Backstreets, 16 février 2012

Un américain à Paris



A la mi-février, Bruce Springsteen est venu à Paris pour discuter de Wrecking Ball devant des journalistes internationaux. Au cours de cette conférence de presse organisée au Théâtre Marigny, il a passé une heure à répondre à de nombreuses questions à propos du nouvel album, de la psychologie de la colère, de l’état de l’Amérique, de Clarence Clemons, de son autobiographie, de son falsetto, et de bien plus. Une courte vidéo a rapidement été mise en ligne pour nous donner le ton de cette conversation, et des citations sont depuis apparues dans différents journaux. Maintenant que le disque a filtré dans son intégralité, nous sommes heureux de pouvoir vous présenter une transcription de cette journée.

Parmi les révélations qu'on y trouve : Bruce travaillait déjà sur un disque de gospel avant que Wrecking Ball ne prenne forme. "J’ai passé une année sur ce disque de manière irrégulière avant de le mettre de côté, ce qu’il m’arrive de faire de temps en temps", dit-il, avant d’ajouter, "J’ai écrit 30 ou 40 chansons avant ces chansons".

Voici l’unique interview de Springsteen publiée à ce jour au sujet de son nouveau disque, un formidable aperçu de son état d’esprit à propos de Wrecking Ball, alors qu'approche la date de sortie, le 06 mars.

Modérateur Antoine De Caunes

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Mesdames et messieurs, c’est le moment pour moi de réaliser le rêve de ma vie, partager une scène avec Bruce Springsteen. Quelques questions préalables au sujet de Wrecking Ball. Je suis curieux de savoir pourquoi vous avez changé votre producteur, après avoir travaillé avec Brendan O’Brien pendant tant d’années, et je voudrais en savoir plus sur le processus d’enregistrement.

La personne qui a produit ce disque est quelqu’un qui s’appelle Ron Aniello. Je l’ai assisté, et Jon [Landau] en est le producteur exécutif. Ron avait travaillé sur quelques disques de Patti [Scialfa] auparavant, et je travaillais en fait sur un autre disque avant celui-ci. J’ai passé une année sur ce disque de manière irrégulière avant de le mettre de côté, ce qu’il m’arrive de faire de temps en temps. Il est venu pour m’aider à finir celui-là, et alors que nous avancions, quelques chansons ont commencé à se mettre en place pour ce disque; il avait beaucoup d’idées nouvelles sur la manière dont la musique pouvait sonner, et il avait une grande bibliothèque de sons - des éléments alternatifs et hip-hop - et nous avons utilisé pas mal de boucles différentes. C’était une expérience très différente, vraiment, rien que tous les deux en studio, au début.

Vous étiez chez vous dans le New Jersey pour ces sessions d’enregistrement ?

Oui, nous étions dans notre propre studio, et chacune des chansons a démarré comme une chanson folk, seulement moi et ma guitare acoustique. Et puis tout le reste a suivi.

Et vous avez eu des invités spéciaux, comme Tom Morello…

Tommy Morello, de Rage Against The Machine, est venu jouer de la guitare sur This Depression et sur Jack Of All Trades. Patti et Soozie on chanté; Max joue sur un morceau; Clarence est sur Land Of Hope And Dreams.

Comme nous l’avons tous entendu, c’est un disque très puissant qui aurait pu être écrit à la fois par un vieux sage et par un jeune homme très brillant. Diriez-vous que votre écriture est plus forte quand vous êtes en colère ?

Dans le rock'n'roll, on ne peut jamais se tromper quand on est en colère. La première moitié du disque, tout particulièrement, est très enragée. La genèse de ce disque a démarré après 2008, quand nous avons subi cette énorme crise financière aux États-Unis, et dont personne n’a vraiment été tenu pour responsable, pendant des années et des années. Des personnes ont perdu leur maison, et j’ai des amis qui perdaient leur maison, et personne n’est allé en prison. Personne n’était responsable. Des gens ont perdu des sommes énormes sur leurs actifs. Avant Occupy Wall Street, il n’y avait aucun rejet: il n’y avait aucun mouvement, il n’y avait aucune voix pour dire combien c'était scandaleux - pour dénoncer ce vol pur et simple qui avait frappé au cœur même de l’idée de l’Amérique toute entière et de ce qu'elle représente. C’était une indifférence totale vis-à-vis de l’histoire, du contexte, de la communauté; La seule question était, "Que puis-je avoir aujourd'hui ?". C'était juste une énorme ligne de fracture qui a fait éclater en grand le système américain. Et je pense qu’on commence à peine à en ressentir réellement les conséquences.

Donc, je pense que j’ai écrit We Take Care Of Our Own entre 2009 et 2010, et je l’ai mise de côté dans mon carnet. Et l’idée derrière cette chanson était: ce qui était censé arriver, n’arrivait pas. Mon travail a toujours consisté à mesurer la distance entre la réalité américaine et le rêve américain - quelle est cette distance, à un moment donné. Si vous remontez au travail que j’ai réalisé à mes débuts, dès la fin des années 1970, j’ai toujours mesuré cette distance : en sommes-nous proche, en sommes-nous éloigné, en êtes-vous proche. Tout, de Darkness On The Edge Of Town, The River, jusqu’à Nebraska, Born In The USA, The Ghost Of Tom Joad, ce sont tous des disques qui n'ont fait que prendre la mesure de cette distance.

Cette chanson, We Take Care Of Our Own, pose la question à laquelle le reste du disque essaie de répondre. Qui est, bien évidemment : Prenons-nous soin des nôtres ? Et souvent, nous ne le faisons pas. Nous n’offrons pas un même terrain de jeu à tous nos concitoyens. Et dans le même temps, elle ne cède pas aux seuls conservateurs ce qui pourrait être du patriotisme ou des images, comme le drapeau. Je les revendique, comme je l’ai fait dans une bonne partie de mon œuvre, au fil des années. Le reste du disque essaie de répondre aux questions qui se posent dans le dernier couplet de cette chanson : Où sont les cœurs qui débordent de clémence ? Où est le travail dont j’ai besoin ? Où est l'esprit qui règne sur moi ? Où sont les yeux qui voient ? Ce sont des questions auxquelles le reste du disque essaie de répondre et qui sont contenues dans la question que pose le titre de cette chanson, We Take Care Of Our Own.

A propos de patriotisme, ne craignez-vous pas qu’une chanson comme celle-ci, We Take Care Of Our Own, ne soit mal comprise comme Born In The USA ?

Il ne faut pas avoir peur de ces images-là. J’écris avec soin et précision et, je pense, assez clairement. Et puis, le disque sort, et les gens l’entendent, et puis, c'est à eux de jouer. Et si ce mécanisme vous échappe, c’est que vous ne réfléchissez pas assez; vous savez, vous devez revenir en arrière et parfois regarder une deuxième fois. Mais je ne veux pas abandonner ces sentiments-là au seul côté droit de la rue. C'est ce que je n’aime pas faire. C’est pourquoi mon œuvre est parfois revendiquée par des partis politiques différents, parce qu’il y a un sentiment patriotique sous-jacent. C’est quelque chose qui est présent dans Land Of Hope And Dreams, et dans ce que j'ai écrit de mieux. Mais en même temps, c’est une forme de patriotisme très critique, sceptique et souvent énervé. Ce n’est pas quelque chose que je suis prêt à abandonner, de crainte que quelqu’un puisse schématiser ce que je dis.

J’ai beaucoup de questions, mais je ne suis pas sensé être le seul à en poser.

Ok. Je sais : "Comment puis-je être si beau ?" Je ne peux pas vous le dire. "Très bien, question suivante ?" [rires] Ce sont les gènes.

La parole est donnée à l’assistance

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Sur ce disque, vous avez inclus des chansons qui ne sont pas tout à fait inédites, avec Land Of Hope And Dreams et Wrecking Ball, qui ont déjà été jouées auparavant. Mais elles s’intègrent bien à l’époque, n’est-ce pas ?

Wrecking Ball ressemblait à une métaphore sur ce qui s’est passé - c’est une image où quelque chose est détruit pour pouvoir construire quelque chose de nouveau, et c’était également une image suggérant la destruction pure et simple de quelques valeurs et idées américaines fondamentales, au cours de ces 30 dernières années. Il y a un processus de dérégulation qui dure depuis 30 ans maintenant, avec différentes choses qui ont été ajoutées à l’inégalité que nous connaissons actuellement aux États-Unis. Alors, cette chanson me semblait être une bonne métaphore.

Avec Land Of Hope And Dreams, j’avais besoin d’une chanson qui soit très spirituelle, car le disque se déplace entre des personnes vraiment très en colère à des personnes en colère mais constructives. Pour moi, il y a toujours un élément spirituel à l'intérieur, et un élément religieux, à un certain degré. Peut-être est-ce simplement mon éducation catholique, mais c’est de cette manière que j’écris sur le sujet. Alors, cette chanson était assez forte.

Le problème avec un disque, si vous écrivez une chanson vraiment importante dès le départ, la suite doit gagner en amplitude - ou alors tu foires tout, mon ami [rires]. C’est la raison pour laquelle il y a tant de disques où on se dit, Hé, bonne première chanson !... La deuxième est bonne… [il ronfle]. Vous n’y êtes plus quand arrivent la septième ou la huitième.

Mais sur nos disques, j’essaie de les construire de manière à ce qu’une question soit posée, et qu’il y ait des scénarios où ces questions sont développées. Si vous regardez ce disque, il y a une question posée : Prenons-nous soin des nôtres ? Je ne le pense pas, dans bien des circonstances. Puis, il y a des scénarios où vous rencontrez les personnages qui subissent les conséquences de l’échec de ces idées-là et de ces valeurs-là. Vous arrivez au personnage sur Easy Money, il sort pour commettre un braquage - ce qui s’est exactement passé au sommet de la pyramide. Il imite ces gars à Wall Street de la seule manière qu’il connaisse : je sors ce soir, à la recherche d’argent facile.

Si vous suivez le fil du disque, chaque chanson vous présente un personnage légèrement différent. Puis à la fin, il faut que je trouve une façon d’assembler leurs histoires, afin que le disque ait un sens pour vous. Il faut que je trouve une façon, pas nécessairement pour répondre à la question que j’ai posée, mais pour avancer, pour faire avancer les idées, pour avancer dans la recherche d’un jour nouveau. "Un jour nouveau" revient souvent dans le disque, ce qui revient à dire, tout simplement, "Ok, comment avance-t-on ?" C’est ce qui m’intéresse.

Le disque doit donc se construire, et il doit se développer émotionnellement et spirituellement, et il doit également vous donner un peu de bon temps au final. Vous savez, il doit sonner comme il faut et doit être grand. C'est toujours un défi, mais Land Of Hope And Dreams était une chanson d'une telle ampleur et d'une telle dimension spirituelle, que quand la fin du disque approchait, elle s'est parfaitement intégrée.

Ce sont également des voix de l'histoire et des voix d'outre-tombe. Si vous écoutez le disque, j'utilise beaucoup de folk music. Il y a de la musique de la Guerre Civile. Il y a de la musique gospel. Il y a des cuivres des années 30 sur Jack Of All Trades. C'est de cette façon que j'ai utilisé la musique - l'idée était que la musique allait contextualiser historiquement les évènements qui s'étaient déjà produit avant : ils se sont produits dans les années 70, ils se sont produits dans les années 30, ils se sont produits dans les années 1800... C'est cyclique. Encore, et encore, et encore, et encore. J'ai donc essayé d'aller chercher un peu de continuité et un peu de résonance historique à travers ma musique.

Par le passé, vous vous êtes engagé et avez joué pour des candidats à l’élection présidentielle, et bien sûr l’élection présidentielle arrive cette année aux États-Unis. Avez-vous prévu de chanter ou de faire des concerts pour Barack Obama ?

Je me suis impliqué un peu par accident. La situation était la suivante: les années Bush étaient si horribles qu’on ne pouvait pas juste rester assis. Je n’ai jamais fait campagne pour un politicien avant John Kerry. Mais à ce moment-là, un désastre tellement évident se déroulait à la tête du gouvernement, et on avait la sensation que si on disposait d’un quelconque prestige, il fallait s’en servir, parce qu’on ne pouvait plus rester assis à regarder. Alors, j’ai fait campagne pour John Kerry, et pour Obama la dernière fois - et je suis content de l’avoir fait - mais je ne suis pas un militant professionnel, et tous les quatre ans, je ne pense pas que je vais choisir un candidat et faire campagne pour lui. Je préfère rester en retrait. Généralement, je pense qu’un artiste doit être le canari dans la mine de charbon, et qu’on se trouve bien mieux à une certaine distance du pouvoir.

En 2008, vous avez pris très fortement position pour le Président Obama. Êtes-vous dans le même état d’esprit aujourd’hui ?

Je pense qu’il a fait beaucoup de bonnes choses: il a maintenu en vie General Motors, ce qui était incroyablement important pour Détroit, Michigan. Il a fait passer la loi sur la sécurité sociale, bien que j’aurais aimé qu’il y ait une option publique et que les citoyens victimes des sociétés d’assurance ne soient pas abandonnés. Il a tué Oussama Ben Laden, ce qui me semble extrêmement important. Il y a eu un assainissement au sommet de l’État.

Il est plus amical envers les grandes sociétés que je n’aurais imaginé, et les voix de la classe moyenne ou de la classe ouvrière sont moins entendues dans son administration que je n’aurais imaginé. J’aurais aimé voir, plus tôt, plus de créations d’emplois, et j’aurais aimé voir ces saisies interrompues ou, d’une certaine manière, atténuées. Les banques ont bénéficié d’un accord, un accord partiel, mais vraiment, il y a beaucoup de personnes qui ne seront pas assistées. Je soutiens encore le président, mais il y a beaucoup de choses - je pensais que Guatanamo serait à présent fermé. En revanche, nous avons quitté l’Irak, et avec un peu de chance, nous quitterons bientôt l’Afghanistan.

Beaucoup de gens après le 11 septembre, et beaucoup de gens au cours de ces deux dernières années, se tournent vers vous pour connaître votre interprétation de ces évènements. Est-ce que vous le ressentez comme une forme de fardeau ? Qu’autant de personnes s'en soucient ? Regardez-nous: lorsque nous vous attendions avant, tellement de personnes se soucient de ce que vous pensez, et de ce que vous ressentez devant ce qu’il se passe dans le monde.

En fait, je me sens terriblement accablé, et la nuit quand je dors dans ma grande maison, cette pression me tue [rires]. C’est une vie dure, c’est une vie cruelle ! L’industrie de la musique rock : cruelle, cruelle, cruelle. Ne croyez pas ce qu’on vous dit.

Non, c’est une vie bénie. Et ce ne sont là que des choses qui m’intéressent et des choses dont j’ai envie de parler avec mon public.

Quand j’étais jeune, j’ai aimé les artistes qui essayaient, d’une manière ou d’une autre, de s’en prendre au monde - pour le meilleur ou pour le pire - et qui s’impliquaient également dans les évènements de leur époque, en tant qu'acteurs du spectacle. J’ai un large public : j’ai des Démocrates, j’ai beaucoup de Républicains, j’ai des gens qui viennent juste pour danser et s’amuser, et des gens qui s’intéressent aux aspects sociaux sur lesquels j’écris. Et j’apprécie cet ensemble, tout simplement.

J’apprécie donc cette conversation. Si j’ai quelque chose à dire ou si peux écrire une chanson à ce sujet, à un moment donné, je le fais. Et si ce n’est pas le cas, je ne le fais pas. J’écris pour intégrer mes propres expériences. J’ai toujours considéré que si je le fais pour moi, alors, je le fais pour vous. Au départ, vous écrivez pour vous-même, juste pour essayer de comprendre le monde dans lequel vous vivez. Et si vous le faites suffisamment bien, alors cette idée-là se transmet à votre public. Mais je ne suis pas dans un cabinet électoral où je dois arriver avec un nouveau projet chaque jour. Je ne le ressens pas comme un fardeau. Ça ne marche pas de cette façon. C’est plutôt une vie enchantée, je dirais, si vous êtes musicien. C’est la raison pour laquelle on appelle ça "jouer".

Sur ce disque, plus que jamais, nous trouvons des références spirituelles, des citations bibliques, ce type de choses. Est-ce parce que vous ressentez votre propre mortalité à présent ?

Non, je pense qu'on m'a fait un lavage de cerveau avec le catholicisme, lorsque j’étais enfant. Une fois que vous êtes… c’est comme cette réplique d’Al Pacino, "Je n’arrête pas d’essayer d’en sortir, ils font tout pour m’y ramener !" Catholique un jour, Catholique toujours ! Vous êtes impliqué dans ces choses-là à un moment où vous êtes en plein apprentissage. J’ai suivi une éducation religieuse au cours des huit premières années de ma scolarité; j’habitais près d’une église, d’un couvent, d’un presbytère, et de l’école catholique. J’ai vu chaque mariage, chaque enterrement, chaque messe. Ma vie était pleine d’odeur d’encens et de prêtres et de bonnes sœurs qui allaient et venaient, alors cet environnement m’a donné un sens très fort de vie spirituelle, et a compliqué ma vie sexuelle, mais je vais bien [rires].

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Pour changer de sujet, pourriez-vous dire quelques mots sur la transition entre Clarence et Jake ? Il y a un passage magnifique dans votre éloge funèbre où vous dites, "Clarence ne quitte pas le E Street Band en mourant. Il le quittera à notre mort".

J’ai rencontré Clarence à l'âge de 22 ans. C’est l’âge de mon fils. Je regarde mon fils, et c’est encore un enfant, vous comprenez ? Vingt-deux ans… vous n’êtes qu’un enfant. Et je pense que Clarence devait avoir 30 ans à cette époque-là, alors la rencontre remonte au début de ma vie d’adulte. Et nous avons eu une relation qui était, je dirais, essentielle, dès le tout début. Il ne s'agissait pas des choses que nous nous disions, c’était plutôt ce qui ce passait quand nous étions près l’un de l’autre. Quelque chose se passait. Qui embrasait l’imagination des gens; qui embrasait ma propre imagination et mes propres rêves. Qui m’a donné envie d’écrire des chansons pour ce saxophone et le son qui lui est attaché.

Perdre Clarence, c’est comme perdre quelque chose d’essentiel. C’est comme perdre la pluie, ou l’air. Et c’est une partie de la vie. Les courants de la vie affectent même le monde onirique de la musique populaire; il n’y a pas d’issue. Et c'est donc quelque chose qui va manquer.

Nous avons la chance d’avoir du monde autour de nous: nous avons Eddie Manion, qui avait déjà joué auparavant avec le Sessions Band, Southside Johnny et avec notre groupe; et le frère de Clarence a un fils qui, en 1988, est venu voir son oncle jouer du saxophone. Il y a plusieurs années, Clarence m’avait parlé de Jake, et il a été sur la route avec nous sur une partie de la dernière tournée, et il joue très bien. Il a pas mal côtoyé le groupe et en comprend l’esprit. Nous étions avec Clarence, la semaine de sa mort, et il y a une bonne connexion musicale et spirituelle avec Jake. Alors, j'en suis excité. Je pense que sa présence va s’ajouter à la nouvelle conversation que nous allons avoir avec le public, quand nous monterons sur scène.

J’ai entendu dire que vous alliez avoir toute une section de cuivres pour la tournée - il faut toute une section de cuivres pour remplacer Clarence.

En effet - il faut un village pour remplacer Big Man ! Il faut beaucoup d’hommes [rires] ! Alors, nous ferons de notre mieux.

Pensez-vous que cette absence va changer quelque chose dans votre personnalité scénique ?

Je ne sais pas. Elle va tout changer, un peu - ou beaucoup. La portée de la musique sera toujours la même, mais c’est une grande perte. A chaque fois que vous perdez… Vous savez, nous avons perdu Danny [Federici], et ce sont des personnes que vous avez fréquentées pendant 35 ou 40 ans, et nous avons aimé leur présence, vous comprenez ? Mais vous avancez. La vie n’attend pas.

Il a donc fallu remplacer Clarence, vous avez remplacé Max par son fils sur quelques concerts…

Exact. Je travaille sur mon remplacement maintenant, et je vais rester à la maison. Je serai chez moi, et quelqu'un d’autre le fera [rires].

Lors de la dernière tournée, vous avez rendu hommage à Joe Strummer, et vous avez montré votre soutien à Gaslight Anthem, et il semble que vous soyez encore un immense, un immense fan de musique. Je me demandais, quand vous repensez à la musique que vous adorez, quels sont les quatre ou cinq groupes avec lesquels vous aimeriez commencer et finir ?

La musique que j'adore ? Oh, la vache… J’ai horreur de parler d’eux à voix haute. Parce qu’en vérité, il y en a tellement. Je dirais qu’une des choses les plus fantastiques en matière de musique, c’est de connaitre une autre personne aussi dingue que vous. Pour moi, ce serait Steve [Van Zandt]. Steve et moi, depuis notre adolescence, nous avons partagé une histoire d’amour folle et intense avec la musique rock. Si un gars changeait la manière de se coiffer, s’il changeait sa tenue… la musique pop n’est qu’obsession du détail. C’est un monde de symboles, et vous vivez et mourrez sous son épée, pour le meilleur ou pour le pire. Mais c’est aussi très amusant, c’est amusant de se disputer sur ce thème et c’est amusant d’en débattre.

Alors, une des grandes chances a été ma complicité avec Steve dans ce domaine, et avec Jon aussi. Jon était un autre fou - pour qui la musique représentait tout. C’est la chose la plus importante. Il faut avoir un ami ou un copain qui, en quelque sorte, vous accompagne dans votre folie et qui sache la raison pour laquelle vous pouvez passer trois heures à discuter de ces choses-là. Je me souviens de Steve et de moi, dans un bus pour New York, cherchant à savoir qui était meilleur à cette époque-là, Led Zeppelin ou le Jeff Beck Group. L’ancien Elvis, le nouvel Elvis. Cette histoire ne s’arrête jamais. Elle continue encore jusqu'à aujourd'hui. C’est une grande bénédiction. Je vous souhaite à tous d’avoir un bon partenaire de rock’n’roll.

Quand vous étiez plus jeune, vous pouviez passer une année entière en studio, à vous torturer sur un son de batterie. Maintenant, vous sortez un disque tous les deux ans.

Maintenant, je me torture, tout simplement. Ce n'est pas quelque chose de spécifique [rires]. C’est la vie d’adulte. Quand vous êtes adulte, vous n’avez pas à vous inquiéter autant...

Est-ce que ça signifie que vous n’essayez pas d’écrire le "grand roman américain", dont chaque disque serait un chapitre ?

Vous essayez avant tout de faire un bon disque. Vous essayez de faire un disque qui ne gaspillera pas le temps des gens. Vous essayez d’être un courtier honnête vis-à-vis de vos fans - si je leur demande de l’écouter, il faut que je sois certain que c’est tout ce que j’ai, au moins à ce moment précis. C’est la raison pour laquelle je pense que ma relation avec mon public demeure aussi vivante et aussi présente.

Vous êtes toujours là, à essayer d’atteindre la lune, mais de manières différentes. L'idée n’a pas réellement changé. Nos intentions sur cet album étaient ni plus ni moins les mêmes que celles que nous avions sur Born To Run ou Nebraska. Mon intention est de faire, disons, ce que Bob Dylan a fait pour moi, ouvrir la porte de votre esprit et votre corps à coups de pieds, et de vous donner envie d’avancer et de penser, d’expérimenter et de vous mettre en colère et de tomber amoureux et d’atteindre quelque chose plus grand que vous et de ramper dans quelque chose de plus petit, aussi [rires]. C’est la description du travail. C’est la raison pour laquelle les gens vous donnent leur argent: ils vous donnent de l’argent pour quelque chose qui ne s’achète pas. C’est l’astuce. Et c’est ce que vous êtes sensé livrer. On vous paye pour quelque chose qu’on ne peut pas acheter; quelque chose qu’on ne peut que manifester et partager. C’est à ce moment-là que vous faites un bon boulot.

Puis-je vous poser une question sur la colère ? Sur la colère que vous ressentez peut-être, la colère qui semble tellement présente en Amérique au cours des quatre ou cinq dernières années, cette colère qui s’est manifestée dans le Tea Party… Cette colère vous atteint-elle ? Et où en voyez-vous l’origine ?

Je pense que notre opinion politique découle de notre psychologie, que ça nous plaise ou non. Et notre psychologie, évidemment, provient de nos premières années d'apprentissage. Alors, mon expérience en grandissant - entre ma naissance et l’âge de 18 ans, j’ai grandi dans une maison où ma mère était le soutien de famille principal et elle travaillait très dur chaque jour. Mon père se démenait pour trouver du travail, et j’ai vu que c’était profondément douloureux et que cette recherche créait une crise de masculinité chez lui, et que cette chose était irréparable à la fin de la journée.

Ces conditions existent aux États-Unis à l’heure actuelle, où vous avez une économie de services prenant le pas sur une économie industrielle. Vous avez beaucoup de personnes qui travaillaient dans l’industrie et dont les emplois ont disparu, et qui n’arrivent pas nécessairement de ces emplois industriels avec les compétences pour évoluer vers une économie de service. C’est un monde très, très différent. Et vous avez donc pas mal de foyers où l’homme n’est plus le soutien de famille principal.

Je pense que le manque de travail créé une perte d’identité. Le travail créé un sens d’identité considérable, comme je l’ai vu chez ma mère. Ma mère était une figure imposante et enthousiasmante, de la manière la plus positive qui soit, et j'ai beaucoup puisé en elle dans ma façon de travailler. Elle était mon exemple de travail: simplement loyale, simplement acharnée. Mais j’ai aussi beaucoup puisé dans les conséquences. Quand votre père n’a pas ces choses-là, votre maison finit par ressembler à un champ de mines. Et c'est grossier de bien des manières - un immense désarroi émotionnel.

Donc, je l’ai plus ou moins perdu, et je pense que la plupart de la colère qui est apparue dans ma musique, dès le premier jour, vient de cette scène particulière. En vieillissant, je ne considère pas uniquement les raisons psychologiques de notre maison, mais les forces sociales qui ont joué sur notre foyer et qui nous ont rendu la vie plus difficile. Et ça m’a guidé dans une grande part de mon écriture.

Je suis indirectement motivé par les évènements de la journée: c’est injuste; c’est du vol; c’est contre ce en quoi nous croyons; ce n’est pas ce qui définit l’Amérique. Mais la motivation la plus profonde - et les raisons de poser ces questions finalement - provient de la maison dans laquelle j’ai grandi et des circonstances qui s’y trouvaient, qui se reflètent à l’ensemble des États-Unis, avec le niveau de chômage que nous avons à l’heure actuelle. C’est ravageur. Il faut que les gens travaillent. Le pays devrait s’efforcer d’atteindre le plein emploi. C’est la seule chose qui apporte le sens d’identité et d’estime de soi, et le sens du lieu, un sens d’appartenance.

Il y a des moments dans les nouvelles chansons où vous appelez presque à l’insurrection. Entrevoyez-vous réellement cette sorte de réponse en Amérique ?

Et bien, il s'est passé une chose positive aux États-Unis: il ne fait aucun doute que le mouvement Occupy Wall Street, aux États-Unis, a été décisif dans la modification du dialogue national, un dialogue qui est bloqué depuis des décennies, principalement à cause de la Droite. Le Tea Party a donné le ton pendant un bon moment, et si vous avez vu les premières années de la présidence d’Obama, il travaillait en quelque sorte sous la tonalité nationale définie par le Tea Party.

Dès l’instant où le mouvement Occupy Wall Street a démarré, les gens se sont tout d’un coup mis à parler d'inégalité économique. Au cours des deux dernières décennies, personne n’a réussi, aux États-Unis, à faire parler quiconque sur l’inégalité économique. Vous avez des hommes politiques qui ont essayé - John Edwards a essayé avec ses "deux Amériques" - mais ils n’ont pas été suivi. Le mouvement travailliste n’a pas réussi à mettre ce thème précis à l’ordre du jour. Mais les gens dans la rue le font, et ça marche. Ça marche. Et si vous observez aujourd'hui la situation, vous avez Newt Gingrich qui traite Mitt Romney de vautour capitaliste [rires]. C’est impossible ! En dix millions d’années, ce ne serait jamais arrivé, sans Occupy Wall Street. Où ce mouvement les mène-t-il à présent ? Je ne sais pas, et ils doivent être prudents; c’est une danse très délicate et vous ne voulez pas aliéner les gens à qui vous vous adressez. Vous pouvez déraper. Mais c’était, sans aucun doute, très important dans le changement de teneur du dialogue national. Si vous allez aux États-Unis aujourd'hui, on parle des 1% et des 99 %; vous avez des gens qui parlent d’inégalité économique, et ce qu’on peut faire, pour la première fois depuis un très, très, très long moment.

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J’aimerais parler de votre vision du patriotisme américain, qui a toujours été inclusif et généraliste: peu importe l'endroit d’où vous venez, vous pouvez monter dans le train. Et puis, vous regardez l’Amérique et la manière dont le Tea Party polarise un côté, et il existe des gens qui ne croient même pas qu’Obama est américain. Pensez-vous que le système politique est réellement, irrémédiablement, endommagé ? Pouvez-vous réellement avoir des États "Unis" ?

Je ne sais pas. Je pense que le problème est là: nous avons détruit l’idée d’un terrain de jeu égalitaire. Il y a eu des études récentes qui démontrent que, suivant l'endroit d’où vous venez, non, vous ne pouvez pas monter dans le train. Il y a eu une étude récemment qui disait que les gens étaient prisonniers de la strate dans laquelle ils étaient nés. Si vous êtes né au sommet, vos chances de progresser sont formidables, et si vous êtes né dans la difficulté, plus souvent que le contraire, c’est là que vous allez devoir rester. C’est donc une grande promesse qui a été brisée.

Il y a un point critique où une société s’effondre. Vous ne pouvez pas avoir de civilisation là où la société repose sur autant de dissensions - c’est tout simplement impossible. Les gens doivent être solidaires; le bien-être de tous doit être solidaire. C’est donc un immense, immense défi. Le taux de chômage se réduit un peu maintenant, ce qui est bien, mais il va falloir beaucoup de temps pour se rapprocher du taux de chômage que nous avions il y a quelques années. Est-ce irréparable ? Je ne connais pas la réponse à votre question.

J’ai lu quelque part que vous travailliez sur votre autobiographie. Est-ce vrai ? Et où en êtes-vous ?

J’en ai écrit un morceau, et puis je me suis arrêté pendant deux ans. Je ne me suis pas attardé dessus depuis un bon moment. C'est une de ces choses... J’ai écrit un petit peu, et puis je vois dans le journal que tous les autres écrivent la leur, et vous ne voulez donc pas être un poisson rouge de plus dans le bocal. Du genre : hé, Pete Townsend ! Il y en a une qui arrive ! Neil Young ! Il en a une qui arrive… ahhh et merde, au diable cette autobiographie ! [rires]

Quel titre lui donneriez-vous ?

Le… Plus Bel Homme du Show Business [rires]. Non, je n’ai aucune idée. Mon Histoire ! … Je Crois ! Il se peut que je l’appelle ainsi. Selon Moi [rires]

J’étais curieux de savoir comment à travers les années, à travers tous vos albums, vous parvenez à rester encore en contact avec les préoccupations de votre public ? Concrètement, êtes-vous impliqué dans votre communauté locale ?

On peut penser que ce pourrait être difficile, mais ce n’est pas mon avis; je crois que vous pouvez le rendre difficile. Nous avons des associations avec lesquelles nous travaillons depuis 25 ou 30 ans dans chaque ville et dans ma localité. Mais vraiment, je pense que la réponse à votre question, et on me le demande souvent, c’est que vous devez rester intéressé et éveillé. Vous devez rester en alerte. Vous devez écouter en permanence - et être intéressé par ce que vous écoutez - ce qui se passe chaque jour. Vous devez continuer à vous intéresser à la vie et à la manière dont le monde évolue. Vous devez être vigilant et à l’écoute - ce serait la meilleure manière, je dirais.

En tant qu’auteur, la façon dont j’écris, c’est comme être affamé. C’est la pulsion de l’écriture. La pulsion de l’écriture est la même que celle de la faim ou du sexe - c’est ainsi. Ce n’est pas quelque chose qui dépend de votre réussite commerciale. Je veux dire, je le ferais gratuitement. Je suis heureux qu’on me paye, mais c’est quelque chose que je faisais gratuitement avant d'être payé.

Et donc, je suis en quête permanente - l’auteur recherche quelque chose contre lequel se révolter. Tom Stoppard, le dramaturge, a un jour dit qu’il enviait Vaclav Havel, parce qu’il avait tant de choses contre lesquelles s’opposer, et sur lesquelles il écrivait si superbement. Je préfèrerais éviter la prison si c’est possible, mais j’ai compris son propos. Vous avez besoin de quelque chose qui vous fasse reculer et vous avez tendance à réaliser votre meilleur travail quand vous avez quelque chose contre lequel vous pouvez vraiment, vraiment vous opposer. Et aux États-Unis, j’ai eu de quoi m’opposer au cours de ces 30 dernières années, mais c’est devenu bien plus critique au cours des quatre dernières années. Pour ce disque, il y avait donc assez de sujets sur lesquels écrire.

Je voudrais vous poser une question sur votre chant. Vous avez une gamme étendue maintenant - vous pouvez aller d’un falsetto très aigu à une voix forte et basse. Pensez-vous que vous progressez encore ?

[Il chante avec une voix de falsetto] Oui, oui, oui… [il chante bas] Oui [rires] Bizarrement, aux alentours de 40 ans, j’ai tout d’un coup pu chanter avec une voix aiguë. Je ne sais pas trop pourquoi. C’était plus dur quand j’étais jeune. J’ai un peu plus la possibilité de chanter en falsetto maintenant, une possibilité que je n’avais pas avant. Regardez Tony Bennett: Tony Bennett a 85 ans et il chante encore. Il chante encore bien. Alors, je pense que c’est une question de chance, et puis il faut que vous ayez quelque chose que vous mourrez d’envie de chanter.

Pensez-vous avoir plus de pouvoir en tant que musicien que si vous étiez un homme politique ?

Un homme politique ? Non. Je ne pourrais jamais être un homme politique. Je n’en ai pas le talent, tout simplement. Tout ce que j’ai étudié, c’est pour apprendre à mieux faire mon boulot de musicien, et aussi comprendre l’arc de ma propre vie et la vie de ma famille - une famille d’immigrés qui est arrivée aux États-Unis. J’ai pensé qu’il y avait quelque chose de commun, que si je comprenais cela me concernant, je pourrais peut-être éclairer un aspect de votre vie. C’est tout ce que je fais. Je ne suis intéressé par aucun autre boulot, vraiment, et je ne pas d’autres compétences. Alors, j’espère continuer à avoir autant de "pouvoir" que possible en tant que musicien [rires].

Je sais que vous avez déjà un peu parlé de Clarence, mais je voulais vous demander, par rapport à la réalisation de cet album, si le décès de Clarence avait eu un effet dessus ?

Le disque était en grande partie terminé; 95 % était terminé, et ce n’était pas un disque avec le E Street Band. C’était principalement un projet solo. Donc, son décès n’a pas directement influencé le disque. Ce disque a pris une inclinaison musicale complètement différente. Nous avons eu de la chance de l’avoir sur Land Of Hope And Dreams, ce qui est essentiel - vraiment essentiel. Quand il commence à jouer, c’est un merveilleux moment pour moi.

Il y a deux ans à Glastonbury, vous avez rejoint sur scène un petit groupe du New Jersey qui s’appelle The Gaslight Anthem. Est-il exact que vos fils vous font écouter de nouveaux groupes ?

Oui. Vous savez la musique, c’est une histoire de famille. Bien sûr, vous êtes toujours soucieux que vos enfants puissent… Je veux dire: c’est le boulot de maman et papa, comment pourraient-il trouver ça cool ? Je le dis toujours, vos enfants ne seraient pas gênés de voir 60 000 personnes vous huer, mais qui veut voir 60 000 personnes acclamer ses parents ? Personne ne veut le voir - peu importe que vous soyez un gamin formidable, vous ne voulez pas le voir. Qu’ils se fassent huer, c’est intéressant.

Mais il s’est retrouvé avec un formidable goût musical et un grand appétit musical, et il a simplement commencé à me dire, "Hé, Papa, viens ici. Écoute ça". Alors, j’ai vraiment écouté beaucoup de musique: Gaslight Anthem, Dropkick Murphy’s, Bad Religion, Against Me !... Beaucoup de jeunes musiciens grâce à ses conseils. J’ai fait quelques concerts avec lui, et nous avons passé de bons moments, c’est une chose agréable à partager.

Je voudrais vous poser une question au sujet de votre méthode d’écriture. Préservez-vous du temps chaque jour pour écrire ? Et pouvez-vous nous parler de la manière dont vous vient l’inspiration ?

Je ne me réserve pas du temps chaque jour pour écrire. J’écris quand j’ai une étincelle, et puis je le fais sur mon temps libre. Je travaille à la maison, il y a donc toujours quelque chose à faire - quelqu’un à aller chercher à l’école, quelqu’un à déposer à l’école. Mais l'écriture ne me prend pas beaucoup de temps, comme par le passé. Ces chansons ont toutes été écrites… We Take Care Of Our Own, Shackled And Drawn et Rocky Ground me sont venues pour un album gospel auquel je pensais. Et puis, les autres choses sont venues très vites, les unes après les autres, dès que j’ai trouvé la voix que j’allais utiliser. Easy Money et les autres chansons sont venues assez vite, un jour à la fois.

Ce qui caractérise l’écriture, c’est en grande partie l’attente. Vous pouvez attendre une année pour écrire quelque chose de bon. Alors, il faut que vous soyez doué pour attendre. Et je peux écrire beaucoup pendant ce temps-là - j’ai écrit 30 ou 40 chansons avant celles-ci, simplement pour garder la main.

L’inspiration, si c’est ainsi que vous l’appelez, c’est comme une visitation. Quelque chose arrive soudain, c’est comme des planètes qui s’alignent : les moments, ce qu’il y a dans l’air, ce qui est en vous, il y a votre art, vos compétences… et soudain tout se connecte. Et boum ! Si ces éléments ne s’alignent pas, rien ne se passe. Quand tout se connecte - quand les moments, vous, votre histoire, l’histoire qui est réelle, là, à un moment donné, ce qui se passe dans le monde, votre art, vos compétences s’alignent de cette façon-là - tout explose, tout sort et alors de bonnes choses arrivent. Avec chance. Vous attendez longtemps qu'un tel moment se produise.

Une dernière question. S’ils devaient refaire Les Soprano, rejoindriez-vous Stevie ? Quel rôle vous conviendrait ?

Je n’ai aucun talent d’acteur. Voici tout ce que je peux faire, et je vais le faire là maintenant. Alors vous voyez, ce serait assez terne. Mais Steve, en revanche, il est naturellement hilarant, comme depuis le jour où je l’ai rencontré. Il était très nature. Je vais en rester à la musique pour le moment.

Avant de partir, juste une faveur personnelle… Pouvez-vous faire encore ce falsetto ?

Je ne serai pas aussi bon qu’Obama. Obama chante bien. Vous avez vu ça ? [il chante en falsetto] Let’s Stay Together. Je n’y arrive pas [rires]. Il est meilleur que moi.

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NOTES

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