Boston College, 09 septembre 2020

"La vie sans examen ne vaut pas la peine d'être vécue"



Le 09 septembre, l'artiste et musicien Bruce Springsteen s'est adressé à la classe 2024 de l'Université de Boston, au cours de l'Assemblée universitaire annuelle de première année (1). Les étudiants ont lu Born To Run, l'autobiographie de Springsteen, avant d'arriver sur le campus, et ils ont eu l'opportunité de poser des questions à l'artiste, sur sa vie et sur sa carrière, après leur avoir offert sa réflexion sur ce moment historiquement important.

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Bienvenue, Université de Boston, promotion 2024 !

Si vous avez fait vos devoirs et lu mon livre, vous savez donc que je me suis lancé dans le rock'n'roll pour le sexe, la drogue, et le sexe. Attendez une minute, je me suis trompé de discours... Je plaisante. Recommençons, si vous le voulez bien...

J'aurais aimé que nous soyons tous rassemblés ce soir, mais comme vous le savez, les circonstances ne nous le permettent pas. Comme vous tous, j'ai moi aussi un baccalauréat, mais j'ai 70 ans, et je n'ai pas, et n'aurais jamais, un diplôme universitaire. J'ai grandi dans le milieu musical, un milieu peuplé d’innombrables créatures étranges et inhabituelles, où on apprend de son expérience, et non pas dans un livre. Dans mon domaine, vous êtes diplômé de l'école de la vie, comme on dit. C'est votre diplôme.

J'ai vécu cette vie. Et elle possède ses mérites. Mais par dessus tout, je regrette de ne pas être allé à l'université. Ce sera inoubliable et ce sera le voyage de votre vie. Mon fils, qui a été diplômé de cette même institution, me l'a dit. Vous allez vivre vos quatre prochaines années dans un lieu où la vie de l'esprit a une importance capitale. La vie de l'esprit est une chose merveilleuse. Avec votre vie spirituelle, c'est l'apothéose de votre expérience humaine. Prenez du plaisir avec votre corps et avec votre vie physique pendant que vous êtes jeune. Ne la gâchez pas, car les courbatures et les douleurs arrivent. Mais ici, dans ce lieu, vous ne négligerez pas la vie de votre esprit. C'est quelque chose qui m'a manqué et j'ai essayé de faire de mon mieux pour me former seul. J'ai été obligé de chercher mes professeurs et mes mentors dans les librairies et dans la rue. C'était positif, mais je n'ai pas été capable de m'immerger entièrement dans un endroit dédié à l'apprentissage, et c'est ce que j'aurais aimé.

Vous êtes sur le point de vous embarquer pour la plus grande aventure de votre jeune vie. Vous pouvez la gâcher, vous pouvez la foirer, ou vous pouvez absorber chaque minute de votre expérience, et en ressortir, à l'autre bout, comme un individu à la vision élargie, à la vigueur intellectuelle, caractère spirituel et gracieux, pleinement préparé à rencontrer le monde avec ses propres caractéristiques. Être jeune au sein de cette magnifique ville accueillante et être investi dans la vie de cette école est un privilège immense.

Aujourd'hui, nous sommes au milieu d'une expérience historique. Sous notre surveillance, on a fermé les États-Unis et le monde pendant ces six derniers mois. Vous êtes la première génération Covid. Vous êtes déjà avisé par cette expérience, pour apprécier ce qui est sous-estimé. Les événements sportifs, se rassembler avec ses amis, les concerts. Vous vous en souvenez ? Bientôt, nous allons nous tourner vers vous pour obtenir des réponses pour un monde meilleur et plus sûr. Alors, par où commençons-nous ?

Un travail satisfaisant. Dépensez votre énergie pour faire et étudier quelque chose qui vous inspire et que vous aimez. Vous ne le regretterez jamais. A votre âge, je gagnais 15$ par soir, à jouer dans un petit bar à Asbury Park, et j'en ai aimé chaque minute, car j'adorais ce que je faisais.

Un travail satisfaisant et inspirant est un des aspects les plus importants d'une vie comblée. L'argent est formidable, mais il ne fait pas tout. Tout le monde veut faire quelque chose de bien, mais ne faites pas simplement bien, faites quelque chose de bon. Choisissez une voie qui vous rende heureux, qui vous donne envie de vous lever chaque matin, pour aller au travail, et qui vous permette de dormir tranquillement la nuit. Puis, découvrez où et comment vous pouvez donner en retour, car vous allez toujours recevoir plus que ce que vous allez donner.

Deuxièmement. Les relations. Vous devez apprendre comment aimer et comment vous laisser aimer. C'est essentiel à la santé de votre âme. C'est de cette façon que vous prouverez votre valeur à votre communauté, votre famille, votre partenaire. Trouvez une place dans leurs vies et découvrez comment y fleurir. Découvrez celui que vous êtes.

Comme Socrate est censé avoir dit, "La vie sans examen ne vaut pas la peine d'être vécue". Exprimez vos émotions, partager votre vie intérieure et soyez émotionnellement généreux avec vos amis et votre partenaire. Toutes ces choses feront de vous une présence plus forte dans votre communauté, et vous permettront de donner plus de vous-même, avec amour et liberté. Ce qui vous rendra heureux.

Apprenez à être un citoyen informé, actif et engagé. Votre pays a besoin de vous, de votre vision, de votre énergie et de votre amour. Oui, de votre amour. Aimez votre pays, mais n'échouez jamais à être critique quand il arrive qu'il ne soit pas à la hauteur de vos et de ses idéaux. Écoutez les voix qui vous appellent depuis les textes fondateurs et gardez foi en elles.

Et puis votez. Votez, votez, votez. Seulement la moitié des américains vote. C'est un péché. Voter est un privilège immense et un de vos droits les plus sacrés, en tant que citoyen. Vous pouvez changer le cours de l'histoire. L’élection présidentielle de 2000 s'est jouée à 500 voix, plus ou moins. Nous avons récemment vu comment notre démocratie pouvait être fragile. Vous êtes les sentinelles, vous êtes les sentinelles à la porte d'une nation libre. Nous avons besoin de votre jugement. Nous avons besoin de votre vigilance et de votre engagement pour une Amérique plus grande, l'Amérique que nous portons dans nos cœurs. L'expérience américaine, tel que vous la vivez aujourd'hui, est une promesse inassouvie. La distance entre le rêve américain et notre réalité américaine reste plus grande que jamais. Bientôt, ce sera entre les mains de votre génération de faire tout votre possible, de réconcilier et combler ce fossé. C'est beaucoup vous demander, mais c'est ce que ça signifie, et vous m'excuserez l'expression, d'être né aux États-Unis.

Et pour finir, soigne-toi toi-même. Nous arrivons tous dans ce monde par un traumatisme. La première chose qui nous arrive, c'est d'être éjecté du foyer que représente le ventre maternel, et la première chose que nous faisons, c'est pleurer. Nous n'arrivons pas en rigolant. Il y aura plein de rires à venir, et d'amour. L'amour est tout ce qui importe. Aimer vos voisins, aimez vos amis, aimez votre famille, aimez votre partenaire et aimez-vous. Bonne chance. Profitez du voyage.

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Bonjour, je m'appelle Sloke Jerry-Walla, membre de la promotion 2024, et je viens de Cedar Grove, New Jersey. De quelle manière votre éducation vous a permis de créer les personnages qui prennent vie dans vos chansons ?

Bonjour, compatriote du New Jersey. Mon père travaillait en usine. Ma mère était une secrétaire juridique, qui après son baccalauréat, a travaillé les 50 années qui ont suivies. J'ai été élevé dans un petit quartier ouvrier. J'en ai tiré ce que je connaissais pour donner un cadre et des détails à mes histoires. Mais pour que vos personnages prennent vie, vous devez intégrer leurs histoires avec votre propre vie intérieure. Vous devez sonder les profondeurs de votre propre expérience émotionnelle, spirituelle et psychologique afin de créer, que vous écriviez une chanson ou autre chose, des êtres en trois dimensions, dont les vies résonneront avec celles de vos auditeurs ou de vos lecteurs. Vous devez les intégrer à votre propre cœur intérieur.

Les circonstances dans ma propre vie, c'est vraiment ce que j'ai le plus retiré de mon éducation. Et on dit que si vous êtes un écrivain, vous aurez assez de douleur, de tristesse, de rire, de joie au cours des douze premières années de votre vie pour écrire jusqu'à la fin de vos jours. J'ai découvert que c'était vrai. J'ai essayé de garder foi en ces personnes qui m'ont mis au monde, foi en la ville où j'ai vécu, en mes voisins, mes amis, en écrivant sur leurs expériences et la mienne. Merci.


Bonjour, je m'appelle Katie Gilmore, membre de la promotion 2024, et je viens de Memphis, Tennessee. Dans votre livre, Born to Run, vous décrivez la façon dont vous avez grandi à une époque tumultueuse de l'histoire américaine. A la page 331, vous avez écrit, "J'étais un enfant de l'Amérique période Vietnam, au temps des assassinats de Kennedy, King et Malcom X. Ce pays ne ressemblait plus à cet endroit innocent qu'il était au cours des années 50 d'Eisenhower". Cette phrase m'a vraiment frappée, car ma génération grandit également à une époque où le pays n'est plus cet endroit innocent qu'on décrit. Quels conseils pouvez-vous nous donner ? Que devons-nous attendre de ces temps lugubres ?

Pour commencer, comme je l'ai déjà dit, vous êtes nés aux États-Unis, et même si nous traversons une de ces époques des plus dures et des plus complètement folles que j'ai pu traverser de toute ma vie - et j'ai eu votre âge au cours des années 60 - l'Amérique reste une terre où, si tout n'est pas possible, beaucoup de grandes choses restent possibles. Elle reste une terre de promesse inassouvie, et ce sera votre job. Si vous allez au bout de votre cursus avec succès, vous allez avoir une grande chance de n'être freiné que par votre éthique et par votre imagination, aussi loin que votre vie vous emmènera. Les États-Unis restent un des meilleurs endroits sur terre pour être jeune et travailleur et créatif. Aujourd'hui, il ne s'agit pas d'une promesse qu'on peut faire à tous nos concitoyens. Donc, si vous êtes là ce soir, considérez-vous comme les plus chanceux, et utilisez bien votre privilège. Il est bon d'être un optimiste réaliste. Avancez et prospérez. Merci.

Bonjour, je m'appelle Sharon Foil, membre de la promotion 2024, et je viens de Hyde Park, Massachusetts. Quand vous avez émergé sur la scène musicale, votre son était très distinctif et différent de la musique populaire de l'époque. Aviez-vous la pression pour vous y conformer ? Comment avez-vous gardé confiance en votre style et confiance en la direction que vous avez prise ?

Comment ai-je gardé confiance ? Je suis une montagne ravagée de grandes insécurités, encore aujourd'hui. Mais je m'étais façonné une identité créatrice dont j'avais confiance, pendant une décennie de travail, avant même de signer un contrat discographique. C'est probablement impossible aujourd'hui. Mais j'ai joué devant des milliers de personnes, des milliers de soirs, dans des bars, des salles de réunions de syndicats, des casernes de pompiers, des fêtes, des mariages, des gymnases de lycées, des bar-mitzvah. Donc, quand j'ai intégré le milieu musical, j'avais assez confiance en la personne que j'étais. Si vous vous appliquez convenablement, cette école vous aidera à modeler celui que vous êtes. Vos quatre années passées ici seront des années d'immense transformation personnelle. Vous allez devenir des êtres humains plus complets, plus accomplis, plus assurés de la direction à prendre et confiant en celui que vous êtes en train de devenir. Ces qualités sont de grandes valeurs et elles vous serviront. C'est ce que vous emporterez d'ici ce soir, si vous êtes béni. Merci.

Bonjour, je m'appelle Javier Pardo, membre de la promotion 2024, et je viens de Coral Gables, Floride. Beaucoup de vos chansons contiennent des références à la foi, et, dans le livre, vous dites avoir grandi dans un milieu catholique. Quel rôle a joué la foi, en tant que source d'inspiration, dans votre musique ?

J'ai une relation ambivalente avec ma foi, j'imagine. Je me considère comme un Catholique non pratiquant. J'ai fréquenté l'école Catholique pendant huit ans, et elle m'a quasiment guéri à vie de ma catholicisme. Mais après ces huit années d'enseignement catholique, j'ai pensé que je pourrais m'échapper de ma foi, mais j'avais tort. Je ne pouvais pas. Je pouvais m'éloigner de ma religion, mais pas de ma foi. Ma foi est restée en moi, façonnant mes écrits, affectant le langage avec lequel je m'exprimais et les thèmes sur lesquels j'écrivais. J'ai souvent écrit en incorporant un langage biblique. Je me considère moi-même comme un auteur principalement spirituel. Je fais de la musique qui cherche à s'adresser à l'âme, finalement. J'ai fait la paix avec mon éducation catholique pour le meilleur, pour le pire, et j'ai dû accepter le fait que je ne serais pas exactement celui que je suis aujourd'hui sans elle. Merci.

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Cette question vous est soumise par Neo Bolt, de Reading, Massachusetts. Dans votre autobiographie, vous décrivez le pouvoir d'instants insaisissables de créativité, qui transcendent les expériences du quotidien. Vous dites, "Lorsque la vie semble pleinement accomplie, 1+1=3". Mais vous avez aussi mentionné que ces instants sont difficiles à conserver et faciles à oublier. Avez-vous un conseil à ceux d'entre nous qui cherchent à atteindre cette magie du "1+1=3" dans leur propre vie ?

1+1=3, voilà ces moments après lesquels vous courrez lorsqu'il y a un facteur X, lorsque que quelque chose d'imprévisible entre dans votre vie. Ces instants proviennent d'une convergence d'évènements. Vous ne pouvez pas les actionner sur commande. Si vous le pouviez, je sortirais un album par an, et non pas tous les trois ou quatre ans. Vous pouvez travailler pour que les conditions soient réunies, afin que ces instants se présentent favorablement. Ce qu'il faut retenir, c'est que c'est la raison pour laquelle vous êtes là, et c'est ce que cette institution peut vous aider à accomplir, en grande partie. Enrichissez votre esprit, occupez-vous de la santé de votre âme et de votre esprit, et vous poserez les bases de votre vie la plus créative, pour que 1+1=3. Ces choses peuvent arriver, c'est ce que vous voulez faire avec votre temps passé ici. Merci.

Cette prochaine question vous est posée par Molly McGrane, de Aurora, Illinois. Aujourd'hui plus que jamais, votre chanson, American Skin, écrite il y a vingt ans, délivre un message qui a besoin d'être entendu et compris. Vous avez écrit, "J'ai beaucoup travaillé pour avoir une voix nuancée. Je savais qu'une diatribe ne serait pas bonne. Je voulais juste aider à voir le point de vue de l'autre. L'idée derrière cette chanson, c'est de montrer ce que la peur et la paranoïa et l'injustice raciale systématique fait à nos enfants, à nos êtres chers, à nous-mêmes. C'est le prix à payer par le sang". Vous avez joué cette chanson au cours de la tournée de 1999. Etes-vous surpris ou triste que American Skin soit une chanson si pertinente, de nos jours ? Et avec le recul, pensez-vous que la chanson a réussi à exprimer ces deux points de vue ?

Pour ceux qui ne la connaissent pas, American Skin est une chanson que j'ai écrite sur le meurtre de Amadou Diallo, à New York. Pendant qu'il cherchait son portefeuille, pris à tort comme un pistolet, on lui a tiré dessus à 41 reprises. Je suis triste que cette chanson soit pertinente, mais je ne suis pas complètement surpris, car nous, en tant que nation, n'avons pas fait le travail nécessaire pour nous occuper du racisme généralisé qui se propage à chaque coin de rue de notre société. Mais nous vivons actuellement un moment de masse critique, à cause des téléphones portables, ce qui nous a permis de filmer pour devenir les témoins de crimes perpétrés contre des personnes de couleur, et grâce au mouvement Black Lives Matter, qui a mis ce sujet sur le devant de la scène. Comme jamais auparavant, nous vivons une période de possibilité.

Si vous regardez autour de vous, cependant, vous pouvez vous rendre compte que le mouvement pour une justice sociale est extrême, et que rien n'est garanti. Aujourd'hui, personnellement, je pense que l'histoire nous impose d'avancer, mais il nous faudra chaque seconde d'action et de conviction que nous pouvons rassembler pour créer un véritable changement. C'est un sujet existentiel pour les États-Unis, un sujet qui nécessitera un profond engagement de vous tous ici ce soir, et de tous vos ainés. Avec cette pandémie, c'est le sujet central de notre époque, et nous serons jugés, en tant que nation, en fonction de la façon dont nous aurons tenu notre promesse que tous les hommes sont égaux. Votre génération sera essentielle dans cette décision. Merci.

La prochaine question a été soumise par Ben Austin, de Arlington, Massachusetts. A travers votre livre, on voit que vous avez pris beaucoup de risques et parfois, vous avez tout misé sur vous-même, votre musique et votre groupe. En y repensant, est-ce qu'il s'agissait de risques majeurs, et si c'est le cas, comment saviez-vous s'il fallait prendre ce risque ou pas ? Et comment ce conseil peut-il s'appliquer à d'autres apprentis musiciens ?

D'accord. C'est une question pour les futurs musiciens, je suppose. L'industrie du disque est un lieu intrinsèquement risqué et peu fiable. A l'âge de 22 ans, j'aurais apposé ma signature sur votre caleçon pour pouvoir faire un disque. J'aurais mis ma signature, et je l'ai fait, sur ce qui se présentait. Et j'ai signé des contrats calamiteux, qui m'ont coûté, bien plus tard, du temps, des amitiés, et d'immenses sommes d'argent pour m'en défaire. J'avais abandonné les droits de mes chansons, les créations auxquels je tenais le plus. J'ai survécu, grâce à Dieu, mais ce n'était pas la bonne façon de faire. Donc, avant de faire le grand saut, restez attentif, et soyez attentif aux personnes avec lesquelles vous vous impliquez, ainsi qu'aux accords passés.

Pour ce qui est de prendre des risques, j'étais jeune et je n'avais rien, je n'avais donc rien à perdre, et la vie est un risque. Miser sur soi-même, vous pourriez faire pire. Mais de cette façon-là, vous savez vers qui vous tourner pour vous plaindre de vos échecs ou pour donner du crédit à vos succès. Ceci étant dit, si vous faites de la musique pour vivre, c'est une occupation bénie. C'est ce que je fais depuis 50 ans, et je suis l'homme le plus chanceux sur terre.

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Cette prochaine question a été soumise par Heidi Yoon, de Ridgefield, New Jersey. Que signifie l'amitié pour vous, et comment vous a-t-elle permis d'arriver là où vous en êtes aujourd'hui ?

L'amitié, d'accord, l'amitié. Je vais vous dire quelque chose sur l'amitié. Imaginez que les étudiants avec lesquels vous allez à l'école aujourd'hui soient exactement ceux avec lesquels vous travaillez 45 ans plus tard. C'est ce qui arrive avec un groupe de rock'n'roll. 45 ans plus tard, ces mêmes personnes sont toujours avec vous. Il me semble que c'est le seul job au monde où c'est possible. Mais inutile de dire qu'entretenir ces amitiés pour qu'elles restent vivantes et vitales 45 ans plus tard est un art délicat. Je ne serais pas la même personne, assise face à vous ce soir, si je n'avais pas ces amitiés que j'ai cultivées et que j'ai nourries au sein de mon groupe, et avec les personnes avec lesquelles je travaille. Mes amis sont la partie inextricable de tous les succès que j'ai eu.

Et plus que ça, mes amis ont enrichi ma vie d'une façon dont je n'aurais jamais pu imaginer. Dans chaque amitié, vous allez vous quereller, vous allez vous aimer, vous allez vous engueuler, vous allez détester ça chez lui et il va détester ça chez vous. Mais mon groupe et moi-même, nous avons élevé la valeur de notre amitié au-dessus de nos disputes personnelles et de nos doléances. Depuis 45 ans, nous recevons la grâce et la bénédiction que des amitiés d'une vie vous accordent. Et je souhaite que chacun de vous, assis là ce soir, puisse être aussi chanceux. Merci.

La prochaine question a été soumise par Emily Foreign, de Bethlehem, New York. Est-ce qu'il y a eu un moment dans votre carrière où vous avez vraiment envisagé d’arrêter ? Si c'est le cas, comment avez-vous surmonté cette décision pour devenir le musicien à succès que vous êtes aujourd'hui ?

Je n'ai jamais pensé arrêter, car je n'avais aucune autre compétence. Arrêter et faire quoi ? J'aurais été incapable de faire autre chose. Rien n'augmente plus votre engagement qu'être dos au mur, avec nulle part où aller. La plupart des musiciens que je connais et qui auraient pu arrêter - ils ne l'ont pas fait. Ce n'est pas une profession pour ceux qui ont une abondante quantité de choix dans la vie. C'est trop incertain. Donc, je pourrais être au Madison Square Garden ou dans un petit bar à Asbury Park, mais j'aurais continué à gratter cette guitare, quoi qu'il arrive. Merci.

Cette dernière question a été soumise par l'étudiant Danny O'Connor, de Saddle River, New Jersey. A part vos enfants, de quoi êtes-vous le plus fier ?

Ce dont je suis le plus fier ? Et bien, à part mes enfants, je suis fier de la relation que j'ai avec ma femme depuis plus de 30 ans. Rien ne pourra élargir votre horizon ou vous faire grandir individuellement autant que la relation dans laquelle vous vous engagez, et la personne que vous choisissez pour partager votre vie. Plus que mon travail, plus que n'importe quel succès que vous pourriez obtenir, rien n'a autant modifié ou enrichi la personne que je suis devenu en tant qu'homme, que la relation avec ma femme, Patti. Tout le reste se tient derrière. Le travail, le succès, tout se trouve derrière moi et ma femme. Merci.

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NOTES

[1] Cet évènement annuel de l'Université de Boston permet aux étudiants d'une promotion en première année de s'engager dans un dialogue intellectuel à travers un texte commun.


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