par Dave DiMartino
Toutes les bonnes choses arrivent à celui qui sait attendre; celui qui hésite est perdu. Pour chaque stupide cliché, il en existe un autre pareillement stupide qui signifie le contraire, une réalité de la vie que personne n'oublie en grandissant, et une réalité que personne ici ne voudrait jamais vouloir oublier.
Et c'est la même chose avec Springsteen, qui soit attend, ou soit hésite, selon la personne à qui vous parlez, et dont le "retour" tant attendu signifie beaucoup pour toujours plus de personnes aujourd'hui que par le passé. Son retour, évidemment, se nomme The River, deux disques sur l'angoisse et la fureur de la classe ouvrière, déjà mémorisés sans aucun doute dans les dortoirs des lycées et dans de plus confortables foyers à travers le pays. "Le Patron" revient, chantent les légions, et - cette fois-ci, au moins - elles ont raison. Parce que Bruce Springsteen est revenu: il est revenu pour faire ce qu'il aime faire le plus (jouer), pour ceux qu'il aime le plus (les fans), avec ceux qu'il aime le plus (son groupe). Et le fait que ce projet lui a pris tant de temps est, disons, dommage. Car il en valait la peine.
Vous pourriez écrire un livre sur Bruce Springsteen. Admettons, quelqu'un l'a déjà fait. La longue et glorieuse carrière de Springsteen a été recrachée ad nauseum dans CREEM, Rolling Stone, Time & Newsweek, dans des émissions spéciales à la radio, dans les critiques des concerts No Nukes, dans les documentaires "Heroes of Rock'n'Roll" à la télévision et dans des endroits que même votre grand-mère aurait décelés, si elle avait vraiment cherché. Et qu'il ait de partout rencontré un accueil si enthousiaste est probablement devenu un fardeau autour de son cou beaucoup plus lourd à porter qu'une simple citation sur "l'avenir du rock'n'roll" ne pourrait jamais être, principalement car - il en va ainsi de ce qu'on érige - il ne pouvait pas se trouver dans une pire forme. C'est un fait établi: érigez-les et faites-les chuter. La raison pour laquelle "Heroes", le titre de la chanson de Bowie, a des signes de ponctuation résume tout: il n'y a plus de héros. Parce que personne en veut.
Et c'est la même chose avec Springsteen, qui soit attend, ou soit hésite, selon la personne à qui vous parlez, et dont le "retour" tant attendu signifie beaucoup pour toujours plus de personnes aujourd'hui que par le passé. Son retour, évidemment, se nomme The River, deux disques sur l'angoisse et la fureur de la classe ouvrière, déjà mémorisés sans aucun doute dans les dortoirs des lycées et dans de plus confortables foyers à travers le pays. "Le Patron" revient, chantent les légions, et - cette fois-ci, au moins - elles ont raison. Parce que Bruce Springsteen est revenu: il est revenu pour faire ce qu'il aime faire le plus (jouer), pour ceux qu'il aime le plus (les fans), avec ceux qu'il aime le plus (son groupe). Et le fait que ce projet lui a pris tant de temps est, disons, dommage. Car il en valait la peine.
Vous pourriez écrire un livre sur Bruce Springsteen. Admettons, quelqu'un l'a déjà fait. La longue et glorieuse carrière de Springsteen a été recrachée ad nauseum dans CREEM, Rolling Stone, Time & Newsweek, dans des émissions spéciales à la radio, dans les critiques des concerts No Nukes, dans les documentaires "Heroes of Rock'n'Roll" à la télévision et dans des endroits que même votre grand-mère aurait décelés, si elle avait vraiment cherché. Et qu'il ait de partout rencontré un accueil si enthousiaste est probablement devenu un fardeau autour de son cou beaucoup plus lourd à porter qu'une simple citation sur "l'avenir du rock'n'roll" ne pourrait jamais être, principalement car - il en va ainsi de ce qu'on érige - il ne pouvait pas se trouver dans une pire forme. C'est un fait établi: érigez-les et faites-les chuter. La raison pour laquelle "Heroes", le titre de la chanson de Bowie, a des signes de ponctuation résume tout: il n'y a plus de héros. Parce que personne en veut.
Cependant, voici Bruce Springsteen, héros. Attendant de chuter. Et il chutera probablement - critiquement parlant, la tentation est trop grande, en ce moment, de ne pas essayer de le faire trébucher, avec des hordes de fans grossissant minute après minute et scandant "BROOOCE!!!", une attente de deux ans entre deux albums (cette fois-ci sans complications judiciaires) et le sentiment lancinant que cette posture de dernier-homme-énervé à la James Dean commence à puer le conservatisme politique, et d'autres choses que vous lirez certainement ailleurs. Et évidemment, ce ne sont que des conneries.
"Bruce Springsteen" est un mythe; Bruce Springsteen ne l'est pas. "Bruce Springsteen" est responsable du "classique du rock" Born To Run (qui n'en était pas un); Bruce Springsteen a sorti un premier album prometteur, un grand album imparfait (The Wild, The Innoncent & The E Street Shuffle), et un album uniquement composé de classiques (Darkness On The Edge Of Town). Ironiquement, Born To Run a reçu l'accueil que son prédécesseur méritait, bien que la production de Springsteen d'alors sonne aujourd'hui des plus convenues, ne résonnant pas tout à fait sincèrement quelques années plus tard. Plein d'un pathos à la West Side Story (Meeting Across The River, la pire chanson du bouquet), l'album semble déjà dater d'une façon que E Street Shuffle ne pourra jamais; seuls Thunder Road et Born To Run échappent au piège, restant des classiques du même niveau que, disons, Rosalita ou que d'autres sur E Street.
Ce qui rendait Darkness si grand, finalement, c'était la pérennité pure de son sentiment. Les émotions traitées dans cet ensemble - la perte, la douleur et le désespoir - ont toujours été les émotions les plus immuables, surtout lorsqu'elles sont exprimées aussi bien et aussi sincèrement, qu'avec surprise, Springsteen arrive à faire. C'est ce qui sépare, par exemple, le Jackson Browne qui a écrit Song For Adam du Jackson Browne qui piaffe actuellement sur Disco Apocalypse, ou le Slim Slider de Van Morrison de la plupart de ce qu'il a fait depuis. Springsteen est entré en studio avec des fans chérissant Born To Run qui lui tapaient dans le dos et il en est ressorti en leur disant qu'il avait des trucs qui s'agitaient dans sa tête et qu'il n'arrivait pas à évacuer. Et ils ont aimé ça. Mais ils auraient bien plus aimé Born To Run Part Two.
"Bruce Springsteen" est un mythe; Bruce Springsteen ne l'est pas. "Bruce Springsteen" est responsable du "classique du rock" Born To Run (qui n'en était pas un); Bruce Springsteen a sorti un premier album prometteur, un grand album imparfait (The Wild, The Innoncent & The E Street Shuffle), et un album uniquement composé de classiques (Darkness On The Edge Of Town). Ironiquement, Born To Run a reçu l'accueil que son prédécesseur méritait, bien que la production de Springsteen d'alors sonne aujourd'hui des plus convenues, ne résonnant pas tout à fait sincèrement quelques années plus tard. Plein d'un pathos à la West Side Story (Meeting Across The River, la pire chanson du bouquet), l'album semble déjà dater d'une façon que E Street Shuffle ne pourra jamais; seuls Thunder Road et Born To Run échappent au piège, restant des classiques du même niveau que, disons, Rosalita ou que d'autres sur E Street.
Ce qui rendait Darkness si grand, finalement, c'était la pérennité pure de son sentiment. Les émotions traitées dans cet ensemble - la perte, la douleur et le désespoir - ont toujours été les émotions les plus immuables, surtout lorsqu'elles sont exprimées aussi bien et aussi sincèrement, qu'avec surprise, Springsteen arrive à faire. C'est ce qui sépare, par exemple, le Jackson Browne qui a écrit Song For Adam du Jackson Browne qui piaffe actuellement sur Disco Apocalypse, ou le Slim Slider de Van Morrison de la plupart de ce qu'il a fait depuis. Springsteen est entré en studio avec des fans chérissant Born To Run qui lui tapaient dans le dos et il en est ressorti en leur disant qu'il avait des trucs qui s'agitaient dans sa tête et qu'il n'arrivait pas à évacuer. Et ils ont aimé ça. Mais ils auraient bien plus aimé Born To Run Part Two.
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Et vous connaissez la suite de l'histoire. Deux ans plus tard, voici Bruce Springsteen de nouveau à Detroit, en tournée cette fois-ci pour promouvoir The River qui, en ce jeudi soir, ne sera même pas dans les bacs avant le lundi suivant. Nous sommes au début de ce qui promet d'être sa plus grande tournée jusqu'à présent: une année quasi entière passée sur la route, assez de temps pour que les nouvelles chansons, que les fans de Detroit entendent, deviennent de vieux classiques quand Leur Héros sera de retour. Assez de temps pour que beaucoup de choses arrivent.
Et ce ne serait pas un concert de Bruce Springsteen si ce n'était pas un test d'endurance. Comme d'habitude, encore que, c'est Springsteen & son groupe qui vont devoir tenir le coup; presque quatre heures cette fois-ci, avec un bref intermède pour le groupe, tandis que le public de Cobo Hall affluera vers les bières et autres. Le concert de Springsteen est un "évènement" de la même façon que sont les concerts des Stones, des Who et même de Led Zeppellin: instantanément complets, vendeurs à la sauvette colportant des places à l'extérieur et à l'intérieur, les airs suffisants de ceux qui raconteront demain à leurs amis ce qu'ils ont manqué.
Sagement, le groupe commence avec Thunder Road. Le public est debout, chante, scande "BROOOCE!" à la fin de la chanson et, bien entendu, apprécie. Les chansons favorites s'enchaînent; Springsteen sait que le public a besoin de réconfort avant qu'il ne présente le nouveau matériel, que personne n'a jamais entendu auparavant. Quand il s'exécute finalement, il n'y aucune différence; encore des "BROOOCE!". Le public ne cessera de hurler pendant les quatre heures suivantes, jusqu'à ce que la dernière chanson soit Quarter To Three et que Springsteen sorte de scène, prêt pour la suite, demain soir à Chicago. Encore dix mois supplémentaires environ, et tout sera finalement terminé.
Et ce ne serait pas un concert de Bruce Springsteen si ce n'était pas un test d'endurance. Comme d'habitude, encore que, c'est Springsteen & son groupe qui vont devoir tenir le coup; presque quatre heures cette fois-ci, avec un bref intermède pour le groupe, tandis que le public de Cobo Hall affluera vers les bières et autres. Le concert de Springsteen est un "évènement" de la même façon que sont les concerts des Stones, des Who et même de Led Zeppellin: instantanément complets, vendeurs à la sauvette colportant des places à l'extérieur et à l'intérieur, les airs suffisants de ceux qui raconteront demain à leurs amis ce qu'ils ont manqué.
Sagement, le groupe commence avec Thunder Road. Le public est debout, chante, scande "BROOOCE!" à la fin de la chanson et, bien entendu, apprécie. Les chansons favorites s'enchaînent; Springsteen sait que le public a besoin de réconfort avant qu'il ne présente le nouveau matériel, que personne n'a jamais entendu auparavant. Quand il s'exécute finalement, il n'y aucune différence; encore des "BROOOCE!". Le public ne cessera de hurler pendant les quatre heures suivantes, jusqu'à ce que la dernière chanson soit Quarter To Three et que Springsteen sorte de scène, prêt pour la suite, demain soir à Chicago. Encore dix mois supplémentaires environ, et tout sera finalement terminé.
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En coulisses, toujours pareil. Le représentant local de CBS, Mark Westcott, joue au policier en poste à un carrefour, dirigeant le flot des habitués des concerts, les personnes de l'industrie du disque et les célébrités des radios locales, qui sont revenus pour "rencontrer Le Patron" et qui arborent, bien visibles sur eux, les passes appropriés. Et le fait que Springsteen soit un si véritable-et-sincère Gentil Garçon rend les choses plus problématiques encore: il n'a jamais rêvé de ne pas se retrouver face à son public, que ce soient les huiles radiophoniques ou les jeunes, frigorifiés, qui attendent devant la sortie. Tacite, mais pas sans émotion, est le sentiment que si jamais Bruce Springsteen devait mourir, ce serait d'une gentillesse incurable. "C'était un gentil garçon", la parfaite épitaphe sur sa tombe.
Quand nous atteignons finalement le repaire intime, Jon Landau, le manager, nous accueille. Il sourit et dit, "Pas plus d'une demi-heure. Ok ? S'il vous plait ?", rendant évident que si la gentillesse de Springsteen ne suffisait pas, en fait, le gars aime aussi parler, ce qui, en cette époque des John Lennon et des Lydon n'est pas une mince inquiétude. Dans la loge, Westcott, l'homme de chez CBS, finit de présenter les pontes de la radio à Springsteen, et l'homme qui paraissait mesurer trois mètres et être héroïque sur scène, apparaît à présent tout juste petit, fatigué et diplomatique. "Heureux de vous rencontrer", dit-il, et visiblement il semble l'être.
Finalement Westcott et son équipe partent, et on amène le E Street Band pour une rapide série de photos pour CREEM. "Inutile d'aller aussi vite avec ces gars", dit Springsteen, et c'est le subtil rappel que l'interview qui vient se déroulera, de façon appropriée, à 02 heures 45 du matin [Quarter To Three, ndt] . Il y a certaines choses, je suppose, auxquelles vous ne pouvez échapper.
Alors que le groupe sort, Springsteen s'affale sur un canapé tout proche, la pièce se vide rapidement et le magnétophone est en marche. Un dernier gars de l'équipe de Springsteen entre dans la loge, demande, "Hey, Patron, tu veux un soda ou quelque chose d'autre ?" et sort rapidement.
Ainsi, je ne peux m'empêcher de demander immédiatement: "Vous voulez dire qu'ils vous appellent tous 'Patron' ?" et Springsteen s'emporte.
"Et bien, ce que je ressens avec ce 'Patron' est bizarre", dit-il d'une voix échappée de Mean Streets, rauque et pleine de "dese" et "dose". "Parce que c'est venu de gens comme eux, qui travaillent avec moi. Et puis, quelqu'un a commencé à l'utiliser à la radio. C'est bizarre, parce que..." Il fait une grimace. "Je déteste qu'on m'appelle 'Patron'". Il sourit; nous sourions. "Vraiment. Je l'ai toujours détesté, dès le début. Je déteste les patrons. Je déteste qu'on m'appelle le patron. Tout le monde lance, 'Hé, Patron' et je dis, 'Non. Bruce. Bruce !'".
Nous rions à nouveau et nous nous calons dans nos fauteuils, et je régale celui qui déteste être appelé 'Le Patron' d'une histoire que Bob Seger a raconté à CREEM au début de cette année. Nous avions demandé à Seger quelle avait été la raison principale des retards avec Against The Wind, et il avait commencé à nous parler de choix de chansons et de balance, il voulait que l'album donne le sentiment "d'être juste". Il nous a raconté qu'il avait regardé Springsteen enregistrer son disque The River. "Vous devriez voir Springsteen", nous avait-il dit. "Il rejoue toujours la même scène, en ce moment. Il s'arrache les cheveux...".
"Ouais", dit Springsteen, en rigolant. "Dès le début, j'avais une idée précise de ce que cet album devait être. Et je ne pense pas... ça ne m'intéresse pas d'aller en studio et de...". Il marque une pause, réfléchissant. "Tout simplement, je ne veux pas prendre de la place dans les rayons, vous comprenez ? Ou m'inquiéter si je ne sors pas quelque chose tous les six mois, ou même tous les ans, que les gens vont m'oublier. Ce genre d'approche ne m'a jamais intéressée. Dès le début, ce genre d'approche ne m'a pas intéressée. J'ai simplement une idée sur ce que je peux faire de mieux à un moment donné, vous voyez ? Et c'est ce que j'ai voulu faire. Je ne sors rien jusqu'à ce que je ressente ça et c'est ce que j'ai fait. Parce qu'il y a tant de disques dans les rayons. Pourquoi sortir quelque chose qui ne vous donne pas l'impression d'être ce qu'il devrait être ?
"Et je ne crois pas aux lendemains, que 'Oh, je sortirai la deuxième partie dans six mois'. Vous serez peut-être mort, vous n'en savez strictement rien. Vous faites votre album comme si c'était le tout dernier de votre vie. Vous partez en tournée et jouez le soir. Je ne pense pas - 'Si je ne joue pas bien ce soir, au moins ai-je bien joué hier soir'. C'est comme s'il n'y avait ni de lendemain, ni d'hier. Il n'y a que le moment présent".
Lourd propos, et munitions supplémentaires pour les critiques qui voient la mort prochaine de Springsteen par le biais d'un romantisme incurable - mais la vérité, c'est que l'homme le dit et le croit, et il ne pourrait en être blâmé. La sincérité n'a pas pour habitude de jouer à Cobo Hall et ailleurs.
"Personne n'a des attentes aussi grandes que soi-même. On fait ce qu'on peut et les choses sont ainsi. Les gens ont leurs attentes, et j'essaye d'être à la hauteur de ce que je ressens moi-même. Et je sais que j'ai des idéaux précis sur la façon dont nous faisons les choses, sur la façon dont le groupe fait les choses. Les forces extérieures jouent alors un rôle secondaire. Vous savez que les attentes des gens seront ce qu'elles seront - et en fin de compte, vous allez, de toute façon, décevoir du monde, vous comprenez ?".
Le journaliste de CREEM, Mark J. Norton, mentionne qu'il a vu Springsteen il y a une semaine à Ann Arbor, la première date de la tournée. En fait, dit-il, c'était fort quand Springsteen a oublié le début des paroles de Born To Run, mais le public les connaissait et a chanté jusqu'à ce qu'un Springsteen stupéfait retrouve soudainement le fil.
L'anecdote soulève un point intéressant: au jour d'aujourd'hui, la majorité du public de Springsteen est littéralement fanatique - ils connaissent les chansons, les albums, le groupe, et ce qu'il est permis d'attendre d'une performance typiquement marathonienne. Je demande à Springsteen si parfois il aimerait que ce ne soit pas le cas, qu'il se retrouve face à un public qui n'aurait aucune idée à quoi s'attendre de sa part.
"J'ai fait la première partie des Black Oak Arkansas", dit-il en secouant la tête. "J'ai fait la première partie de Brownsville Station, et j'ai fait la première partie de Sha Na Na. J'ai 31 ans - et je joue dans les bars depuis l'âge de 15 ans. Et je me suis retrouvé devant des publics qui n'avaient absolument rien à foutre que vous soyez sur scène. Et si vous voulez des pourcentages, nous avons seulement eu entre 2 et 5 % de concerts comme celui d'hier soir, contre 95 % depuis les 10 ou 15 dernières années que nous jouons. Laissez-moi vous dire, ce genre de choses ne se produisait pas et ne se produit pas aujourd'hui... Et cela empêche de devenir trop indulgent envers soi-même, parce que vous savez ce que c'est quand tout le monde s'en fiche complètement, quand vous montez sur scène. Cela vous remet à votre place et reste en vous. On n'a rien sans rien.
"Quand nous avons débuté, j'allais à chaque concert m'attendant à ce que personne ne vienne me voir, et je montais sur scène avec le sentiment que personne ne me ferait de cadeaux. Et c'est de la façon dont vous devez jouer. Si vous ne jouez pas de cette manière, rangez votre guitare, mettez-la à la poubelle et rentrez chez vous, réparez des téléviseurs ou faites un autre boulot, vous comprenez ? Faites quelque chose où vous vous sentez concerné. Et le soir où je ne penserai plus de cette façon, ce sera le soir où je m'arrêterai, car c'est la chose tout simplement fondamentale.
"Je ne juge pas un concert à la réaction du public, je ne juge pas un concert par la critique qu'il y a dans la presse le lendemain, je sais quand je monte dans le bus et que je me rends jusqu'à la prochaine ville. Je sais si je peux m'endormir facilement ce soir-là. C'est la façon dont nous jugeons ce que nous faisons et c'est la façon dont nous le gérons. Et si nous ne faisions pas ainsi, ce bruit que vous avez entendu ce soir n'aurait jamais eu lieu".
Quand nous atteignons finalement le repaire intime, Jon Landau, le manager, nous accueille. Il sourit et dit, "Pas plus d'une demi-heure. Ok ? S'il vous plait ?", rendant évident que si la gentillesse de Springsteen ne suffisait pas, en fait, le gars aime aussi parler, ce qui, en cette époque des John Lennon et des Lydon n'est pas une mince inquiétude. Dans la loge, Westcott, l'homme de chez CBS, finit de présenter les pontes de la radio à Springsteen, et l'homme qui paraissait mesurer trois mètres et être héroïque sur scène, apparaît à présent tout juste petit, fatigué et diplomatique. "Heureux de vous rencontrer", dit-il, et visiblement il semble l'être.
Finalement Westcott et son équipe partent, et on amène le E Street Band pour une rapide série de photos pour CREEM. "Inutile d'aller aussi vite avec ces gars", dit Springsteen, et c'est le subtil rappel que l'interview qui vient se déroulera, de façon appropriée, à 02 heures 45 du matin [Quarter To Three, ndt] . Il y a certaines choses, je suppose, auxquelles vous ne pouvez échapper.
Alors que le groupe sort, Springsteen s'affale sur un canapé tout proche, la pièce se vide rapidement et le magnétophone est en marche. Un dernier gars de l'équipe de Springsteen entre dans la loge, demande, "Hey, Patron, tu veux un soda ou quelque chose d'autre ?" et sort rapidement.
Ainsi, je ne peux m'empêcher de demander immédiatement: "Vous voulez dire qu'ils vous appellent tous 'Patron' ?" et Springsteen s'emporte.
"Et bien, ce que je ressens avec ce 'Patron' est bizarre", dit-il d'une voix échappée de Mean Streets, rauque et pleine de "dese" et "dose". "Parce que c'est venu de gens comme eux, qui travaillent avec moi. Et puis, quelqu'un a commencé à l'utiliser à la radio. C'est bizarre, parce que..." Il fait une grimace. "Je déteste qu'on m'appelle 'Patron'". Il sourit; nous sourions. "Vraiment. Je l'ai toujours détesté, dès le début. Je déteste les patrons. Je déteste qu'on m'appelle le patron. Tout le monde lance, 'Hé, Patron' et je dis, 'Non. Bruce. Bruce !'".
Nous rions à nouveau et nous nous calons dans nos fauteuils, et je régale celui qui déteste être appelé 'Le Patron' d'une histoire que Bob Seger a raconté à CREEM au début de cette année. Nous avions demandé à Seger quelle avait été la raison principale des retards avec Against The Wind, et il avait commencé à nous parler de choix de chansons et de balance, il voulait que l'album donne le sentiment "d'être juste". Il nous a raconté qu'il avait regardé Springsteen enregistrer son disque The River. "Vous devriez voir Springsteen", nous avait-il dit. "Il rejoue toujours la même scène, en ce moment. Il s'arrache les cheveux...".
"Ouais", dit Springsteen, en rigolant. "Dès le début, j'avais une idée précise de ce que cet album devait être. Et je ne pense pas... ça ne m'intéresse pas d'aller en studio et de...". Il marque une pause, réfléchissant. "Tout simplement, je ne veux pas prendre de la place dans les rayons, vous comprenez ? Ou m'inquiéter si je ne sors pas quelque chose tous les six mois, ou même tous les ans, que les gens vont m'oublier. Ce genre d'approche ne m'a jamais intéressée. Dès le début, ce genre d'approche ne m'a pas intéressée. J'ai simplement une idée sur ce que je peux faire de mieux à un moment donné, vous voyez ? Et c'est ce que j'ai voulu faire. Je ne sors rien jusqu'à ce que je ressente ça et c'est ce que j'ai fait. Parce qu'il y a tant de disques dans les rayons. Pourquoi sortir quelque chose qui ne vous donne pas l'impression d'être ce qu'il devrait être ?
"Et je ne crois pas aux lendemains, que 'Oh, je sortirai la deuxième partie dans six mois'. Vous serez peut-être mort, vous n'en savez strictement rien. Vous faites votre album comme si c'était le tout dernier de votre vie. Vous partez en tournée et jouez le soir. Je ne pense pas - 'Si je ne joue pas bien ce soir, au moins ai-je bien joué hier soir'. C'est comme s'il n'y avait ni de lendemain, ni d'hier. Il n'y a que le moment présent".
Lourd propos, et munitions supplémentaires pour les critiques qui voient la mort prochaine de Springsteen par le biais d'un romantisme incurable - mais la vérité, c'est que l'homme le dit et le croit, et il ne pourrait en être blâmé. La sincérité n'a pas pour habitude de jouer à Cobo Hall et ailleurs.
"Personne n'a des attentes aussi grandes que soi-même. On fait ce qu'on peut et les choses sont ainsi. Les gens ont leurs attentes, et j'essaye d'être à la hauteur de ce que je ressens moi-même. Et je sais que j'ai des idéaux précis sur la façon dont nous faisons les choses, sur la façon dont le groupe fait les choses. Les forces extérieures jouent alors un rôle secondaire. Vous savez que les attentes des gens seront ce qu'elles seront - et en fin de compte, vous allez, de toute façon, décevoir du monde, vous comprenez ?".
Le journaliste de CREEM, Mark J. Norton, mentionne qu'il a vu Springsteen il y a une semaine à Ann Arbor, la première date de la tournée. En fait, dit-il, c'était fort quand Springsteen a oublié le début des paroles de Born To Run, mais le public les connaissait et a chanté jusqu'à ce qu'un Springsteen stupéfait retrouve soudainement le fil.
L'anecdote soulève un point intéressant: au jour d'aujourd'hui, la majorité du public de Springsteen est littéralement fanatique - ils connaissent les chansons, les albums, le groupe, et ce qu'il est permis d'attendre d'une performance typiquement marathonienne. Je demande à Springsteen si parfois il aimerait que ce ne soit pas le cas, qu'il se retrouve face à un public qui n'aurait aucune idée à quoi s'attendre de sa part.
"J'ai fait la première partie des Black Oak Arkansas", dit-il en secouant la tête. "J'ai fait la première partie de Brownsville Station, et j'ai fait la première partie de Sha Na Na. J'ai 31 ans - et je joue dans les bars depuis l'âge de 15 ans. Et je me suis retrouvé devant des publics qui n'avaient absolument rien à foutre que vous soyez sur scène. Et si vous voulez des pourcentages, nous avons seulement eu entre 2 et 5 % de concerts comme celui d'hier soir, contre 95 % depuis les 10 ou 15 dernières années que nous jouons. Laissez-moi vous dire, ce genre de choses ne se produisait pas et ne se produit pas aujourd'hui... Et cela empêche de devenir trop indulgent envers soi-même, parce que vous savez ce que c'est quand tout le monde s'en fiche complètement, quand vous montez sur scène. Cela vous remet à votre place et reste en vous. On n'a rien sans rien.
"Quand nous avons débuté, j'allais à chaque concert m'attendant à ce que personne ne vienne me voir, et je montais sur scène avec le sentiment que personne ne me ferait de cadeaux. Et c'est de la façon dont vous devez jouer. Si vous ne jouez pas de cette manière, rangez votre guitare, mettez-la à la poubelle et rentrez chez vous, réparez des téléviseurs ou faites un autre boulot, vous comprenez ? Faites quelque chose où vous vous sentez concerné. Et le soir où je ne penserai plus de cette façon, ce sera le soir où je m'arrêterai, car c'est la chose tout simplement fondamentale.
"Je ne juge pas un concert à la réaction du public, je ne juge pas un concert par la critique qu'il y a dans la presse le lendemain, je sais quand je monte dans le bus et que je me rends jusqu'à la prochaine ville. Je sais si je peux m'endormir facilement ce soir-là. C'est la façon dont nous jugeons ce que nous faisons et c'est la façon dont nous le gérons. Et si nous ne faisions pas ainsi, ce bruit que vous avez entendu ce soir n'aurait jamais eu lieu".
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Nous commençons à parler d'albums et d'humeurs et je demande à Springsteen l'impossible - me raconter en quelques mots de quoi parle The River. En un sens, c'est un désavantage écrasant de parler à Springsteen avant d'avoir écouter l'album: aussi bonnes qu'auraient pu être les chansons qui ont été jouées un peu plus tôt dans la soirée, sur scène, il est difficile de déceler immédiatement un thème ou un concept dominant. Et oui, il y a un thème ou un concept dominant, aussi désuet que peut sonner ce concept, mais The River, tout comme Darkness avant lui, est basé sur un concept le plus large possible - l'expérience humaine - qui le rend automatiquement plus intéressant que 4/5 des autres disques qui sortent aujourd'hui. Pas que les 4/5 des autres disques qui sortent aujourd'hui ne sont pas basés sur l'expérience humaine, mais peuvent-ils apporter une réponse s'ils n'ont pas l'air de les traiter ?
Je débite une analyse accélérée des albums de Springsteen, lui disant que je pensais que E Street Shuffle et Darkness étaient de bien meilleurs disques que Born To Run, ne serait-ce que pour la cohérence de leur humeur. E Street semblait - et semble même aujourd'hui - joyeusement nostalgique, la volonté d'un meilleur monde, sans être factice ou suffisant. Darkness était aussi déprimant que son nom, et ce qui le rendait encore plus intéressant était qu'il faisait suite à Born To Run et à toute cette histoire de success-story. Rétrospectivement, Darkness semble n'être que l'unique saine réaction à cette même histoire - et heureusement, une histoire très humaine.
La cohérence de l'humeur a également eu une grande importance aux yeux de Springsteen; il la cite comme principale raison de l'interminable retard de The River. "La chose principale" explique-t-il, "c'était de se concentrer sur ce que je voulais exactement sur cet album" - à l'opposé de ce qu'il ne voulait pas, vous l'aurez compris - "et ce que je voulais faire des personnages. Comme pour Darkness, ce processus s'est arrêté à un certain point. Et bien, que se passe-t-il maintenant ?".
"Quand j'ai fait Darkness, je me suis beaucoup concentré sur une idée particulière, un sentiment particulier que je voulais avoir. Alors cette fois-ci, une des choses que j'ai ressenties, c'est que sur Darkness, je n'avais pas laissé de place pour certaines choses, vous comprenez ? Parce que je ne pouvais simplement pas comprendre comment on pouvait se sentir si bien et si mal en même temps. Et c'était très déroutant pour moi. Sherry Darling devait être sur Darkness, Independence Day était une chanson qui devait être sur Darkness, et la chanson que j'ai écrite juste après Darkness était Point Blank - qui amène cette situation à son extrême".
Si vous avez l'intention de parler du "style" des chansons de Springsteen, on peut raisonnablement suggérer qu'il en existe deux principaux: les chansons rapides, enjouées comme Rosalita et Tenth Avenue Freeze-Out, de joyeuses comptines, style "La vie est belle en ce moment", et les chansons calmes, "tristes" comme Racing In The Street ou Something In The Night, d'émouvantes comptines, style "La vie n'est pas si belle en ce moment". La dichotomie élémentaire E Street Shuffle / Darkness. Et apparemment, Springsteen voit les choses ainsi :
"Quand j'ai fait The River, j'ai essayé d'accepter le fait, vous comprenez, que le monde est un paradoxe, et ainsi vont les choses. Et la seule chose que vous puissiez faire avec un paradoxe est de vivre avec.
"Et c'est ce que j'ai voulu faire cette fois-ci, je voulais vivre avec toutes ces émotions particulièrement contradictoires. Parce que personnellement, et bizarrement, je suis plus attiré par le type de choses qu'on trouve sur Darkness - et quand je n'ai pas sorti l'album en 1979, c'était parce que j'ai eu le sentiment que ces choses-là n'étaient pas présentes. J'ai eu le sentiment que c'était quelque chose où j'ai simplement vu une image plus grande que la réalité, plus grande que la façon dont les choses marchent, et j'ai simplement essayé d'apprendre à être capable de vivre avec ça".
Je vais donc écouter The River quand je l'aurais lundi prochain et je vais ressentir ce paradoxe dont vous parlez ?
"Je crois" dit Springsteen. "A la fin, je crois que c'est l'émotion. Ce que je voulais, c'était simplement le paradoxe de ces choses-là. Il y a beaucoup de chansons idéalistes sur l'album, il y a beaucoup de chansons que, hey, vous pouvez écouter et en rire ou autre. Certaines sont très idéalistes, et je voulais toutes ces choses sur l'album. Au début, je n'avais pas l'intention de tout mettre, vous comprenez ?
"Je l'ai vu comme romantique. C'est un disque romantique - et pour moi 'romantique', c'est quand on voit certaines réalités et quand on comprend les réalités, mais quand on entrevoit aussi les possibilités. Et parfois, vous écrivez sur des choses telles qu'elles sont et parfois vous écrivez sur ce qu'elles devraient être, ce qu'elles pourraient être, vous voyez ? Et vous ne pouvez dire non à aucune de ces choses. Si vous dites non, vous passez à côté de sentiments qui sont importants et qui devraient se trouver en vous".
Je débite une analyse accélérée des albums de Springsteen, lui disant que je pensais que E Street Shuffle et Darkness étaient de bien meilleurs disques que Born To Run, ne serait-ce que pour la cohérence de leur humeur. E Street semblait - et semble même aujourd'hui - joyeusement nostalgique, la volonté d'un meilleur monde, sans être factice ou suffisant. Darkness était aussi déprimant que son nom, et ce qui le rendait encore plus intéressant était qu'il faisait suite à Born To Run et à toute cette histoire de success-story. Rétrospectivement, Darkness semble n'être que l'unique saine réaction à cette même histoire - et heureusement, une histoire très humaine.
La cohérence de l'humeur a également eu une grande importance aux yeux de Springsteen; il la cite comme principale raison de l'interminable retard de The River. "La chose principale" explique-t-il, "c'était de se concentrer sur ce que je voulais exactement sur cet album" - à l'opposé de ce qu'il ne voulait pas, vous l'aurez compris - "et ce que je voulais faire des personnages. Comme pour Darkness, ce processus s'est arrêté à un certain point. Et bien, que se passe-t-il maintenant ?".
"Quand j'ai fait Darkness, je me suis beaucoup concentré sur une idée particulière, un sentiment particulier que je voulais avoir. Alors cette fois-ci, une des choses que j'ai ressenties, c'est que sur Darkness, je n'avais pas laissé de place pour certaines choses, vous comprenez ? Parce que je ne pouvais simplement pas comprendre comment on pouvait se sentir si bien et si mal en même temps. Et c'était très déroutant pour moi. Sherry Darling devait être sur Darkness, Independence Day était une chanson qui devait être sur Darkness, et la chanson que j'ai écrite juste après Darkness était Point Blank - qui amène cette situation à son extrême".
Si vous avez l'intention de parler du "style" des chansons de Springsteen, on peut raisonnablement suggérer qu'il en existe deux principaux: les chansons rapides, enjouées comme Rosalita et Tenth Avenue Freeze-Out, de joyeuses comptines, style "La vie est belle en ce moment", et les chansons calmes, "tristes" comme Racing In The Street ou Something In The Night, d'émouvantes comptines, style "La vie n'est pas si belle en ce moment". La dichotomie élémentaire E Street Shuffle / Darkness. Et apparemment, Springsteen voit les choses ainsi :
"Quand j'ai fait The River, j'ai essayé d'accepter le fait, vous comprenez, que le monde est un paradoxe, et ainsi vont les choses. Et la seule chose que vous puissiez faire avec un paradoxe est de vivre avec.
"Et c'est ce que j'ai voulu faire cette fois-ci, je voulais vivre avec toutes ces émotions particulièrement contradictoires. Parce que personnellement, et bizarrement, je suis plus attiré par le type de choses qu'on trouve sur Darkness - et quand je n'ai pas sorti l'album en 1979, c'était parce que j'ai eu le sentiment que ces choses-là n'étaient pas présentes. J'ai eu le sentiment que c'était quelque chose où j'ai simplement vu une image plus grande que la réalité, plus grande que la façon dont les choses marchent, et j'ai simplement essayé d'apprendre à être capable de vivre avec ça".
Je vais donc écouter The River quand je l'aurais lundi prochain et je vais ressentir ce paradoxe dont vous parlez ?
"Je crois" dit Springsteen. "A la fin, je crois que c'est l'émotion. Ce que je voulais, c'était simplement le paradoxe de ces choses-là. Il y a beaucoup de chansons idéalistes sur l'album, il y a beaucoup de chansons que, hey, vous pouvez écouter et en rire ou autre. Certaines sont très idéalistes, et je voulais toutes ces choses sur l'album. Au début, je n'avais pas l'intention de tout mettre, vous comprenez ?
"Je l'ai vu comme romantique. C'est un disque romantique - et pour moi 'romantique', c'est quand on voit certaines réalités et quand on comprend les réalités, mais quand on entrevoit aussi les possibilités. Et parfois, vous écrivez sur des choses telles qu'elles sont et parfois vous écrivez sur ce qu'elles devraient être, ce qu'elles pourraient être, vous voyez ? Et vous ne pouvez dire non à aucune de ces choses. Si vous dites non, vous passez à côté de sentiments qui sont importants et qui devraient se trouver en vous".
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Nous parlons encore un peu de The River et du temps qu'il a fallu pour l'enregistrer ("Croyez-le ou non, je vais aussi vite que possible", dit-il), et Springsteen dit qu'il ne pense pas avoir fait plus de 10 prises de chaque chanson, la plupart ayant été enregistrées, en fait, en moins de 5. De nouveau, il insiste, la majeure partie du temps a été utilisée à se décider sur les pistes, parmi les 40 - c'est exact, 40 - qu'il avait enregistrées, lesquelles devaient être incluses sur The River. En fait, la rumeur courait qu'au moment où la dernière version de l'album était sur le point d'être pressée, Springsteen a enlevé juste à temps Held Up Without A Gun. Un comportement qui, tout du moins, semblait indiquer que la véritable spontanéité d'enregistrement - caractérisée par la mentalité J'entre-Et-Je-Casse-Tout - était un concept totalement étranger pour Springsteen.
Springsteen montre son désaccord, plutôt avec véhémence. "La spontanéité, d'abord, on ne l'obtient pas en allant vite. Elvis, il me semble, a fait 30 prises de Hound Dog, et ça, vous pouvez l'écrire... L'idée est d'avoir un son qui donne une impression de spontanéité; c'est comme ces disques qui sortent dans le commerce, et qui ont été fais très vite et qui donnent l'impression d'avoir été faits très vite. Si j'avais pensé que je pouvais faire un meilleur disque en deux fois moins de temps, c'est exactement ce que j'aurais fait. Parce que j'aurais préféré être en tournée.
"C'est le genre de choses où... Je veux dire, je sais ce que j'écoute quand je l'entends à nouveau, et j'avais des idées tout simplement bien définies. Les prises actuelles ont été rapides, mais je pense que ce qui prend le plus de temps, c'est la réflexion. L'aspect conceptuel. Savoir ce que je veux exactement faire me prend un certain temps de réflexion et ensuite, il faut que j'attende pour finalement prendre conscience que je l'ai vraiment fait".
Springsteen montre son désaccord, plutôt avec véhémence. "La spontanéité, d'abord, on ne l'obtient pas en allant vite. Elvis, il me semble, a fait 30 prises de Hound Dog, et ça, vous pouvez l'écrire... L'idée est d'avoir un son qui donne une impression de spontanéité; c'est comme ces disques qui sortent dans le commerce, et qui ont été fais très vite et qui donnent l'impression d'avoir été faits très vite. Si j'avais pensé que je pouvais faire un meilleur disque en deux fois moins de temps, c'est exactement ce que j'aurais fait. Parce que j'aurais préféré être en tournée.
"C'est le genre de choses où... Je veux dire, je sais ce que j'écoute quand je l'entends à nouveau, et j'avais des idées tout simplement bien définies. Les prises actuelles ont été rapides, mais je pense que ce qui prend le plus de temps, c'est la réflexion. L'aspect conceptuel. Savoir ce que je veux exactement faire me prend un certain temps de réflexion et ensuite, il faut que j'attende pour finalement prendre conscience que je l'ai vraiment fait".
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Nous avons déjà tourné la cassette de 90 minutes, ce qui signifie que 45 minutes se sont déjà écoulées et Springsteen continue de parler, visiblement épuisé, mais déterminé à répondre à toutes nos questions. Par politesse, nous ne pouvons lui en demander plus, sans outrepasser les limites de notre bienvenue; avec ironie, cependant, la dernière question que nous posons aurait tout aussi bien pu être la première. C'est certainement la plus basique. Nous demandons à Bruce Springsteen s'il est heureux. Heureux avec sa musique, avec sa vie et avec lui-même.
Sa réponse: "Oui. Parce que si je pensais que j'étais simplement assis là à extraire la vie de la musique, je ne le ferais pas. Mais ce n'est pas ce qui se passe, ce n'est pas ce que nous faisons. La représentation physique n'est pas ce qui prend du temps - je veux dire, c'était notre cinquième album, et quand nous avons loué le studio, nous savions exactement comment faire un disque. Aussi vite et aussi lentement que nous le voulions, d'accord ? L'aspect physique ne représente pas la vraie histoire. Juste ce que vous ressentez en vous. Et ça ne se mesure pas avec une horloge. C'est simplement ce que vous ressentez en vous, simplement où vous en êtes aujourd'hui et ce que votre album racontera, et ce que les gens qui achètent l'album vont ressentir et en retirer.
"Et j'avais une idée, et il n'était pas question de faire un compromis. Aucunement. Comme je l'ai dit, je ne crois pas aux lendemains ou à ce genre de choses. Et je préfère prendre du temps - et prendre du temps n'est pas une chose amusante à faire - parce que si je n'avais pas pris mon temps à ce moment-là, je ne pourrais pas monter sur scène.
"Nous allons faire beaucoup de concerts, et nous serons en tournée pour un bon moment. Et quand je monte sur scène le soir, j'aime me sentir... me sentir moi-même. Et avec le sentiment d'avoir fait ce que je dois faire. Et quand je joue ces chansons sur scène, je connais ces chansons, je sais ce que j'y ai mis et je sais où je suis. Et les gens vont les aimer et les gens ne vont pas les aimer, mais je sais que c'est réel. Je sais que c'est là".
Sa réponse: "Oui. Parce que si je pensais que j'étais simplement assis là à extraire la vie de la musique, je ne le ferais pas. Mais ce n'est pas ce qui se passe, ce n'est pas ce que nous faisons. La représentation physique n'est pas ce qui prend du temps - je veux dire, c'était notre cinquième album, et quand nous avons loué le studio, nous savions exactement comment faire un disque. Aussi vite et aussi lentement que nous le voulions, d'accord ? L'aspect physique ne représente pas la vraie histoire. Juste ce que vous ressentez en vous. Et ça ne se mesure pas avec une horloge. C'est simplement ce que vous ressentez en vous, simplement où vous en êtes aujourd'hui et ce que votre album racontera, et ce que les gens qui achètent l'album vont ressentir et en retirer.
"Et j'avais une idée, et il n'était pas question de faire un compromis. Aucunement. Comme je l'ai dit, je ne crois pas aux lendemains ou à ce genre de choses. Et je préfère prendre du temps - et prendre du temps n'est pas une chose amusante à faire - parce que si je n'avais pas pris mon temps à ce moment-là, je ne pourrais pas monter sur scène.
"Nous allons faire beaucoup de concerts, et nous serons en tournée pour un bon moment. Et quand je monte sur scène le soir, j'aime me sentir... me sentir moi-même. Et avec le sentiment d'avoir fait ce que je dois faire. Et quand je joue ces chansons sur scène, je connais ces chansons, je sais ce que j'y ai mis et je sais où je suis. Et les gens vont les aimer et les gens ne vont pas les aimer, mais je sais que c'est réel. Je sais que c'est là".
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Quand nous quittons finalement Cobo Hall, il est 4 heures du matin et l'équipe de Springsteen charge différents bus, les affrétant pour les cinq heures de route jusqu'à Chicago. Alors que nous fermons derrière nous la porte des loges, nous voyons dehors une trentaine de fans, des copies de Born To Run et de Darkness dans les mains, attendant tous, dans ces premières heures du matin, un coup d'œil, et peut-être même, un petit échange avec Springsteen. Les fans attendent, nous partons, et il y a fort à parier que dans peu de temps, quand un Springsteen fatigué ouvrira la porte des coulisses, il y aura 30 autres échanges qui l'attendent, avant qu'il ne monte finalement dans le bus.
Et Springsteen, sans aucun doute, ne voudrait pas qu'il en soit autrement.
Et Springsteen, sans aucun doute, ne voudrait pas qu'il en soit autrement.