Ellis Island Family Heritage Award, 22 avril 2010

"Elles ont mis le rock'n'roll en moi"



A l’aube du XXème siècle, le 3 octobre 1900, Antonio Zerilli, âgé de 12 ans, arriva à Ellis Island avec sa mère Raffaela, ses quatre sœurs et leur grand-père paternel. Ils avaient quitté l’Italie deux semaines et demies plus tôt à bord du Tartar Prince pour rejoindre Raffaele, le père d’Antonio, qui était arrivé trois ans plus tôt et s’était installé dans le West Village de New York.

Le jeune Antonio devint avocat et emménagea dans la 75ème rue à Brooklyn où il vécut avec sa femme Adèle (Sorrentino), une immigrée italienne, et leurs trois filles. Leur plus jeune fille, Adèle, finira par épouser Douglas Springsteen, dont les ancêtres irlandais s’étaient installés à Freehold, New Jersey, 50 ans auparavant. Bruce Frederick Springsteen, leur premier enfant naquit en 1949. Lui et ses deux sœurs furent élevés dans une famille de la classe ouvrière qui se démena pour envoyer Springsteen dans une école catholique au régime très strict. Pour s'en échapper, Springsteen apprit tout seul à jouer de la guitare et à 16 ans, sa mère emprunta de l’argent pour offrir à son fils pour Noël une guitare Kent de 60 $. Springsteen forma rapidement son premier groupe de rock et joua dans de petites salles sur la côte du New Jersey durant le reste de la décennie...
- Brian Williams -

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Merci. Brian, si un jour vous en avez marre de présenter le journal télévisé du soir, j’ai un boulot pour vous comme responsable de mes Relations Publiques.

Ellis Island est un endroit important. Je suis heureux d’être là aujourd’hui, en compagnie de ceux à qui on rend hommage avec moi. A mes yeux, voilà ce qu’est Ellis Island: vous ne pouvez pas vraiment savoir qui nous sommes, ni où nous allons, si vous ne savez pas qui nous étions et d’où nous venions. Vous ne pouvez pas comprendre ce que signifie être Américain, si vous ne savez pas ce que signifiait être Américain.

Je suis donc heureux de faire partie de cette cérémonie, non seulement pour rendre hommage à mon grand-père, Anthony Zerilli, qui est passé par Ellis Island au tout début du siècle. Il ne savait ni lire ni écrire, il est allé à l’Université de New York, est devenu avocat, a fait un petit séjour à la prison de Sing Sing... mais ça, c’est une autre histoire. Dans chacune de ses vies qu’il a menées (rires)... Il y a tant d’inspiration - il était ce petit Italien loquace, à la voix tonitruante qui, à mes yeux, ressemblait à une rock-star quand j’étais petit. Je veux aussi me souvenir d’Adelina Sorrentino, c’est ma grand-mère. Elle est arrivée à 28 ans, a vécu jusqu’à 100 ans à Freehold, dans le New Jersey, et n’a jamais appris à parler anglais. Bonjour l’intégration !

Je dois aussi remercier les O’Farrel et les O’Hagan, c’est mon clan irlandais; les McNicholas, qui m’ont élevé quand j’étais enfant à Freehold. Mon adorable femme Patti, sicilienne et Irlando-écossaise. Ensemble, nous avons perpétué la tradition du centre du New Jersey, qui est de s’accoupler entre Irlandais et Italiens.

Mais je suis venu ici aujourd’hui spécialement pour remercier trois femmes et je vais donc leur demander - elles ont dit qu'elles étaient d’accord pour venir sur scène - donc, je vais demander à ma maman et mes deux tantes de venir me rejoindre.

J’ai grandi avec ces femmes, ce sont les trois filles d’Anthony: ma mère Adèle et mes deux tantes Dora [Kirby] et Ida [Urbelis]. Pour moi, elles ont personnifié ce dur optimisme et l’éthique de travail de cette première génération à être née avec la citoyenneté américaine. Elle m’ont donné de la joie, je crois qu’elles ont mis le rock'n'roll en moi, elles m’ont donné un endroit où vivre et m’ont enraciné dans une expérience qui a donné du sens, beaucoup de sens, à notre famille et à tout mon travail.

Ma tante Dora a 90 ans - elle continue toujours d'aider les gens à remplir leur feuille d'impôts. Alors, si vous avez besoin d’aide pour votre déclaration... Je sais c’est un peu tard maintenant, mais pour l’année prochaine... elle est encore disponible. Elle a obtenu sa licence avec mention à 67 ans.

Ma tante Ida a 87 ans. Elle a été membre du Syndicat International des Ouvriers de l’Habillement, a travaillé dans une usine qui fabriquait des manteaux pendant 20 ans, et puis elle a choisi de couper les cheveux et travaille depuis 50 ans dans le même salon de coiffure à Eatontown. Elle peut toujours vous couper les cheveux les mercredis et vendredis chez Macy, à Eatontown.

Et ma maman, bien sûr, Adèle, elle aura 85 ans la semaine prochaine. Elle a été secrétaire juridique pendant 47 ans, a épousé un Irlandais turbulent - je dois aussi remercier mon père, Douglas Springsteen. Maintenant, grâce à son fils fortuné, elle vit modestement dans le luxe, dans un endroit qui reste secret (rires). Elle a tout fait pour que notre famille reste unie dans des circonstances très, très difficiles. Vous savez, elle a fait quelque chose d’inhabituel: ses parents étaient relativement aisés et elle a épousé quelqu’un de pauvre et a passé une grande partie de sa vie à survivre dans cette pauvreté, et cela nous a vraiment unis. Merci maman. Je t’aime très fort.

Ces femmes fabuleuses, elles sont mon lien vivant avec mon héritage, avec Ellis Island, et à mes yeux, avec ce que signifie le fait de venir ici en tant qu’immigré. Je vous aime et je vous admire toutes et je vous remercie beaucoup. (S’adressant à elles:) Vous partez ? Restez ici et venez vous imprégner de cette atmosphère ! Profitez de ce moment ! Quand est-ce qu’une occasion pareille va se représenter ? (rires) Profitez !

Avec toute cette fureur qui existe contre les immigrés, il est bon de se rappeler que nous sommes une nation d’immigrés, d’aventuriers optimistes. Et nous ne pouvons pas savoir qui traversera notre frontière aujourd’hui et dont l’histoire ajoutera une page importante à l’histoire américaine. Une personne qui travaillera dur, qui fondera une famille, et dont le sang nouveau renforcera le tissu solide qui unit notre nation.

Je suis donc fier d’être là aujourd’hui en tant qu’aventurier optimiste - un fils de l’Italie, de l’Irlande, de la Hollande - pour souhaiter, avec la grâce de Dieu, un bon voyage et bonne chance à tous ceux qui traversent aujourd’hui nos frontières. Et pour remercier tous ceux qui sont venus avant, et dont le voyage, le courage et le sacrifice ont fait de moi un Américain. Merci.

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Le prix Ellis Island Family Heritage (créé par la fondation The Statue of Liberty-Ellis Island) est un prix attribué annuellement à des immigrés ou à leurs descendants, et célèbre les 17 millions d'immigrés qui sont arrivés aux États-Unis par cette Porte Dorée. Au cours de cette 9ème cérémonie, Bruce Springsteen (catégorie 'Divertissement') a été honoré, en compagnie de Andrea Jung (catégorie 'Business'), Peter G. Peterson (catégorie 'Business') et Dikembe Mutombo (catégorie 'Sports').


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