARACK OBAMA: Je suis donc entouré de tous ces jeunes cadres. Ils ressemblent tous à Richard Gere dans American Gigolo
BRUCE SPRINGSTEEN: C'était le look de l'époque ! [rires]
POTUS BARACK OBAMA: Et ah... Et j'arrive, et je suis comme... J'avais une veste de sport qui n'était pas à ma taille.
BRUCE SPRINGSTEEN: [rires]
POTUS BARACK OBAMA: Une veste que j'avais acheté dans un magasin de fringues d'occasion. Ironiquement, je pense sincèrement que c'était une partie de ma force en tant que politicien. Les citoyens ont pu sentir ce que Michelle et moi avions traversé, ce que c'était que d'avoir des prêts étudiants à rembourser, ce que c'était que d'être à découvert, ce que c'était que d'avoir à dire non à certaines choses. Et ce n'était pas une apparence, tu comprends ?
BRUCE SPRINGSTEEN: Oui.
POTUS BARACK OBAMA: Je suis curieux de savoir comment tu as géré les questions d'argent. Tu as commencé uniquement pour la musique, mais...
BRUCE SPRINGSTEEN: J'ai géré ça de façon vraiment, vraiment simplement. Au début... [rires]
POTUS BARACK OBAMA: Mais quand tu arrives à l'âge de 27, 28, 30 ans, il arrive un moment où...
BRUCE SPRINGSTEEN: J'avais 30 ans.
POTUS BARACK OBAMA: Quel est le moment où tu te dis soudain, « Merde, je suis riche ».
BRUCE SPRINGSTEEN: 30 ans... Je dirais 32, 33. Ce qui est arrivé, c'est que j'avais signé des contrats discographiques si foireux que dix ans après mon premier enregistrement, j'étais... complètement fauché, tu vois [rires]
Je te donne un exemple. On était en 1972, et je n'avais pas un sou en poche. Mon manager m'avait promis que si je venais à New York, il pourrait me donner 35 dollars. Alors, je me dis, « J'y vais ». Je fouille dans mes tiroirs, je récupère toutes les petites pièces, je rassemble la somme exacte dont j'aurai besoin pour aller à New York... Juste assez. Ma copine me prête sa voiture, c'est une transmission avec les boutons pour les changements de vitesse. J'arrive au péage du Lincoln Tunnel. Le prix était de 1 dollar et j'avais cent pièces d'un penny (12). Je donne toutes mes pièces, et la dame me dit, « Je ne peux pas accepter ces petites pièces ». Il y avait une pancarte qui disait : « Nous ne prenons pas les pennies ». J'ai insisté, « Madame, c'est tout l'argent que j'ai, je n'ai pas assez d'essence pour rentrer chez moi. Il faut absolument que j'aille à New York, alors on va compter tous les pennies ». Alors, elle les recompte minutieusement, et finalement, elle me dit, « Vous ne pouvez pas passer, il y a un penny canadien ». Je me suis dit qu'il n'y avait pas une seule voiture au monde où on ne trouverait pas une petite pièce, quelque part, sous un siège. Je suis donc sorti de cette bagnole, tout le monde klaxonnait derrière, je l'ai passé au peigne fin, et j'ai trouvé un penny. J'ai finalement pris le tunnel et je suis entré dans New York. Mais j'ai appris une bonne leçon : en Amérique, 99 cents ne te permettent pas d'aller là où tu veux. Il te faut le dollar, mon ami.
POTUS BARACK OBAMA: Tu n'as pas couvert d'insultes cette dame ?
BRUCE SPRINGSTEEN: Non, non. je devais juste trouver ce penny manquant. Je ne sais pas ce qui ce serait passé, d'ailleurs...
Et donc, quand j'ai atteint la trentaine, plusieurs choses sont arrivées. La première : l'industrie des concerts a commencé à devenir très...
POTUS BARACK OBAMA: Lucrative.
BRUCE SPRINGSTEEN: ...lucrative. Nous faisions beaucoup de concerts, et j'avais finalement remboursé la plupart de mes dettes liées à mes erreurs stupides. Et puis tout à coup, je suis rentré chez moi un jour et je me suis dit, « Je suis riche ! » - au milieu d'une tournée. J'avais 20,000 dollars sur mon compte en banque, dix ans après avoir signé mon premier contrat discographique. Puis je suis rentré chez moi à la fin de la tournée, avec encore beaucoup plus d'argent que ça et je me suis dit, « Oh mon Dieu. Selon moi, je suis riche ». Seconde pensée, « Je me déteste ! »
ENSEMBLE: [rires]
BRUCE SPRINGSTEEN: Parce que maintenant, je suis piégé ! Tu sais, avant ça... Je suis là, et... Mon premier luxe a été le luxe d'ignorer l'argent que j'avais.
[La guitare électrique joue]
Et je me souviens que j'ai acheté une seule nouvelle chose. J'ai acheté une Chevrolet Camaro neuve à 10,000 dollars. A chaque fois que je montais dedans, j'avais l'impression de conduire une Rolls Royce plaquée or, et j'avais honte.
POTUS BARACK OBAMA: Tu ne te sentais pas bien de l'avoir achetée.
BRUCE SPRINGSTEEN: Non.
POTUS BARACK OBAMA: Tu te sentais mal à l'aise.
BRUCE SPRINGSTEEN: Très mal à l'aise.
[La guitare électrique joue en fond]
POTUS BARACK OBAMA: En fait, c'est contraire à ta façon de faire.
BRUCE SPRINGSTEEN: Oui.
POTUS BARACK OBAMA: L'autre chose, c'est que c'est en contradiction avec ton image, vis à vis de ce que tu considères comme ton public et tes thématiques.
[La guitare s'estompe]
BRUCE SPRINGSTEEN: Oui ! Par rapport à celui que je suis, tu vois ? Je ne veux donc pas m'en contenter. Je veux ce sentiment de plénitude, cette harmonie dont tu parlais.
POTUS BARACK OBAMA: Mhmm.
BRUCE SPRINGSTEEN: C'est ce que je recherche.
POTUS BARACK OBAMA: D'accord.
BRUCE SPRINGSTEEN: Tu vois ?
POTUS BARACK OBAMA: La rédemption.
BRUCE SPRINGSTEEN: Correct [rires]
POTUS BARACK OBAMA: Le salut.
BRUCE SPRINGSTEEN: J'étais donc très... J'ai fait preuve d'un certain scepticisme quand ma condition dans la société a changé.
POTUS BARACK OBAMA: D'accord.
BRUCE SPRINGSTEEN: Tu vois ? Et...
POTUS BARACK OBAMA: Alors même que l'atmosphère générale s'était accélérée, non ? Pendant les années 80, et au début des années 90.
BRUCE SPRINGSTEEN: Boom ! Boom ! Boom ! Boom !
POTUS BARACK OBAMA: Non seulement tu gagnes de plus en plus d'argent, mais les tentations pour dépenser ton argent deviennent de plus en plus fortes. Et tes pairs, qui sont dans la même stratosphère musicale que toi, ne se sont pas tous autant maîtrisés, en ce qui concerne leur façon de dépenser leur argent.
BRUCE SPRINGSTEEN: Ahhh... Chacun a une attitude différente en la matière. Et je ne tiens vraiment à juger personne, tout ce que je sais, c'est que...
POTUS BARACK OBAMA: Je m'interroge tout simplement, je sais, je sais, je ne dis pas que tu juges qui que ce soit.
BRUCE SPRINGSTEEN: Oui.
POTUS BARACK OBAMA: Je dis juste que durant cette période, tu te dis peut-être...
BRUCE SPRINGSTEEN: Comment je gère ?
POTUS BARACK OBAMA: « Pourquoi je n'achète pas un immense manoir ? »
BRUCE SPRINGSTEEN: J'y pense, et je n'ai pas la réponse, ce qui est devenu un problème. Parce que j'étais arrivé à un point où je me disais, « Je veux une maison ».
POTUS BARACK OBAMA: Mhmm.
BRUCE SPRINGSTEEN: « Avoir une maison participe de cette plénitude ».
POTUS BARACK OBAMA: D'accord.
BRUCE SPRINGSTEEN: « Je n'en trouve pas. Je n'arrive pas à en trouver une. Je ne peux pas en acheter une ». Et je me suis rendu compte, « Oh, j'ai compris. J'ai compris. J'ai compris. Je ne peux pas en acheter une parce que je ne la mérite pas... ». Et la voiture... Pourquoi je me sens mal à l'aise dans ma voiture ? « Je ne la mérite pas ». Pourquoi n'ai-je pas une compagne, une vie de famille, des enfants et des satisfactions personnelles ? « Et bien, je ne mérite rien de tout ça ».
Quand j'ai enfin commencé à gagner de l'argent, j'ai été obligé de m'interroger sur la personne que j'étais. Je me souviens m'être senti déraciné et dissocié, apeuré à l'idée de perdre celui que j'étais, de me couper des origines auxquelles j'étais attaché. Mes valeurs fondamentales. Et je me suis dit, « Ma foi, je pourrais invoquer les libertés individuelles, le droit d'agir à ma guise et en faire un mode de vie, mais je ne crois pas que ce soit ce qui compte vraiment ». Je pense que ce qui compte, c'est d'être au sein de la communauté. Ce qui m'intéresse, c'est : 1. Faire partie de cette communauté, ce qui est pour moi très difficile à faire. 2. Comprendre la structure sociale qui exerce un impact sur la vie des gens. 3. Écrire sur cette existence et la décrire avec authenticité, uniquement parce que, dans le fond, je pense que c'est ce que je suis encore.
J'ai donc été amené à me demander ce que nous nous devions les uns les autres. En fin de compte, si tu vois l'Amérique comme cette communauté bien-aimée, alors tu dois quelque chose à tes voisins et ils te doivent quelque chose. Reconnaissons-nous les uns les autres pour ceux que nous sommes. Voyons-nous tel que nous sommes. Continuons collectivement à bâtir un pays dont tous les citoyens bénéficieront des bienfaits. J'ai profité de mon succès comme n'importe qui. Mais j'ai considéré que je ne devais pas renoncer à ces idées, à ces valeurs.
Je suis resté physiquement, émotionnellement, mentalement, spirituellement un membre de la communauté au sein de laquelle j'étais issu. C'était très important pour moi. Je suis resté dans le New Jersey. Je traînais dans les mêmes bars, lorsque je le pouvais, je jouais dans les mêmes bars les week-ends. J'avais le même groupe d'amis, et probablement que j'ai poussé les choses à l'extrême. Mais en regardant dans le rétroviseur, j'ai préféré pousser ces choses-là à l’extrême, plutôt que de leur tourner le dos. Je m'intéressais à l'histoire que je voulais raconter, et je sais que cette histoire-là, et la personne que je suis, sont inextricablement connectés à la communauté, aux personnes et à l'endroit d'où je viens.
POTUS BARACK OBAMA: D'accord.
BRUCE SPRINGSTEEN: Et si je coupe ce lien...
POTUS BARACK OBAMA: D'accord.
BRUCE SPRINGSTEEN: ...je perds quelque chose, et je perds quelque chose d'essentiel. Je reste donc sceptique, j'avance très, très prudemment, un petit pas après l'autre, jusqu'à - je m'en souviens – jusqu'à acheter une maison dans la communauté la plus exclusive de ce petit bout du New Jersey.
POTUS BARACK OBAMA: [rires]
BRUCE SPRINGSTEEN: Et je culpabilise.
ENSEMBLE: [rires]
POTUS BARACK OBAMA: D'accord.
BRUCE SPRINGSTEEN: Ok ? La première nuit où je dors dans cette maison, je me dis, « Bordel, qu'est-ce qu'il se passe !? J'ai perdu la tête, putain ?! »
POTUS BARACK OBAMA: [rires]
BRUCE SPRINGSTEEN: « Est-ce que je suis devenu fou !? Qu'est-ce que je fais ici !? » Mais ce que j'ai réalisé, avec le recul, c'était que, si tu passais en voiture devant la maison, tu voyais une belle pelouse, une belle maison, haut de gamme.
POTUS BARACK OBAMA: D'accord. Mais ce n'est pas le Château Hearst (13).
BRUCE SPRINGSTEEN: Non ! Ce n'est pas le cas. Et donc... Et j'ai réalisé qu'il s'agissait d'une grande maison, mais qu'est-ce que j'espérais faire ? La remplir. C'est la raison pour laquelle je l'ai achetée. Je l'avais achetée pour la remplir.
[Un synthétiseur joue]
POTUS BARACK OBAMA: D'accord.
BRUCE SPRINGSTEEN: Pour ressentir cette plénitude que je cherchais.
POTUS BARACK OBAMA: D'accord.
BRUCE SPRINGSTEEN: Nous y avons élevé nos enfants dedans pendant 30 ans.
[Le synthétiseur joue en fond]
****
POTUS BARACK OBAMA: Tu sais Bruce, je sais que c'est vrai pour toi, et que c'est assurément vrai pour moi aussi. Dans cette culture, nous nous questionnons sans cesse... « Est-ce que je perds le contact ? Est-ce que je ne suis pas la proie de cette machine à consommer, dont on nous abreuve chaque jour ? », « Est-ce que j'oublie ce qui est important ? » Et il est nécessaire de parfois faire un pas de recul et réfléchir et peut-être avoir cette perspective.
[Le synthétiseur s'estompe]
Tu sais, l'année dernière, pour Noël, j'ai offert à Michelle... Nous étions à Hawaï et je lui ai offert un dîner sur la terrasse d'un hôtel qui surplombait Waikiki. Nous avions laissé les filles. Des amis avaient fait venir un trio Hawaïen.
BRUCE SPRINGSTEEN: Mhmm.
POTUS BARACK OBAMA: Il a joué quelques chansons.
BRUCE SPRINGSTEEN: Ok [rires]
POTUS BARACK OBAMA: Un diner à la lumière des flambeaux.
BRUCE SPRINGSTEEN: Impeccable [rires]
POTUS BARACK OBAMA: Le cadre était superbe. Nous avons regardé le soleil se coucher. J'étais assez satisfait de moi.
BRUCE SPRINGSTEEN: Oh, bien joué !
POTUS BARACK OBAMA: Le meilleur moment de la soirée a été au tout début, lorsque nous avons commencé à repenser à tous les lieux où nous avions séjourné à Hawaï, au cours de ces 20 dernières années.
BRUCE SPRINGSTEEN: Ohhh.
POTUS BARACK OBAMA: En commençant par le premier, à savoir le canapé de mes grands-parents sur lequel nous avions dormi.
BRUCE SPRINGSTEEN: [rires]
POTUS BARACK OBAMA: Puis le second, à savoir la chambre d'un motel, à 7 ou 8 kilomètres de la plage [rires] Et puis nous étions allés dans un hôtel, un vrai, avec piscine, à proximité immédiate de la plage. Enfin, nous étions allés au Sheraton, un grand hôtel. En l'espace de dix ans...
BRUCE SPRINGSTEEN: Tu y es presque ! [rires]
POTUS BARACK OBAMA: Et puis, il y avait un endroit, quand on avait les filles, où il y avait une chambre séparée, une sorte de "chambre junior", je crois que c'est comme ça qu'on les appelle.
BRUCE SPRINGSTEEN: Oui.
POTUS BARACK OBAMA: Pour que tu puisses fermer la porte, et laisser les enfants de leur côté, pour avoir un peu d'intimité...
BRUCE SPRINGSTEEN: Très sympa. Oui, très sympa ! [rires]
POTUS BARACK OBAMA: ...lorsque tu pars en vacances avec ton épouse.
POTUS BARACK OBAMA: Tu peux retracer l'évolution de ton statut économique à travers les années.
BRUCE SPRINGSTEEN: Ok.
POTUS BARACK OBAMA: A travers nos vacances. Michelle et moi avons pu nous rappeler chaque endroit où nous avons séjourné, mais le seul plaisir, c'était de se souvenir que nous étions tout aussi heureux dans chacun de ces lieux.
[La guitare acoustique joue en fond]
La constance, c'est notre temps passé ensemble, et le décor n'a jamais vraiment fait aucune différence.
BRUCE SPRINGSTEEN: Mhmm.
POTUS BARACK OBAMA: Au début, il y avait cette petite excitation, « Oh, regarde il y a des petits flacons de shampoings dans la salle de bains... »
BRUCE SPRINGSTEEN: [rires]
POTUS BARACK OBAMA: Puis, tu vas dans un hôtel où il y a un peignoir, tu sais, du style, « Mec, essaye ce peignoir ».
BRUCE SPRINGSTEEN: [rires] Un peignoir...
POTUS BARACK OBAMA: « C'est quelque chose ». Non ? Après cette euphorie du début, il s'agissait toujours du coucher du soleil qui comptait et de pouvoir nous tenir la main. Il s'agissait toujours du rire des filles, alors qu'elles se couraient après dans la sable. Il s'agissait des choses gratuites qui n'avaient rien à voir avec l'endroit où tu séjournais.
BRUCE SPRINGSTEEN: Ce sont les sources de joie.
POTUS BARACK OBAMA: C'était ce qui t'apportait le sentiment de plénitude.
BRUCE SPRINGSTEEN: Oui.
POTUS BARACK OBAMA: Et je pense que transmettre cet aspect-là dans nos prises de position politiques, dans nos histoires, dans nos chansons, et en nous remémorant ce sentiment de lien avec ce qui compte, qu'on en arrive au point où nous pouvons bâtir une union qui peut vraiment changer les choses. C'est possible uniquement si ceux qui sont au sommet de la pyramide admettent, « Hey, ce qui me rendrait heureux, c'est de vivre dans une société saine, équitable. Ce n'est pas la quantité de choses que je possède, ce n'est pas vivre protégé derrière une barrière. Je peux y renoncer et je me sentirai mieux. Si chaque enfant peut suivre une bonne scolarité, c'est mieux pour l'avenir de mes propres enfants »
[La guitare acoustique joue et s'estompe]
[PAUSE]
[Le synthétiseur s'estompe]
Tu sais, l'année dernière, pour Noël, j'ai offert à Michelle... Nous étions à Hawaï et je lui ai offert un dîner sur la terrasse d'un hôtel qui surplombait Waikiki. Nous avions laissé les filles. Des amis avaient fait venir un trio Hawaïen.
BRUCE SPRINGSTEEN: Mhmm.
POTUS BARACK OBAMA: Il a joué quelques chansons.
BRUCE SPRINGSTEEN: Ok [rires]
POTUS BARACK OBAMA: Un diner à la lumière des flambeaux.
BRUCE SPRINGSTEEN: Impeccable [rires]
POTUS BARACK OBAMA: Le cadre était superbe. Nous avons regardé le soleil se coucher. J'étais assez satisfait de moi.
BRUCE SPRINGSTEEN: Oh, bien joué !
POTUS BARACK OBAMA: Le meilleur moment de la soirée a été au tout début, lorsque nous avons commencé à repenser à tous les lieux où nous avions séjourné à Hawaï, au cours de ces 20 dernières années.
BRUCE SPRINGSTEEN: Ohhh.
POTUS BARACK OBAMA: En commençant par le premier, à savoir le canapé de mes grands-parents sur lequel nous avions dormi.
BRUCE SPRINGSTEEN: [rires]
POTUS BARACK OBAMA: Puis le second, à savoir la chambre d'un motel, à 7 ou 8 kilomètres de la plage [rires] Et puis nous étions allés dans un hôtel, un vrai, avec piscine, à proximité immédiate de la plage. Enfin, nous étions allés au Sheraton, un grand hôtel. En l'espace de dix ans...
BRUCE SPRINGSTEEN: Tu y es presque ! [rires]
POTUS BARACK OBAMA: Et puis, il y avait un endroit, quand on avait les filles, où il y avait une chambre séparée, une sorte de "chambre junior", je crois que c'est comme ça qu'on les appelle.
BRUCE SPRINGSTEEN: Oui.
POTUS BARACK OBAMA: Pour que tu puisses fermer la porte, et laisser les enfants de leur côté, pour avoir un peu d'intimité...
BRUCE SPRINGSTEEN: Très sympa. Oui, très sympa ! [rires]
POTUS BARACK OBAMA: ...lorsque tu pars en vacances avec ton épouse.
POTUS BARACK OBAMA: Tu peux retracer l'évolution de ton statut économique à travers les années.
BRUCE SPRINGSTEEN: Ok.
POTUS BARACK OBAMA: A travers nos vacances. Michelle et moi avons pu nous rappeler chaque endroit où nous avons séjourné, mais le seul plaisir, c'était de se souvenir que nous étions tout aussi heureux dans chacun de ces lieux.
[La guitare acoustique joue en fond]
La constance, c'est notre temps passé ensemble, et le décor n'a jamais vraiment fait aucune différence.
BRUCE SPRINGSTEEN: Mhmm.
POTUS BARACK OBAMA: Au début, il y avait cette petite excitation, « Oh, regarde il y a des petits flacons de shampoings dans la salle de bains... »
BRUCE SPRINGSTEEN: [rires]
POTUS BARACK OBAMA: Puis, tu vas dans un hôtel où il y a un peignoir, tu sais, du style, « Mec, essaye ce peignoir ».
BRUCE SPRINGSTEEN: [rires] Un peignoir...
POTUS BARACK OBAMA: « C'est quelque chose ». Non ? Après cette euphorie du début, il s'agissait toujours du coucher du soleil qui comptait et de pouvoir nous tenir la main. Il s'agissait toujours du rire des filles, alors qu'elles se couraient après dans la sable. Il s'agissait des choses gratuites qui n'avaient rien à voir avec l'endroit où tu séjournais.
BRUCE SPRINGSTEEN: Ce sont les sources de joie.
POTUS BARACK OBAMA: C'était ce qui t'apportait le sentiment de plénitude.
BRUCE SPRINGSTEEN: Oui.
POTUS BARACK OBAMA: Et je pense que transmettre cet aspect-là dans nos prises de position politiques, dans nos histoires, dans nos chansons, et en nous remémorant ce sentiment de lien avec ce qui compte, qu'on en arrive au point où nous pouvons bâtir une union qui peut vraiment changer les choses. C'est possible uniquement si ceux qui sont au sommet de la pyramide admettent, « Hey, ce qui me rendrait heureux, c'est de vivre dans une société saine, équitable. Ce n'est pas la quantité de choses que je possède, ce n'est pas vivre protégé derrière une barrière. Je peux y renoncer et je me sentirai mieux. Si chaque enfant peut suivre une bonne scolarité, c'est mieux pour l'avenir de mes propres enfants »
[La guitare acoustique joue et s'estompe]
[PAUSE]
****
BRUCE SPRINGSTEEN: Voici une... Prêt ? Allons-y. Voici Used Cars. Used Cars est une chanson qui capturait l'atmosphère de ma vie de famille, de mon enfance et de mon quartier - la rusticité de nos vies - mieux que n'importe quelle autre chanson que j'ai jamais écrit. Le dénuement de nos vies. Tout ce dont je me rappelle parfaitement, c'était notre excitation lorsque mon père est arrivé en voiture dans l'allée avec cette nouvelle voiture d'occasion [rires] qui aurait bien pu être une Lincoln Continental flambant neuve.
[Bruce Springsteen gratte les cordes de la guitare]
Et aujourd'hui, en y repensant, tu vois... Je crois qu'il y avait de la joie et de la tristesse, mais dans tous les cas, voici Used Cars.
[Bruce Springsteen gratte les cordes de la guitare]
BRUCE SPRINGSTEEN: [Il chante] Ma petite sœur est assise sur le siège avant avec un cornet de glace... Ma mère est assise sur le siège arrière, toute seule... Pendant que mon père la conduit lentement hors du parking... Pour faire un essai le long de Michigan Avenue... Ma mère, elle joue avec son alliance... Et regarde le vendeur qui fixe les mains de mon père... Il nous parle de la remise qu'il nous ferait s'il le pouvait, mais il ne peut pas... Et moi si je pouvais, je jure que je sais exactement ce que je ferais...
Monsieur, le jour où je gagnerai au loto... Je roulerai plus jamais dans une voiture d'occasion... Les voisins arrivent de partout... Lorsque nous nous garons avec notre voiture d'occasion flambant neuve... J'aimerais qu'il appuie sur l'accélérateur et pousse un cri... Et leur dise d'aller tous se faire foutre... Monsieur, le jour où mes numéros sortiront...Je roulerai plus jamais dans une voiture d'occasion...
POTUS BARACK OBAMA: Il y a de véritables inégalités économiques qui ont émergé, et qui doivent être corrigées.
BRUCE SPRINGSTEEN: Mhmm.
[Bruce Springsteen joue Used Cars en fond]
POTUS BARACK OBAMA: Et...
BRUCE SPRINGSTEEN: Si nous ne les corrigeons pas, le pays s'écroulera.
POTUS BARACK OBAMA: Et bien... Parce que lorsque les citoyens perdent ce sens du lieu et du statut, lorsque soudain un travail stable seul ne suffit plus à soutenir ta famille ou à être respecté, lorsqu'il y a cette insécurité chronique, il y a tout un tas de politiques à rectifier.
[Bruce Springsteen joue Used Cars en fond puis la musique s'estompe]
POTUS BARACK OBAMA: Mais ces rectifications sont en partie nécessaires, parce que le pays commence à raconter une histoire différente de l'histoire qui est importante : ce changement, dont nous avons parlé, et qui intervient au cours des années 80, cette injonction « Vive la cupidité », ce changement ne nous a jamais vraiment quitté.
BRUCE SPRINGSTEEN: Non.
POTUS BARACK OBAMA: Il s'est accéléré. Et le débat entre les conservateurs et les progressistes, entre la gauche et la droite, le débat tourne la plupart du temps sur le montant de la redistribution - la quantité d'impôts – mais il n'aborde jamais le cœur du sujet. Comment se fait-il que nous nous mesurons en tenant compte uniquement de la quantité de choses que nous possédons ? Et n'y-a-t-il pas pour nous une façon d'y penser de manière différente ? Parce que si nous y pensons d'une manière différente, alors il devient plus facile pour ceux qui possèdent beaucoup de peut-être renoncer un peu à ce qu'ils ont [rires] dans le but de s'assurer que ceux qui ont moins puissent avoir assez.
BRUCE SPRINGSTEEN: C'est exact. Tu sais, je pense que... Il y a eu cet afflux d'informations, sur une vie dénaturée.
POTUS BARACK OBAMA: Exactement.
BRUCE SPRINGSTEEN: Tu es d'accord ? Et cet afflux ne disparait pas. Jamais. Les citoyens ont besoin aujourd'hui de facultés de décryptage, que les générations avant nous n'avaient pas besoin d'avoir. Mais ils vont aussi devoir déterminer ce qui a de la valeur. Ce qui a véritablement et profondément de la valeur.
POTUS BARACK OBAMA: Et je pense que... C'est le sujet sur lequel je veux en venir. Il y a une histoire, une histoire collective que nous racontons et qui interroge sur les choses auxquelles nous accordons de la valeur.
BRUCE SPRINGSTEEN: Voilà.
POTUS BARACK OBAMA: Comment pouvons-nous créer une nouvelle histoire, où ce qui fonde le statut social, ce sont les valeurs partagées que tu évoques dans tes chansons, et que j'ai essayé d'exprimer dans mon positionnement politique - les valeurs familiales : avoir un code qui définisse ce qu'est une vie honnête et généreuse, une vie réussie, et quel genre d'amis tu as, quel genre de voisin tu es pour les autres. D'une façon ou d'une autre, il va falloir qu'on se débrouille. Mais tu sais ce qui aide ? Que des artistes ou des poètes, comme toi, contribuent à nous ramener sur la voie de la droiture et de l'amour. C'est pour ça que je suis content que tu sois là, et je connais beaucoup de personnes qui le sont aussi. Il faut juste que tu continues à faire de la musique, l'ami.
BRUCE SPRINGSTEEN: De mon côté, je ne suis pas mécontent non plus que tu sois là.
POTUS BARACK OBAMA: Si on commence dans l'auto-congratulation, nos femmes vont intervenir et auront deux mots à nous dire !
BRUCE SPRINGSTEEN: On peut dire que nous avons une histoire formidable à raconter. L'histoire que j'ai raconté toute ma vie, l'histoire à laquelle tu as consacré ta vie. Mais il faut des oreilles prêtes à l'entendre. Mais quelles sont les conditions qui permettent aux gens de l'entendre et d'y croire ?
POTUS BARACK OBAMA: Une des choses que j'ai essayé de faire dans ma carrière politique, ce que j'essaye de faire depuis la fin de mon mandat, c'est de raconter une histoire qui contrebalance l'histoire qui a été racontée, et qui prétend, « Le Rêve Américain se définit par ton ascension au sommet de la pyramide, qui devient de plus en plus escarpée, et plus il y a de personnes en-dessous de toi, et plus riche tu seras » et...
BRUCE SPRINGSTEEN: Et c'est devenue l'histoire dominante, alors qu'elle ne l'était pas, il me semble, il y a 40 ou 50 ans auparavant.
[La guitare électrique joue]
POTUS BARACK OBAMA: Exactement. Nos attentes et notre goût pour définir ce qui est "notre réussite" ont changé, et ce changement se reflète évidemment dans notre politique, non ? Ce qui explique la raison pour laquelle un Donald Trump est élu, car il représente, dans l'esprit de beaucoup de citoyens...
ENSEMBLE: Le succès.
BRUCE SPRINGSTEEN: Je crois... Oui.
POTUS BARACK OBAMA: Tout est plaqué or. Tu as as ton gros avion avec ton nom écrit dessus. Et tu as des buildings avec ton nom dessus, et tu passes ton temps à licencier tes salariés et c'est censé être... Et particulièrement pour les hommes, c'est censé être un signe de réussite, tu vois ?
[La guitare électrique joue]
Et une des choses que je n'ai jamais comprises, c'est la raison pour laquelle on chercherait un succès individuel en excluant les autres. Tu sais, il y a des communautés entières qui vivent dans des enclaves, protégées par des barrières, coupées du plus grand monde. Isolées. Et il s'en dégage un sentiment de solitude. De vide. Tu sais, c'est comme Citizen Kane (14) qui erre dans son grand château, et rumine son histoire de Rosebud. Mais c'est l'attitude de beaucoup une fois au pouvoir. C'est le modèle de la réussite. C'est le point final de la culture dont nous faisons la promotion si souvent.
[La guitare électrique joue]
La bonne nouvelle, c'est que tu peux observer un point de convergence, une convergence potentielle entre les élans religieux dans l’Église, souvent perçus comme conservateurs.
BRUCE SPRINGSTEEN: Mhmm.
POTUS BARACK OBAMA: Et les élans spirituels de beaucoup de jeunes progressistes qui disent, « Écoutez, je veux préserver la planète. Je crois au développement durable. Je crois en l'égalité ». Et il y a cette dimension spirituelle dans nos convictions politiques, dans la façon dont nous définissons le succès, dans notre rapport à l'autre, et au statut au sein de la société, qui est là, et dans laquelle on peut puiser. Et c'est, je pense, une grande partie du travail que nous devons mener pour que l'Amérique se sente à nouveau réconciliée.
[La guitare électrique s'estompe]
[Bruce Springsteen gratte les cordes de la guitare]
Et aujourd'hui, en y repensant, tu vois... Je crois qu'il y avait de la joie et de la tristesse, mais dans tous les cas, voici Used Cars.
[Bruce Springsteen gratte les cordes de la guitare]
BRUCE SPRINGSTEEN: [Il chante] Ma petite sœur est assise sur le siège avant avec un cornet de glace... Ma mère est assise sur le siège arrière, toute seule... Pendant que mon père la conduit lentement hors du parking... Pour faire un essai le long de Michigan Avenue... Ma mère, elle joue avec son alliance... Et regarde le vendeur qui fixe les mains de mon père... Il nous parle de la remise qu'il nous ferait s'il le pouvait, mais il ne peut pas... Et moi si je pouvais, je jure que je sais exactement ce que je ferais...
Monsieur, le jour où je gagnerai au loto... Je roulerai plus jamais dans une voiture d'occasion... Les voisins arrivent de partout... Lorsque nous nous garons avec notre voiture d'occasion flambant neuve... J'aimerais qu'il appuie sur l'accélérateur et pousse un cri... Et leur dise d'aller tous se faire foutre... Monsieur, le jour où mes numéros sortiront...Je roulerai plus jamais dans une voiture d'occasion...
POTUS BARACK OBAMA: Il y a de véritables inégalités économiques qui ont émergé, et qui doivent être corrigées.
BRUCE SPRINGSTEEN: Mhmm.
[Bruce Springsteen joue Used Cars en fond]
POTUS BARACK OBAMA: Et...
BRUCE SPRINGSTEEN: Si nous ne les corrigeons pas, le pays s'écroulera.
POTUS BARACK OBAMA: Et bien... Parce que lorsque les citoyens perdent ce sens du lieu et du statut, lorsque soudain un travail stable seul ne suffit plus à soutenir ta famille ou à être respecté, lorsqu'il y a cette insécurité chronique, il y a tout un tas de politiques à rectifier.
[Bruce Springsteen joue Used Cars en fond puis la musique s'estompe]
POTUS BARACK OBAMA: Mais ces rectifications sont en partie nécessaires, parce que le pays commence à raconter une histoire différente de l'histoire qui est importante : ce changement, dont nous avons parlé, et qui intervient au cours des années 80, cette injonction « Vive la cupidité », ce changement ne nous a jamais vraiment quitté.
BRUCE SPRINGSTEEN: Non.
POTUS BARACK OBAMA: Il s'est accéléré. Et le débat entre les conservateurs et les progressistes, entre la gauche et la droite, le débat tourne la plupart du temps sur le montant de la redistribution - la quantité d'impôts – mais il n'aborde jamais le cœur du sujet. Comment se fait-il que nous nous mesurons en tenant compte uniquement de la quantité de choses que nous possédons ? Et n'y-a-t-il pas pour nous une façon d'y penser de manière différente ? Parce que si nous y pensons d'une manière différente, alors il devient plus facile pour ceux qui possèdent beaucoup de peut-être renoncer un peu à ce qu'ils ont [rires] dans le but de s'assurer que ceux qui ont moins puissent avoir assez.
BRUCE SPRINGSTEEN: C'est exact. Tu sais, je pense que... Il y a eu cet afflux d'informations, sur une vie dénaturée.
POTUS BARACK OBAMA: Exactement.
BRUCE SPRINGSTEEN: Tu es d'accord ? Et cet afflux ne disparait pas. Jamais. Les citoyens ont besoin aujourd'hui de facultés de décryptage, que les générations avant nous n'avaient pas besoin d'avoir. Mais ils vont aussi devoir déterminer ce qui a de la valeur. Ce qui a véritablement et profondément de la valeur.
POTUS BARACK OBAMA: Et je pense que... C'est le sujet sur lequel je veux en venir. Il y a une histoire, une histoire collective que nous racontons et qui interroge sur les choses auxquelles nous accordons de la valeur.
BRUCE SPRINGSTEEN: Voilà.
POTUS BARACK OBAMA: Comment pouvons-nous créer une nouvelle histoire, où ce qui fonde le statut social, ce sont les valeurs partagées que tu évoques dans tes chansons, et que j'ai essayé d'exprimer dans mon positionnement politique - les valeurs familiales : avoir un code qui définisse ce qu'est une vie honnête et généreuse, une vie réussie, et quel genre d'amis tu as, quel genre de voisin tu es pour les autres. D'une façon ou d'une autre, il va falloir qu'on se débrouille. Mais tu sais ce qui aide ? Que des artistes ou des poètes, comme toi, contribuent à nous ramener sur la voie de la droiture et de l'amour. C'est pour ça que je suis content que tu sois là, et je connais beaucoup de personnes qui le sont aussi. Il faut juste que tu continues à faire de la musique, l'ami.
BRUCE SPRINGSTEEN: De mon côté, je ne suis pas mécontent non plus que tu sois là.
POTUS BARACK OBAMA: Si on commence dans l'auto-congratulation, nos femmes vont intervenir et auront deux mots à nous dire !
BRUCE SPRINGSTEEN: On peut dire que nous avons une histoire formidable à raconter. L'histoire que j'ai raconté toute ma vie, l'histoire à laquelle tu as consacré ta vie. Mais il faut des oreilles prêtes à l'entendre. Mais quelles sont les conditions qui permettent aux gens de l'entendre et d'y croire ?
POTUS BARACK OBAMA: Une des choses que j'ai essayé de faire dans ma carrière politique, ce que j'essaye de faire depuis la fin de mon mandat, c'est de raconter une histoire qui contrebalance l'histoire qui a été racontée, et qui prétend, « Le Rêve Américain se définit par ton ascension au sommet de la pyramide, qui devient de plus en plus escarpée, et plus il y a de personnes en-dessous de toi, et plus riche tu seras » et...
BRUCE SPRINGSTEEN: Et c'est devenue l'histoire dominante, alors qu'elle ne l'était pas, il me semble, il y a 40 ou 50 ans auparavant.
[La guitare électrique joue]
POTUS BARACK OBAMA: Exactement. Nos attentes et notre goût pour définir ce qui est "notre réussite" ont changé, et ce changement se reflète évidemment dans notre politique, non ? Ce qui explique la raison pour laquelle un Donald Trump est élu, car il représente, dans l'esprit de beaucoup de citoyens...
ENSEMBLE: Le succès.
BRUCE SPRINGSTEEN: Je crois... Oui.
POTUS BARACK OBAMA: Tout est plaqué or. Tu as as ton gros avion avec ton nom écrit dessus. Et tu as des buildings avec ton nom dessus, et tu passes ton temps à licencier tes salariés et c'est censé être... Et particulièrement pour les hommes, c'est censé être un signe de réussite, tu vois ?
[La guitare électrique joue]
Et une des choses que je n'ai jamais comprises, c'est la raison pour laquelle on chercherait un succès individuel en excluant les autres. Tu sais, il y a des communautés entières qui vivent dans des enclaves, protégées par des barrières, coupées du plus grand monde. Isolées. Et il s'en dégage un sentiment de solitude. De vide. Tu sais, c'est comme Citizen Kane (14) qui erre dans son grand château, et rumine son histoire de Rosebud. Mais c'est l'attitude de beaucoup une fois au pouvoir. C'est le modèle de la réussite. C'est le point final de la culture dont nous faisons la promotion si souvent.
[La guitare électrique joue]
La bonne nouvelle, c'est que tu peux observer un point de convergence, une convergence potentielle entre les élans religieux dans l’Église, souvent perçus comme conservateurs.
BRUCE SPRINGSTEEN: Mhmm.
POTUS BARACK OBAMA: Et les élans spirituels de beaucoup de jeunes progressistes qui disent, « Écoutez, je veux préserver la planète. Je crois au développement durable. Je crois en l'égalité ». Et il y a cette dimension spirituelle dans nos convictions politiques, dans la façon dont nous définissons le succès, dans notre rapport à l'autre, et au statut au sein de la société, qui est là, et dans laquelle on peut puiser. Et c'est, je pense, une grande partie du travail que nous devons mener pour que l'Amérique se sente à nouveau réconciliée.
[La guitare électrique s'estompe]
****
NOTES
(1) Benjamin Franklin (1706-1790) était un imprimeur, éditeur, écrivain, naturaliste, inventeur, abolitionniste et homme politique américain. Il participe à la rédaction de la déclaration d'indépendance des États-Unis, dont il est un des signataires, ce qui fait de lui l'un des Pères fondateurs des États-Unis. Il participe également à l'élaboration de la Constitution des États-Unis. La vie de Benjamin Franklin est en grande partie caractérisée par la volonté d'aider la communauté en améliorant la qualité de vie et l'accès à l'éducation de ses concitoyens. Après s'être retiré du milieu des affaires à l'âge de 42 ans pour entrer en politique, son ascension sociale restera longtemps un exemple de réussite par le travail et la discipline.
(2) La Génération Grandiose est une appellation désignant les personnes nées entre 1905 et 1925 pour décrire la génération ayant grandi durant la Grande Dépression aux États-Unis, puis qui a combattu durant la Seconde Guerre mondiale, ainsi que ceux qui ont fourni une contribution matérielle décisive à l'effort de guerre par leur productivité.
(3) Bobby Duncan et Richie Blackwell sont deux amis d'enfance de Bruce Springsteen.
(4) Rosie-la-Riveteuse (Rosie the Riveter) est une icône de la culture populaire américaine, symbolisant les six millions de femmes qui travaillèrent dans l'industrie de l'armement et qui produisirent le matériel de guerre durant la Seconde Guerre mondiale, alors que les hommes étaient partis au front.
(5) Le G.I. Bill (officiellement titré Servicemen's Readjustment Act) est une loi américaine adoptée en juin 1944 par le Congrès des États-Unis, fournissant aux soldats démobilisés de la Seconde Guerre mondiale le financement de leurs études universitaires ou de formations professionnelles ainsi qu'une année d'assurance chômage.
(6) A l'été 1981, le syndicat des contrôleurs aériens américain (qui compte 15.000 adhérents) déclenche une grève, réclamant de meilleurs salaires. Or en tant que fonctionnaires fédéraux, les aiguilleurs du ciel violent la loi. Le président Républicain Ronald Reagan décide alors de sanctionner les 11.300 grévistes, en les licenciant sur le champs, et en les remplaçant par des superviseurs, des non-grévistes et des contrôleurs militaires. Le syndicat est à genoux : outre d'imposantes amendes, les leaders sont envoyés en prison, et l'administration de Washington lui retire son caractère représentatif, le bannissant des négociations collectives. Sept mois après son arrivée à la Maison-Blanche, Ronald Reagan prend cette décision radicale qui marquera pour longtemps les relations sociales aux États-Unis.
(7) Wall Street (1987) est un film américain réalisé par Oliver Stone, dont le thème est la finance et ses dérives.
(8) Glengarry Glen Ross (1983) est une pièce de théâtre écrite par David Mamet, et racontant deux jours de la vie de quatre agents immobiliers de Chicago, désespérés et prêts à tout, de l'immoral à l'illégal, de la flatterie à la corruption, aux menaces, à l'intimidation, aux cambriolages, etc., pour vendre, à des acheteurs potentiels, des biens immobiliers dont personne ne veut.
(9) Jane Addams (1860-1935) était une pionnière américaine, réformatrice sociale et militante, philosophe, écrivaine, impliquée dans des causes telles que le droit de vote des femmes et la paix dans le monde, lauréate du prix Nobel de la paix en 1931 et reconnue comme la fondatrice du métier de travailleur (ou travailleuse) social aux États-Unis.
(10) The Bear Stearns Company une des plus grandes banques d'investissement au monde.
(11) Après l'université, Barack Obama décide de travailler comme organisateur communautaire dans le quartier noir défavorisé de Bronzeville, dans la banlieue de Chicago, aidant les résidents à s'organiser dans la défense de leurs intérêts.
(12) Le cent, communément appelé penny, est une pièce de monnaie dont la valeur est d'un centième de dollar américain.
(13) Le Château Hearst était un domaine de 51 hectares du magnat de la presse William Randolph Hearst, situé sur la côte centrale de Californie, entre Los Angeles et San Francisco.
(14) Citizen Kane (1941) est un film américain, réalisé par Orson Welles, biographie officieuse du magnat de la presse Randolph Hearst, personnage décrit comme gigantesque, mégalomane, égoïste et solitaire.
Cet épisode a été diffusé pour la première fois le 15 mars 2021.
(1) Benjamin Franklin (1706-1790) était un imprimeur, éditeur, écrivain, naturaliste, inventeur, abolitionniste et homme politique américain. Il participe à la rédaction de la déclaration d'indépendance des États-Unis, dont il est un des signataires, ce qui fait de lui l'un des Pères fondateurs des États-Unis. Il participe également à l'élaboration de la Constitution des États-Unis. La vie de Benjamin Franklin est en grande partie caractérisée par la volonté d'aider la communauté en améliorant la qualité de vie et l'accès à l'éducation de ses concitoyens. Après s'être retiré du milieu des affaires à l'âge de 42 ans pour entrer en politique, son ascension sociale restera longtemps un exemple de réussite par le travail et la discipline.
(2) La Génération Grandiose est une appellation désignant les personnes nées entre 1905 et 1925 pour décrire la génération ayant grandi durant la Grande Dépression aux États-Unis, puis qui a combattu durant la Seconde Guerre mondiale, ainsi que ceux qui ont fourni une contribution matérielle décisive à l'effort de guerre par leur productivité.
(3) Bobby Duncan et Richie Blackwell sont deux amis d'enfance de Bruce Springsteen.
(4) Rosie-la-Riveteuse (Rosie the Riveter) est une icône de la culture populaire américaine, symbolisant les six millions de femmes qui travaillèrent dans l'industrie de l'armement et qui produisirent le matériel de guerre durant la Seconde Guerre mondiale, alors que les hommes étaient partis au front.
(5) Le G.I. Bill (officiellement titré Servicemen's Readjustment Act) est une loi américaine adoptée en juin 1944 par le Congrès des États-Unis, fournissant aux soldats démobilisés de la Seconde Guerre mondiale le financement de leurs études universitaires ou de formations professionnelles ainsi qu'une année d'assurance chômage.
(6) A l'été 1981, le syndicat des contrôleurs aériens américain (qui compte 15.000 adhérents) déclenche une grève, réclamant de meilleurs salaires. Or en tant que fonctionnaires fédéraux, les aiguilleurs du ciel violent la loi. Le président Républicain Ronald Reagan décide alors de sanctionner les 11.300 grévistes, en les licenciant sur le champs, et en les remplaçant par des superviseurs, des non-grévistes et des contrôleurs militaires. Le syndicat est à genoux : outre d'imposantes amendes, les leaders sont envoyés en prison, et l'administration de Washington lui retire son caractère représentatif, le bannissant des négociations collectives. Sept mois après son arrivée à la Maison-Blanche, Ronald Reagan prend cette décision radicale qui marquera pour longtemps les relations sociales aux États-Unis.
(7) Wall Street (1987) est un film américain réalisé par Oliver Stone, dont le thème est la finance et ses dérives.
(8) Glengarry Glen Ross (1983) est une pièce de théâtre écrite par David Mamet, et racontant deux jours de la vie de quatre agents immobiliers de Chicago, désespérés et prêts à tout, de l'immoral à l'illégal, de la flatterie à la corruption, aux menaces, à l'intimidation, aux cambriolages, etc., pour vendre, à des acheteurs potentiels, des biens immobiliers dont personne ne veut.
(9) Jane Addams (1860-1935) était une pionnière américaine, réformatrice sociale et militante, philosophe, écrivaine, impliquée dans des causes telles que le droit de vote des femmes et la paix dans le monde, lauréate du prix Nobel de la paix en 1931 et reconnue comme la fondatrice du métier de travailleur (ou travailleuse) social aux États-Unis.
(10) The Bear Stearns Company une des plus grandes banques d'investissement au monde.
(11) Après l'université, Barack Obama décide de travailler comme organisateur communautaire dans le quartier noir défavorisé de Bronzeville, dans la banlieue de Chicago, aidant les résidents à s'organiser dans la défense de leurs intérêts.
(12) Le cent, communément appelé penny, est une pièce de monnaie dont la valeur est d'un centième de dollar américain.
(13) Le Château Hearst était un domaine de 51 hectares du magnat de la presse William Randolph Hearst, situé sur la côte centrale de Californie, entre Los Angeles et San Francisco.
(14) Citizen Kane (1941) est un film américain, réalisé par Orson Welles, biographie officieuse du magnat de la presse Randolph Hearst, personnage décrit comme gigantesque, mégalomane, égoïste et solitaire.
Cet épisode a été diffusé pour la première fois le 15 mars 2021.
****
Renegades: Born in the U.S.A. is a Spotify Original
Presented and produced by Higher Ground Audio in collaboration with Dustlight Productions.
From Higher Ground Audio: Dan Fierman, Anna Holmes, Mukta Mohan, and Joe Paulsen are executive producers.
Carolyn Lipka and Adam Sachs are consulting producers.
Janae Marable is our Editorial Assistant.
From Dustlight Productions: Misha Euceph and Arwen Nicks are executive producers.
Elizabeth Nakano, Mary Knauf and Tamika Adams are producers.
Mary Knauf is also editor.
Andrew Eapen is our composer and mix engineer.
Rainier Harris is our apprentice.
Transcriptions by David Rodrigruez.
Special thanks to Rachael Garcia, the Dustlight development and operations coordinator.
Daniel Ek, Dawn Ostroff and Courtney Holt are executive producers for Spotify.
Gimlet and Lydia Polgreen are consulting producers.
Music Supervision by Search Party Music.
From the Great State of New Jersey, special thanks to: Jon Landau, Thom Zimny, Rob Lebret, Rob DeMartin, and Barbara Carr.
We also want to thank: Adrienne Gerard, Marilyn Laverty, Tracy Nurse, Greg Linn and Betsy Whitney.
And a special thanks to Patti Scialfa for her encouragement and inspiration.
And to Evan, Jess and Sam Springsteen.
From the District of Columbia, thanks to: Kristina Schake, MacKenzie Smith, Katie Hill, Eric Schultz, Caroline Adler Morales, Merone Hailemeskel, Alex Platkin, Kristin Bartoloni and Cody Keenan.
And a special thanks to Michelle, Malia and Sasha Obama.
This is Renegades: Born in the U.S.A.
ANNA HOLMES: And thanks again to our sponsors Dollar Shave Club and Comcast.
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Janae Marable is our Editorial Assistant.
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Elizabeth Nakano, Mary Knauf and Tamika Adams are producers.
Mary Knauf is also editor.
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We also want to thank: Adrienne Gerard, Marilyn Laverty, Tracy Nurse, Greg Linn and Betsy Whitney.
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